Au confluent des sciences du vivant et de la littérature, ce numéro d’Épistémocritique interroge le rôle du virus et du parasite dans l’imaginaire littéraire et artistique contemporain. Signes d’agentivité non-humaine, de prolifération, d’envahissement ou d’épidémie, ces figures ont gagné en importance au cours des dernières décennies, alors que l’extension des réseaux numériques et techniques intègre toujours davantage le vivant à des environnements médiatisés, où la technique se constitue en milieu (Ellul 1977 p. 45). Littéraux ou figurés, le virus et le parasite permettent de penser les relations qui s’établissent entre différentes formes de vie, à une époque où s’affrontent politiques immunitaires et politiques de l’hospitalité, et où l’humain doit redéfinir sa place au sein d’un écosystème planétaire.
Si elles sont étroitement liées –le virus constituant un cas particulier de parasite– ces deux figures ont connu un parcours inverse, du point de vue disciplinaire. Notion plus récente, puisqu’elle date du XIXe siècle, le virus migre, dans les années 1980, du domaine médical jusqu’au domaine informatique et par conséquent médiatique et social (en décrivant par exemple les logiques systémiques des réseaux sociaux). Plus ancien, le parasite est issu du théâtre grec antique, où il concerne d’abord les relations familiales et sociales, et sera importé en biologie pour décrire un type spécifique de symbiose, où un organisme en exploite un autre pour se reproduire, s’abriter ou s’alimenter, une relation qui s’établit souvent aux échelles les plus petites du vivant (les vertébrés ne comportant que quelques espèces parasites, chez les poissons). Bien que ces transferts épistémiques suivent des parcours inverses, ils impliquent tous deux un changement d’échelle : du micro au macro, lorsque le virus passe du médical au sociotechnique ; du macro au micro, pour le parasite qui, de personnage humain au théâtre, devient parfois microorganisme en biologie. Ces changements d’échelles nous amènent à re-conceptualiser les relations qui se tissent au sein du vivant et de son environnement.
Ce renouvellement conceptuel nous intéressera dans ce numéro qui, au-delà du traitement thématique de l’épidémie et de la pathologie, se penche sur les relationsvirales ou parasitaires et leur fécondité dans l’œuvre littéraire. Actant systémique et invisible, le virus évoque l’épidémie et la contagion, mais aussi la transmission horizontale de gènes (par l’action des virus bactériophages), qui dessine des logiques héréditaires jusqu’ici négligées, brouillant les frontières entre les espèces. Il brouille également celle qui sépare le vivant du non-vivant. Le parasite figure quant à lui des relations d’exploitation et de dépendance, mais aussi de symbiose et de co-évolution. Parce qu’il modifie le fonctionnement de son hôte, détournant ses ressources tout en évitant la logique de l’échange, il se joue du système, le travaille de l’intérieur.
Les six contributions qui constituent ce numéro thématique nous permettent d’envisager le monde contemporain à partir du terrain ouvert par ces figures. Avant de leur laisser la parole, nous vous proposons un bref état des lieux théoriques où circulent aujourd’hui virus et parasites.
Ce numéro a été co-dirigé par Aude Leblond, Liliane Campos et Pierre-Louis Patoine. Nous remercions le projet CAMELIA, le laboratoire PRISMES (EA 4398) et le laboratoire THALIM (UMR 7172) pour le soutien qu’ils ont apporté à ce numéro, ainsi qu’à la journée d’étude « Virus et Parasites, entre biologie et littérature » qui l’a inspiré. L’image de la vignette a été réalisée par Nicolai Sigel.
I. Le virus : un agent sémiotique
L’un des débats les plus importants au sein de la virologie contemporaine, et qui n’est pas sans incidence sur le destin du virus au sein des arts et de la littérature, concerne son appartenance au domaine du vivant.
