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Espaces et parole intérieure en prison

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L’espace constitue, avec le temps, une catégorie qui structure notre rapport au monde. Dans une démarche d’analyse des productions verbales, l’espace apparaît souvent non pas comme un objet de réflexion que l’on définirait en soi mais plutôt comme un paramètre de la situation d’énonciation. Pour Benveniste, il existe « deux catégories fondamentales du discours » : le « moi par rapport à toi et lui » (« Le langage et l’expérience humaine », 1998, 67) et le temps. L’espace n’est pas considéré en tant que tel. Il intervient dans le cadre de l’étude de l’ancrage spatio-temporel pour analyser un discours donné (1998, 79-88). Autrement dit, un discours est toujours situé dans un temps et un lieu de production précis, énoncé par un locuteur, adressé à un co-locuteur présent ou implicite et reconstruit (2000, 260).

Dans le cas d’une parole qui n’est pas adressée, les paramètres de l’énonciation tels qu’ils sont définis pour appréhender la parole extériorisée sont-ils directement transposables ? L’analyse de l’espace comme objet d’étude en soi ne permet-elle pas de mettre en valeur les spécificités de la parole intérieure ? En ce sens, nous prenons le contrepied de la définition de l’espace proposée par Victor Egger  dans La Parole intérieure (1881, 110) :

[…] en affirmant l’espace, nous affirmons le non-moi ; en affirmant la durée, nous affirmons le moi : l’inétendu qui dure, c’est le moi : je suis une pure succession ; les faits qui ne sont ni étendus ni localisés, mais qui ont une durée propre, des antécédents et des conséquents, ce sont mes faits, et les faits à la fois étendus et successifs ou la succession des faits étendus, c’est le monde extérieur en tant que je le connais, c’est le non-moi dans son rapport avec le moi.

Si pour Egger, la notion d’espace renvoie nécessairement à l’extériorité, et à ce que je ne suis pas, nous définirons à l’inverse l’espace comme une catégorie structurante à la fois de notre rapport au monde et de notre parole, extériorisée ou intérieure. Les études récentes établissant un lien entre parole intérieure et espace intérieur, en psychologie ou en neurosciences, se situent souvent dans le cadre d’une réflexion sur les hallucinations auditives, verbales ou visuelles. Dans le cas des hallucinations auditives, inner space s’oppose à outer space pour distinguer en réalité voix intérieure et voix extérieure (voir par exemple Massoud et al. 2003 ; MacCarty-Jones et al. 2012). L’espace est également convoqué en tant qu’espace mental. Dans ces études, l’espace est utilisé dans un sens métaphorique. La représentation de l’espace reste relativement peu étudiée et n’intervient en neurosciences qu’à travers la question de l’orientation dans l’espace, de la proprioception ou de la compréhension (lecture ou compréhension orale). Le lien avec la parole intérieure n’est guère effectuée (ou reste métaphorique). À l’inverse, notre propos est plutôt d’analyser des représentations d’espaces, réels ou fictifs, en parole intérieure. Nous allons donc considérer les catégories du temps et de l’espace, en tant qu’elles peuvent structurer notre rapport au monde extérieur ou nos représentations intérieures.

La présente étude se situe dans le cadre d’un programme de recherche interdisciplinaire, Monologuer, qui comporte actuellement une quarantaine de chercheurs, en France et à l’étranger. L’un des objectifs est d’analyser la parole intérieure à travers la comparaison entre des corpus de vie réelle et des corpus artistiques. Dans Monologuer, l’interdisciplinarité (de la philosophie et la littérature aux neurosciences) se construit à partir d’une discipline socle, en l’occurrence la linguistique. L’enjeu est double : d’une part, la parole intérieure n’est généralement pas abordée en linguistique[1].  D’autre part, la parole intérieure, « envers non formalisable du projet scientifique de la linguistique »  (Bergounioux, 2004, 60), en déplace les cadres et en remet en cause les instruments, comme l’a montré Gabriel Bergounioux :

Dès lors que la linguistique ne savait plus ce que voulait dire parler, puisqu’à la dynamique des interactions était préférée la détermination des structures phonologiques ou syntaxiques, se trouvait entérinée une disjonction de l’ontologique et du linguistique, du locuteur et de sa parole, du sujet et du parlant. De la parole, il n’était tenu compte qu’à proportion de ce qu’elle était enregistrée et reportée, quand elle se présentait réduite à pas beaucoup plus que des tracés acoustiques en sorte que son principal emploi, endophasique, en vienne d’avance à être éliminé.
Partant au contraire de l’évidence qu’on se parle, on voudrait montrer en quoi la réintégration de l’endophasie dans la théorie linguistique, et plus généralement dans le champ des sciences sociales, prélude à une critique des problématiques établies.

Les enquêtes Monologuer se fondent sur un protocole (voir l’article de Smadja, dans ce même volume et l’ouvrage à paraître) comportant deux entretiens semi-directifs (entretien 1 et entretien 2), séparés par une période de trois semaines à trois mois pendant laquelle le participant est invité à garder trace de sa parole et de sa vie intérieures. L’une des enquêtes s’est déroulée en milieu carcéral, sur une durée de quatre mois. Pour des raisons éthiques, l’identité du lieu, des participants comme les dates précises ne seront pas indiquées. La participation à l’expérience se faisait sur la base du volontariat, comme avec les sujets des autres enquêtes. Les deux entretiens ont pris la forme de questionnaires écrits. Chaque participant a reçu un carnet (sans obligation de confier le carnet à la fin de l’expérience). Dix bilans oraux ont ponctué les quatre mois. Les sujets interrogés sont des prisonniers de longue durée de 32 à 67 ans. Le corpus comporte 10 entretiens 1, 5 entretiens 2 et 3 carnets (10, 14 et 25 pages), sous forme écrite. Il n’était pas possible d’introduire un enregistreur en prison. Ces documents sont donc complétés par des comptes rendus détaillés de chaque séance de bilan, de 2 à 8 pages, relatant les échanges et les questions.

Dès la seconde séance, les conditions de vie particulières et l’enfermement ont suscité des commentaires de la part des sujets. L’un des participants soulignait le paradoxe d’une enquête portant sur l’intime dans un lieu où selon lui leur droit à la vie privée est constamment bafoué. D’autres expliquaient les conséquences de l’enfermement sur leur parole intérieure, dans le sens d’une intériorisation de la censure extérieure ou d’une violence accrue. Parmi les facteurs de changement, l’absence de contacts et d’échanges avec autrui, la solitude et le caractère répétitif de leur calendrier ont été évoqués par les sujets eux-mêmes.

