15 – « And what does the word ‘city’ mean? » Le langage et la cité comme ruine dans la fiction apocalyptique contemporaine (Angela Carter, Cormac McCarthy, Octavia Butler)

Dans le roman (post)apocalyptique, l’évènement catastrophique marque l’instant où le lien entre le mot et son référent est brouillé par la destruction de l’environnement et des repères spatio-temporels du personnage. La hiérarchie entre phonè et logos établie par Aristote, distinguant l’animal ou le barbare du zoon politicon, semble désarticulée, et avec elle la possibilité d’« habiter la polis » dont seules subsistent des ruines. La fragmentation du discours dans les romans apocalyptiques d’Angela Carter (Heroes and Villains), la nouvelle « Speech Sounds » d’Octavia Butler ou encore le roman The Road de Cormac McCarthy, peut être considérée à la fois comme effet et comme moyen de cette apocalypse. La ruine de la société humaine est liée à sa perte progressive de maîtrise sur son environnement, un phénomène qui s’inscrit dans la représentation de la cité et de l’identité des personnages comme ruine et comme fragments. L’humanité apparaît comme naufragée sur sa propre terre où le témoignage de la fin reste circonscrit à une mémoire traumatique entre effacement et reconstruction. Le roman apocalyptique comble le vide de l’après tout en démontrant l’indicibilité de la catastrophe, et l’incapacité de l’humanité à véritablement habiter son monde. Cette impasse représentationnelle se conçoit dans le paradoxe du langage qui porte en lui-même une lacune essentielle. Comment le langage d’« après la fin » se construit-il ? Pastiche, écho ou latence, il est miroir des ruines du monde moderne et symptôme de cette fin. Au discours millénariste s’opposent le chaos et l’ennui, la « vie nue », et le pouvoir de déconstruction ou de reconstruction du langage.

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12 – Inscription sonore du trauma du 11-Septembre dans le roman étasunien contemporain

Le présent article se propose d’étudier la dimension sonore de la mise en œuvre littéraire des attentats du 11-Septembre dans quatre romans étasuniens. Si l’aspect particulièrement visuel de l’événement et des romans qui lui sont consacrés a déjà été largement exploré, nous postulons ici que l’image est trompeuse, et n’est qu’un mode d’exploration détourné d’un événement qui n’est en réalité jamais directement représenté. Ainsi, à défaut de pouvoir montrer ce qui échappe à toute représentation, le texte donne à entendre : le son vient figurer ce qui demeure inaccessible dans ce que l’on qualifiera d’événement traumatique. Le bruit assourdissant, qui met brutalement fin au silence et à l’innocence, se fait métaphore de l’effraction. Synonyme à la fois de violence, de menace et d’enfermement, il signifie le point de rupture radicale provoqué par la catastrophe. Si les personnages des romans du 11-Septembre sont bel et bien hantés par l’événement, ce n’est pas seulement en raison des images intrusives qui s’imposent à leur esprit malgré eux, littérales et incompréhensibles à la fois ; le texte met en scène le retour de sons obsédants et de voix refusant qu’on leur impose le silence. L’œuvre littéraire est également le lieu où peuvent émerger à nouveau les sons oubliés de l’événement, qui complètent un récit qui menaçait de devenir à la fois partiel et partial. Enfin, accaparés par les bruits parasites qui troublent la communication, les êtres en souffrance adoptent des stratégies de défense variées, cultivent le silence et privilégient les lieux sanctuaires propres au recentrement, ou l’on invite la musique comme un remède, dont le rythme ranime une certaine pulsation vitale à même de contrer la temporalité figée du trauma.

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