Les écrits de fous éclairent de manière exemplaire le fonctionnement de ce qu’on peut appeler les institutions culturelles. Dans la mesure où ils proviennent très souvent d’une première institution, l’hôpital, qui les catégorise d’emblée de manière très stricte, tout le problème est de voir comment les textes peuvent sortir de ce premier cadre en transitant, le plus souvent, par d’autres institutions (les musées, les éditeurs, les universités… ) pour trouver d’autres lecteurs. Après avoir mis au point quelques éléments généraux de réflexion, cette étude se propose d’étudier le cas des écrits de Lionel[1], dont l’histoire a inspiré le roman d’Henry Bauchau L’enfant bleu[2] qui le représente sous le nom d’Orion. Nombre des textes attribué au héros du livre ont été directement inspiré par ceux de Lionel, conservés par l’écrivain du temps où il était son thérapeute. Leur insertion dans le roman va de paire avec une réécriture en profondeur qui inscrit dans le champ littéraire une certaine représentation du discours de la folie.
1. Pourquoi travailler sur les écrits de fous ?
Depuis le XIXe siècle et la naissance de la médecine mentale, les écrits de fous font l’objet de patientes retranscriptions de la part des psychiatres, dont le but diagnostique s’enrichit rapidement d’un intérêt esthétique[3]. Les revues et les traités de psychiatrie, les thèses de médecine, foisonnent dès 1870 de textes de patients, parfois donnés en fac-simile. La première moitié du XXe siècle a vu ensuite leur insertion progressive dans des revues littéraires d’avant-garde, principalement surréalistes[4], leur conférant, de manière ambiguë, le statut d’œuvres littéraire à part entière, et invitant à porter un regard nouveau sur la folie perçue dans une dimensions humaniste et créatrice. Les grandes expositions organisées par l’hôpital Sainte-Anne en 1946 et 1950 à Paris, invitant un public néophyte à prendre connaissance de l’art des fous, et l’expansion concomitante de l’art-thérapie, ont accentué cette perception des choses : à partir de la seconde moitié du XXe siècle, il semble désormais acquis que les malades internés peuvent produire des œuvres artistiques.
Pourtant ces œuvres peinent à trouver leur place dans le champ artistique traditionnel, comme en témoigne le succès de la notion d’art-brut, et les écrits de fous, collectés et parfois publiés, bénéficient d’un statut à part, cantonnés dans les marges de la littérature. En cela ils posent, de manière têtue, la question de la valeur : leur existence rend toute définition essentialiste de la littérature problématique dans la mesure où il remettent en question la pertinence de la notion de la littérarité, notamment en montrant combien elle est soumise à des variations historiques. En effet c’est de manière particulièrement ambiguë que ces textes, considérés à l’origine par les aliénistes comme du matériel pathologique, ont acquis peu à peu le statut d’œuvres littéraire au XXe siècle.
Se pencher sur ces écrits, c’est donc dès le départ s’affranchir d’une définition essentialiste de l’art au profit d’une définition institutionnelle, c’est-à-dire relationnelle. Relativisme inspiré de Genette, selon qui il apparaît que les critères de la relation artistique « ne sont pas de l’ordre de la substance, mais de l’usage, de la circonstance et de la fonction. Non du quoi, mais du quand, du comment, du pour quoi faire »[5] – pour preuve, l’exemple fameux les ready made de Duchamp, des trouvailles de Breton au marché aux puces, ou les collages surréalistes. C’est ainsi encore que dans son poème « Suicide »[6], Aragon confère le statut de poème aux lettres de l’alphabet, par simple titrage, disposition sur cinq vers, et insertion dans un recueil de poésie.
C’est l’intention de ces auteurs qui confèrent à ces objets le statut d’œuvre. Selon George Dickie, « une œuvre d’art au sens classificatoire est 1 un artefact 2 auquel une ou plusieurs personnes agissant au nom d’une certaine institution sociale (le monde de l’art) ont conféré le statut de candidat à l’appréciation »[7]. Cette définition, qui semble se fonder sur une conception purement institutionnelle de l’art, inclut cependant la notion d’intention. Car George Dickie précise aussitôt que ceux qui confèrent le statut d’œuvre peuvent aussi bien être l’artiste lui-même, et seul, pourvu qu’il soit lui-même partie intégrante du monde de l’art[8]. Mais les « fous littéraires », les auteurs de textes bruts ou d’écrits produits dans des hôpitaux psychiatriques sont exclus de cette sociabilité et leur éventuel désir de faire œuvre peine à recouper l’appréciation du monde de l’art. Ainsi les écrits dits « bruts » (censés être produit en dehors de tout circuit et de toute intention culturelle) ne sont publiés que pour autant qu’ils constituent une catégorie à part[9]. Les « fous littéraires » présentent, de leur côté, le cas d’auteurs qui désirent au contraire s’inscrire dans un contexte culturel ou scientifique, mais qui ne parviennent pas à l’intégrer, et qui ne trouvent de reconnaissance que par le statut paradoxal et exogène de « fous littéraires », ne pouvant ainsi être lus qu’à rebours de leur intentionnalité première. Les textes de fous enfin, même publiés, ne sont que très rarement pleinement considérés comme littéraires. Ni dedans, ni dehors, ces écrits dessinent et mettent en lumière à leur manière les frontières mouvantes de la littérature, et leur historicité.