Les entretiens écrits et les bilans oraux se sont déroulés à l’occasion de séances collectives. L’incursion du chercheur, donc du monde extérieur, permet aux sujets de recréer un cercle de sociabilité, qui est cependant mis à mal par leurs conditions de vie. En dehors de l’un des sujets, qui vit dans un quartier à régime différencié, encore expérimental, tous les sujets doivent regagner leur cellule peu après 18h et y restent enfermés plus de 12h. Les contacts avec le monde extérieur sont réduits, et strictement surveillés. Les situations d’énonciation sont donc des séances collectives pour les entretiens et les bilans et, souvent, la solitude de la cellule pour le carnet endophasique.

La perception et la représentation de l’espace se déclinent à travers les restitutions de parole intérieure en différents axes : distinction entre la prison et le monde extérieur, entre des espaces au sein de la prison, importance des lieux de transition ; les espaces présents et les espaces passés ; les espaces symboliques créés et recréés. Ainsi, dans ce contexte, l’espace intérieur apparaît-il central dans la (re)construction de la représentation de soi.

1. Perceptions et représentations intérieures des espaces carcéraux

La prison est-elle un lieu particulièrement propice au développement de la parole intérieure ? L’enfermement en cellule, au moins 12h par jour, et la rareté ou l’absence d’interactions avec le monde extérieur favorisent l’activité langagière entre soi et soi. Dès la deuxième séance de bilan oral, les participants manifestent leur souffrance et l’impact de leurs conditions de vie sur leur parole intérieure. Ils soulignent que, pour la plupart, de 19h à 7h, ils sont tous enfermés dans leur cellule sans possibilité d’en sortir et que pour certains, la parole intérieure tourne alors en boucle et explose au petit matin. Il arrive que lorsque des gardiens ouvrent une cellule, le prisonnier les agresse, tant la violence, verbale ou autre, s’est accumulée pendant la nuit. De plus, expliquent-ils, ils n’ont guère l’occasion d’interagir entre eux ou avec les gardiens : si, par exemple, ils croisent un gardien ou un prisonnier, ils échangent souvent juste un bonjour et une phrase, banale. Ils insistent aussi sur une seconde barrière : le caractère hétérogène de la population carcérale, aux origines socio-culturelles très diverses. La parole extériorisée semble donc réduite à la seule fonction phatique. La cellule devient le lieu par excellence de la pratique de la parole intérieure mais aussi du monologue à voix haute. Dans l’ensemble, ils évitent de monologuer à voix haute à l’extérieur de leur cellule, de peur que cela ne soit interprété comme un symptôme psychiatrique. Du reste, toujours au cours de la deuxième séance, ils évoquent cette question des symptômes, particulièrement sensible pour eux.

1.1. Représentation de la cellule dans les carnets

Notre propos n’est pas d’analyser la réalité des espaces carcéraux mais la représentation qu’en ont proposée les participants dans leurs restitutions de parole intérieure. La cellule n’est évoquée dans le carnet que de deux façons : soit le mot « cellule » apparaît comme indication du lieu d’écriture, soit, par métonymie, à travers la dénomination d’objets tels que des robinets hors d’état de fonctionner.

D’abord, les participants avaient pour consigne d’indiquer dans leur carnet le lieu, la date et l’heure, puis de noter leurs pensées sur le vif. Autrement dit, il ne s’agit pas pour eux d’écrire rétrospectivement mais de saisir sur le moment même leur vie intérieure. Le passage au code écrit implique une variation entre la parole intérieure et sa retranscription. Il s’agit de se rapprocher au plus près d’une parole intérieure qui par essence demeure inaccessible. La « cellule » est ainsi le seul lieu de notation relevé dans les carnets. Lorsque les participants écrivent en dehors de leur cellule, ils précisent la date et l’heure, mais pas le lieu. Même si elle n’est ni identifiée référentiellement comme lieu de l’intime, ni décrite, la cellule apparaît néanmoins comme l’unique lieu de reconstruction d’un espace intime. Selon le participant 8, cette possibilité paraît menacée : lors du second bilan, il s’énerve à plusieurs reprises contre leurs conditions de vie et affirme que leurs droits sont constamment bafoués, qu’ils sont filmés partout, même aux toilettes. La restitution du ressenti du participant met en exergue l’écart entre l’espace environnant et la représentation intérieure qui en est donnée, puisque selon un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté, datant de 2014, il n’y a pas de caméras dans les cellules.

Ensuite, un dysfonctionnement matériel est signalé dans le carnet du participant 8[2] :

4 / XI : […]
Robinet !

4 / XI : 10h.30 : ROBINET !

Le statut de cette phrase nominale ne comportant qu’un substantif sans déterminant et de surcroît ponctuée est difficile à établir : s’agit-il d’un résumé de la parole intérieure telle qu’elle a résonné dans l’esprit du participant ou un seul mot a-t-il surgi à ce moment-là ? De ce point de vue, le carnet du sujet 8, contrairement aux autres, est ambivalent : il est difficile de savoir s’il s’agit d’un ensemble de notes résumant des événements ou des pensées ou s’il s’agit véritablement d’un carnet de parole intérieure. Toujours est-il que l’instanciation d’un mot prédicatif seul, sans déterminant, souligne le problème matériel, tandis que l’exclamation encode l’agacement du participant. Le caractère paratactique et hautement synthétique de l’énoncé lui confère un haut degré d’expressivité. De plus, sa brièveté n’est pas sans évoquer le modèle syntaxique d’une parole intérieure fondée sur des phrases courtes et inachevées (Vygotski, 1934) comme le rappelle Alain Morin (2012, 436)[3] : « Predicativeness The syntactically compressed, condensed, abbreviated quality of inner speech. In inner speech, the speaker tends to only articulate the predicate, not the subject, for example, ‘hungry’ as opposed to ‘I am hungry.’ »

L’espace privé, déjà restreint à la seule cellule, peut faire l’objet de visites imposées. La violence ressentie de ces intrusions transparaît à travers la brièveté et la récurrence des énoncés nominaux, issus du carnet du participant 8 :

12/X/16 […]
15h.30 : « descente »… 16h… ! (et le 11 aussi)
13/X : […]
15h.30 : « descente »… 16h … !

17/X : 15h.15 (« fouille ») …. […]
FOUILLE (16h…) […]

27/X : fouille 15h …

3/XI : Fouille

À nouveau, la question de savoir si le participant résume sa parole intérieure ou s’il a réellement pensé à un substantif, comme « fouille », se pose. Néanmoins, la fréquence des fouilles, parfois très rapprochées, ne permet guère à ce participant de s’approprier l’espace de la cellule. L’usage des majuscules retranscrit le sentiment de violation dont ce participant a fait état par ailleurs pendant les bilans oraux.