Selon les virologues Jean-Michel Claverie et Chantal Abergel (équipe CNRS « Information génomique & structurale », Université Aix-Marseille), la définition moderne du virus, établie par André Lwoff à la fin des années 1950, le distingue des microorganismes vivants par les caractères suivants : le virus ne possède qu’un seul type d’acide nucléique (ADN ou ARN) gouvernant sa reproduction ; cette dernière ne repose pas sur la division cellulaire mais sur le détournement du métabolisme de la cellule infectée, détournement qui permet la réplication parasitique du génome viral ; le virus ne possède pas de système enzymatique lui permettant de convertir les nutriments en énergie nécessaire à la synthèse biochimique. Cette définition qui sépare catégoriquement le monde viral et le monde cellulaire est aujourd’hui remise en cause par la découverte des Megaviridae, des virus assez grands pour être vus au microscope optique, et vulnérables à l’infection par d’autres virus. Pour Claverie et Abergel, qui identifient un sous-groupe de Megaviridae, les Mimivirus (MIcrobe MImicking virus) à la fin des années 2000, « [l]a découverte de Mimivirus a […] établi une continuité de taille entre le monde des microorganismes « véritables » et celui des virus (géants) » (2013, en ligne).
Les virus étant essentiellement des séquences de code génétique capables de synthétiser des protéines et de parasiter des hôtes, leur intégration dans le domaine du vivant en redéfinit les frontières. Plus spécifiquement, la sémioticité du virus biologique, le fait qu’il soit une entité essentiellement réduite à son code (génétique), le rapproche de son cousin informatique, qui est lui aussi un être dont la structure est linguistique (langage informatique). Intégrer le virus biologique dans le domaine du vivant, c’est donc envisager la vitalité des êtres sémiotiques (du programme informatique au texte littéraire) et, inversement, la sémioticité fondamentale des processus biologiques.
Le développement de la bio-informatique trouble également les frontières du vivant, amenant le philosophe des sciences Thierry Bardini à considérer que « le virus comme seuil entre la vie digitale [informatique] et analogue [biologique] est ce point critique […] où leurs traits distinctifs disparaissent et où l’unité perdue du vivant réapparaît » (2017, en ligne, notre traduction). Le virus révèle ainsi l’inextricable intégration des domaines biologique et sémiotique, réunis au sein d’un même paradigme, celui du code. Retraçant l’histoire de ce qu’il nomme l’hypervirus (la présence virale de la figure du virus, au sein de notre environnement culturel), Bardini montre que celui-ci franchit un seuil critique au début des années 1980, alors que se généralisent les virus informatiques et que se répand celui de l’immunodéficience humaine :
Matérialisant la convergence cybernétique du carbone et du silicone, il infecte alors aussi bien les ordinateurs que les humains, avec une intensité jusque-là inconnue. À partir de ce moment, il se diffuse de manière explosive au sein de la « culture postmoderne », finit par atteindre un plateau, où la culture est redéfinie en écologie virale. (2006, en ligne, notre traduction)
À partir de ce moment charnière, le virus apparaît comme le symbole de l’intrication non seulement du biologique et de l’informatique, mais plus largement de l’humain avec ses réseaux techniques, au sein du capitalisme tardif (ou postmodernité, telle que la définit notamment Jameson 1991). Les réseaux informatiques ont leurs virus ; les réseaux médiatiques et financiers, leurs logiques virales ; les réseaux sociaux et urbains, leurs épidémies. Dans chacun de ces cas, le virus lie le destin de l’humain à la vie des systèmes, qu’ils soient techniques, sémiotiques ou biologiques et migratoires. Nous verrons, avec l’étude qu’en propose Claire Larsonneur dans ce numéro, que l’œuvre de l’écrivain David Mitchell explore notamment ces liens complexes entre l’humain et les entités systémiques qui l’enveloppent et l’accompagnent.
