Penser avec Isabelle Stengers c’est courir plusieurs risques. D’abord celui d’être stengerisé (ou, comme un clin d’oeil à Mesmer, Stengerized), c’est-à-dire d’être possédé par une magie stengerienne et ne plus parvenir à mettre ses affirmations à l’épreuve. Stengers nous met elle-même en garde contre un tel piège lorsqu’elle nous invite à résister à Gilbert Simondon.[1] Cette difficulté se présente à nous non pas parce qu’elle cherche à nous faire adhérer à un mode de pensée –soit sous la forme d’un culte ou d’un dogme– mais plutôt parce qu’elle construit des mondes qui activent la pensée. À la manière d’une poète, elle nous fait visiter des mondes qui sont habités par des pratiques dont la légitimité a fréquemment été mise à l’épreuve ; notamment l’hypnose et la sorcellerie.[2] Son approche hérétique, qui propose de porter attention à ce qui est mobilisé par ces pratiques, c’est-à-dire à ce qu’elles catalysent, en contraste avec ce dont elles témoignent ou cherchent à expliquer, vise à activer la pensée depuis ses pièges potentiels plutôt que depuis une hiérarchie entre les savoirs. Les sciences, écrit-elle, « ne tiennent pas leur existence de la disqualification, à laquelle on les identifie, des pratiques de savoir dits « préscientifiques », voire non rationnels ».[3] Stengers nous invite à questionner pourquoi nous accordons plus de valeur au médecin qu’au charlatan, à la médicine moderne qu’à la médicine médiévale, et, simultanément, à interroger à qui nous attribuons l’autorité de ces distinctions. En portant une attention nouvelle aux défaites et aux échecs des pratiques de savoir dits «préscientifiques», -une attention qui cherche à se défaire des jugements, des allant de soi et des a priori– elle active un nouveau partage de forces qui génère de nouvelles cartographies de pouvoir. C’est ainsi qu’elle entre dans les mailles de notre pensée, en mettant au défi nos modes de partage et de valorisation, et en nous obligeant à tisser d’autres possibles. Comment alors entrer dans son œuvre?
Isabelle Stengers est chimiste et philosophe. Ses recherches sont souvent « classées » dans la catégorie philosophie ou philosophie des sciences. Or, sa façon de saisir la différentielle, la multiplicité et les ramifications des objets, techniques, pratiques, dispositifs, et problématiques qui animent et qui sont animés par son travail – on y passe notamment du féminisme aux mathématiques, de l’hypnose aux OGM, de la physique aux toxicomanes, des changements climatiques au charlatan, de la sorcellerie à la psychanalyse, du capitalisme à la mécanique quantique – génère un excès qui résonne bien au-delà du champ de la philosophie et de l’étude des sciences. Son travail est un véritable manifeste pour l’invention de nouveaux modes d’habitation du monde, pour la création de nouvelles atmosphères et de nouvelles temporalités, et pour la construction de surfaces d’inscription commune. Les possibles qui en émergent ont en effet le potentiel de créer de nouveaux environnements de pensée à l’extérieur du champ de sa pratique. Écologiste est donc peut-être un meilleur terme pour capturer la portée politique de son travail. Non seulement parce qu’elle adresse les changements climatiques et, de manière plus globale, la crise écologique, mais aussi, et peut-être même surtout, parce qu’elle fait de l’écologie une pratique (sur laquelle je reviendrai). Comme l’écrit Martin Schaffner, l’écologie qu’elle revendique dans son travail est « une écologie qui s’infiltre dans tous les champs de la vie, humaine et non humaine ».[4] L’écologie, ou l’étude de la relation de l’animal à son environnement organique et inorganique vient de oekologie, terme lui-même dérivé du Grec oikos qui signifie « maison, » « patrimoine, » « lieu d’habitation ». Écologiste donc, au sens où elle construit de nouveaux habitats et aussi au sens où elle questionne les modes d’habitation et les comportements qui érigent ceux-ci, d’une part, et l’héritage, le patrimoine qu’ils lèguent et transmettent, d’autre part. Comment alors entrer dans son œuvre, qui s’apparente maintenant à un véritable chantier de construction? Y entrer se présente en effet comme une épreuve politique, à la manière des entrées multiples invoquées par Deleuze et Guattari en référence au travail de Kafka. Comment entrer dans l’œuvre de Kafka, demandent-t-ils? « C’est un rhizome, un terrier ».[5] Ils nous mettent rapidement en garde : chercher une façon d’interpréter le terrier constitue un piège de la pensée, une façon de tromper l’ennemi. On entrera donc :
[…] par n’importe quel bout, aucun ne vaut mieux que l’autre, aucune entrée n’a de privilège, même si c’est presque une impasse, un étroit boyau, un siphon, etc. On cherchera seulement avec quels autres points se connecte celui par lequel on entre, par quels carrefours et galeries on passe pour connecter deux points, quelle est la carte du rhizome, et comment elle se modifierait immédiatement si l’on entrait par un autre point. Le principe des entrées multiples empêche seul l’introduction de l’ennemi, le Signifiant, et les tentatives pour interpréter une œuvre qui ne se propose en fait qu’à l’expérimentation.[6]
À l’image de l’œuvre de Kafka, celle de Stengers se propose aussi à l’expérimentation. Interpréter celle-ci serait un piège où l’on s’auto-constituerait comme ennemi. Comment alors expérimenter avec Stengers?