1.2. Les espaces non visibles de la prison

La représentation d’espaces qui ne sont pas visibles dans la situation d’énonciation présente s’oppose aux représentations de l’environnement immédiat des participants. Cette distinction n’est pas sans évoquer la différence établie par Marie-Jeanne Barbéris (1995, passim) entre un espace en idem et un espace en ipse, dans une thèse consacrée aux représentations des espaces urbains. Elle suggère un parallèle entre représentations de soi et représentations spatiales : l’idem ne présuppose pas de distinction entre ici et ailleurs, personne et non-personne, tandis que l’ipse se construit à partir d’un écart entre le même et l’autre, ici et ailleurs, personne et non-personne. Ces espaces auxquels le participant n’a pas accès dans l’immédiat font ainsi l’objet d’interrogations et de spéculations sur ce qui s’y passe, ce qu’« il » ou « ils » y font, comme en témoigne le carnet du participant 1 :

21-10. 201*
9h45
Non, je ne suis pas dans
Les forces spéciales.
Pourquoi je me pose
autant de questions.
Mais où va T’il celui-là ?
11h18 où il est partit
celui-là ? !!!

Contrairement aux autres espaces, qui sont posés de façon thétique, l’espace est évoqué ici à travers le pronom interrogatif « où » qui présuppose l’existence d’un lieu en attente d’identification référentielle et de caractérisation précises. Il semble ici que l’intérêt pour tout mouvement vers un espace autre que celui dans lequel on se trouve soit exacerbé. La restriction de l’espace provoque comme un suspens de la parole intérieure et le participant passe ensuite à un autre sujet.

L’enfermement en prison ne retranche pas seulement le sujet du monde extérieur, il produit aussi une distinction entre des espaces internes à la prison, accessibles pour les uns, interdits pour les autres et donc déclencheurs de spéculations. Si les échanges extériorisés étaient possibles, ces espaces inaccessibles donneraient peut-être lieu à des commérages. En l’occurrence, la rareté des communications interpersonnelles favorise une forme de rumination spéculative. Bien plus, l’impossibilité de se déplacer librement et l’absence de contrôle de l’environnement semblent anxiogènes, comme le montre le même carnet :

30-11-201* 12H00
J’ai froid et le Soleil
brille. Comme je suis
fatigué. Que fou le
Surveillant. impossible
de Savoir ce qui ce
Passe là, dedans.

Le mouvement empêché entraîne une ignorance du sujet qui ne peut pas répondre ou trouver des réponses à ses propres questions. La spéculation ne prend pas ici une forme interrogative-percontative mais la négation lexicale initiale, combinée à la majuscule emphatique du verbe « Savoir », souligne bien l’indéfinition de l’espace évoqué. Cet espace peut même symboliquement être associé à un danger potentiel :

2-11-201*
22h00
J’ai franchement flippé
j’ai cru qu’il y avait
encore le feu
Faut que me raisonne
et que je gère.

Le pronom adverbial « y » renvoie, à nouveau, à un espace auquel le détenu n’a pas librement accès. Le participant 1 évoque en effet un incident. Un autre prisonnier avait mis le feu à son matelas, pendant la nuit, ce qui avait suscité l’inquiétude de ses voisins, pour lui mais aussi pour eux : ils craignaient la propagation de l’incendie.

1.3. Espace clos et constructions identitaires

Est-il possible de se construire une identité de prisonnier ? A priori, l’enfermement suppose une rupture dans l’histoire personnelle, qui implique une reconstruction identitaire. La dimension déshumanisante de l’enfermement est vivement relatée lors de la quatrième séance de bilan oral.  Alors que les cellules n’étaient pas encore ouvertes, une crise d’épilepsie s’est soldée par la mort d’un prisonnier, qui n’était pas l’un des participants. Ceux-ci expliquent qu’en l’absence d’interphone dans leur cellule, le seul moyen de prévenir d’un problème de santé est de hurler. Ils l’ont fait, mais trop tard. L’émotion est vive. Le médecin n’est pas arrivé à temps. Cette absence de moyens de communication est très angoissante pour les participants. De 19h à 7h, ils sont non seulement coupés du monde extérieur mais aussi du reste de la prison. L’enfermement vécu modifie, pour certains, leur parole intérieure. Ainsi, le participant 3 fait-il état d’une parole intérieure dont la violence s’accentue au point de craindre d’avoir dit à voix haute ce qu’il pense. Par ailleurs, le participant 8 évoque une différence de perception de sa parole intérieure lorsqu’il se trouve en condition de détention normale ou en isolement : « En détention dîte normale, ma parole intérieure diminue à cause de la communication superficielle pendant la journée avec mes “voisins” ».

Pour cette (re)construction identitaire, le miroir acquiert un statut particulier. Le miroir renvoie le reflet de l’image de soi comme projeté dans un espace autre sans que pour autant l’espace carcéral disparaisse. Il permet une sorte de dédoublement. Le sujet est renvoyé à lui-même comme un autre. Le passage du temps et l’impact physique des conditions de vie deviennent perceptibles sur le visage ainsi reflété. Le miroir peut parfois déclencher des ruminations, comme le signale le participant 7 dans l’entretien 1. Lorsqu’on lui demande dans quelles circonstances précises la rumination surgit, il déclare : « Face au miroir ». La parole intérieure est même redéfinie comme un « miroir orale » par le participant 8, dans son premier entretien. À la question « Quelle serait votre définition de la parole intérieure ? », il répond :

Se « regarder » face à un miroir « orale ».

La parole intérieure permet-elle aux perceptions visuelles d’entrer dans un dialogue avec la mise en voix de soi ?

Les objets extérieurs qui permettent à la fois de personnaliser l’espace de la cellule mais aussi d’ouvrir cet espace clos sont parfois récupérés lors de fouilles, comme le suggèrent les extraits suivants :

24/X : LOUVRE : « La Victoire de Samothrace » –
« Les noces de Cana », de Véronèse — Claude Monet :
« le jardin à Giverny »

24/X : Fouille : 3 posters du Louvre :
– La Victoire de Samothrace
– Les noces de Cana, de Véronèse
– le jardins à Giverny, de Claude Monet.

De façon symbolique, les posters du musée du Louvre auraient permis un certain effacement de la frontière entre le monde extérieur et l’univers de la cellule. En effet, les posters auraient pu déclencher dans la vie intérieure du participant une ouverture possible sur un monde culturel extérieur à la prison. Le participant perd ainsi des objets qui font partie de sa construction identitaire.

Les représentations de l’espace élaborées par les participants sont généralement liées, dans les carnets, les entretiens et les bilans, à un empêchement de dépasser la frontière entre extérieur et intérieur. Elles participent ainsi de la complexité des reconstructions identitaires des sujets, sauf dans un cas particulier, le participant 8. Lors du troisième bilan, il commente la difficulté qu’ont certains à être enfermés en précisant que c’est aussi une question d’apprentissage. Dès l’enfance, il est allé en prison d’abord avec sa mère pour rendre visite à son père puis pour rendre visite à sa mère elle-même incarcérée. Plusieurs générations de prisonniers se sont succédées dans sa famille, si bien qu’il est l’héritier en quelque sorte d’une longue tradition de prisonniers politiques.