II. Viralité des média
Figure de l’agentivité systémique, le virus permet entre autres de penser les logiques médiatiques contemporaines, alors que la contagion, la réactivité des systèmes d’information semblent primer sur la « vérité ». La campagne du président américain Donald Trump, en 2016, est à ce sujet exemplaire, bien que le caractère viral de toute entreprise de marketing/ propagande soit présente dès l’apparition des média de masse – ce qu’illustre par exemple la carrière du publicitaire Edward Bernays (1891-1995), neveu de Sigmund Freud, lecteur de Gustave Le Bon (l’auteur de La Psychologie des foules, 1895) et l’un des premiers « spin doctors », actif dès les années 1920. Le caractère viral de la circulation des idées a par ailleurs été identifié, dans les années 1970, par Richard Dawkins, avec sa notion de memequi, si elle renvoie au paradigme génétique (se voulant le pendant culturel du gène), mobilise tout de même un imaginaire de la contagion. Cet imaginaire a depuis nourri de nombreux projets critiques – voir par exemple la monographie que consacre Peta Mitchell (2013) à la force contagieuse de la métaphore.
Le rapprochement entre systèmes médiatiques et contagion apparaît également chez le philosophe américain Eugene Thacker, notamment dans un articlede 2005 où il commente le film de Danny Boyle 28 Days Later(2002). S’ouvrant sur les images d’une expérience médicale où des singes sont bombardés d’images médiatiques violentes, ce film nous plonge ensuite en pleine épidémie de « rage » où les humains deviennent des zombies aussi violents que ces images médiatiques initiales. C’est ici non plus leur sémioticité, mais la logique de la contagion infectant des réseaux qui unifie les différentes figures du virus (médiatique, informatique, biologique). Dans un article de 2001, les sociologues Boase et Wellman comparent ainsi les modes de contagion des virus informatiques, biologiques et publicitaires, que déterminerait la structure –ramifiée ou « tissés serrés »– des réseaux infectés. Ainsi, les réseaux « tissés serrés » favoriseraient la dissémination rapide du virus (quelle que soit sa nature), et augmenteraient la chance d’infection pour les membres du réseaux ; les réseaux ramifiés, quant à eux, permettraient au virus une dispersion plus large par des sauts entre milieux différents.
À l’heure où la pensée des réseaux (notamment au sens de Latour 1991) et des systèmes complexes modifie la manière dont les scientifiques de tous domaines approchent leurs objets, la notion de virus devient centrale. Informatiques et médiatiques, mais également économiques et financières, les logiques virales semblent intimement liées à un certain ordre néolibéral qui domine notre monde au tournant du millénaire.
III. Économie politique du virus : de la quarantaine à la résistance ?
En 1996, alors que sévit la « crise de la vache folle » (et que les scientifiques s’inquiètent des possibilités de transmission de l’encéphalopathie spongiforme bovine aux humains, via l’ingestion de viande contaminée), Jean Baudrillard met en relation civilisation techno-industrielle et logiques virales, dans l’une de ses tribunes publiées dans Libération:
C’est parce que le corps de la vache est devenu un non-corps, une machine à viande, que les virus s’en emparent. C’est parce que notre corps humain est devenu un non-corps, une machine neuronale et opérationnelle, qu’il est désimmunisé et que les virus s’en emparent. Et c’est aussi parce que l’informatique est devenue une pure affaire de technique médiatique qu’elle devient vulnérable à tous les virus de l’information.
Ici encore, le virus révèle la participation des vivants, humains et non-humains, à des réseaux techniques qui les dépassent et les déterminent. Le « devenir-machine » des corps humains et bovins au sein de ces réseaux n’est pas sans lien avec la manière dont le pouvoir économique s’exerce dans le capitalisme tardif, en réseaux financiers, en réseaux d’influence, par la main invisible mais puissante du Marché (ce dernier étant d’ailleurs sensible à la contagion émotionnelle : les marchés « s’affolent », les marchés sont « déprimés » ou « rassurés »). Comme l’écrit Bardini : « L’hypervirus gouverne notre époque comme un despote indifférent (il pratique l’indifférence libérale» (2005, en ligne, notre traduction). Figure de l’agentivité systémique, le virus rend visible la puissance et les modes d’action de ces réseaux financiers et techniques.
