Table des matières

Table des matières
 
Anne-Gaëlle Weber
5
   
Des belles lettres à la littérature
 
Claudine Nédelec
 
15
Nicolas Correard
 
28
Anne-Gaëlle Weber
 
47
Simona Gîrleanu
 
68
Sophie-Anne Leterrier
 
82
Stéphane Zékian
94
   
Définitions croisées
 
 
Hugues Marchal
 
112
Frédéric Brechenmacher
 
135
Ingrid Lacheny
 
162
Bertrand Marquer
178
   
Reconfigurations
 
 
Nicolas Wanlin
 
188
Jérôme David
 
203
Anne-Rachel Hermetet
 
210
Amelia Gamoneda Lanza
221
 
 
 
 
 
 
 



Préface Éléments pour une histoire de la séparation des sciences et de la littérature




Fractures et jointures entre bonnes et belles lettres au XVIIe siècle

Le XVIIe siècle a vu croître la dissociation, à la fois théorique et pratique, dans l’expérience individuelle comme dans les institutions culturelles, entre ce qui relève du savoir savant et ce qui relève de l’esthétique, les Sciences (au sens large, y compris la science critique des textes, la philologie) et les Arts : d’un côté des sciences qui, mettant en doute la « littérature » au sens de la chose écrite, s’appuient de plus en plus sur le raisonnement critique, l’observation et l’expérience, la lecture des sources premières, à la recherche du vrai et des idées claires et distinctes ; de l’autre une littérature (au sens moderne cette fois) de plus en plus nettement définie comme fiction ornée, devant passer par le plaisir pour instruire, et vouée au vraisemblable. Si l’on adopte le vocabulaire de Charles Sorel, dans sa Bibliothèque française (1664-1667) , on assiste alors à la séparation entre les bonnes lettres, lieu de la « doctrine » (c’est-à-dire des savoirs), et les belles lettres, lieu de l’agrément.
L’histoire des institutions le confirme. La création en 1635 de l’Académie française, à qui l’on donne pour charge de produire un dictionnaire, une grammaire et une poétique, manifeste la volonté politique de soutenir avant tout « ceux qui écrivent bien en notre langue » par rapport aux préoccupations encyclopédiques, tout autant scientifiques que littéraires, voire davantage, des cercles d’érudits, notamment celui des frères Dupuy dont l’Académie est issue. Cela peut-être parce que les sciences du début du siècle sont le lieu d’âpres débats, entre les observateurs et les partisans des avancées épistémologiques modernes et le parti religieux, appuyé sur et par les aristotéliciens purs et durs, débats dans lesquels le politique n’a guère à profiter. Au contraire, il apparaît urgent à Richelieu de renforcer l’imposition d’une langue française normée à l’ensemble du territoire et de soutenir la création littéraire, instrument de propagande et source de prestige international : comme le dit Alain Viala, le choix de l’État alla d’abord davantage vers la « promotion des arts verbaux » (les belles lettres, ce qu’il appelle les Sirènes) que vers la doctrine et érudition (les bonnes lettres, les Muses à l’antique) . Si, après la mort des frères Dupuy, le « Cabinet Dupuy », et bien d’autres savants, continuent (avec prudence dans certains domaines) leurs efforts pour la connaissance de la nature et l’exploration de la diversité de ses phénomènes, il faudra attendre 1666 pour que Colbert crée l’Académie des Sciences, qui est vouée à s’occuper « à cinq choses principales : aux mathématiques, à l’astronomie, à la botanique ou science des plantes, à l’anatomie et à la chymie » , sous l’égide d’un cartésianisme qui convainc de plus en plus de savants, manifestant ainsi clairement, en tout cas dans l’ordre des institutions d’État, comme des institutions culturelles (le Mercure galant, fondé en 1672, fait pendant au Journal des Savants, fondé en 1665) la dissociation des sciences et des lettres.

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Les satires ménippées de la science nouvelle : la littérature comme avenir de la sagesse ?




Le Roman de la Terre au tournant des XVIIIe et XIXe siècles




Le parti pris des mots : « lettres », « littérature » et « science » au tournant des XVIIIe et XIXe siècles




(Re)configurations académiques : entre politique et savoirs




Les lettres, les sciences, les barbares. Questions sur une controverse de 1816




L’histoire d’une histoire : reprise, diffusion et abandon d’une découverte botanique et poétique




Récits de mathématiques : Galois et ses publics




Le conte fantastique d’E.T.A. Hoffmann (1776-1822) à la lumière de Théophile Gautier (1811-1872)




Nosographies fictives. Le récit de cas est-il un genre littéraire ?




Évolutionnisme et modèles d’interdisciplinarité : Haeckel, Quinet, Symonds et Spencer




Littérature et science sociale au XIXe siècle (note sur un parcours de recherche)




« Il y a de la grandeur dans cette conception de la vie » : Théories de l’évolution et fiction britannique contemporaine (Byatt, Mc Ewan) 




Le miroir qui décrit. Lecture Neurocognitive de La Jalousie de Robbe-Grillet




Quatrième de couverture

 
Les études réunies dans ce volume résultent du projet de recherche ANR-Jeunes Chercheurs « HC19 » et de deux manifestations scientifiques. Consacré à l’ « Histoire croisée des sciences et des littératures au XIXe siècle », le projet avait pour visée d’interroger les écarts possibles entre les critères de scientificité et de littérarité usités par les savants et les écrivains français pour définir, l’une par rapport à l’autre, leurs propres démarches. Les chercheurs de l’équipe ANR ont souhaité, au cours des deux manifestations, mettre leurs résultats et leurs présupposés à l’épreuve d’autres aires géographiques et d’autres ères historiques. Comment tenir compte de l’extrême variété des sens des mots de « science » et de « littérature » pour interroger l’histoire de leur séparation ? Le passage du système des « belles lettres » à celui de la « littérature » permet-il réellement de fixer l’origine historique de cette séparation ? Convient-il de subsumer l’étude des rapports entre les deux sphères sous des catégories plus générales telles que les « imaginaires », ou de considérer que les liens entre science et littérature jouent un rôle spécifique pour l’histoire de chacune de ces disciplines ou sont archétypales de certaines évolutions culturelles ? Peut-on ou doit-on échapper à l’illusion rétrospective lorsqu’on analyse, à partir des disciplines et des catégories qui sont les nôtres, les « sciences » et les « littératures » passées ? Qu’apporte la science au discours critique ? Ce volume ébauche un certain nombre de réponses à ces questions, à partir d’études de cas.