1.4. Fonctions positives de la parole intérieure en prison

Dans l’ensemble des enquêtes menées dans le cadre du programme Monologuer, les fonctions de la parole intérieure sont tantôt représentées de façon positive tantôt de façon négative. C’est également le cas dans ce contexte carcéral. Le participant 3 lors de la septième séance de bilan, écrit ainsi :

Ma parole intérieure est très déshinibée
désinhibée alors que ma parole extérieure
est extrêmement controlée.
Parfois ma parole extérieure se libère
et prends la place de la parole intérieure

elle permet de contrôler ma colère et sert
à patienter en milieu carcéral, comme
une forme de rumination.

Si la parole intérieure a une fonction d’auto-régulation, attestée par le participant, elle entre également dans un rapport complexe avec la parole extérieure. Tandis que l’auto-censure pèse sur la parole extérieure, la parole intérieure est présentée ici comme « désinhibée ». Dans la seconde phrase, la parole extérieure en fonction sujet est le siège d’une libération qui aboutit à une inversion des rôles actantiels, c’est-à-dire à la fois syntaxiques et sémantico-logiques, pour « prendre la place de la parole intérieure », en fonction objet d’un prédicat qui comporte un sème spatial. Ainsi, la parole du participant 3 oscille-t-elle d’intériorité en extériorité, de contrôle en désinhibition.

La parole intérieure est parfois décrite dans une fonction positive de médiation entre le sujet et la réalité extérieure. Plus encore, il s’agit de la seule voie d’accès à la « véritable réalité », comme l’affirme le participant 8, par écrit, lors du septième bilan :

En prison, […] la parole intérieure joue un rôle déterminant pour garder un
certains contact avec la réalité extérieure, la véritable
réalité, je dit véritable parce que j’ai toujours fait une grande
résistance aux informations médiatiques

« La parole intérieure », en position sujet d’un prédicat actif, acquiert ici une coloration agentive tout en facilitant la perception et la conscience de la réalité extérieure.

D’une façon générale, la représentation des espaces de la prison, qu’ils soient familiers ou non accessibles, n’est pas méliorative. Ainsi, le participant 1 écrit-il dans son carnet :

Quel panier de crabes
Ils sont incapable d’
Admettre leurs erreurs.
Ces connard. […]
Quelle galère. Cet
endroit de merde.

Qu’en est-il dans la représentation des espaces extérieurs ?

2. Représentation des espaces extérieurs

La représentation du monde extérieur apparaît selon trois modalités : l’accessibilité en situation de privation de liberté (tribunal, hôpital)[4], l’inaccessibilité partielle par la médiation de lieux de transition ou d’objets (le parloir, les journaux) et l’inaccessibilité complète, palliée par une reconstruction mémorielle en parole intérieure. La représentation du monde extérieur au-delà des limites symboliques de l’intime ne concerne qu’une partie des participants, ce qui nous amène à souligner une différence dans la représentation de l’espace entre des prisonniers dont les crimes ont une cible collective et les prisonniers dont les crimes ont une ou deux cibles individuelles.

2.1. Seuils, objets et espaces de transition entre la prison et le monde extérieur

Certains des espaces ou des objets représentés, tels que le parloir, la télévision, les journaux, les livres, mais aussi la salle dans laquelle se déroulaient les bilans oraux, favorisent l’irruption indirecte du monde extérieur au sein de l’univers carcéral. Les trois modalités évoquées précédemment sont bien perceptibles à travers la représentation écrite des objets de médiation vers le monde extérieur. Ainsi, les livres et les journaux sont-ils récurrents dans le carnet du participant 8, avec des allusions, notamment à l’actualité politique. L’absence des journaux est vivement regrettée comme le montrent les extraits suivants :

7/XI : NO Le Monde
12/XI : NO Le Monde
24/XI : NO Le Monde !
26/XI : PAS des journaux
28/XI Pas des journaux !
10/XII […]
NO Le Monde
19/I : […]
NO Le Figaro !

Les majuscules emphatiques sur les mots négatifs alternant entre l’anglais et le français ainsi que le point d’exclamation mettent en relief la déception du sujet privé de ce contact avec le monde extérieur. La conscience que le sujet 8 a de lui passe donc fortement par la médiation de différentes sphères qui ne sont pas seulement de l’ordre privé mais aussi de l’ordre public. Le participant 8 construit son monde intérieur à partir d’espaces extérieurs dans un contexte souvent politisé.

À l’inverse, le parloir en tant qu’espace intermédiaire concerne les deux types de prisonniers précédemment définis. Situé près de la porte d’entrée et du premier portique, il constitue un sas entre le monde extérieur et l’univers carcéral. Le parloir apparaît cependant relativement peu, probablement en raison de la faible proportion (ou de l’absence) de visites pour certains. Il fait office de seuil, au même titre que les portes devant lesquelles les participants attendent longuement. En effet, chaque porte est dotée d’un mécanisme de sécurité complexe. Pour passer d’un espace à un autre, il faut parfois patienter devant trois portes successives, attendre que la précédente se referme avant de demander l’ouverture de la suivante. Dans les représentations intérieures des participants, ces seuils sont régulièrement décrits comme des déclencheurs de ruminations. À la question « pourriez-vous donner des exemples précis de rumination », l’un des participants répond, par écrit :

Quand les parloir termine et je pense
au trajet qu’ils vont faire. par example.
« Prochaine semaine »
« il faut changer ça »
« ça c’est pas une vie »

L’espace du parloir est lié à une temporalité cyclique, sans issue pendant la période de détention. Les trois phrases de parole intérieure suggèrent l’absence d’espoir. Elle est dans la première liée à une attente elle-même placée dans une temporalité dont on sait qu’elle est itérative. Dans la seconde phrase, la modalité déontique exprimée par une tournure impersonnelle, qui efface le sujet, achoppe sur l’impossibilité d’actualiser le changement auquel renvoie l’infinitif. La troisième phrase commence par une dislocation (reprise pronominale ça / c’est), suivie par un adverbe de négation « pas », qui nient l’un comme l’autre la possibilité même d’une vie dans de telles conditions. En outre, en quittant le parloir, le participant ne revit-il pas une forme de rupture avec le monde extérieur, qui réactualise l’absence d’espoir et génère en lui les ruminations ?

L’attente devant les portes fermées, autres seuils, intensifie généralement l’activité de parole intérieure. Ainsi, l’un des participants signale-t-il pendant l’entretien 2 :

Ouverture de la porte de « ma » cellule très en retard,
à cause du surveillant(e) de garde particulier. Je suis
poussé à faire du bruit et de parler très fort…

La fonction de la parole intérieure et du passage au monologue à voix haute est ici double. L’une comme l’autre relèvent d’une forme d’auto-régulation, dans la mesure où l’impatience du sujet n’entraîne qu’une activité verbale plus forte, au lieu de se traduire par des gestes. Cependant, l’extériorisation à voix haute est ici ambivalente : la parole n’est-elle destinée qu’à être entendue par le sujet lui-même ou par les gardes ? Ce monologue a ici une visée conative probable, le sujet entend agir sur des interlocuteurs qu’il ne voit pas.

