Journée d’études du programme ANR
Euterpe : la poésie scientifique en France de 1792 à 1939
Samedi 12 avril 2008
Université de Paris III – Sorbonne nouvelle
L’extension du lexique et des modes de discours accessibles à la poésie a été, en France, l’un des enjeux majeurs de la modernité. Or, entre les Lumières et la fin de l’Empire, le succès de la poésie scientifique, illustrée notamment par Delille (dont Les Trois règnes de la nature paraissent en 1808, annotés par Cuvier et une pléiade de savants), est indissociable d’un débat théorique et stylistique sur l’aptitude et le droit du genre à dire la science, ses mots, ses thèmes et ses tours propres. La Harpe explique que la poésie « ne se prête volontiers, dans aucun idiome, au langage de la physique ni aux raisonnements », et de multiples formules font écho au rejet du vers par Buffon, qui y dénonçait un « genre où la raison ne porte que des fers ». Mais le même Buffon est salué comme l’auteur d’une prose poétique où science et littérature se fondent, et Rougier de La Bergerie, dès 1804, réfute le cliché d’une langue poétique française répugnant aux sciences en se récriant : « Comment peut-on prescrire des bornes à la poésie, dont le domaine est aussi vaste que celui de la nature et de l’esprit humain ? ». Bref, comme l’a souligné Catriona Seth, la poésie scientifique a joué un rôle précoce et important dans le mouvement par lequel « le poème conquiert le droit de tout dire et de le dire comme il l’entend ». Pourtant, l’histoire littéraire attribue l’essentiel de cette libération au romantisme…
Aussi ces débats méritent-ils d’être revisités et replacés dans le contexte élargi de la construction de nos définitions actuelles du poétique. Les poèmes scientifiques ont-ils adultéré science et poésie en cherchant à les concilier ? Quelle place raisonnement et lexique savant ont-ils pu trouver dans le poème, en vers ou en prose ? Métaphores et périphrases ont-elles obscurci la limpidité des connaissances, ou souligné leur complexité et leur part d’approximation ? Le langage scientifique ne peut-il être détourné et transformé en objet de création, ou en support pour l’imagination ? La poésie a-t-elle voulu transmettre un savoir ou sauver l’unité de la langue en poursuivant son illustration dans la lignée de Du Bellay ? Quels furent les arguments de ce débat, leur évolution, et les réalisations contradictoires qu’ils ont suscitées, dans la poésie scientifique, mais aussi dans l’ensemble de la création poétique ?
C’est à ces questions que les interventions s’articuleront, en un parcours qui ira de la fin des Lumières à la poésie de Césaire.
13 h 30 – Accueil
13 h 45 – Hugues Marchal (Euterpe / UMR 7171)
Présentation : Intersections de langage(s)
14 h 00 – Jean-Christophe Abramovici (Université de Valenciennes)
Médecine, poésie et carnavalesque : Vénus et Adonis de Sacombe
14 h 30 – Jean Dhombres (mathématicien, historien des sciences, CNRS/EHESS, Centre Koyré)
Pensées « aveugles » et pensées analytiques dans la poésie scientifique de la Révolution à l’Empire
15 h 00 – Nicolas Wanlin (Euterpe / UMR 7171)
« Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques » : les tensions entre rhétorique profonde et tropologie de surface dans la poésie scientifique
15 h 30 – Pause
16 h 00 – Caroline de Mulder (Euterpe / Université de Gand)
Hydre d’airain, âge de fer : le vocabulaire scientifique et technique dans la poésie du XIXe siècle et la philosophie de l’histoire
16 h 30 – Muriel Louâpre (Euterpe / Université de Paris V)
Approximativement. Le régime poétique de la véridiction
17 h 00 – René Hénane (médecin, auteur du Glossaire des termes rares dans l’œuvre d’Aimé Césaire)
Mots de la science et poétique du corps dans l’œuvre d’Aimé Césaire
17 h 45 – Fin des débats