Écrivant dans la foulée des attentats du 11 septembre 2011, Baudrillard utilise ainsi l’image du virus pour évoquer la correspondance entre le « système de domination » d’une certaine « mondialisation triomphante », système décentralisé fonctionnant en réseaux, et son revers terroriste « de structure virale », contre lequel il peine à se défendre :
Le terrorisme, comme les virus, est partout. Il y a une perfusion mondiale du terrorisme, qui est comme l’ombre portée de tout système de domination […]comme si tout appareil de domination sécrétait son antidispositif, son propre ferment de disparition –, contre cette forme de réversion presque automatique de sa propre puissance, le système ne peut rien.
À partir de ces métaphores virales s’est développée toute une pensée critique consacrée aux « politiques immunitaires », notamment sous la plume de Roberto Esposito (2010), à la suite des travaux de Foucault sur le biopouvoir. Pour Esposito, la gouvernementalité contemporaine est obsédée par l’immunisation, obsession qui se traduit non seulement au niveau des politiques sanitaires, mais aussi des politiques sécuritaires, qui prennent par exemple la forme d’interventions préventives (militaires et policières) de plus en plus légitimées, dans les discours, par le terrorisme et son organisation virale. Si on revient à un niveau plus littéral, on constate que les épidémies qui ont marquées l’actualité des dernières années (grippe H1N1, Ebola) et la manière dont elles sont gérées se superposent aux inégalités Nord-Sud, donnant lieu à des fantasmes de « mise en quarantaine » qui influencent la manière dont nous régulons les territoires, les espaces habités, les transports, les réseaux (à ce sujet, voir notamment Manaugh et Twilley 2014 et Garcia 2013).
Face à ces réactions « immuno-politiques » et de mise en quarantaine, Thacker et Galloway (2007) proposent au contraire de mettre à profit les logiques virales pour en faire des stratégies de résistance face au pouvoir exercé en réseau. Ces philosophes notent que les virus se répandent aisément dans les environnements homogènes (comme les monocultures favorisées par l’industrie agroalimentaire), et pensent que les éléments subversifs (idées/memes, virus informatiques) peuvent exploiter la qualité homogène des réseaux (médiatiques, financiers, techniques). Les auteurs défendent donc l’idée d’actions techniques et politiques au niveau des réseaux.
Le principal attrait de la figure du virus, dans le contexte de ces analyses des sphères économique, politique et médiatique, réside dans sa capacité à révéler l’agentivité systémique, la structuration du pouvoir en réseaux complexes que traversent des contagions : dans cette perspective, le virus reste donc avant tout un agent pathogène. Nous verrons avec la contribution d’Éric Bapteste et de Liliane Campos qu’un récent changement de paradigme en virologie nous amène à compléter et à compliquer cette vision pathologique du virus, qui n’est plus seulement cause d’épidémies mortifères, mais apparaît comme contribuant de manière positive à de nombreuses formes de vie, permettant par exemple de diversifier les attributs génétiques de certains organismes.
IV. Du virus à la logique parasitaire : au-delà de l’approche pathologique
Le développement de ce nouveau paradigme est notamment dû au perfectionnement, au cours des dernières décennies, de la génomique environnementale, qui a rendu possible l’étude des microorganismes en dehors du laboratoire, grâce au séquençage de l’ADN trouvé dans des échantillons d’environnements naturels.Nous commençons ainsi à mieux comprendre les interactions complexes entre virus et bactéries au sein d’écosystèmes variés. Pour le première fois, l’étude des bactéries et des virus ne concerne plus prioritairement l’humain et ses maladies, mais des dynamiques environnementales beaucoup plus larges. Comme le souligne Éric Bapteste, l’étude des virus hors-laboratoire a démontré leur participation essentielle aux cycles écologiques et l’avantage qu’ils peuvent conférer à leurs hôtes, ce qui nous permet de dépasser une pensée du virus essentiellement réduit à son aspect pathologique. La génomique environnementale nous permet ainsi d’approfondir notre perception des forces écologiques qui nous entourent, un approfondissement mené en parallèle par l’art et la poésie contemporaine, qui viennent compléter le traitement plus traditionnel des formes animales et végétales par une attention portée aux microorganismes. Dans ce numéro, Sarah Bouttier se penche sur la manière dont quatre poètes et auteurs contemporains travaillent l’agentivité non-humaine de ces organismes minuscules.