Comme les parloirs, les portes fermées renforcent les fonctions négatives de la parole intérieure, comme le montre cette réponse d’un participant pendant l’entretien 2 à la question sur les conditions de la rumination :

Quand j’attends devant une porte et que
l’on prend le temps pour ouvrir.

Le « je », en position sujet, est impuissant face à l’attente qui lui est imposée par un « on » anonyme et doté d’intentionnalité. Au verbe « j’attends » duratif succède « prendre le temps pour ouvrir », qui établit une relation paradoxale entre un aspect duratif (prendre le temps) et un aspect ponctuel (ouvrir). L’agacement du sujet est généré par le décalage entre le temps mis pour ouvrir la porte et le temps en réalité nécessaire à réaliser cette action.

2.2. Fonction mémorielle de la parole intérieure : les espaces du passé

La parole intérieure permet de franchir d’autres frontières, entre les espaces du présent et ceux d’un passé personnel reconstruit. Le passé, en ce qu’il est révolu et n’existe que dans l’intériorité du sujet, ne constitue pas une véritable ouverture vers des espaces extérieurs. Le carnet du participant 1 a trait à un retour mémoriel qui le replonge dans son enfance, soit dans des espaces relevant de la sphère intime. L’espace d’écriture permet de créer un lien spatio-temporel dans une parole intérieure qui établit un trait d’union entre présent et passé, je ici et maintenant et je ailleurs et hier, je narré et je narrant. La sphère de l’intime se structure en trois espaces différents : l’école, la maison familiale et sa cour, la campagne environnante.

Le premier récit d’enfance commence par une évocation de la salle de classe :

Récit. Souvenir d’enfance
6h00 du matin 17-11-201*
cellule.
• chemin de l’école
Grand bâtiment avec
une odeur particulière
Timidité, éffacement,
Stress. Je Suis impressionné
par la discipline.
Pensée à ma mère
et une grande joie
quand nous rentrons
à la maison. Envie
de Plaire, observer,
écouter, admirer, éffacer
Les odeurs, les objets
La présence et l’importance
de l’objet.
La craie qui vient
Taper sur le tableau
Quand l’instituteur écrit
Le buvard qui aspire
Les taches d’encres.
Rêveries, peupliers.
feuille ronde farandole.

Contrairement au reste du carnet du participant 1, ce récit partage de nombreux traits caractéristiques d’une forme littéraire, le monologue intérieur : les phrases nominales, la discontinuité syntaxique qui se traduit ici essentiellement par la juxtaposition de groupes nominaux complexes, l’abondance des infinitifs[5]. Du point de vue énonciatif, l’opacité référentielle s’accompagne ici d’un effacement quasi systématique des pronoms impliquant une première personne. À la représentation de l’espace environnant s’ajoute l’évocation d’un ailleurs dans une parole intérieure vagabonde, comme le signale le substantif « Rêveries ». Le choix de l’infinitif permet un centrage sur la notion, plus que sur la situation d’énonciation, si bien qu’un rapport plus abstrait au temps et à l’espace s’instaure.

Ce premier récit est interrompu par l’évocation d’un retour de l’enfant à la maison, en scooter :

Retour vers la maison
Un voisin me fait monter
Sur son scooter. Chemin
de terre, bordé d’arbres
de fleurs. Peu de béton.
beaucoup de champs de
nature.

Si la syntaxe est similaire entre le début et la fin du récit, les représentations de l’espace transitent par les objets perçus, extérieurs au sujet, le sujet percevant et le sujet agentif. En revanche, l’enfant assis sur le scooter occupe une position de sujet percevant expérient et non plus agentif. L’attention se porte alors uniquement sur les objets perçus, exprimés sous forme exclusivement nominale. Puis le récit, en forme de boucle narrative, revient à la salle de classe, qui fait ressurgir in fine un « Sentiment de vide d’ignorance », écho potentiel entre le souvenir de l’enfant qu’il était et l’adulte incarcéré.

Le second récit est centré sur un espace de vie privée, la maison familiale et la cour, marquées uniquement par des figures féminines. Si la mère est associée au retour du travail à l’usine et à des odeurs familières plaisantes (ses cheveux, le café), la perception subjective par l’enfant de l’occupation de ces espaces familiers par la grand-mère est plus ambivalente. Le début du récit la met en scène dans la cour :

18-11-201*
6h00 matin, cellule
Souvenirs d’enfance
Séjour chez grand mère
Course dans l’allée
Principale de la maison.
Les Poules se promènent.
Grande-mère coupe la
Tête d’une Poule
Après avoir affûtée son
couteau.

L’accumulation d’énoncés nominaux est interrompue par deux phrases dont la prédication passe par un verbe conjugué au présent de l’indicatif. Comme dans le récit précédent, le présent de narration favorise la réactualisation d’événements importants dans la parole intérieure du participant. De surcroît, la mention de la « cellule » comme lieu d’écriture précise la situation d’énonciation du je narrant et manifeste bien le rôle de la parole intérieure qui permet de combler la distance entre le passé de l’enfant et le présent carcéral dans lequel il surgit.

Ce second récit se clôture par une double scène teintée de négativité :

Peur du noir, peur
des portes fermées. odeurs
de cuisine, de repas.
Energie, joie, vigueur
Présence. Grand-mère
buvant. Bouteille de
vin cachée.
Mort de Grand-mère
Chambre, chevet
Tristesse, C[5bis] le plus jeune des fils
orphelin.

La prédominance du substantif est encore plus marquée dans cette succession de phrases averbales. L’absence systématique de déterminant pour les noms-têtes des groupes nominaux permet un renvoi à la notion, sans que l’actualisation soit pleinement réalisée. Les émotions suscitées par les espaces traversés, la peur, la joie, la tristesse se succèdent dans un récit empreint de subjectivité. Les différents espaces rattachés à des situations d’énonciation sans lien dans le temps sont verbalisés par des énoncés nominaux paratactiques qui se succèdent, sans rapport sémantico-logique apparent. La parole intérieure du participant devient vagabondage mental. La séquence de « Grand-mère buvant » vient rompre une alternance entre associations positive et négative. La représentation de l’espace s’installe dans une négativité prégnante, qui culmine avec le chevet.

