12 – Inscription sonore du trauma du 11-Septembre dans le roman étasunien contemporain

Le présent article se propose d’étudier la dimension sonore de la mise en œuvre littéraire des attentats du 11-Septembre dans quatre romans étasuniens. Si l’aspect particulièrement visuel de l’événement et des romans qui lui sont consacrés a déjà été largement exploré, nous postulons ici que l’image est trompeuse, et n’est qu’un mode d’exploration détourné d’un événement qui n’est en réalité jamais directement représenté. Ainsi, à défaut de pouvoir montrer ce qui échappe à toute représentation, le texte donne à entendre : le son vient figurer ce qui demeure inaccessible dans ce que l’on qualifiera d’événement traumatique. Le bruit assourdissant, qui met brutalement fin au silence et à l’innocence, se fait métaphore de l’effraction. Synonyme à la fois de violence, de menace et d’enfermement, il signifie le point de rupture radicale provoqué par la catastrophe. Si les personnages des romans du 11-Septembre sont bel et bien hantés par l’événement, ce n’est pas seulement en raison des images intrusives qui s’imposent à leur esprit malgré eux, littérales et incompréhensibles à la fois ; le texte met en scène le retour de sons obsédants et de voix refusant qu’on leur impose le silence. L’œuvre littéraire est également le lieu où peuvent émerger à nouveau les sons oubliés de l’événement, qui complètent un récit qui menaçait de devenir à la fois partiel et partial. Enfin, accaparés par les bruits parasites qui troublent la communication, les êtres en souffrance adoptent des stratégies de défense variées, cultivent le silence et privilégient les lieux sanctuaires propres au recentrement, ou l’on invite la musique comme un remède, dont le rythme ranime une certaine pulsation vitale à même de contrer la temporalité figée du trauma.

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10 – Drôles d’événements ? La menace nucléaire vue à travers les formes de son interprétation et de son remploi artistiques

De la catastrophe, et singulièrement des effets de l’accident nucléaire, maintes représentations ont été faites ; notre intérêt se portera, dans les arts visuels, sur la question de la place de l’humour face au désastre. En effet, en évitant le sérieux ou le sublime que semble appeler la figuration d’un événement dramatique, le recours à l’humour autorise, peut-être plus encore que l’avènement d’une œuvre apotropaïque, un pas de côté qui permet de prendre du champ et de songer le désastre. Le rire ou la stupeur seconde générés par certaines images ne constitueraient-ils pas a priori l’un des remèdes les plus efficaces à la « jubilation affreuse », à la sidération ou encore à l’indifférence, dans lesquelles bien des œuvres paraissent vouloir nous laisser ?... Ces images reprises et retravaillées ne pointent-elles pas, directement, aussi, un mode de consommation et de réception de la catastrophe et de l’horreur ? Les XXème et XXIème siècles, au cours desquels l’accident nucléaire aura fait son irruption, sont les cibles et les lieux d’exercices d’imagiers aux vues singulières qui ambitionnent de retourner ou de déjouer les représentations convenues, attendues, grandiloquentes et pathétiques des catastrophes, pour en proposer des visions tour à tour déconcertantes et grinçantes.

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1 – Représenter les territoires volcaniques : de la sidération spectaculaire à l’immersion dans un quotidien

À la croisée de la géographie sociale des risques et de l’esthétique du cinéma, cet article propose une analyse comparée des productions Pompéi (2014, États-Unis) de Paul W. S. Anderson et d’Ixcanul (2015, Guatemala) de Jayro Bustamante. Chacun de ces longs-métrages de fiction propose un récit ancré dans un territoire volcanique. Centrée sur les outils promotionnels que constituent les affiches et bandes-annonces de ces films, notre étude met en exergue une dualité en termes de représentation des espaces volcaniques : l’une se focalise sur l’aléa géologique et son incontestable dimension spectaculaire (approche mainstream), tandis que l’autre donne corps aux aléas du quotidien, informant un paysage familier, habité, avec sa multiplicité de tensions sociospatiales (approche naturaliste). Adressées au public, les affiches et bandes-annonces révèlent alors les multiples facettes que peut prendre la catastrophe.

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7 – « Faire avec » les catastrophes

Les représentations photographiques de catastrophes sont de nos jours abondantes. Les désastres de Tchernobyl ou de Fukushima, le drame de la Nouvelle-Orléans après le passage de l’ouragan Katrina, les ruines de Détroit ou de l’île japonaise de Gunkanjima ont été mis en images. Si ces représentations s’inscrivent dans une tradition ancienne qu’elles réactivent à leur manière, elles tendent aussi à pointer un ensemble de risques qui sont liés à l’anthropocène. Ces figurations de catastrophes prennent des formes diversifiées ‒ qu’il est loisible d’étudier. Seront distinguées ici des séries photographiques qui confèrent aux tragédies concernées la puissance de séismes naturels et des œuvres qui tendent à rebours à les insérer dans une culture et une histoire. Les premières se présentent comme les emblèmes d’une chute tragique qui possède l’allure d’une rupture fatale dans l’avancée de l’histoire. Les secondes croisent représentations et points de vue afin de proposer une approche dialogique de la complexité des événements et des manières dont ils ont été vécus ; elles évoquent dès lors des façons de « faire avec » les catastrophes.