Par ailleurs, on sait aujourd’hui que le transfert latéral de gènes, qui brouillent les frontières entre les espèces, est souvent le fait d’agents viraux (voir par exemple Canchaya 2003). Et que notre ADN porte en lui du matériel génétique d’origine virale, puisqu’aux origines de la vie, les bactéries phagocytent des virus, intègrent leur matériel génétique, et évoluent en s’hybridant. Les organismes complexes, les mammifères, l’humain, descendent de ces hybrides, et portent en eux ces assemblages génétiques complexes. La relation parasitaire (ici, le virus bactériophage parasitant la bactérie) redéfinit les limites de l’espèce, mais aussi celles de l’organisme, comme le démontrent les recherches récentes sur le microbiome. Comment définir une identité purementhumaine alors que notre corps compte plus de bactéries que de cellules propres, et que celles-ci contribuent de manière déterminante à nos humeurs ? Ces faits biologiques, nouvellement mis en lumière, sont au cœur des travaux de bio-artistes tels que Marion Laval-Jeantet ou François-Joseph Lapointe, mais concernent plus largement la manière dont nous concevons l’œuvre d’art aujourd’hui, dans la mesure où l’organisme constitue depuis l’Antiquité un modèle pour celle-ci. Le modèle organiciste est primordial chez les Romantiques, et reste influent, par exemple dans le Structuralisme, où le texte est constitué en corps autonome, en individu singulier et proportionné, par le jeu de ses relations internes. Or, virus et parasites nous empêchent de considérer l’organisme comme une unité séparée de son environnement, de ses milieux externes comme internes.
V. Le parasite, figure littéraire
Si le virus conjure principalement des notions de réseaux et de contagion, de force microscopique, systémique, sémiotique et génétique, le parasite constitue une catégorie plus globale qui concerne une relation symbiotique ne profitant pas également aux partenaires. Ce caractère plus général, cette appartenance à des échelles variées, influence la destinée culturelle et conceptuelle de la figure du parasite.
Comme l’explique Guillaume Bagnolini dans son article, la notion de parasite est un emprunt que les sciences naturelles font au domaine social, mais aussi artistique, car le parasite est un personnage théâtral hérité de l’antiquité. La richesse sémiotique et politique de cette figure à travers les siècles a fait l’objet d’un certain nombre d’études récentes : pour cerner l’évolution de son rôle artistique et politique, on se reportera notamment aux ouvrages de Florence Fix et Isabelle Barbéris (2014), ainsi que de Myriam Toman et Anne Tomiche (2001). Il constitue donc un terme particulièrement intéressant pour une pensée épistémocritique soucieuse de comprendre la manière dont le savoir circule entre les domaines scientifique, littéraire et artistique.
Pour Anne-Julia Zwierlein, cette circulation est visible au 19esiècle dans le développement en parallèle de la parasitologie (par des chercheurs comme Darwin ou T. Spencer Cobbold) et de la présence du parasite en littérature (chez Charles Dickens, George Eliot, Bram Stoker, Robert Browning, Thomas Hardy, H. G. Wells ou Conan Doyle). Selon Zwierlein, la transformation de la fonction littéraire du parasite au cours du siècle se conclut par son intériorisation psychologique, un déplacement qui aurait lieu vers la fin du 19echez Conan Doyle notamment.