Le troisième récit évoque à la fois le souvenir des jeux en pleine nature et un espace onirique inquiétant, en commençant par les premiers :

19-11-201*. 8H00 céllule
Souvenirs d’enfance.
Sorties avec D[6].
Jeux dans l’arbre favori.
Jardin de P[7].
Cueillette de grosses pêches.
Il fait chaud, la
Nature est verdoyante
Foisonnante. Cabanes
De fougère odeur forte

La reconstruction de la temporalité de l’enfance par le souvenir des lieux, se fonde sur les sensations, notamment les odeurs, qui sont pour le participant 1 un facteur de résurgence des souvenirs non dans leur dimension abstraite mais dans une dimension sensorielle réactualisée. Ainsi affirme-t-il dès l’entretien 1, en réponse à la question « comment décririez-vous votre mémoire ? » :

Fragmenté en fonction du moment
Des odeurs et de sensibilité
Auquelles elles remontent.

Si la beauté de la nature est particulièrement célébrée dans ce troisième récit, l’évocation d’un rêve devenu cauchemar recrée l’oscillation déjà soulignée entre associations positives et négatives des représentations spatiales :

Imaginaire foisonnant
Rêves et Cauchemards
Récurant. Lumière douce
Sensation très agréable
Maman me demande
De rentrer à la maison
Cri par la fenêtre.
Retour mais sensation
Que l’on me suit.
Je suis trop lent pas
Assez rapide pour échapper
Au suiveur. Réveille.

L’enchâssement d’un récit onirique dans le récit du vécu de l’enfance aboutit à une scénarisation de la description de l’espace et à des mises en tension entre intérieur / extérieur, devant / derrière, immobilité / mouvement. La traversée de cet espace en tension est entravée, comme le suggèrent les deux groupes adjectivaux « trop lent » « pas assez rapide » en fin de séquence. Les êtres qui peuplent cet espace onirique sont d’abord une figure maternelle rassurante, puis un « on » inquiétant et indéfinissable.

Ces trois récits d’enfance mettent en valeur le lien entre parole intérieure et mémoire autobiographique. L’interdiscursivité apparente avec le monologue intérieur suscite plusieurs questions, sachant que le participant 1 aime lire et connaît différents monologues intérieurs. La figuration de l’espace y est-elle influencée par les représentations littéraires de la parole intérieure ? Pour le dire autrement, nos lectures modifient-elles les formes que prend notre parole intérieure ?

3. Espaces symboliques et stylisations littéraires

L’ensemble des espaces intérieurs évoqués sont de l’ordre de la reconstruction et de l’ordre du symbolique, quelle que soit leur origine, réelle ou imaginaire. La reconstruction langagière est selon les sujets soumise à des degrés variables de contrainte et de stylisation. Deux des carnets se distinguent de ce point de vue. Le sujet 4, dans son carnet, tend à imiter ce qu’il évalue comme une forme de canon littéraire. Le sujet 2 livre des poèmes en guise de carnet et explique au cours de bilans oraux que sa parole intérieure se présente exactement sous cette forme.

3.1. Stylisations littéraires

Contrairement à la cellule, qui est un espace fermé, la cour de promenade représente un espace faussement ouvert. Sa représentation dans le carnet du sujet 4 donne lieu à une écriture stylisée. Le sujet 4, lors du quatrième bilan oral, a précisé qu’il rendait non pas un carnet endophasique dans lequel il restituait sa parole intérieure, mais plutôt un exercice d’écriture auquel il s’était livré à la recherche du beau. Pour l’exercice d’écriture émotionnelle, le sujet 4 élabore une représentation stylisée. Ce passage, doté d’un titre « la Cour de promenade », commence de la façon suivante :

La Cour de
promenade —
Je me livrais à
un mouvement d’aller et
retour, ainsi que le font
tous les détenus dans une
cour de promenade.
Chaque jour je m’adonnais
Superlativement à une
marche que je faisais avec
insistance et humilité.
Je m’y accordais par
Imitation des autres détenus.

Le mouvement de la première phrase fait passer de « Je », en tête, à « tous les détenus » dans un deuxième temps. Ce parallèle est repris dans la dernière phrase citée, plus brève, qui commence par « Je » et s’achève par « autres détenus ». La perspective est cependant différente. D’abord, le glissement de « je » à « tous les détenus », soit du singulier au générique, relève d’un effacement de soi à soi. Dans cette toute première phrase, le participant 4 se présente en filigrane comme un porte-parole. La phrase suivante ne laisse plus place qu’au « je ». La dernière phrase, bien qu’elle fasse écho à la première, construit l’identité face à l’altérité : « je » / « autres détenus ».

Le participant 4 construit un ethos d’écrivain, ce qui se traduit par une volonté de contrôler son écriture. Certains procédés de stylisation sont particulièrement visibles dans l’extrait suivant :

La cour de promenade,
cette salle des pas perdus,
pour des enfants perdus,
heureux de se retrouver.
C’est dans cette cour de
promenade que j’ai croisé
la Contrainte. Je l’ai
tout de suite reconnue
avec son air autoritaire
et son rictus de colère.

La première phrase nominale est particulièrement saccadée, grâce aux détachements et notamment aux deux appositions, nominale et adjectivale. L’apposition nominale « cette salle des pas perdus » est mise en relief par la répétition à la ligne suivante de l’adjectif « perdus ». Elle peut renvoyer à une expression figée employée couramment mais elle peut aussi évoquer l’ouvrage de Breton, Les Pas perdus. L’allégorie met en scène un glissement du récit dans la fiction. La majuscule permet d’emblée d’identifier l’irruption d’un personnage, « la Contrainte », qui s’adresse après l’extrait cité au participant. Les éléments descriptifs du personnage lui confèrent un sème humain. Cependant, il y a lieu de penser que la dimension fictionnelle est présente tout du long. L’espace ouvert sur le ciel qu’est la cour de prison n’est pas représenté en termes objectivants mais s’inscrit dans la reconstruction subjective et symbolique.

3.2. Des espaces mythologiques

Les textes du sujet 2 alternent entre messages didactiques et poèmes mystiques. Dans l’ensemble, la construction de l’espace intérieur passe par un déplacement de l’intime vers l’historique, voire le mythologique. De nombreux textes sont datés et signés, le lieu d’écriture est précisé, l’ancrage dans la situation carcérale est clairement encodé. À première vue, la présence de majuscules pour des noms propres de personnages historiques ou mythiques est si récurrente que, pour le lecteur, l’extérieur ne cède aucune place à l’expression d’une identité individuelle. Néanmoins, tous les textes témoignent d’une tension entre la situation d’enfermement présente et l’ouverture vers un extérieur large, historique et mystique. Les mythes se succèdent, au rythme des poèmes. Les lieux auxquels le participant fait référence appartiennent à des espaces comme l’Arabie, l’Iran, la France, l’Allemagne, des cultures tant orientales qu’occidentales et des temporalités très éloignées, allant de l’Antiquité à nos jours. Le participant superpose des espaces rattachés à des cultures et des époques différentes. La reconstruction intérieure de ces espaces permet de créer des liens, avec pour fil directeur le mysticisme. Ce processus s’élabore de deux façons.