En résonance avec Deleuze et Guattari, Didier Debaise explique que l’intérêt du travail de Stengers est en quelque sorte insaisissable depuis une cohérence formée de considérations ou de préoccupations théoriques. Il insiste aussi sur la faible valeur de la recherche d’une lignée explicative qui serait jusque-là restée cachée. Il nous invite plutôt à apprécier la nouvelle fonction que son travail attribue à la philosophie. Cette nouvelle fonction, il la situe au niveau d’une capacité, d’un souci, d’une habileté à porter attention à l’idiot (un personnage qui a souvent été méprisé et auquel Stengers, après Deleuze, rend justice en insistant sur son pouvoir actif de problématisation). L’idiot, Debaise nous prévient, n’est pas porteur d’un trait ou d’une dimension psychologique qui permettrait de faire l’économie d’une taxonomie sociale. Il est plutôt celui qui s’adresse « activement aux événements afin d’en soustraire leur portée problématique ».[7] L’idiot est celui qui demande, écrit Stengers, « que nous ne nous précipitions pas, que nous ne nous sentions pas autorisés à nous penser détenteurs de la signification de ce que nous savons ».[8] Il est donc, encore une fois dans les mots de Stengers, « celui qui toujours ralentit les autres, celui qui résiste à la manière dont la situation est présentée, dont les urgences mobilisent la pensée ou l’action ».[9] C’est donc cette nouvelle façon de mobiliser la pensée et l’action qui fait pivot: l’idiot ralentit la pensée; il met à l’épreuve la cohérence du temps et de l’espace ; il provoque un moment d’hésitation où de nouvelles distributions du pouvoir deviennent possible. L’idiot, en d’autres termes, fait événement. Il refuse le statu quo et libère la vie dans les choses en s’insérant dans l’intervalle entre la pensée et l’action, entre la perception et l’action. Debaise ajoute que cette nouvelle fonction philosophique est active et activée dans le travail écrit de Stengers, et, simultanément, dans son ethos qui, ensemble, témoignent de ce que William James appelait un « tempérament ». La philosophie, explique Debaise en citant James « exprime une certaine attitude, le but et le tempérament d’une intelligence et d’une volonté réunies, plutôt qu’une discipline aux contours nettement définis ».[10] En dialogue positif, ou en relais de Debaise, c’est donc ce tempérament, ou cette indiscipline, qui nous guidera dans nos expérimentations. N’est-il pas possible de se comporter comme une idiote et d’expérimenter avec Stengers, sans justement être philosophe ou scientifique? N’est-il pas possible de se comporter comme une idiote et de pratiquer l’écologie, de construire de nouvelles formes d’habitation, sans être écologiste, ingénieure ou architecte?
Mon objectif n’est pas d’identifier un bon protocole de pensée dont l’application servirait à légitimer ou à cautionner une épistémologie « stengerienne », mais bien de susciter un intérêt pour relayer son travail. Dans un contexte de déception sociale, de guerre, de crise sanitaire et climatique, de malgérance et d’injustice, Isabelle Stengers donne envie de transformer la déception en intérêt, de replier les problèmes, de relever ses manches. « Le cœur doit aussi y battre » nous dit-elle dans Le non-savoir des psy.[11] Dans le milieu académique, où la méritocratie et la compétition prévalent malheureusement trop souvent sur le partage et sur l’invention collective de techniques d’attachement aux problématiques qui nous concernent, Stengers nous propose tout simplement de prendre le temps. Elle nous invite à nous intéresser aux questions plutôt qu’aux réponses, une approche contre-intuitive dans un climat qui exige des solutions et des résolutions. Son travail exige donc une reconsidération des modes d’attachement et des temporalités qui sous-tendent la recherche (ici comprise comme une aventure).
Stengers pense en situation. Il est donc difficile, sinon impossible, d’introduire son travail depuis des considérations génériques. Dans un numéro spécial de Substance qui lui est dédié, Isabelle Stengers et la dramatisation de la philosophie, on est rapidement confrontés à cette réalité. En effet plusieurs contributeurs au numéro ne cherchent pas tant à expliquer ou à vulgariser la pensée de Stengers, qu’à faire sentir la manière dont elle participe au tissage des fils de leur pensée. Voilà une manifestation de cette magie stengerienne. Stengers nous offre les conditions de s’attacher différemment aux problématiques qui nous occupe. Si bien que penser avec elle, c’est en quelque sorte s’en éloigner. Au lieu de suggérer des points d’entrée ou des catégories analytiques, ou encore de suivre une généalogie disciplinaire ou conceptuelle, je propose quatre techniques d’expérimentation : 1) la création d’une santé ; 2) la pratique du non-savoir ; 3) la construction d’une géopolitique de la pensée-habitation et ; 4) le relais, l’héritage. Loin des réponses préfabriquées, des protocoles bien régis et des remèdes génériques et/ou universaux, ces quatre propositions sont des techniques d’attachement au monde qui impliquent un réagencement des temporalités et de l’ordre spatial/géopolitique produit par les discours/pratiques de savoir. Et, plus spécifiquement, dans le cas qui nous occupe, ceux de la médecine et de la psychiatrie. Elles sont des techniques qui ne peuvent être mises en œuvre – ou à l’épreuve – sans tout à la fois être transformées. La technique est en effet processuelle : elle se réinvente dans l’évolution d’une pratique.[12] Sans chercher à créer des cohérences totalisantes ces techniques sont plutôt des invitations à construire des formes d’appartenance. Elles visent, comme Brian Massumi le formule si bien « un souci d’appartenance en tant que telle. »[13]