Le siècle suivant reprendra pourtant à son compte le parasitisme comme stratégie d’écriture, chez des auteurs comme Nabokov, Joyce, Borges, et bien sûr William S. Burroughs, chez qui le langage est un virus parasite exploitant l’espèce humaine pour se reproduire (voir notamment son essai The Electronic Revolution, 1970). Contemporain de Burroughs, Philip K. Dick aura également traité le parasite de manière décisive, notamment dans son roman A Scanner Darkly(1977), qu’analyse Sophie Musitelli dans ce numéro. Dans les années 1980 – 2010, la figure du parasite est renouvelée par les œuvres de Don DeLillo ou William T. Vollmann, la poésie d’Antony Dunn (‘Bugs’ collection), Paul Farley, Susan Wicks ou Sarah Howe.
Nous avons donc affaire à un terme scientifique qui est déjàune figure littéraire, et qui n’a jamais cessé de l’être. Avec les articles de Fleur Hopkins et de Guillaume Bagnolini, ce numéro nous invite toutefois à explorer la manière dont la fiction se réapproprie les définitions biologiques du parasite. Nous suivrons ainsi les récursions d’une notion qui part de la littérature, et passe par la science avant de revenir à la littérature.
Les exemples littéraires cités ici participent toutefois d’une tendance artistique contemporaine plus générale, qui consiste à explorer le rôle des parasites face au système, et parfois à adopter le parasitisme comme posture de résistance. Dans la performance et l’art contemporain, le parasitage est plus qu’une simple thématique, il revêt ainsi une dimension politique qui en fait une véritable stratégie. Anna Watkins Fischer (2012) montre par exemple comment les œuvres parasites de Sophie Calle et de Chris Kraus s’inscrivent dans une tactique féministe qui se mime elle-même, et tire sa force de cette performance ironique et équivoque. Cette pratique parasitique est emblématique de ce que Fischer analyse par ailleurs (2014) comme un brouillage mimétique entre actions politiques radicales et cibles de ces actions, à l’ère des réseaux et de l’appropriation instantanée des stratégies. Le parasitisme comme pratique artistique et figure du discours sur l’art fait également l’objet du collectif dirigé par Pascale Borrel et Marion Hohlfeldt, Parasite(s), Une stratégie de création.
Pour nombre de ces travaux, l’ouvrage que Michel Serres publie en 1980 (Le Parasite) fait référence. Il y proposeun modèle transversal où le parasite est constitué en modèle d’une relation asymétrique dont Serres analyse la logique et qu’il présente comme un catalyseur de la complexité et un transformateur de la communication, mais également comme un principe fondamental du vivant, où il représente une brisure de la relation commensale « idyllique », stable et circulaire, engendrant un temps linéaire puisqu’il « interrompt une répétition, il fait bifurquer la série du même » (p. 334). Contrairement à l’idylle stable et circulaire de la relation réciproque, le parasitisme serait un équilibre temporaire, qui ne peut se résoudre que par la crise : mort de l’hôte ou expulsion du parasite.
VI. Ambiguïté et richesse des relations parasitaires
Les définitions contemporaines du parasite, dans le domaine biologique, sont souvent marquées par une certaine ambiguïté. Par exemple, lorsqu’on parcourt l’ouvrage du biologiste Claude Combes, L’art d’être parasite(2010), on est frappé par l’anthropomorphisme des titres de chapitres tels que« La profession de parasite » ou « La profession d’hôte ». La lutte contre les parasites de tous ordres est pour Combes « l’un des premiers enjeux de l’homme ingénieur de lui-même », qui accompagne l’apparition de la culture chez Homo sapiens(359). Mais alors que la biologie divise les relations d’associations du vivant entre parasitaires et mutualistes (lorsqu’il y a réciprocité dans les échanges de ressources), Combes note que cette distinction est « en grande partie arbitraire » (35). Par ailleurs, en microbiologie, les études du microbiote, qui fascinent bon nombre d’artistes contemporains (pensons par exemple au travaux de François-Joseph Lapointe ou d’Alanna Lynch), remettent en cause la relation parasitique du microbe au corps humain.