D’abord, le participant se projette dans des espaces reculés dans le temps, comme le montre le début du poème « Hildegarde de Bingen » :

Poème n° 2225 Hildegarde de Bingen 1098-1179
Épouse de Imam H*
– Bénédictine pieuse et Mystique
Hildegarde la Lumière Vivante
a l’ombre d’Allah vit de métaphysique
comme une initiation ascendante
– a l’exemple de Mohamad le prophete
Hildegarde se déclare illitrée
Elle croit aux vertus de ascetes. Et
à la foi dans la Virulence de ses traits
Jutta von sfon sa cousine ERmite
sa marraine mère spirituelle
dans sa demarche shiite
miroir de l’Ecriture ouvert au ciel

Ce poème est dédié à une figure mystique reconnue, Hildegarde de Bingen, une Bénédictine mystique allemande, qui a vécu au Moyen Âge. Le sujet s’identifie à la religieuse, il la considère comme un double, un « imam A*[8] au féminin », parce qu’ils écrivent tous deux, notamment des textes à portée mystique. Histoire et fiction se mêlent dans un poème qui attribue à la religieuse un époux contemporain, l’« Imam H[9] », et une cousine qui était en réalité la mère supérieure du premier couvent dans lequel Hildegarde de Bingen est entrée. Les croyances religieuses s’entrecroisent sans que ce mélange corresponde à la réalité historique. Fictivement, le participant crée un univers commun, atemporel mais ancré dans les couvents évoqués à travers le poème. C’est dans cet espace fictionnel que le participant se projette.

Ensuite, le participant construit son identité dans une lignée mythologique héritée de l’Antiquité :

Non Nous les
Sherrifs sommes ici depuis 14 siècles. En 732 à Poitier arrive l’ambassadeur
Militaire Ab* Envoyé par les Shiites de l’Imam A* pour liberer le pays
Des Francs des injustices de l’Eglise et l’obscurantisme de la monarchie. L’histoire
Française Nous reconnaît une presence situee au 8e siècle.

L’identité individuelle se fond dans une identité collective comme le montre le pronom « nous ». Ce poème est signé « Shiite de Perse. Sherrif. Imam A* » Les deux désignatifs soulignent bien la filiation de « Sherrifs » « depuis 14 siècles ». Dans ce cas précis, la construction identitaire n’existe pas en dehors de ces récits qui élaborent une mythologie personnelle.

À travers la projection de soi dans l’ailleurs et la création d’une lignée à laquelle il appartient, l’intérieur apparaît comme subordonné à l’extériorité. En réalité, l’un et l’autre sont à ce point imbriqués que la distinction entre intérieur et extérieur est effacée. Les frontières disparaissent également sur l’espace de la page. La densité de l’écriture ne laisse aucun blanc.

3.3. La spatialisation de la parole intérieure

Pour finir, l’espace joue un rôle important dans les représentations symboliques des participants. Lorsqu’on leur demande comment ils définissent la parole intérieure, la nature et les états de leur parole intérieure, ils utilisent souvent des métaphores spatiales.

Les représentations spatiales permettent de distinguer deux mouvements de la parole intérieure : tantôt dirigé tantôt erratique.  Lors de l’entretien 1, le sujet 2 définit la parole intérieure comme un « pèlerinage de l’esprit » ou un « pèlerinage vers soi ». Le choix du mot pèlerinage fait entendre un mouvement guidé par une présence divine et orientée en direction de celle-ci, ce qui met en exergue une fonction positive de la parole intérieure. À l’inverse, le sujet 1 définit une parole intérieure « sans limite » : « Importante, parfois déroutante, car sans interdit et sans limite. » L’adjectif dénominal « déroutante » livre l’idée que la parole intérieure fait sortir le sujet de sa route. Le groupe prépositionnel négatif « sans limite » préconstruit des limites, qui sont niées dans un second temps. Il suggère donc la perte de contrôle due à l’absence d’interdits. Bien plus, le vagabondage mental est qualifié par le sujet 2 d’« errance ». Ce second type de mouvement revient dans d’autres entretiens 1. Par exemple, on retrouve dans l’entretien 1 du sujet 3 et le carnet du sujet 4 les phrases suivantes :

Elles sont souvent des errements où je m’imagine dans des situations impossibles (sujet 3)
En revanche, [la parole intérieure] permet
de multiples interprétations
ayant pour objet de la
Canaliser.
Le terme « canaliser »
que nous venons d’utiliser
est le terme adéquat
puisqu’il signifie :
éparpillement, dispersion
que l’on souhaite empêcher. (sujet 4)

Les quatre substantifs « errance », « errements », « éparpillement », « dispersion » sont des déverbaux qui permettent de faire entendre des procès atéliques (littéralement sans telos, sans aboutissement). Pour les deux premiers substantifs, issus du même verbe, le choix entre les deux suffixes –ance et –ment n’est pas anodin. Le suffixe –ance confère une dimension plus abstraite au procès nominalisé. Or, le sujet 2 évoque un vagabondage mental qu’il tient à distance, qu’il ne souhaite pas expérimenter et qu’il représente sous la forme d’un concept abstrait, au singulier. Le sujet 3 à l’inverse emploie le pluriel « errements » pour actualiser des occurrences du procès errer sous une forme nominale. Ces différentes représentations de la parole intérieure font écho aux fonctions négatives de la parole intérieure.

Les métaphores spatiales les plus développées se trouvent dans les poèmes du sujet 2, qui sont pour lui une retranscription de sa parole intérieure. Deux des poèmes sont intitulés respectivement « La Parole Shiite intérieure » (n° 2224) et « ma Parole intérieure » (n° 2227). La parole intérieure y est représentée à travers des métaphores aquatiques et géologiques. D’une part, les métaphores aquatiques se succèdent pour désigner une parole intérieure qui est un « dialogue intime », comme le montrent ces onze vers :

Le dialogue intime le fil de l’âme
Coule dans le Fleuve de la pensee (poème 2224)

Telle une source jaillissante
A l’ombre d’un Rêve paisible
La parole intérieure caressante
Le mystère humain invisible (poème 2227)

Ruisseau converti en rivière
Parole silencieuse timide
La Pensée Shiite evanescente
La Terre sèche devient humide
De la Rosée transcendante (poème 2227)

Les métaphores aquatiques sont rendues possibles par la présence d’un sème commun au langage intérieur et à l’eau qui coule : l’unidirectionnalité du mouvement. L’eau poursuit son chemin et ne revient pas en arrière, une parole prononcée, même intérieurement, ne peut pas ne pas l’avoir été. Le champ notionnel de l’eau en mouvement se construit ici par gradation : la « Rosée transcendante », a priori envoyée par Allah, la « source jaillissante », le « ruisseau », la « rivière » et le « fleuve de la pensee ». Des connotations sous-tendent l’ensemble de ces métaphores, pour mettre en valeur une parole intérieure d’inspiration divine. L’adjectif « humide » va dans le même sens, en suggérant une métamorphose intérieure (terre sèche / terre humide).