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5 – La catastrophe au théâtre : penser un tragique de l’effondrement

Nous nous proposons de réaliser un panorama du motif de la catastrophe dans l’œuvre dramatique d’Edward Bond, en particulier dans les textes théâtraux écrits ces vingt dernières années. Nous avons réuni un corpus de pièces qui mettent en scène des récits prospectifs qui appartiennent au genre de la dystopie et posent l’articulation de lieux, de situations et d’histoires où la catastrophe se donne à voir comme une force de destruction du vivant et d’aggravation des conditions d’existence politiques et sociales. Dans les pièces intitulées Le Crime du XXIe siècle (2001), Naître (2006) et Les Gens (2014), nous examinons comment les lieux clos tout autant que les espaces ouverts sont engagés dans des logiques de dégradation, de défiguration, de disparition et de dénuement. Dans ces paysages postapocalyptiques, quel reliquat d’espace les personnages ont-ils en partage ? Quelle humanité peut subsister au milieu des ruines ? Dans la fiction d’anticipation d’Edward Bond, la catastrophe est le lieu inaugural du drame. Au moment où les personnages entrent en scène, elle est déjà là ; l’intrigue en déroule les conséquences jusqu’au dénouement qui, lorsqu’il n’est pas tragique pour tous, demeure très incertain. Nous nous attachons à montrer que les voies dramatiques et esthétiques des fictions d’anticipation bondiennes s’inscrivent dans une perspective critique : la catastrophe est-elle le seul horizon possible de notre présent ?

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4 – Catastrophe(s) in Tom McCarthy’s Satin Island

D'après son étymologie grecque, le terme « catastrophe » suggère un changement soudain et malheureux dans une situation donnée, d'où l'idée qu'une catastrophe est essentiellement un renversement inattendu de l'ordre naturel ou habituel des choses. Cependant, de nombreux critiques (Ebert, Dupuy, Virilio) ont fait remarquer qu'une définition aussi classique n'est peut-être plus pertinente pour les XXème et XXIème siècles, qui ont vu l'irruption et la multiplication de catastrophes d'origine humaine, prévisibles et potentiellement évitables, supplanter les catastrophes naturelles, aléatoires et incontrôlables. Cet article prend comme point d’entrée le sens étymologique du terme et se concentre sur la notion de renversement au cœur de la catastrophe dans Satin Island (2015) de Tom McCarthy. La première partie est consacrée aux différentes occurrences de catastrophes, d'accidents ou de tragédies personnelles dans le roman afin de démontrer que le traitement médiatique de ces événements crée un schéma d'échos et de répétitions qui renverse littéralement la définition du terme. La deuxième partie de l'essai se concentre sur la dimension herméneutique de la catastrophe, tandis que la dernière partie interroge la possibilité de représenter et les stratégies esthétiques utilisées pour dépeindre ces « hyperobjets » complexes qui, conformément à la définition de Morton, semblent défier la compréhension et la représentation.

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3 – « It is my business » : la sixième extinction massive, catastrophe mondiale et deuil intime dans Sans l’orang-outan d’Éric Chevillard et How the Dead Dream de Lydia Millet

la fiction littéraire et devient l’objet de textes qui renouvellent le genre du récit de catastrophe. Deux romans en particulier, Sans l’orang-outan d’Éric Chevillard (2007) et Comment rêvent les morts de Lydia Millet (2009) abordent chacun la disparition de la biodiversité en y confrontant un protagoniste médiocre. Nous analysons comment les deux auteurs transforment un événement mondial et multispécifique en expérience intime du deuil, leurs romans mettant en jeu, sur des tonalités tantôt ironiques, tantôt élégiaques, l’apparition d’un sentiment de responsabilité. Chevillard et Millet rendent spectaculaire la disparition des espèces animales, leur absence souvent invisibilisée par un regard anthropocentré. Ce n’est qu’à travers des événements qui les frappent intimement que les protagonistes prennent conscience de la dimension apocalyptique de la crise écologique, dans une soudaine révélation qui renverse l’intrigue. Les animaux apparaissent alors comme des proches, des parents (selon le concept de Donna Haraway) dont la vie et la mort, dignes d’une responsabilité et d’une attention renouvelée, concernent personnellement les humains.

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