Editorial. Savoirs et littérature: état des lieux dans le monde germanophone
Ce 15e numéro d’Epistémocritique a pour objectif de présenter la recherche sur « Littérature et savoir(s) » dans les pays germanophones[1]. Le rythme…
Ce 15e numéro d’Epistémocritique a pour objectif de présenter la recherche sur « Littérature et savoir(s) » dans les pays germanophones[1]. Le rythme…
Ce texte propose une introduction à la « poétologie du savoir », une approche théorique qui depuis les années 1990 s’intéresse tout particulièrement aux interactions et correspondances entre esthétique et savoir en combinant analyse rhétorique et littéraire des objets et formes du savoir tout en mettant l’accent sur leur construction médiatique et historique (choix du genre, procédés littéraires, questions narratologiques etc.). L’auteur inscrit cette approche dans son arrière-plan philosophique (analyse du discours, épistémologie historique, métaphorologie, histoire des sciences), et montre pourquoi et en quoi la poétologie du savoir se distingue d’autres approches récentes dans le champ de recherche en « littérature et savoir », plus proches de la philosophie analytique, qui partent d’une autre définition et compréhension de la notion de 'savoir’ ou de 'vérité’.
In my paper I shall discuss four devices common in works of literature that facilitate our learning from it. Namely, these are simplification, exemplification, the demonstration of options and representative discussions, and internal focalisation and the generation of immersion. It is important that these devices are not exclusively literary but that they nevertheless contribute to the genuine epistemic value of literature. My underlying approach is that of analytical literary criticism which draws on the traditional understanding of knowledge as justified true belief. While outlining this approach by elaborating two exemplary positions (that of Tilmann Köppe and Oliver R. Scholz) I shall also give a general but brief account about research on the relation between literature and knowledge in Germany. My line of argument will be illustrated with examples from novels that can be considered science-in-fiction, a term coined by Carl Djerassi.
Ce texte s’attache à montrer le rapport constitutif entre littérature et psychiatrie à partir de l’écriture du Lenz de Georg Büchner (1839). L’écriture de Büchner peut en effet être comparée à celle des psychiatres de son époque en raison de sa forme de rédaction, de sa restitution de l’évolution de la maladie et de sa présentation directe de la folie. On se propose de montrer ainsi comment le contenu et la forme du texte littéraire se rapprochent de l’écriture psychiatrique. Si ce texte de Büchner a très tôt servi d’exemple aux psychiatres (du XXe siècle) pour une représentation réussie de la psychose schizophrénique, il est pourtant indispensable de prendre en considération l’histoire de la psychiatrie et de la folie au XIXe siècle pour pouvoir situer ces lectures psychiatriques de ce texte dans leurs contextes historiques.
Le point de départ de cet article* est l’identification du roman et du discours scientifique telle qu’on peut la trouver dans les écrits théoriques de Zola. L’analyse du Docteur Pascal montre cependant que dans la pratique esthétique de Zola le rapport entre la science et la littérature est plus complexe que dans ses écrits théoriques. D’une part la science apparaît moins triomphante, dans la mesure où elle doit se contenter d’avancer en tâtonnant et par hypothèses. D’autre part, la science, surtout lorsqu’elle est naissante, doit coopérer avec l’imagination poétique. Le roman Giacinta de Capuana a le même point de départ que les romans de Zola. Il s’agit de donner une réponse à un problème que l’on peut considérer comme un problème scientifique, à savoir la réaction d’un organisme à une lésion, causée par la découverte prématurée de la sexualité. Cette question est traitée de deux points de vue : d’un point de vue socio-psychologique et d’un point de vue scientifique. Il est remarquable que le rôle de l’observateur scientifique soit comparé à celui du chœur dans la tragédie grecque, ce qui renvoie à l’importance accordée à la littérature, malgré le statut de domination qui est officiellement attribué à la science. On voit donc bien que les deux auteurs dans leur pratique esthétique dépassent les principes de leur théorie, peignant l’image d’une relation extrêmement complexe entre la science et la littérature.
On constate une remarquable renaissance de l’ancienne histoire naturelle (historia naturalis) dans le domaine de la littérature et de la culture (visuelle). Cette contribution examine le paradigme de la description et la science de la nature dont cette nouvelle histoire naturelle est porteuse pour en mettre en évidence les fonctions nouvelles comme alternative à la théorie de l’évolution sélectionniste et la génétique. Nous montrerons à partir de l’exemple de textes de A. S. Byatt, W. G. Sebald et Christoph Ransmayr (Die letzte Welt, Morbus Kitahara) les fonctions narratives et culturelles de cette histoire naturelle.
Ces dernières années ont été publiés de nombreux textes de nature variée – et notamment des textes fictionnels ou autobiographiques - prenant la forme d’un dictionnaire ou d’une encyclopédie. Ces parutions sont l’occasion d’interroger les motifs de l’écriture encyclopédique et les tendances dominantes dans les domaines de la littérature et de l’essai. La tradition encyclopédique des Lumières a donné au dictionnaire ordonné alphabétiquement une série de fonctions et d’effets importants dont nous héritons aujourd’hui, comme par exemple la dé-hiérarchisation des objets et la pluralité des options de réception. Les dictionnaires littéraires stimulent avant tout la réflexion sur la langue, son utilisation et ses fonctions. Ils s’intéressent particulièrement aux marges du savoir ainsi qu’aux objets anachroniques, oubliés, disparus ou singuliers. Un autre savoir, un savoir volontairement in-actuel prend ainsi forme dans ces différents textes lexicographiques, expression d’une pensée excentrique et sensorium de la temporalité des choses.
Depuis Nietzsche, la philosophie de la modernité a critiqué la notion de 'vérité’ en réclamant un concept de 'non-savoir’ qui serait capable de déstabiliser la métaphysique. Cette volonté de non-savoir prend ses racines dans la tragédie grecque, par exemple chez Eschyle qui, dans son Prométhée, a démontré que l’homme ne peut survivre qu’en se trompant sur la fin de ses jours. Dans le siècle des Lumières, Locke et Kant ont contribué à élaborer une notion de non-savoir, dont le contraire serait, chez Kant, l’esprit et la faculté de jugement. Même la tragédie allemande la plus célèbre, le Faust de Goethe, démontre dès ses premiers mots le pouvoir du non-savoir sur l’homme. En se référant à l’opposition entre la bêtise et l’esprit, une poétique du non-savoir examine des phénomènes comme l’espoir, la curiosité et l’amour en tant que témoins philosophiques et littéraires des limites du savoir humain.
Les écrits de fous éclairent de manière exemplaire le fonctionnement de ce qu’on peut appeler les institutions culturelles. Dans la mesure…