Il convient tout d’abord de souligner les problèmes théoriques et pratiques qui se posent au chercheur, à commencer par l’usage du terme « fou », préféré à celui de « malade mental », de « psychotique », etc. Il s’agit ici d’éviter tout emprunt au vocabulaire médical, toujours sous-tendu par une préoccupation diagnostique. A contrario, « fou » désigne celui qu’on a, à un moment donné, interné ou hospitalisé, sans préjuger de la réalité ou de l’origine de sa maladie.
L’expression « écrit de fou » est elle aussi problématique. Doit-on y inclure les textes produits a posteriori, après la sortie de l’hôpital, c’est-à-dire après « guérison » ? C’est le cas de la plupart des témoignages, écrits en général après la période d’internement, à un moment où la personne n’est plus considérée comme folle. Ou encore ceux que le patient a écrit avant, et qui ont été rétroactivement intégrés à certaines archives, comme c’est parfois le cas dans les archives asilaires, projetant ainsi un diagnostic implicite sur les antécédents du scripteur ? Pour être rigoureux, on ne devrait retenir que les textes écrits pendant l’épisode de folie, pendant internement – du moins tout écart à cette règle de principe devrait être justifié.
Quels corpus, dès lors, se prêtent-il à l’étude ? Les textes d’archives asilaires, tout d’abord, écrits pendant un internement et conservés dans le dossier du patient. C’est ainsi que l’hôpital Saint Jean de Dieu, au Québec, a ouvert ses archives aux chercheurs pour la période 1850-1950[10]. On peut mentionner encore les textes écrits en ateliers, qu’ils s’intitulent ou non d’art-thérapie, dans le cadre de séances collectives ou individuelles, dont une copie est laissée, avec l’autorisation du patient, dans les archives de l’hôpital. Le CCE, à Sainte-Anne, conserve ainsi dans ses archives un important corpus d’écrits aux caractéristiques spécifiques (thème imposé, durée d’écriture fixe). Viennent enfin les textes publiés, qui appartiennent à deux catégories distinctes : la première comprend les textes d’artistes ou d’écrivains ayant traversé des épisodes de folie plus ou moins longs comme Gérard de Nerval, Antonin Artaud, André Baillon, Unica Zürn, Eleonora Carington, Emma Santos, Nijinski et bien d’autres ; la seconde inclut tous les anonymes, publiés à compte d’auteur ou par des éditeurs traditionnels. Il s’agit le plus souvent, mais pas toujours, de témoignages[11]. Quelques textes se sont ainsi frayé un chemin jusqu’au public non spécialiste, portés par les commentaires de philosophes ou d’écrivains célèbres. C’est le cas, par exemple, des Mémoires d’un névropathe du Président Schreber (commenté entre autres par Freud, Lacan et Deleuze), de l’Autobiographie d’un schizophrène de Perceval le Fou, réédité et préfacé par Gregory Bateson, du Schizo et les langues de Louis Wolfson, préfacé par Deleuze en 1970[12], de l’anthologie rassemblée par Raymond Queneau et publiée en 2002 sous le titre Aux confins des ténèbres, Les fous littéraires, ou encore des Ecrits bruts édités en 1985 par Michel Thévoz.
Chaque détail du contexte d’écriture et de publication est significatif : quel écart entre la date d’écriture et de publication ? Par quel biais le texte parvient-il à l’éditeur ? Paraît-il sous nom d’auteur ou de manière anonyme ? Intégralement ou sous forme d’extraits ? Dans quelle collection, et accompagné de quels éventuels paratextes ? Bénéficia-t-il d’une réception critique ? Tels sont les éléments qui permettent de mieux dessiner l’évolution de la frontière mouvante qui sépare le document pathologique du texte littéraire. Car enfin, s’agit-il de document clinique, d’autobiographie, d’essai, d’œuvre littéraire ? Dans le cas de ces publications, les genres sont pris en défaut, et l’on doit s’interroger sur ce qui, ici, met à mal les catégories littéraires traditionnelles. Quels critères permettent, on non, de traiter ces écrits comme des œuvres littéraires ? Comment remettent-ils parfois en question la notion même de littérarité ?
Les écrits de fous sont des objets intéressants parce que très déterminés par celui qui s’en empare et qui lui donne forme en le faisant entrer dans le cadre de sa réflexion et de sa discipline : ainsi le psychiatre, le psychologue, le psychanalyste le prennent comme un symptôme soumis à l’interprétation, l’historien comme une archive soumise à l’analyse historique, le linguiste travaille en général sur les langages dits pathologiques, le littéraire se pose des question sur la littérarité, et quand il s’agit de textes d’auteurs reconnus (Artaud, Unica Zürn, Leonora Carrington…), on les soumet à l’analyse littéraire.