C’est ce souci d’appartenance qui agit ici comme une transversale organisante. Je m’intéresse à comment la pensée de Stengers donne lieu à de nouvelles formes d’appartenance et donc à de nouveaux modes d’organisation collective de production du savoir. Afin de saisir ceux-ci dans leurs dimensions constructives et productives, je me concentre sur les contraintes que sa pensée impose sur l’organisation académique et disciplinaire. L’académie et l’université, avec leurs savoirs spécialisés organisés en disciplines se présente comme un lieu fertile pour expérimenter avec Stengers et interroger les modes de valorisation qui encadrent et délimitent les pratiques de savoir. Ce sont donc les architectures disciplinaires et académiques qui seront ici convoquées. J’introduis donc ces quatre techniques d’expérimentation comme des contraintes plutôt que comme des prescriptions autoritaires. « Respecter une contrainte, » écrit Stengers en relayant Whitehead, « ce n’est pas respecter une limite, c’est refuser une facilité ».[14]
I. Tempérament guérisseuse. Technique : créer une santé
Nous avons besoin de repeupler l’imagination, besoin de guérir nos imaginations tant du scientisme que du moralisme, des modes de jugement paresseux qui nous ont été inoculés.[15]
On visite Stengers comme on visite la shaman, la médecin, l’hypnotiseuse, la sorcière ou la guérisseuse. Parce que l’on cherche un nouveau mode d’activation, une transformation, un changement qui brisera la linéarité du temps. On est possédé par un problème auquel on cherche à s’attacher différemment, autour duquel on souhaite formuler un diagnostique. Pour Stengers, un diagnostique possède un pouvoir performatif. C’est-à-dire qu’il ne répond pas à une question sans en même temps poser un problème.[16] On cherche donc à formuler un diagnostique performatif qui nous permettra de nous remettre (et non pas de nous soumettre), mais aussi de problématiser le nouveau sens que prend notre existence, la nouvelle ligne de fuite qui se dessine dans l’immanence du problème qui nous intéresse et nous concerne. Le sens de la remise est ici central. Le corps, écrit Stengers, ne peut répondre à un traitement « sans aussi, et par le fait même, ‘se fabriquer’ à partir de ce traitement ».[17] George Canguilhem et José Gil l’ont aussi expliqué : la guérison et le rituel thérapeutique ne nous ramènent pas à un état originel. Ils sont plutôt le théâtre de métamorphoses.[18] Ils sont, comme Stengers parle de l’hypnose, « des invitations à différer »,[19] des occasions productrices de différences, des événements qui brisent la linéarité du temps et, dans le même mouvement, la cohérence l’espace. Penser avec Stengers c’est donc s’éloigner des découvertes, ou des redécouvertes de vérités et/ou d’états pré-existants, et accepter l’invitation à s’engager dans des activités constructives et processuelles. On cherchera donc à produire du sens plutôt qu’à reconnaître un état ou une maladie, à créer une santé plutôt qu’à la recouvrir, à problématiser plutôt qu’à résoudre. Il ne s’agit pas pour autant de s’inscrire dans une futurologie qui célébrerait l’idéal humaniste d’un monde meilleur à venir.[20] Problématiser, c’est chercher à activer un changement au présent. Pour le meilleur et pour le pire.
Penser avec Stengers c’est chercher à libérer la vie dans les événements. Loin d’une nostalgie, d’un romantisme ou d’une ontologisation de la vie, il s’agit ici d’une vie à construire, d’un véritable « passage de Vie » au sens où Deleuze parlait de la littérature. Dans Critique et clinique, Deleuze explique que la littérature est une activité créatrice de santé qui est inséparable du devenir, d’une part, et d’une fonction fabulatrice d’imagination, de l’autre. Créer une santé, précise-t-il, ce n’est pas guérir un corps, un peuple, ou un problème malade. La maladie s’entend plutôt comme une contre-valeur de la santé, comme un arrêt de son processus. Le vivant malade, expliquait Canguilhem, est « passif et incapable de résister aux variations du milieu alors que la santé c’est une marge de tolérance des infidélités du milieu ».[21] Pour Deleuze, la création d’une santé, c’est l’invention d’un « peuple qui manque, » d’une « possibilité de vie ».[22] Ce peuple qui manque « n’est pas un peuple appelé à dominer le monde. C’est un peuple mineur, éternellement mineur, pris dans un devenir-révolutionnaire ».[23] Créer une santé est donc une affaire de devenir. Or, celui-ci, ajoute Deleuze, « n’a rien à voir avec un état dont (…) [il] pourrait se réclamer. Devenir n’est pas atteindre à une forme (identification, imitation, Mimésis), mais trouver la zone de voisinage, d’indiscernabilité ou d’indifférenciation ».[24] L’écrivaine créatrice de santé cherche donc à créer des zones de voisinage plutôt que des caractères formels. Elle délire non pas comme une malade, mais pour créer une santé. Elle écrit pour s’adresser à un peuple qui manque plutôt que pour partager ses névroses ou ses psychoses. Pour Deleuze, l’écrivaine jouit d’une petite santé. Même si ce qu’elle voit et entend l’épuise, sa petite santé la mène à des devenirs qu’une « grosse santé dominante rendrait impossibles ».[25] Petite santé certes, mais si créer une santé n’est pas guérir, la différence entre guérison et création d’un peuple produit ici une confusion de sens. Peut-être Deleuze cherchait-il à résister au piège moderne de la prétention scientifique à la guérison? Un sujet sensible non seulement dans l’histoire de la médecine, mais aussi dans celle de la psychanalyse. En revanche, Stengers, dans son travail sur la médecine moderne, sur l’hypnose et sur la psychanalyse, crée un nouvel habitat où guérison et création d’un peuple s’arriment dans un projet politique.
