Qu’est-ce qu’une géographie symbolique, voire psychanalytique ? Quelle est la différence entre la géographie « symbolique » et la géographie « réelle » ou « réaliste »? Est-ce que les géographies « réalistes » ne sont pas toutes, dans une mesure égale, des géographies « symboliques » ? Et, au bout du compte, est-ce qu’il existe vraiment une « géographie réelle »?
Pour répondre à ces questions, il faut partir de l’observation banale que la géographie est une représentation de l’espace physique et non l’espace physique en lui-même. Les gens qui créent et travaillent avec des représentations visuelles de l’environnement sont des géographes, tandis que ceux qui agissent directement sur l’environnement comme, par exemple, les constructeurs de barrages ou les assainisseurs de marécages, ne sont pas des géographes. Ce qui signifie, comme Jean-Jacques Wunenburger l’a remarqué dans une conférence[1], que toutes les géographies sont symboliques au sens large du mot, compte tenu de leur aspect représentationnel et iconique. Pour représenter l’espace, tous les géographes utilisent des images et des symboles, des esquisses et des dispositifs graphiques. Toutes les géographies sont symboliques en regard des espaces qu’elles se proposent de représenter, de la même manière que toutes les langues et tous les langages sont symboliques en regard des choses désignées par leurs mots. La géographie est symbolique au sens linguistique du terme : c’est un système de signes qui reflète un ensemble de choses extérieures, naturelles et artificielles.
Cela veut dire que si nous désirons garder la distinction courante entre géographie réaliste et géographie symbolique, nous devons la chercher non pas dans les différences entre réalité et représentation géographique, mais dans les différences entre plusieurs types de représentations géographiques. La distinction entre géographie « réelle » et géographie « symbolique » réside dans les principes qui gouvernent la représentation de l’espace. Chaque géographe partage avec son public, qu’il soit averti ou très large, une série de présuppositions communément acceptées qui permettent au géographe de concevoir et de construire sa carte d’un côté et, de l’autre, au public de la comprendre, de l’interpréter et de la juger, de la valider ou de la rejeter en tant qu’erronée/inexacte, fausse, inadéquate, dépassée, etc.
La géographie « réelle » désigne les représentations géographiques qui se proposent de refléter l’espace extérieur avec un maximum de précision. Elle est fondée sur le principe de la
mimesis. Ses critères principaux
sont l’observation pratique et la vérification empirique. Certes, la géographie la plus réaliste ne peut se dispenser de faire appel aux images et aux symboles, carroyages et modes de projection qui rendent possible la représentation, sur une feuille de papier, des traits les plus importants de l’espace physique extérieur. En principe, ces icônes peuvent être lus de telle manière que la personne qui regarde la carte puisse se faire une vision correcte de l’espace représenté et qu’elle puisse utiliser la carte pour s’orienter dans le monde réel. Quoique la correspondance entre l’image et la chose soit toujours approximative (ou, selon les les philosophes relativistes et anti-réalistes contemporains, illusoire ou, du moins, impossible à fonder[2]), elle continue d’être le principe conducteur de la géographie « réaliste ». L’idéal vers lequel tend la représentation géographique est d’atteindre la même précision, la même exactitude que la représentation perceptive du monde. Cela semble être possible dans le cas des images prises par satellite, comme dans le projet « Terra cognita » financé par l’Union européenne. Ce type de représentation géographique des diverses parties du globe se rapproche des perceptions visuelles, perceptions amplifiées par le recours à des extensions technologiques et électroniques de l’œil humain.
Bien que dans l’opinion courante, la géographie « réaliste » semble être la plus évidente, voire la seule forme de géographie concevable, une brève récapitulation de l’histoire de la cartographie, de l’Antiquité jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, montre que les géographes d’époques passées s’appuyaient sur des ensembles de principes très différents pour construire, évaluer et valider leurs cartes. La cartographie prémoderne, à l’exception partielle de la géographie de l’Antiquité tardive (comme celle de Ptolémée) et de celle des « portulans » médiévaux, était modelée par ce que Ferdinand Denis et Carolly Erickson ont appelé la « pensée enchantée ». La vision magique est un système de représentation qui n’a pas de critères assez forts pour faire la distinction entre réel et imaginaire, naturel et surnaturel, tradition héritée et vérification empirique.
Pour valider ses allégations et obtenir une crédibilité scientifique, la géographie « enchantée » utilisait une série de critères qui ont été abandonnés par la géographie moderne. Ces principes étaient pour la plupart non mimétiques et non empiriques, leur application a par conséquent engendré des cartes le plus souvent fantaisistes, voire absurdes si nous les comparons à nos connaissances actuelles sur la forme physique du globe terrestre. Par contraste avec la géographie « réaliste », cette géographie fantastique peut être considérée comme une géographie « symbolique », au sens étroit du terme.
Dans une étude précédente[3], nous avons essayé d’identifier les principaux critères non empiriques à l’œuvre dans la géographie symbolique de l’Antiquité, du Moyen Âge et de l’époque prémoderne. Pour récapituler brièvement, ces critères peuvent être regroupés, selon leur nature, en principes anthropologiques (la représentation circulaire du monde, produite par certains schémas psycho-cinétiques[4]), magiques (la consécration du point de vue de l’observateur en tant qu’omphalos protecteur, ou « nombril du monde »[5]), mythologiques et théologiques (l’espace est organisé selon une triangulation sacrée tracée par les dieux[6]), géométriques (l’introduction de la métrique mathématique dans la représentation de l’espace[7]), esthétiques (qui garantissent l’harmonie et l’équilibre de la mappemonde), axiologiques (valorisation hiérarchique des éléments du centre et de la périphérie), épistémologiques (organisation régressive des informations, qui vont du connu vers l’inconnu), psychologiques et, enfin, idéologiques.