A ces questions théoriques s’ajoutent de sérieuses difficultés pratiques. Ces textes produits dans l’hôpital appartiennent en théorie au patient. En pratique, soit qu’il ne les réclame pas, soit qu’ils soient d’office collectés par le personnel de l’hôpital (par exemple pour les joindre au dossier médical), ils se retrouvent classés dans les archives, et deviennent propriété de l’hôpital. Protégés par le secret médical, ils sont donc en principe non consultables, sauf sous certaines conditions. Les archives hospitalières sont des archives publiques dépendant des archives départementales, dont la communication sans justification est réservée au patient, et avec justification aux ayants droits. Il est possible cependant de consulter librement des dossiers médicaux tombés dans le domaine public. Ces documents sont soumis à un délai de 25 ans à compter de la date du décès ou de 120 ans à compter de la date de naissance. (Code du patrimoine article L 213-1 à 7). Les autres sont non consultables. Enfin, aucun accès n’est autorisé, sauf anonymisation du dossier, pour des recherches d’ordre sociologiques ou historiques, et il faut s’adresser directement aux archives nationales pour toute demande de dérogation.
En termes de droit d’auteur, comment les considérer ? Plusieurs cas sont possibles : soit on les retrouve dans les archives d’un hôpital et ils ont été écrits par un patient né 150 ans auparavant, et mort depuis 70 ans : dans ce cas uniquement, les textes sont librement consultables et libres de droit. Soit on les retrouve dans les archives d’un hôpital, le patient est né 150 au moins auparavant mais est mort depuis moins de 70 ans. Il s’agit alors de trouver les ayants droit. Tout cela suppose que les dates de naissance et de mort figurent dans le dossier, ce qui est loin d’être toujours le cas. Et les recherches auprès de l’état civil sont complexes et possibles seulement, là aussi, sous certaines conditions. Quand on ne retrouve pas ces texte dans les archives médicales, mais dans un texte déjà publié (thèse de médecine, traité de psychiatrie, article, etc…), le médecin a toujours anonymisé le patient pour obéir à la règle du secret médical. Impossible donc de l’identifier. Entre le droit de l’archive et le droit d’auteur, il y a donc contradiction manifeste, et en pratique, une zone de non-droit largement exploitée par les éditeurs, collectionneurs et institutions muséales.
Qu’est-ce enfin qu’un auteur « fou », quand la folie est pensée, depuis deux siècles, dans les termes juridiques de l’irresponsabilité pénale[13] ? La loi a beau accorder désormais aux malades la propriété de leurs œuvres, ces derniers sont cependant symboliquement souvent destitués de leur statut d’artiste alors même que leurs œuvres ont depuis longtemps été éditées et diffusées.
Comprendre comment les écrits de fous intègrent le monde culturel et littéraire permet de mettre en évidence les mutations historiques et sociales d’un imaginaire de la folie, d’une part, et le déplacement de frontière entre littérature et non littérature, d’autre part. Ce faisant, on découvre que ces textes révèlent, de manière particulièrement aiguë, les fonctionnements institutionnels qui décernent de la valeur. Les écrits de fous ne sont pas les seuls à être soumis à ces mécanismes, tous les textes le sont. Mais ils le montrent mieux que d’autres, de manière beaucoup plus visible, beaucoup plus concentrée ; ils agissent comme des révélateurs.
Les problèmes ici posés ne trouveront pas de réponse dans le cadre étroit du cas que nous nous apprêtons à creuser, mais il est néanmoins nécessaire d’en garder les éléments présents à l’esprit : ils forment l’arrière plan sur lequel se détache, par contraste, le dossier que nous allons désormais exposer. On se limitera ici à l’examen des transformations subies par un des textes de Lionel ayant irrigué l’écriture du roman L’enfant bleu d’Henry Bauchau.
2. Le cas Lionel/Bauchau
L’enfant bleu est inspiré par la relation très particulière qui a uni entre 1976 et 1988 Henry Bauchau, alors psychanalyste, et Lionel, son patient dans un hôpital de jour pour enfants[14]. Dans le roman la narratrice, Véronique, psychothérapeute, se consacre tout particulièrement au cas d’Orion, un jeune adolescent très perturbé, qu’elle amène progressivement à s’épanouir dans la voie artistique. Le livre est rythmé par les « dictées d’angoisse » dans lesquelles Orion dicte ses peurs et son quotidien à Véronique. La voix d’Orion vient ainsi régulièrement se substituer à celle de Véronique.