Au lieu de se positionner au carrefour de l’activité rationnelle et du monde phénoménologique, Stengers se concentre sur les différences et singularités des modes de valorisation des pratiques qu’elle mobilise afin de saisir leur valeur constructive, leur visée[26] et leur portée politique. Dans Le Médecin et le charlatan, elle nous invite à poser une série de questions : Contre quoi la médecine moderne s’invente-elle? Qu’est-ce qui permet de distinguer le médecin du charlatan? Les médecins diplômés des guérisseurs traditionnels? La médecine moderne de la médecine médiévale? Stengers ne cherche pas ici à démontrer la supériorité morale ou l’efficace de la médecine moderne, mais à mettre en lumière les modes d’attachement auxquels elle donne lieu. Sa méthode consiste à produire des contrastes entre le médecin et le charlatan. Stengers précise que les contrastes se distinguent des oppositions par leur valeur constructive. En produisant des contrastes, elle allège les pratiques et les controverses du poids moderne qui pèse sur elles pour les saisir dans leur devenir comme créatrices de mondes. C’est ainsi qu’elle contraste la médecine moderne et la figure du charlatan pour construire « l’intelligibilité (..) de leur différence qualitative ».[27] Plutôt que d’approcher la différence depuis une « doctrine ou des pratiques, »[28] elle formule un énoncé évocateur : « la guérison ne prouve rien ».[29] « L’objectif poursuivi par la médecine (guérir), » précise-t-elle, « ne suffit pas à faire la différence entre pratique rationnelle et pratique de charlatan »[30] puisque le charlatan se réfère également à un modèle de scientificité pour revendiquer « ses guérisons comme preuve ».[31] En d’autres termes, la guérison, qu’elle soit « prouvée » par le médecin ou par le charlatan, ne permet pas de saisir la différence qualitative de leur pratique. Dans ce contexte, puisque la guérison cherche à prouver, plutôt qu’à faire différer, elle ne donne pas non plus lieu à un peuple minoritaire. Stengers explique que le modèle de vérité scientifique qui est revendiqué par le médecin et par le charlatan est impliqué dans une mise en scène qui empêche de mettre la preuve à l’épreuve. Afin de réintroduire l’épreuve, Stengers propose de rompre « avec la perspective générale qui fait coïncider rationalité et triomphe de l’expérimentation, »[32] au profit d’une liaison entre rationalité et art de guérir. Elle nous invite ainsi à nous intéresser à « l’art moderne de guérir »[33] et aux « obligations positives » qui « définissent la singularité »[34] de cet art, en focalisant notre attention sur des « sites où il s’agit de guérir et non de prouver ».[35] Elle propose de considérer et d’investir le corps comme un de ces sites.
Pour s’éloigner de la chasse au charlatan et de l’art de la preuve, elle se concentre sur le corps et sur la manière dont il intervient dans le processus de guérison (en contraste avec comment il s’y soumet). « Le corps souffrant, » écrit-elle, « n’est pas un témoin fiable » puisqu’il est « susceptible de guérir pour de mauvaises raisons ».[36] Il fait donc « obstacle à la preuve ».[37] Stengers investit les mauvaises raisons pour lesquelles le corps peut guérir afin d’activer une minoration autour de la guérison. Loin des mises en scène expérimentales et des épreuves par comparaisons, elle propose de ramener la maladie « au point de vue du malade où l’imagination ne fait pas obstacle au fait expérimental ». La création d’un peuple à venir et la fonction fabulatoire de l’imagination entrent ici en contact. En relais de Deleuze, Stengers propose l’imagination comme force créatrice de santé, comme force qui révèle la vie dans les choses et aussi comme force qui a le pouvoir de nous situer. Comme elle l’indique notamment dans sa contribution pour ce numéro, et aussi dans Réactiver le sens commun: Lecture de Whitehead en temps de débâcle, nous devons « résister à la normalisation et à l’anesthésie de l’imagination »,[38] car ce qui est en cause est la « canalisation de notre imagination ».[39] La médecine moderne, précise-t-elle, reconnaît l’imagination pour mieux l’éviter, pour disqualifier le problème plutôt que de le comprendre.[40] En demandant de quoi le corps vivant est capable, Stengers reconnaît l’imagination non pas pour mieux la refuser, mais plutôt pour refuser l’élimination des « causes » et des « prétendants illégitimes ».[41] Stengers cherche ici à comprendre plutôt qu’à expliquer, c’est-à-dire, à « identifier positivement des modes d’action fiables ».[42] C’est ainsi qu’elle fait du corps un site « problématique où une rencontre doit s’opérer ».[43]
Stengers ne s’arrête pas là. Elle complexifie l’intervention du corps dans le processus de guérison en ajoutant que « la médicine ne peut aujourd’hui être réduite à une réponse à la souffrance individuelle car elle n’est pas seulement l’affaire du médecin et de son malade ».[44] Cette ouverture du processus de guérison à tout le champ social résonne avec Deleuze puisque le corps est ici saisi comme un devenir plutôt que réduit à des caractères formels, c’est-à-dire qu’il est saisi depuis les zones de voisinage qui l’animent et qu’il génère. La guérison, comme l’invention d’un peuple à venir, s’actualise donc dans des nouveaux rapports au collectif. Stengers explique cette création collective depuis le travail de l’ethnopsychiatre Tobie Nathan qui porte notamment sur les contraintes productives des thérapies traditionnelles. Ces contraintes, explique-t-elle, « affilie[nt] le malade au monde où prend sens ce qu’il vit, et par rapport auquel il peut se construire comme membre d’un groupe pour qui ce qu’il vit a une signification ».[45] La guérison est donc moins une solution à un problème qu’un processus de construction collective[46] où l’on « s’invente comme composante d’une cité et non pas comme un objet de définition médicale et policière ».[47]
La médecine est donc pour Stengers un problème inséparable de ce qui fait exister les collectifs.[48] Créer une santé, ou s’adresser à la guérison d’un corps, ce n’est donc pas s’adresser seulement à un corps individuel, ou au couple corps-souffrant/médecin, mais bien s’adresser au corps social tout entier. À la question de Deleuze, « quelle santé suffirait à libérer la vie partout où elle est emprisonnée? »,[49] Stengers répond par une santé tripolaire : d’abord un art de guérir comme l’art d’une métamorphose, ensuite la création d’un peuple à venir et, enfin, la construction d’un habitat pour celui-ci. Avec Stengers, on comprend en effet que l’invention d’un peuple est aussi l’invention d’un milieu d’habitation. La production d’un mode d’existence, écrit-elle, « implique un ‘pari’, un risque, la création d’un point de vue au sujet de quoi, à partir de maintenant, va devenir un milieu ».[50] Créer une santé remplit donc une fonction triple d’imagination, de construction collective et de partage géopolitique. Pour revenir sur nos préoccupations institutionnelles et académiques, puisque la création d’une santé permet de produire du sens et du collectif plutôt que de mettre en scène ou de prouver un fait individuel, il s’agit donc de saisir l’occasion d’interroger -et de mettre à l’épreuve- nos présuppositions à l’égard des problèmes que nous créons. Si créer une santé n’est pas prouver, quels types de savoirs cette création donne-t-elle lieu à? En d’autres termes, quels types de savoirs et modes d’adresses sont-ils susceptibles de susciter notre imagination, d’opérer une minoration ainsi qu’un nouveau partage spatial?