D’autre part, les métaphores géologiques s’articulent autour d’un sème commun entre la parole intérieure et les profondeurs de la terre : la dimension cachée. Ainsi, les poèmes 2224 et 2227 évoquent-ils une grotte et des cavernes :

L’ensemble d’idées se suivent
a l’ombre de la Révélation divine
L’Imam A* dans sa grotte, ermite de Ninive (poème 2224)

La Riche Terre d’Arabie
Et ses milliers de cavernes
La Parole intérieure a l’abri
Hors de la cupidité des Tyrans et des casernes (poème 2227)

C’est « à l’ombre de la Révélation divine », dans une grotte, que le dialogue avec Allah s’établit. Le lieu acquiert un caractère protecteur dans le poème suivant, « à l’abri » des regards, « hors de la cupidité des tyrans et des casernes ». On retrouve à nouveau le même va-et-vient entre le singulier et la pluralité, entre « sa grotte » et « les milliers de cavernes ». L’une comme l’autre font écho à « l’univers insondable des paroles endophasiques », que le participant décrit lors de l’entretien 2.

En somme, la parole intérieure crée en quelque sorte un « sous-monde » dans lequel l’intérieur et l’extérieur sont en relation constante, comme le suggère la définition proposée lors de l’entretien 1 par le participant 7 :

Le soumonde individuel créé pour
le vecu. La façon de reflechir
sur les sujets aux environ.

La composition entre la préposition « sous » et le substantif « monde » met en exergue la soudure notionnelle entre les deux éléments constitutifs et aboutit à une nouvelle notion « soumonde ». L’orthographe, qui est peut-être due à une maîtrise relative du français, renforce cette idée d’un univers référentiel stabilisé. Sans ce sous-monde, l’accès à l’extérieur n’est pas possible. Mais sans l’extérieur, l’émergence de ce sous-monde ne l’est pas davantage.

L’identité s’élabore toujours dans une tension entre rapport au réel et construction imaginaire. Pour les détenus, les frontières entre leur univers carcéral et le monde extérieur sont exacerbées. Le monde extérieur fait objet d’une reconstruction mémorielle et imaginaire. Il ne peut plus se vivre qu’intérieurement. On remarque cependant deux types de rapports à l’espace et deux types de reconstructions identitaires entre les détenus qui ont tué une ou deux personnes dans leur entourage proche et ceux qui ont commis des meurtres collectifs, sans lien avec leur entourage. Les premiers n’évoquent que des espaces connus ou des espaces liés à leur sphère intime, tandis que les seconds se relient essentiellement à des espaces historiques, réels ou recréés. Bien plus, pour ces derniers, il est possible de différencier entre un sujet qui se projette dans des époques reculées et un sujet en prise avec l’actualité politique.

Les espaces concrets résonnent de façon différente en parole intérieure. L’environnement immédiat interfère fréquemment avec la parole intérieure, soit parce qu’il est immédiatement visible (le « robinet » cassé) soit parce qu’il est perceptible par d’autres sens que la vue (les bruits pour la cellule dans laquelle un prisonnier épileptique se meurt et l’odorat lors de l’incendie). La cellule s’oppose aux autres lieux en ce sens que les détenus n’y sont confrontés qu’à leur propre intériorité. Le silence et la solitude, au minimum 12 heures par jour, favorisent le monologue à voix haute. D’autres espaces carcéraux, inaccessibles aux détenus, habitent néanmoins leur vie intérieure et suscitent des constructions fantasmagoriques (interrogations et spéculations dans le carnet du participant 1). Enfin, quelques espaces, comme le parloir, tiennent lieu de seuils. Cette fois-ci, c’est le monde extérieur qui s’invite dans l’espace carcéral. L’accès sporadique à une extériorité non recréée et la rupture vécue à l’issue des parloirs peuvent déclencher des ruminations.

Le carnet lui-même a joué le rôle d’un seuil. Les pages du carnet constituent un espace clos dans lequel des espaces hétérogènes prennent forme. Cette invitation à explorer leur intériorité favorise chez les uns le commentaire de faits actuels, dans des espaces publics, chez d’autres la résurgence d’espaces mémoriels et chez d’autres encore l’émergence de lieux fantasmatiques. En définitive, la frontière entre intériorité et extériorité, dès lors qu’elle est analysée à partir de la parole intérieure, apparaît comme illusoire.

À propos des auteurs :

Catherine Paulin est professeur de linguistique à l’université de Strasbourg et membre de l’équipe de recherche LILPA (Linguistique, Langues, Parole). Elle étudie la lexicologie, l’interface entre le lexique et la syntaxe, les modes de représentation de variétés orales en littérature. Elle est coresponsable d’un axe du programme Monologuer : Monologue et société.

Stéphanie Smadja est maître de conférences (linguistique, stylistique) à l’Université Paris Diderot et membre de l’équipe CERILAC (Centre d’Études et de Recherches Interdisciplinaires en Lettres Arts Cinéma). Elle étudie les formes et les fonctions de la parole intérieure au croisement de la linguistique, la neurolinguistique et la littérature ; les innovations stylistiques en prose littéraire et en prose scientifique (XIXe-XXIe siècles). Responsable du programme Monologuer, elle dirige la collection du même nom aux éditions Hermann.

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ISSN 1913-536X ÉPISTÉMOCRITIQUE (SubStance Inc.) VOL. XVIII


[1] Font exception à la règle le linguiste Gabriel Bergounioux et la neurolinguiste Hélène Lœvenbruck.

[2] Nous conservons, pour toutes les retranscriptions, l’orthographe d’origine, la ponctuation et la présentation sur l’espace de la page.

[3] Prédicativité La compression et la condensation syntaxiques, l’abréviation sont des qualités de la parole intérieure. En parole intérieure, l’énonciateur tend à n’articuler que le prédicat, négligeant le sujet, par exemple : « faim » par opposition à « j’ai faim ». (notre traduction)

[4] Pour conserver l’anonymat des participants, le nom des lieux publics auxquels ils ont accès ne peut figurer dans cette étude.

[5] Dans un monologue intérieur, on rencontre généralement des infinitifs d’auto-injonction. Tel n’est pas le cas ici, puisque nous trouvons plutôt soit des infinitifs en emploi nominal, soit des infinitifs précédés d’un semi-auxiliaire, soit des infinitifs de narration.

[5bis] Christian

[6] Prénom masculin.

[7] Prénom masculin.

[8] A* renvoie au prénom du participant.

[9] Prénom masculin.

Stéphanie Smadja
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