Ces dictées d’angoisse sont directement inspirées de celles notées par Henry Bauchau lors de son travail avec Lionel, qui ont donc été reprises et réécrites pour les besoins du roman[15]. Dans le cas très particulier, sans équivalent à ce jour, des manuscrits des dictées d’angoisse de Lionel qui servent ensuite d’hypotextes à Henry Bauchau L’Enfant bleu, on voit comment un ensemble de textes transite du pathologique au littéraire au prix de plusieurs modifications. Ce n’est pas la première fois que des textes de fous sont utilisés dans une œuvre littéraire ; Les Enfants du limon de Queneau, publié 1938, est un éclatant précédent. Le contexte d’écriture rend cependant leur utilisation très différente. Queneau recycle, d’une certaine façon, un matériau brut qu’il aurait aimé, à l’origine, publier dans le cadre d’une anthologie et il cite les textes sans les réécrire. Bauchau, lui, s’en sert comme d’un matériau qu’il remanie en profondeur pour les besoins de son œuvre propre.
Les « dictées d’angoisse » consultées proviennent d’un don fait par Henry Bauchau au fonds éponyme, attaché à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve. Le dossier comporte plus de 550 pages, feuilles volantes et cahiers, pour la plupart manuscrites, dont 473 ont été dictées par Lionel à Henry Bauchau entre 1977 et 1988. Les textes ont été écrits lors des séances de travail ou de thérapie qui eurent lieu à l’hôpital de jour. Lionel ne souhaitait pas rapporter ses textes chez lui. Il les confia donc à Henry Bauchau, qui choisit de les garder. Il en fit ensuite dont au centre qui porte son nom, à l’Université de Louvain-la-Neuve. La singularité de cette archive résulte en partie de ce parcours atypique, qui fait transiter de dossier de l’archive hospitalière à l’archive littéraire, en passant par l’archive privée, transformant ce faisant la nature de son objet : ainsi les textes de Lionel appartiennent-ils désormais à l’histoire de la littérature, sous forme d’hypotexte du roman L’enfant bleu. C’est Henry Bauchau qui fait ici office d’instance légitimante.
Une autre particularité de ce dossier réside dans sa matérialité : il s’agit de textes dictés par Lionel, mais notées de la main de Bauchau. Dictés donc par le malade, et notés par le thérapeute, qui est aussi un écrivain. On peut déjà se dire que dans le flot de paroles de Lionel, Bauchau, si scrupuleux soit-il, a déjà dû opérer quelques coupures, a nécessairement effectué quelques sélections. D’autre part il n’est pas impossible que Lionel ait, consciemment ou inconsciemment, modelé son discours en fonction de son auditeur. Dès l’origine, ce matériau est donc, dans une certaine mesure, un matériau mixte.
Lors de la parution du livre, il n’est apparu nulle part que l’histoire d’Orion avait été inspirée par celle de Lionel. Henry Bauchau pensait alors protéger ce dernier des méfaits occasionnés par l’étiquette de malade mental, d’handicapé ou de psychotique. Lionel a cessé d’écrire dès que s’acheva son travail avec Henry Bauchau à l’hôpital de jour, mais il poursuivit, jusqu’à ce jour, son œuvre plastique. Au seuil de la mort et conscient de l’image positive dont bénéficiait désormais le héros de son roman, l’écrivain décida de lever l’anonymat, poussé par le désir d’aider la carrière de son protégé et de faciliter l’accès de son œuvre au grand public. Les « dictées d’angoisse » prirent dès lors une importance nouvelle : elles ne constituaient plus uniquement les hypotextes d’un roman, mais offraient également une documentation extrêmement complète sur le parcours d’un artiste dont l’œuvre avait pris naissance dans l’hôpital.
Bon nombre des tableaux de Lionel sont décrits dans L’enfant bleu où ils sont attribués à Orion. Ce jeu entre fiction et réalité est également à l’œuvre dans les écrits mentionnés dans le roman. Dès lors qu’Orion est inspiré par Lionel, qu’en est-il des textes cités dans le roman ? Quel écart entre l’original et la reprise romanesque ? Nous nous intéresserons ici à quelques modifications qu’Henry Bauchau a effectuées sur les textes de Lionel pour les faire figurer dans L’Enfant bleu, en prenant pour exemple celui qui s’intitule « Notre projet ».
Le texte « Notre projet »[16], daté du 17 mai 1978, a suffisamment intéressé Bauchau pour qu’il décide, d’une part, de le taper à la machine – ce qu’il ne fait pas pour tous – , et d’autre part, de l’utiliser dans son cours sur les rapports entre art et psychanalyse donné de 1982 à 1984 à l’Université de Paris VII. Il n’est donc pas étonnant qu’il fasse partie du corpus des hypotextes de L’enfant bleu.
Le voici, tel que retranscrit par Bauchau sur le document original :
Notre projet
Dictée du mercredi 17 mai 1978
Nous restons ensemble pour étudier et aussi un peu pour faire le docteur, le docteur psychologue. Ça sert à me rendre plus calme. Souvent je suis calme mais souvent je suis nerveux, quand le démon m’attaque. Je pense que tu travailles pour moi pour que je devienne plus intelligent et plus heureux. J’ai envie d’être plus heureux et toi ?
A Paris on n’est jamais tout seul ou bien on est tout seul du côté pessimiste sans les personnes qu’on voudrait ou alors avec les personnes qu’on voudrait mais avec d’autres gens en plus.