II. Tempérament shaman. Technique : pratiquer le non-savoir
Pour un mathématicien, les matrices sont des opérateurs de transformation : elles demandent donc à opérer, elles demandent quelque chose à transformer. Ce qui signifie que ce dont nous avons l’expérience devrait être transformé par l’application des catégories, mais n’en deviendra pas l’illustration.[51]
Stengers nous lance le défi de mettre « en problème le rôle politique du savoir ».[52] De s’intéresser à sa production et de considérer cette production comme une expérimentation éthique. Au lieu de démontrer ou de prouver un savoir, on s’intéressera plutôt à ce qu’il active, motive et mobilise. Stengers, comme Haraway, propose de saisir « l’agentivité du monde dans le savoir »[53] et de concevoir le savoir comme vivant, c’est-à-dire de s’aventurer dans une conversation avec le monde plutôt que dans un processus de découverte qui le réduirait à une ressource. Défi de taille, qui exige notamment de porter une attention particulière à nos manières d’écrire et de parler. En effet, les stratégies d’extraction et d’exploitation qui font du monde une ressource se matérialisent de multiples façons. Par exemple, dans le milieu académique, on rencontre trop souvent la formulation « X coined the term Y » (i.e. X a inventé l’expression Y), un mode d’adresse qui fait de la production de concepts un mode d’occupation territoriale en droite ligne des pratiques coloniales et capitalistes. La pensée, Stengers nous met en garde, « n’a jamais le pouvoir de définir, c’est-à-dire de s’approprier ce qui est proposé ».[54] Le savoir doit rencontrer l’événement et non pas être soumis à des croyances, des désirs ou des besoins humains, institutionnels ou carriéristes. Nous rencontrons les événements comme des aventures, comme des épreuves. Il faut donc chercher à se défaire de notre emprise intelligible sur le monde ainsi que des évidences qui démontrent ou prouvent et plutôt chercher à « être du monde, » c’est-à-dire à créer de nouveaux intérêts, de nouveaux modes d’attachement qui mettent au défi nos capacités à « être présent au monde ». S’adresser à un peuple qui manque c’est donc « présenter une proposition dont l’enjeu n’est pas de dire ce qui est, pas non plus de dire ce qui doit être, mais de faire penser ».[55]
III. Tempérament architecte. Technique : construire une géopolitique de la pensée-habitation
Nous ne savons plus très bien ce que signifie habiter le monde moderne.[69]
On pourrait dire que pour Whitehead une civilisation est une aventure qui se pense elle-même à travers ceux qui sont concernés par elle.[70]
La crise du logement n’est pas seulement un problème urbain. La propriété privée, la destruction des communs et l’individualisation des désirs n’est en effet pas seulement l’affaire de promoteurs immobiliers. Le milieu universitaire et académique n’échappe malheureusement pas aux enjeux contemporains liés à l’habitation et à la mobilité. La professionnalisation des savoirs, ajoutée aux pressions multiples, particulièrement au niveau du rayonnement –souvent calculé au nombre de publications– force les universitaires à inscrire leur démarche et leur pensée dans des logiques économiques et/ou concurrentielles qui menacent de les exproprier. On peut notamment penser aux articles à auteur.e unique qui, aujourd’hui encore, constituent la norme dans les sciences humaines et sociales, et demeurent plus valorisés que ceux écrits collectivement. Penser ensemble, à tout le moins dans le milieu universitaire, relève donc d’un véritable athlétisme. Dans ce contexte, il semble extrêmement pertinent de questionner les modalités de coexistence qui sont susceptibles d’alléger la production de connaissances du fardeau institutionnel engendré par la professionnalisation des savoirs. Il semble en effet nécessaire d’interroger le potentiel des habitats que nous construisons à activer une redistribution et un nouveau partage de l’espace susceptibles de donner lieu à une habitation collective du monde.
Stengers reconnaît l’efficacité et la productivité des disciplines pour les communautés scientifiques, mais elle nous invite à « sortir de la routinisation et des fausses sécurités » [99] dont elles se parent. Elle ajoute que la discipline « empêche de penser, et de prendre du recul » puisqu’elle « voue à la compétition et au refus de tout ce qui pourrait « faire perdre du temps » ».[100] Déclaration plutôt déprimante, notamment pour des universitaires en début de carrière! Alors que les partenariats et pratiques collaboratives entre disciplines, instituts, centres de recherche et autres sont valorisées et encouragées, les savoirs non-disciplinaires, qu’ils soient anti, trans, ou multi- disciplinaires, trouvent difficilement un habitat. En Amérique du Nord comme en Europe, il est pratiquement impossible de décrocher un emploi dans une institution universitaire sans avoir une formation dans une discipline bien précise. Les problèmes sont donc adressés depuis des considérations anthropologiques, historiques, sociologiques, médiatiques, etc. Stengers ne voue guère plus de pouvoir à l’interdisciplinaire, qu’elle nous propose de comprendre comme un « partage de propriétaires ».[101] Pourrait-on alors trouver hospitalité dans des pratiques transdisciplinaires? Est-ce que le trans- peut agir comme une possibilité de résistance au réductionnisme? Et, de manière plus pragmatique, est-ce que la transdisciplinarité peut être un ethos plutôt qu’un branding? En effet, est-ce que la discipline, l’interdisciplinaire, le multi, pluri et/ou le transdisciplinaire ne se rapprochent pas davantage d’une représentation de la pensée, d’un mode de distribution (plutôt que de partage) qui obéirait aux règles d’un territoire trop bien défini? En contraste avec la discipline, le tempérament dont Debaise parlait, en faisant référence à James, n’agit-il pas comme diagnostic performatif de notre époque? Comme une possibilité de créer une santé, de s’adresser à un peuple à venir, et de faire milieu? Le tempérament, en contraste avec la discipline, ne s’adresse-t-il pas à nos modes d’organisation de la pensée, à nos capacités à réfléchir ensemble, plutôt qu’à des divisions par catégorisations, territoriales, disciplinaires ou autres? Le tempérament ne permet-il pas de pratiquer l’attitude philosophique dont parlait Whitehead comme « une tentative d’élargir le champ de l’application de toute notion qui entre dans la pensée courante? »[102] Alors que le « trans » de la transdisciplinarité a déjà été capturé dans des logiques néo-libérales[103] qui reconnaissent la diversité et la pluralité des savoirs et qui célèbrent cette hétérogénéité dans des « deliverables »,[104] penser avec Stengers c’est plutôt saisir le fil à tisser, le « phil- » de la philosophie, plutôt que le « trans », de la transdisciplinarité. C’est donc un réel amour pour la construction de problèmes qui se dégage de son œuvre.