Si les humanités restent fascinées par le parasite, c’est notamment parce que celui-ci produit ainsi des relations ambiguës. Comme l’écrit la chercheure en littérature Jeanette Samyn, du point de vue des écosystèmes, les parasites « sont aussi des médiateurs, et en ce sens ils sont importants non seulement pour l’immunité, mais aussi pour la coexistence des espèces, pour la composition des communautés (c’est-à-dire la proportion de tel ou tel organisme dans une zone donnée), et pour la biodiversité », proposant ainsi une « troisième forme de relation qui n’est ni la participation ni l’évitement, ni l’élimination ni la redistribution, mais l’attribution de nouvelles fonctions [repurposing] » (notre traduction). Samyn propose ainsi de valoriser le potentiel politique des relations parasitaires, qui permettent d’imaginer des structures hétérarchiques, en remplaçant la logique verticale des hiérarchies par des relations de coopération.
Par ailleurs, le parasite est souvent présenté, dans les études littéraires, comme un perturbateur-révélateur : dans leur présentation de la figure du parasite, Myriam Roman et Anne Tomiche notent que le personnage du parasite permet d’interroger, à travers la relation à l’autre, la relation au soi, car« [c]’est de l’accueil de l’Autre qu’il s’agit, mais un Autre “parasite” qui représente souvent une figure du Même, un double de son hôte. » (11) Dans leur étude du parasite au théâtre, Florence Fix et Isabelle Barbéris soulignent le rôle ambigu de cette figure vitaliste, dialectique et amorale à la fois. Elles lient son positionnement sur le seuil de la maison ou dans les lieux de passage à un en-dehors de l’espace-temps du cycle productif. Sa fonction dramatique est ainsi de donner à voir la nature d’un système en y introduisant la cause d’un dysfonctionnement. C’est également ce qu’on observe chez Philip K. Dick, dont l’œuvre est analysée ici par Sophie Musitelli, lorsque la substance parasite (une drogue, dans A Scanner Darkly) révèle la matérialité neurochimique de la pensée et de la personnalité, mais aussi ses déterminants économiques et politiques.
VII. Présentation du numéro
Bien que les dynamiques virales et parasitaires se recoupent en partie, nous avons choisi de diviser ce numéro en deux sections ; c’est ainsi que les trois premiers articles portent plutôt sur la question du virus, alors que les trois derniers privilégient la question du parasite.
La contribution du biologiste Éric Bapteste et de la chercheuse en littérature Liliane Campos interroge les rapports entre les développements récents en virologie et la littérature contemporaine, notamment dans l’œuvre d’auteurs commeGreg Bear, David Mitchell, Judith Schalansky ou Zadie Smith. En examinant la traduction des formes d’action et des modes d’existence du virus par la forme littéraire, dans ses techniques narratives et stylistiques comme dans ses configurations thématiques, leur dialogue dresse un état des lieux des œuvres existantes et propose des pistes pour une littérature à venir. Mettant en avant une pensée du vivant où la relation prime sur l’individuation, les auteurs montrent que cette dernière ne peut plus être pensée en dehors d’assemblages complexes. Bien que cette idée ne soit nouvelle ni en science, ni en philosophie – on pense notamment à la discussion de la « guêpe-orchidée », par Deleuze et Guattari dans Mille plateaux(1980, p. 17-20), la biologie contemporaine met sans cesse au jour de nouvelles relations latérales au sein de multiplicités organiques, encourageant la littérature à penser la progression narrative en dehors des simples lignées, de la « descendance » et des générations.