L’année prochaine, je voudrais travailler encore avec toi parce que je te connais et qu’avec toi je n’ai pas de grosses crises. Si je parle d’une jeune fille comme Pascale tu trouves que c’est bien. Tu t’intéresses beaucoup à mes dessins et ça m’encourage à en faire. J’ai le sentiment de faire des progrès, mes parents, je crois bien, pensent cela aussi.
Un professeur comme toi, ça sert à enlever un peu le démon de la tête. Alors peut-être aussi à penser aux belles filles. Pascale était au [nom de l’hôpital] parce qu’elle était un peu nerveuse. Est-ce qu’on a encore des dessins d’elle à l’école ? C’était une fille très intelligente.
Quand je serai grand je veux continuer à vivre avec papa et maman. J’aime peindre, les autres métiers, je ne sais pas quoi, je ne les connais pas. Je ne sais pas ce que tu voudrais que je fasse plus tard, non ! J’aime bien dessiner, je n’ai pas envie que cela s’en aille dans le courant de la vie, ni que cela se transforme en moderne, parce que ça fait du gribouillage. Le gribouillage c’est comme si c’était fait par un homme détraqué. J’ai un tout petit peu peur des hommes détraqués. Aussi j’ai peur qu’on me prenne pour un détraqué. Pour enlever le détraquement il faut faire des choses agréables : planter des arbres, aller dans les bois, planter des arbres dans les rues, faire plus de squares pour les enfants, faire des manèges pour les enfants, aller plus souvent à la piscine. Le bien se multiplie et rend nos caractères plus agréables et la folie s’en va. Nous deux on essaie de faire des choses agréables et de lutter contre la folie. Ça serait plus agréable encore dans le métro s’il y avait maman à côté, ou Superjenny ou Pascale.
Tu es professeur, en vérité, mais parfois tu es un peu comme un docteur, un monsieur qui soigne, qui arrange le détraquement. Moi, je ne suis pas détraqué. Je suis Lionel. Je suis un garçon normal parce que je travaille bien et je ne suis pas un garçon normal parce que le démon m’attaque. Mais le démon n’est pas en moi, il est dans Paris.
Voici maintenant l’extrait correspondant dans L’enfant bleu[17] :
Notre projet
Nous continuons ensemble à étudier comme à l’école et aussi à faire, tous les deux ensemble, le docteur un peu psychothéraprof. Ça sert à me rendre plus calme quand on devient nerveux, si le démon de Paris attaque de loin avec ses rayons ou de tout près avec son odeur, qui force à danser la Saint-Guy. Tu travailles pour qu’on soit plus intelligent et moins malheureux. Moi, on veut être heureux, et toi ? Cette année on veut travailler avec toi parce qu’on te connaît et qu’on a moins peur dans les grosses crises. Si on parle d’une jeune fille, comme Paule, tu trouves que c’est bien pour moi. Tu t’intéresses, même presque beaucoup aux jeunes filles qu’on connaît et à mes dessins. Une prof comme toi, Madame, ça sert à enlever le démon de la tête et à penser aux belles filles. Paule est à l’hôpital de jour parce qu’elle est aussi un peu nerveuse, elle est gentille sauf quand elle est parfois du côté de ceux qui font des mauvais coups.
Quand on sera grand… On aime peindre et siffler des airs d’opéra. Ce n’est pas un métier ça… Les autres métiers, ceux pour gagner des sous, on ne sait pas, on ne sait pas comment faire ? Et si on sent le démon de Paris, qu’on casse les outils et les machines ? Gagner des sous comme on doit faire, ça fait peur. On ne sait pas ce qu’on pourrait faire quand on sera un vraiment grand. Toi, tu le sais ? On aime dessiner seulement ce qu’on a dans la tête. Faire du réel pas réel. On ne veut pas que ça devienne du moderne comme souvent toi tu aimes. Maman dit que c’est du gribouillage. Comme si c’était fait par un détracté. Pour enlever le détractement, il faut faire des choses agréables : aller dans les bois, planter des arbres, faire des squares et des manèges pour les enfants, aller à la piscine, avoir des copains, des cousins de son âge, oser parler aux belles filles. Nous deux on est bien tous les deux dans ton bureau, tu as toujours du chocolat. On a envie de faire des choses agréables : aller en dessin à l’île Paradis n°2. Parce que sur l’île Paradis qu’on ne doit pas dire, on dirait que ça s’est terminé dans le catastrophié. Nous deux on lutte contre la folie débile, ça serait plus facile si Paule, la belle fille, prenait le même métro ou Supergénie de la télé, l’autobus.
Tu es prof mais parfois tu es aussi un peu docteur, une dame qui soigne le détractement, pas avec des remèdes pour des pas-normaux, qui font peur. Nous deux, on est des normaux parce qu’on travaille ensemble. Moi, on est un peu un pas-normal parce que le démon de Paris, il saute sur mon dos, il me bousille la gueule, il me détractouille mais moins quand nous on est à deux. Voilà, fin du projet.