Pour faire milieu, Stengers propose l’écologie des pratiques qu’elle introduit comme « [l’]invention des manières dont pourraient apprendre à coexister des pratiques différentes, répondant à des obligations divergentes ».[105] L’écologie, dans son travail « est donc la science des multiplicités, des causalités disparates et des créations non intentionnelles de signification ».[106] Or, l’écologie, précise Stengers, ne permet pas de « déduire l’identité de chacun en fonction de son rôle ».[107] C’est-à-dire qu’elle n’impose pas « un point de vue unitaire d’où pourrait se déduire le rôle assigné à chacun ».[108] Elle désigne plutôt « une problématique processuelle […] susceptible d’intégrer des termes disparates »[109] et ce, sans pour autant être « une science des fonctions ».[110] Les palabres africaines sont pour Stengers des expérimentations écologiques au sens où « chacun reconnaît tous les autres comme légitimes et insuffisants ».[111] Pratiquer l’écologie, c’est donc apprécier la différentielle des visées et pratiques plutôt que de produire une réduction, une confusion ou une hiérarchie entre les savoirs. C’est se comporter à sa manière, « mais avec les autres et grâce aux autres ».[112] C’est donc aussi mettre à l’épreuve ses propres modes d’appartenance, d’interdépendance et d’attachement. Stengers nous oblige à questionner nos manières d’habiter et notre capacité à créer des collectifs. Elle exige aussi que nous interrogions leur temporalité. On cherche à activer un changement au présent, mais il faut savoir saisir la portée temporelle de celui-ci.
IV. Tempérament héritière. Technique : pratiquer le relais
Il est des histoires qui ont besoin d’être sans cesse réactivées afin de pouvoir être relayées avec de nouvelles données et de nouvelles inconnues. (…) Relayer, c’est savoir que, s’il doit y avoir fidélité, elle passera par une transformation.[113]
S’il y a eu oubli du passé, il n’y a pas eu déguisement, mais bien plutôt volonté – puis habitude – d’oubli.[114]
Les techniques introduites ici proposent d’habiter un milieu et non d’occuper un territoire. Elles sont des lignes de fuite plutôt que des points d’entrée, puisque l’objectif n’est pas de s’installer dans la pensée de Stengers, ou d’occuper avec elle un territoire, mais bien de la relayer, pour hériter autrement. Stengers nous invite à questionner nos manières de construire et d’habiter les problèmes. Elle nous invite aussi à interroger nos manières d’héritier, de relayer, de fabriquer des alliances, des pactes, des filiations. Problématiser, pratiquer le non-savoir, c’est donc aussi questionner la qualité des problèmes que nous léguons. C’est demander de quoi ils sont capables. C’est questionner l’héritage qu’ils portent-ils pour les générations futures. Stengers nous oblige « à penser avec les conséquences de nos pensées ».[115] À cet égard, elle nous invite notamment à refuser de transmettre une malédiction. Elle nous met par exemple en garde contre la misanthropie qui accompagne plusieurs discours sur l’Anthropocène. Non seulement faut-il savoir saisir la temporalité des problèmes et habitats que nous construisons, il faut également refuser de les inscrire dans des devenirs déjà connus. Donna Haraway nous rappelle que Stengers nous lance le défi de résister aux aventures qui sont prises dans des destins prédéterminés. Par exemple, si le capitalisme se présente comme la seule option, si les vélocités qu’il impose semblent les seules temporalités possibles, si le slogan « Ralentissez et les capitalistes accéléreront » est la seule réponse à une prise sur le temps, nous devons admettre la pauvreté de nos schémas de pensée et nos incapacités à construire d’autres possibles.
Stengers propose le relais comme comme technique opératoire qui continue et transforme. En nous invitant à pratiquer le relais, elle nous lance le défi de refuser « la complaisance avec laquelle nous collaborons à l’oubli de ce qui dérange ».[116] En contraste avec la violence de la tabula rasa, qui ne parvient jamais à tout effacer, le relais agit comme mémoire. En effet, Stengers nous rappelle que relayer « ce n’est pas tourner le dos, c’est hériter autrement ».[117] Relayer, est donc « une continuation qui est aussi une métamorphose ».[118] Stengers joue avec le sens anglais de rappeler, remember, pour produire une série d’images dynamiques du relais: « re-membrer, re-faire, re-sentir, re-composer, re-nouer, rassembler ». [119] Le relais est donc une technique de l’écologie des pratique qui assemble à nouveau des « élément hétérogènes en une composition continue qui ‘fait sens.’ »[120] Stengers insiste sur le pouvoir de la fiction (du récit) comme manière « d’habiter des problèmes » sans les résoudre et donc sans « connaître la réponse ». Alors que la narration, lorsqu’elle est entièrement tendue vers le dénouement d’une intrigue ou la résolution d’une énigme « ignore l’hésitation parce qu’elle sait la réponse », le relais agit comme une épreuve temporelle ; il fait compter/importer autrement. Il permet de présenter une « histoire hétérogène sans se perdre dans des chemins obscurs, et sans lui imposer un faux sens de continuité, une simplification qui la transformerait en destin ».[121] Ce qui en résulte n’est toutefois pas une solution, mais « un rebondissement, la création d’une proposition qui tout à la fois accepte l’issue historique […] et en relance la portée et les conséquences ».[122] Stengers pense donc le relais comme une manière de s’inscrire dans le temps, qui conteste son ordonnancement par des récits majoritaires, comme la création d’une santé brise la linéarité d’une certaine temporalité médicale.