Cette réflexion autour des interactions entre les domaines microbiologique et littéraire se poursuit avec Sarah Bouttier, dont la contribution décortique des relations mutuelles, parasitaires ou bénéficiaires, entre formes humaines et non-humaines d’agentivité au sein des poèmes contemporains de Christian Bök, Les Murray, Pattian Rogers et des textes plus théoriques d’Aaron Moe. Comment les microbes, les animaux et les végétaux participent-ils à l’écriture des poèmes dont ils sont les sujets ? Bouttier analyse le traitement poétique des formes de vie non-humaines à différentes échelles : alors que le microscopique est souvent présenté comme étant doté d’une agentivité contrastée, soit très forte, soit presque nulle, les êtres vivants appartenant à notre échelle (animaux et végétaux) se voient attribuer des modalités d’action plus nuancées.
Claire Larsonneur touche également aux modes d’action du microscopique, non plus dans la poésie, mais dans le roman contemporain. A travers son étude des dynamiques virales dans les romans de David Mitchell, Larsonneur montre que la question de la viralité est souvent associée, dans notre culture contemporaine, à celle de l’agentivité systémique devant laquelle l’individu se sent désarmé, angoissé par des logiques de transmission et de contamination qui rongent son indépendance, son autonomie. Dans un monde où les systèmes techniques et machiniques semblent gouverner la destinée de l’individu, le figure du virus, qui s’incarne dans les « non-corpum » qui hantent Ghostwritten(1999) et The Bone Clocks(2014) permet de métaphoriser les peurs liées à cette gouvernance et à des questions refoulées comme celle de l’âme. Finalement, et comme en discutent également Éric Bapteste et Liliane Campos, le virus permet de penser l’action et le récit à des échelles de temps qui redistribuent les catégories habituelles du passé, du présent et du futur, au profit de temporalités fractales ou labyrinthiques où se ré-agencent l’humain et le non-humain.
Nous nous tournons vers la figure du parasite avec la contribution de Guillaume Bagnolini qui nous entraîne dans une promenade érudite à travers une série d’exemples littéraires et biologiques illustrant différents aspects de cette notion hybride. De l’Antiquité grecque aux 19eet 20esiècles, le parasite incarne des formes de relations variées, tour à tour créatrices et destructrices, souvent perturbatrices des processus de communication. Guillaume Bagnolini s’intéresse tout particulièrement aux stratégies mimétiques, qui permettent au parasite de déjouer les assignations identitaires et qui créent des effets d’inquiétante familiarité.
Les liens entre formes de subjectivation et relation parasitaire sont également au cœur de l’analyse du roman de Philip K. Dick, A Scanner Darkly (1977),que nous propose Sophie Musitelli. Liée, comme chez William S. Burroughs, à celle de la drogue et de l’addiction, la figure du parasite traverse l’écriture de Dick. Dans A Scanner Darkly, le personnage parasité est entraîné dans un devenir-végétal où la substance addictive, qui provient d’une fleur, le réduit à une pure entité perceptive, objectale et machinique, redéfinissant ainsi l’ordre ontologique et les hiérarchies sujet-objet qui structurent le monde dans lequel il perçoit et agit. Agent neurochimique parasite, la drogue remodèle la conscience, donc la langue et les capacités narratives des personnages, mais aussi, comme le démontre avec finesse Musitelli, le texte lui-même, qui cherche alors à décrire une « perception obscure » qui n’est pas maîtrisée par un sujet stable et unifié, et qui ne lui donne pas accès à ses propres sources neurologiques.
Finalement, dans le parcours que nous propose Fleur Hopkins, l’humain change de statut : de parasité il devient parasite, investissant imaginairement le corps du plus grand des mammifères, la baleine. En nous présentant différentes incarnations de la figure de la baleine-vaisseau, de la baleine-milieu, Hopkins trace une nouvelle ligne de force organisant la pensée du parasite.Du mythe de Jonas à la science-fiction contemporaine, en passant par l’architecture d’un théâtre au 19esiècle, son article se penche sur une série de cas de relations symbiotiques, parasitaires ou commensales, entre baleines et humains, montrant les formes que prennent ces relations au sein de ces récits.
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ISSN 1913-536X ÉPISTÉMOCRITIQUE (SubStance Inc.) VOL. XVII