A la lecture, plusieurs remarques s’imposent. Tout d’abord, si les deux textes ont à peu près le même contenu sémantique, ils ne produisent pas tout à fait le même effet. Et à l’analyse, il apparaît bien que Bauchau a largement réécrit le texte de Lionel. Des passages ont été supprimés, des éléments nouveaux ont été ajoutés, et de nombreux passages sont paraphrasés. Globalement, le texte de L’enfant bleu semble plus enfantin, déstructuré et bizarre que le premier. Paradoxalement peut-être, il semble aussi dégager plus de poésie. Il conviendra donc de comprendre le sens et l’effet des modifications apportées.
Tout d’abord, Bauchau effectue de nombreuses suppressions. Ainsi le passage : « A Paris on n’est jamais tout seul ou bien on est tout seul du côté pessimiste sans les personnes qu’on voudrait ou alors avec les personnes qu’on voudrait mais avec d’autres gens en plus. » Son élimination peut s’expliquer par le souci d’éviter la digression. Cependant, on peut aussi penser qu’elle est motivée par l’utilisation tout à fait correcte que fait ici Lionel du « on », pronom indéfini qui désigne dans ce contexte une communauté anonyme dans laquelle il s’inclut. Or, le « on » est constamment employé par Orion dans le roman ; cette incapacité à dire « je » est même constitutive de son identité et caractéristique de sa parole ; nous y reviendrons. Les passages « J’ai le sentiment de faire des progrès, mes parents, je crois bien, pensent cela aussi » et « Est-ce qu’on a encore des dessins d’elle à l’école ? C’était une fille très intelligente », ont probablement été ôtés en raison de leur caractère prosaïques, quotidiens. Leur suppression renforce l’importance des autres thèmes du texte, qui au contraire connaissent une amplification.
C’est ainsi que le démon de Paris, qui est n’évoqué que brièvement à deux reprises dans le premier texte, voit son action décrite et précisée : il « attaque de loin avec ses rayons ou de tout près avec son odeur, qui force à danser la Saint-Guy », il pousse Orion à « casser les outils et les machines », il lui « saute sur [le] dos, il [lui] bousille la gueule ». Cette hallucination violente et hostile, ainsi développée, montre Orion sous un jour pathétique, pitoyable, au sens profond de digne de pitié. Subtilement, d’autre ajouts viennent renforcer cette image, comme la mention de Paule, « gentille sauf quand elle est parfois du côté de ceux qui font des mauvais coups », qui laisse entrevoir un Orion brimé par ses camarades, connaissant des difficultés à entretenir une amitié avec une fille, comme l’insinue le besoin d’aide qu’il exprime et qui n’est pas dans la dictée originelle : « Une prof comme toi, Madame, ça sert […] à penser aux belles filles. » C’est ce que signifie également ce souhait, ajouté à la liste des choses agréables : « oser parler aux belles filles ». Plus loin, Orion désirerait « aller en dessin à l’île Paradis n°2. Parce que sur l’île Paradis qu’on ne doit pas dire, on dirait que ça s’est terminé dans le catastrophié ». Le monde imaginaire vient ici se substituer au monde réel, dans un mouvement inexistant dans la dictée de Lionel.
La vie ordinaire semble donc refusée à Orion, et son avenir lui apparait incertain : « Gagner des sous comme on doit faire, ça fait peur. » Très subtilement, Bauchau ajoute également une note discordante dans l’évocation de la famille. Dans la dictée d’angoisse de Lionel, la mère apparaît protectrice (« Ça serait plus agréable encore dans le métro s’il y avait maman à côté »). Ce passage est supprimé dans L’enfant bleu, alors qu’il est ajouté, à propos des dessins d’Orion, ou peut-être de l’art moderne qu’aime Véronique, que « Maman dit que c’est du gribouillage ». Apparaît ainsi, en filigrane, une fracture entre les aspirations artistiques d’Orion et l’incompréhension de sa mère, qui était absente du texte d’origine. En revanche, la fonction protectrice de Véronique est renforcée (« Nous deux on est bien tous les deux dans ton bureau, tu as toujours du chocolat »).
Orion est rendu plus vulnérable que Lionel, et relativement moins capable, en outre, d’interroger ses propres troubles mentaux. Lionel avouait ainsi : « J’ai un tout petit peu peur des hommes détraqués », cherchait un remède à ses problèmes (« Le bien se multiplie et rend nos caractères plus agréables et la folie s’en va »), et concluait sur une réflexion rassurante (pour lui) : « Mais le démon n’est pas en moi, il est dans Paris. » Il est remarquable que ces trois passages supprimés soient relatifs à sa réflexion sur ses difficultés psychiques, sur ce qu’il refuse d’appeler sa folie. Orion apparaît ainsi, bien plus que Lionel, aveugle à lui-même.