Santé, cohabitation, peuple à venir, non-savoir, pensée-habitation, controverse, idiotie et indiscipline sont intimement liés sans toutefois être interchangeables. Si leur pratique partage une visée, c’est celle de la jouissance. Pour Stengers, l’existence « n’est pas un objet de connaissance, mais ce dont nous jouissons, ce dont nous avons une appréhension concrète en tant que jouissance ».[123] En continuation des travaux de Whitehead, elle nous invite aussi à apprécier « la jouissance même du partenariat ».[124] L’appartenance, comme un mode d’attachement qui fait corps traverse les différents tempéraments présentés ici et s’entend comme une jouissance collective. Si les tempéraments introduits ici cautionnent une façon de pratiquer, c’est en effet celle le « refus de s’ennuyer ».[125] Le refus de s’ennuyer comme un risque, le risque de choisir la voie mineure et le chemin de l’hétérodoxie. Penser Stengers, c’est donc s’engager dans une épreuve de jouissance où il faut « apprendre à apprendre »,[126] à risquer sa propre démarche. Son travail est en effet, comme José Gil qualifie celui de Deleuze et Guattari, un va et vient entre le champ thérapeutique et le champ de pouvoir social et économique.[127]
Penser avec Stengers, c’est donc courir plusieurs risques. Celui d’être désorienté et de perdre pied. Celui de ralentir tout le monde. Celui de créer une santé. Celui de participer à l’émergence de collectifs. Celui de construire des habitats et des surfaces d’inscription communes. Celui d’être possédé, et aussi situé, par l’imagination. Penser avec Stengers, c’est donc courir le risque de s’aventurer dans une affaire non pas imprécise ou générale, mais imprévue.[128] Une aventure où l’on est invité à différer, devenir, involuer.
[1] Stengers, Isabelle, « Résister à Simondon? », Multitudes, 4:18, 2004, p. 55-62.
[2] Voir notamment : Stengers, Isabelle (2002), L’hypnose entre magie et science, Paris, La Découverte/Les Empêcheurs de penser en rond ; et Pignarre, Philippe et Isabelle Stengers (2007), La sorcellerie capitaliste. Pratiques de désenvoûtement, Paris, La Découverte.
[3] Stengers, Isabelle (1997), Cosmopolitiques 1, Paris, La Découverte/Les Empêcheurs de penser en rond, p. 25.
[4] Stengers, Isabelle (2019), Résister au désastre, Wild Project, p. 10.
[5] Deleuze, Gilles et Guattari, Félix (1975), Kafka, Pour une littérature mineure, Paris, Les Éditions de Minuit, p. 7.
[6] Ibid.
[7] Debaise, Didier, « The Minoritarian Powers of Thought: Thinking beyond Stupidity with Isabelle Stengers », SubStance, 47:1, 2018, p. 19.
[8] Stengers Isabelle (2007), « La proposition cosmopolitique », dans Jacques Lolive et Olivier Soubeyran, L’émergence des cosmopolitiques, Paris, La Découverte, p. 47.
[9] Ibid.
[10] William James cité par Debaise, Didier, « The Minoritarian Powers of Thought », p. 17.
[11] Stengers, Isabelle et Gille, Didier (1989), « Préface », dans Chertok, Léon, Le non-savoir des psy. L’hypnose entre psychanalyse et biologie, Le Plessis-Robinson, Payot, p. 14.
[12] Manning, Erin et Massumi, Brian (2014), Thought in the Act: Passage in the Ecology of Experience, University of Minnesota Press, p. 89.
[13] Massumi, Brian, Parables for the Virtual, p.255-256 (ma traduction).
[14] Stengers, Isabelle (2020), Réactiver le sens commun : Lecture de Whitehead en temps de débâcle, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, p. 14.
[15] Stengers, Résister au désastre, p. 70.
[16] Stengers, Cosmopolitiques 1, p. 24.
[17] Stengers, Médecins et sorciers, p. 161.
[18] Canguilhem, George (2005), Le Normal et la pathologique, Paris, Presses Universitaires de France ; et Gil, José (1991), Métamorphoses du corps, Paris, La Différence.
[19] Stengers, L’hypnose entre magie et science, p. 45.
[20] Stengers, Isabelle (2005), « Introductory Notes on an Ecology of Practices », Cultural Studies Review, n° 11, p. 1.
[21] Canguilhem, Le Normal et le pathologique, p. 130.
[22] Deleuze, Gilles (1993), Critique et clinique, Paris, Les Éditions de Minuit, p. 15.
[23] Ibid. p. 14.
[24] Ibid. p. 11.
[25] Ibid. p. 14.
[26] Stengers note que « [l]a visée n’est pas l’expression d’une intention », dans Réactiver le sens commun, p. 185.
[27] Stengers, Isabelle (1993), L’invention des sciences modernes, Paris, La Découverte, p. 177.
[28] Stengers, Médecins et sorciers, p. 125.
[29] Ibid.
[30] Ibid.
[31] Ibid., p. 126.
[32] Ibid., p.153.
[33] Ibid., p.131.
[34] Ibid., p.157.
[35] Ibid., p.158.
[36] Ibid., p.129.
[37] Ibid., p.146.
[38] Stengers, Réactiver le sens commun, p. 120.
[39] Ibid., p. 118.
[40] Stengers, Médecins et sorciers, p. 142.