On dehors de ces ajouts et suppressions, les réécritures sont également très significatives. Ainsi, Lionel ne fait en général qu’un usage très modéré des néologismes. La dictée « Notre projet » n’en contient d’ailleurs aucun. Quant à la « Superjenny », qui devient « Supergénie » dans L’enfant bleu, il ne s’agit pas même d’un personnage issu de son imagination, mais bien, comme d’autres mentions dans les dictées l’attestent en contexte, du personnage éponyme de la série télévisée Super Jaimie, que Bauchau ne pouvait identifier faute de la connaître. En revanche le texte d’Orion rengorge de néologismes. Le premier est calqué sur le modèle des mots-valise : « psychothéraprof » (psychothérapeute et professeur), d’autres sont des variations sur le mot détraqué (le verbe « détractouiller », qui est lui-même un mot valise qui amalgame « détraquer » et « tripatouiller », ou le « détractement » qui vient remplacer le très correct « détraquement » employé par Lionel). De même, « le catastrophié », substantivation formée sur l’adjectif « catastrophé », est employé par Orion en place du plus conventionnel « catastrophe ».
Depuis le XIXe siècle, l’usage de néologismes dans le discours est considéré par les psychiatres comme un des indices fondamentaux permettant de poser le diagnostic de maladie mentale[18]. Multiplier ainsi les néologismes dans le texte d’Orion renforce inévitablement l’impression de folie qui s’en dégage. Cependant, cette multiplication a un autre effet, qui vient contrebalancer le premier, dans la mesure où les néologismes sont, sous l’influence des avant-gardes, devenu des marqueurs de poéticité. C’est ainsi, pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres, que Roger Vitrac dans « Le langage à part »[19] remarque « combien l’activité mentale en liberté rejoint avec bonheur ce qu’on est convenu d’appeler des « audaces » » et s’émerveille des mots recueillis dans l’ouvrage du psychiatre Jean Séglas, Des troubles du langage chez les aliénés[20]. La multiplication de ces inventions langagières dans le texte d’Orion lui donne ainsi une connotation poétique, et lui confère une force expressive naïve par laquelle le langage semble s’affranchir des contraintes sociales de la communication standardisée. Le discours d’Orion se caractérise à la fois par l’évidence de la folie dont il porte la trace, et par la liberté créatrice qu’il manifeste.
Venons-en, enfin, à la dernière grande différence entre les deux textes : la substitution généralisée du « on » au « je ». Lionel, dans ses dictées d’angoisse, parle couramment de lui à la première personne ; Orion, et c’est même une caractéristique fondamentale qui vient donner sens au récit, n’emploie que le « on », et ne saura enfin dire « je » qu’à la fin du livre, dont il marque ainsi l’aboutissement. Henry Bauchau, interrogé à ce sujet, me répondit que Lionel ne pouvait effectivement pas dire « je », qu’il n’employait que le « on », est se montra fort surpris lorsque je lui dis que les dictées d’angoisses notées de sa main montraient pourtant le contraire. Il avança alors l’idée qu’il aurait lui-même transformé le « on » de Lionel en « je » pendant les dictées, par un automatisme tendant à simplifier son discours. Cependant, les courriers datant de la même époque envoyés par Lionel à Henry Bauchau emploient, là encore, le « je » et non le « on ». Plusieurs hypothèses ici se dessinent.
On peut supposer que Lionel, à l’oral, employait effectivement le « on » de préférence au « je », mais qu’en situation de dictée, dans un contexte mêlant indistinctement thérapie et enseignement, il ait été capable de canaliser ce qu’il percevait lui-même comme une anomalie contrevenant aux règles du discours, et soit donc repassé au « je ». Le « on » des textes d’Orion serait alors une tentative de restitution d’un discours oral, dans son authenticité quelque peu gommée par la situation de dictée.
Il est aussi possible que les souvenirs d’Henry Bauchau soient justes, et qu’il ait noté « je » quand Lionel (comme Orion) dictait « on ». Que signifie alors le choix de ce changement de pronom ? On peut y voir la projection de l’espoir d’Henry Bauchau, tendu vers le désir que Lionel dépasse ses blocages et parvienne à une perception moins problématique de lui-même. A la voix de Lionel se mêle alors l’écriture de Bauchau qui modifierait son discours, lui apportant, sur un point essentiel, ce dont il aurait manqué : une conscience claire de soi. Le « on » des textes de L’enfant bleu ne marqueraient alors qu’un retour au texte d’origine, non noté.
Les dictées d’angoisse de Lionel ont donc connu, lors de leur passage dans L’enfant bleu, des modifications importantes. Il ne s’agit nullement de collages de textes hétérogènes inclus dans une œuvre, et témoignant du discours d’un patient dans son authenticité – s’ils témoignent de quelque chose, c’est bien davantage de la complexité de la relation unissant Bauchau à Lionel. Réécrites de bout en bout les dictées d’angoisse de L’enfant bleu, avec leur syntaxe déstructurée, leurs néologismes et l’étrangeté que leur confère l’usage généralisé du « on », incarnent assez bien un idéal de « discours du fou », tel qu’il a été décrit par les psychiatres et encensé par les écrivains. La transformation du document original en œuvre littéraire s’est, dans ce cas, faite par le biais d’une refonte totale qui en renforce l’étrangeté plutôt qu’elle ne l’atténue, reconduisant ainsi l’idée d’une parenté entre discours poétique pathologie du langage.
[1] Il faut ici préciser que l’expression « texte de fou » n’implique aucun jugement diagnostique, et qu’elle serait par ailleurs fermement contestée par Lionel. Il déclare en effet à plusieurs reprises son désir de ne pas être considéré comme « fou », qu’il entend comme un synonyme de « débile ». Je préfère cependant employer le mot « fou » de préférence à tout autre, dans la mesure ou j’évite ainsi tout jugement d’ordre médical pour ne désigner que les personnes ayant fait l’objet de placement en institution spécialisée, et devant donc faire face à la stigmatisation sociale qu’il entraine – ce qui a été le cas de Lionel.
[2] Henry Bauchau, L’enfant bleu (2004), Actes Sud, coll. Babel, 2008.
[3] Voir Juan Rigoli, Lire le délire. Aliénisme, rhétorique et littérature en France au XIXème siècle, Fayard, 2001.
[4] Anouck Cape, Les frontières du délire, écrivains et fous au temps des avant-gardes, Honoré Champion, 2011.
[5] Gérard Genette (dir.), Esthétique et poétique, Seuil, 1992, p. 8.
[6] Aragon, Le Mouvement perpétuel (1926), Gallimard, 1980, p. 83.
[7] George Dickie, « Définir l’art », Esthétique et poétique, op. cit., p. 22.
[8] Pour Schaeffer au contraire, l’appartenance au milieu culturel n’a pas d’importance. Sa définition de l’œuvre d’art comporte quatre conditions, dont seule la première est nécessaire (mais non suffisante). Cette condition (ou « propriété absolue ») est qu’il doit s’agir d’un objet issu d’une causalité intentionnelle. Les trois autres conditions peuvent être plus ou moins présentes, voire absentes : l’appartenance générique (appartenir à un genre admis comme artistique, c’est à dire par exemple, présenter la structure d’un sonnet) ; l’intention esthétique (être produit dans l’intention de faire une œuvre d’art) ; l’attention esthétique (être considéré par un sujet comme une œuvre d’art). Ainsi, le fait d’être produit dans l’intention d’être une œuvre d’art fait d’un objet (issu d’une causalité Intentionnelle) ipso facto une œuvre d’art. Schaeffer, Les célibataires de l’art, p. 111 sq.
[9] Voir thèse de Fanny Rojat, Littérature et écrits bruts, les écrits bruts aux marges de la littérature, sous la direction de Catherine Mayaux, Université de Cergy-Pontoise, en cours.
[10] Voir André Cellard et Marie-Claude Thifault, Une toupie sur la tête, Visages de la folie à Saint-Jean-de-Dieu, Les éditions du boréal, Montréal, 2007 et Michèle Nevert, Textes de l’internement, Manuscrits asilaires de Saint-Jean de Dieu (vol. 1), XYZ éditeur, Montréal, 2009.
[11] Voir Françoise Tilkin, Quand la folie se racontait, plus de 50 titres sur la période 1940-1980.
[12] Voir le Dossier Wolson, ouvrage collectif rassemblant des textes de Pierre Alferi, Piera Aulagnier, Paul Auster, François Cusset, Max Dorra, Michel Foucault, Jean-Marie Le Clézio et de Jean-Bertrand Pontalis, Gallimard, Paris, 2009.
[13] En France : « Il n’y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister. » (article 64 du Code pénal de 1810). Depuis 1994 : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. » (article 122-1)
[14] Pour une étude détaillée de l’œuvre de Lionel et de sa relation avec Henry Bauchau voir Lionel, L’enfant bleu d’Henry Bauchau, co-direction avec Christophe Boulanger, Actes Sud, Arles, 2012, et Rencontres, thérapie et création, co-direction avec Christophe Boulanger et Catherine Denève, Presses du Septentrion, Lille, 2014.
[15] Ceci avait déjà été remarqué par Fanny Rojat dans son article « Par delà l’Art Brut, L’Enfant bleu comme espace en liberté », Revue Henry Bauchau n°2, Henry Bauchau et les arts, 2009, pp. 88-98.
[16] Fonds Henry Bauchau, A7906-A7907 (tapuscrit), E139-143 (manuscrit).
[17] Henry Bauchau, L’enfant bleu, op. cit., pp.100-101.
[18] Citons par exemple, parmi les premiers, les livres d’Adolf Kussmaul, Les Troubles de la parole (1874), Baillière et fils, 1884, de Jean Séglas, Des troubles du langage chez les aliénés, Rueff, 1892, ou la thèse de Charles Lefèvre, Étude clinique des néologismes en médecine mentale, 1891.
[19] Roger Vitrac, « Le langage à part », Transition n°18, 1929.
[20] Op. Cit.