[41] Ibid., p.154.
[42] Ibid.
[43] Stengers, « Préface », p. 15.
[44] Stengers, Médecins et sorciers, p. 167.
[45] Ibid., p. 159.
[46] Ibid.
[47] Ibid., p. 165-166.
[48] Ibid., p. 166.
[49] Deleuze, Gilles, Critique et clinique, p. 14.
[50] Stengers, Cosmopolitiques 1, p. 57.
[51] Stengers, Réactiver le sens commun, p. 155.
[52] Beaucamp, Sabine et Stengers, Isabelle (2013), « Vers une pluralité des sciences », Agir par la culture, https://www.agirparlaculture.be/isabelle-stengers-vers-une-pluralite-des-sciences/
[53] Haraway, Donna (1988), « Situated Knowledge: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies, 14:3, p. 593.
[54] Stengers, Réactiver le sens commun, p. 178.
[55] Stengers, « La propositions cosmopolitique », p. 45.
[56] Stengers, « Préface », p. 14.
[57] Ibid., p. 11.
[58] Duruz, Nicolas (2013), Éloge du non-savoir, François Roustang, thérapeute et philosophe, Editions Esprit, n° 7, p. 81.
[59] Ibid., p. 79.
[60] Stengers, L’hypnose entre magie et science, p. 16.
[61] Ibid., p. 85-86.
[62] Duruz, Éloge du non-savoir, p. 83.
[63] Stengers, « Préface », p. 19.
[64] Ibid.
[65] Stengers, Réactiver le sens commun, p. 79.
[66] Ibid., p. 95.
[67] Ibid., p. 69.
[68] Stengers, « La propositions cosmopolitique », p. 48.
[69] Stengers, Réactiver le sens commun, p. 108.
[70] Ibid., p. 37.
[71] Foucault, Michel, « Polémique, politique et problématisations ; entretien avec P. Rabinow », mai 1984, Dits Ecrits tome IV, texte n°342, http://1libertaire.free.fr/MFoucault262.html.
[72] Grelet, Stany, Philippe Mangeot et Mathieu Potte-Bonneville, « Une politique de l’hérésie. Entretien avec Isabelle Stengers », Vacarme, 2:19, 2002, p. 13.
[73] Ibid., p. 6.
[74] Stengers, Réactiver le sens commun, p. 100.
[75] Ibid., p. 83.
[76] Ibid., p. 11.
[77] Ibid.
[78] Ibid., p. 76.
[79] Ibid., p. 110.
[80] Stengers, Cosmopolitiques 1, p. 64.
[81] Stengers, Réactiver le sens commun, p. 64.
[82] Stengers, Isabelle (2020), « Ursula Le Guin – Penser en mode SF », Épistémocritique, hors-série.
[83] Foucault, « Polémique, politique et problématisations ».
[84] Stengers, Isabelle (2010), Cosmopolitics 1, Minneapolis, Minnesota University Press, p. 129 (ma traduction).
[85] Grelet et al., « Une politique de l’hérésie », p. 13.
[86] Deleuze, Gilles, Critique et Clinique, p. 12.
[87] Stengers, L’invention des sciences modernes.
[88] Stengers, « Préface », p. 12.
[89] Stengers, L’hypnose entre magie et science, p. 14.
[90] Ibid., p. 80.
[91] Stengers, Isabelle (1992), La volonté de faire science. À propos de la psychanalyse, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, p. 10.
[92] Stengers, Réactiver le sens commun, p. 69.
[93] Ibid.
[94] Ibid., p. 14.
[95] Ibid., p. 71.
[96] Ibid.
[97] Ibid.
[98] Stengers, Isabelle (2005), « Introductory Notes on an Ecology of Practices », Cultural Studies Review 11:1, p. 187.
[99] Dosse, François (2013), « La Nouvelle Alliance, une triple entente », dans L’empire du sens, Paris, La Découverte, p. 387.
[100] Grelet et al., « Une politique de l’hérésie », p. 6.
[101] Dosse, « La Nouvelle Alliance, une triple entente », p. 387.
[102] Whitehead cité dans Stengers, « La proposition cosmopolitique », p. 12.
[103] Manning, Erin et Massumi, Brian (2014), Thought in the Act: Passage in the Ecology of Experience, University of Minnesota Press.
[104] Ibid.
[105] Stengers, « La proposition cosmopolitique », p. 47.
[106] Stengers, Isabelle (1997), « La guerre des sciences », Cosmopolitique 1, Paris, La Découverte/Les Empêcheurs de penser en rond, p. 62-63.
[107] Ibid., p. 61.
[108] Ibid., p. 62.
[109] Ibid., p. 60-61.
[110] Ibid., p. 61.
[111] Grelet et al., « Une politique de l’hérésie », p. 7.
[112] Stengers, Réactiver le sens commun, p. 70.
[113] Despret, Vincianne, Stengers, Isabelle, et al. (2011), Les faiseuses d’histoires. Que font les femmes à la pensée?, Paris, La Découverte, p. 46-47.
[114] Stengers, Isabelle, « Thermodynamique : La réalité physique en crise », Cosmopolitiques 3, Paris, La Découverte/Les Empêcheurs de penser en rond, p. 21.
[115] Stengers, Réactiver le sens commun, p. 180.
[116] Stengers, « Préface », p. 21.
[117] Stengers, Réactiver le sens commun, p. 180.
[118] Ibid., p. 188.
[119] Ibid., p. 157.
[120] Ibid.
[121] Stengers, Cosmopolitics 1, p. 130 (ma traduction).
[122] Stengers, Isabelle, « Thermodynamique », p. 27-28.
[123] Stengers, Réactiver le sens commun, p. 75.
[124] Ibid., p. 148.
[125] Stengers, « Préface », p. 12.
[126] Stengers, Isabelle, La volonté de faire science, p. 81.
[127] Gil, Métamorphoses du corps.
[128] Deleuze, Critique et clinique, p. 11.