Dans cet article, je m’attarderai sur les projections psychologiques qui ont influencé la structure des cartes prémodernes. L’instrument épistémologique le plus approprié pour une telle démarche est offert par la psychanalyse et la psychologie analytique. Au fur et à mesure que les différents courants de la psychanalyse ont traversé les frontières de la psychiatrie clinique pour avancer vers les études culturelles et humaines, ils ont donné naissance à plusieurs disciplines comme la psychocritique, la mythanalyse et la mythocritique, la psychohistoire etc. Par une démarche transdisciplinaire similaire, il est possible de parler d’une « psychogéographie », une discipline où les schémas psychologiques d’interprétation seraient utilisés pour expliquer les mécanismes d’identification et de transfert qui sont à l’œuvre dans la cartographie moderne. Néanmoins, parce que le terme de psycho-géographie a été déjà utilisé, dans un sens différent, par Guy Debord et le groupe « situationniste »[8], j’utiliserai à sa place dans ce qui suit, non sans regret, le syntagme « géographie psychanalytique ».
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Le point de départ pour une approche psychologique de la géographie pourrait se trouver dans les observations de plusieurs psychanalystes sur la petite enfance : Mélanie Klein, Françoise Dolto ou Maud Mannoni[9]. Selon ces chercheurs, le bébé satisfait ses premières pulsions cognitives en explorant, par la tétée et le toucher, le corps de sa mère. Le bébé se connaît et se délimite en connaissant et en délimitant le corps de sa génitrice. Le contact avec la mère est la première méthode d’exploration du monde extérieur accessible à l’enfant. À mesure qu’il grandit, l’enfant étend ses pulsions cognitives à des espaces plus larges comme le lit, la chambre, la maison, la cour, le quartier, le village ou la ville, le pays et finalement le monde. Au corps maternel se substituent ainsi progressivement des étendues physiques toujours plus larges, la représentation originaire de l’espace par l’intermédiaire du corps de la mère s’étendant jusqu’à une vision globale de l’univers.
L’enfant explore les espaces physiques naturels en utilisant les mêmes schémas subliminaux que ceux par lesquels il avait connu son premier nid, l’utérus maternel, et son premier proche, sa mère. De même que le contact avec la mère a permis l’émergence des premières représentations de soi, l’espace géographique est à son tour un miroir externe qui rend possible la construction de l’image de soi. Les enfants qui, pour des raisons diverses, n’ont pas été allaités ou qui n’ont pas reçu de soins et de caresses de leurs mères sont les plus disposés, comme l’a prouvé Françoise Dolto, à satisfaire ce besoin infantile frustré par un penchant compulsif aux voyages et au vagabondage. Ceux qui voyagent beaucoup répondent, paradoxalement, à un désir augmenté de connaissance de soi.
Dans un essai remarquable sur la géographie de la Renaissance, Tom Conley prouve que le développement de la cartographie, de l’autobiographie et de la narration à cette époque-là a représenté à la fois un symptôme et un moyen de formation du sujet et de la subjectivité modernes. Le récit littéraire et la carte géographique, propulsés à l’avant-garde du mouvement civilisateur de la Renaissance grâce à l’invention de l’imprimerie, constituaient les vecteurs d’une pulsion cognitive caractéristique à l’époque. Tous deux ont permis à l’homme de la Renaissance de développer une connaissance de soi indirecte, par la projection de figures intérieures sur des images extérieures (des corrélats objectifs). La narration et la représentation cartographique ont permis « une théâtralisation du soi, qui devenait conscient de son autonomie par l’intermédiaire des modalités de positionnement développées dans les représentations textuelles, ainsi que dans les représentations cartographiques de la réalité »
[10].
L’histoire des derniers siècles serait, selon Tom Conley, l’histoire de l’émergence progressive de la conscience de soi de l’homme moderne, de la sortie de l’illusion vitaliste et narcissique qui postule que le monde commence avec notre naissance et s’élargit par les perceptions qu’on en a. Les auteurs, les médecins et les cartographes des XVIe et XVIIe siècles semblent avoir narré et cartographié la totalité de leur soi, par un effort qui rappelle l’effort d’une mère pour s’auto-fertiliser, mener à bien une grossesse et finalement donner naissance à un enfant. Les récits de voyage et les mappemondes rendaient manifeste un besoin psychologique d’auto-engendrement, dont le résultat a été la naissance du sujet et de la subjectivité à l’aube de l’Europe moderne[11].
Les propos de Tom Conley sur les cartes de la Renaissance conviendraient encore mieux aux mappemondes de l’Antiquité et du Moyen Âge. Une démarche psychogéographique pourrait faire ressortir les motifs inconscients qui régissaient la structure des cartes antiques et médiévales. Les voyages initiatiques et l’exploration de ces cartes représentaient une modalité d’auto-connaissance par l’intermédiaire d’images externes, de projections géographiques. Le voyageur réel, ou de cabinet, aussi bien que son public, dépliait ses perceptions de soi sur les routes et les itinéraires du globe. Les trajets de la psychogenèse formaient un contour qui a longtemps organisé le schéma géométrique des cartes médiévales, tout comme un aimant placé sous une feuille de papier organise la limaille de fer qui se trouve au-dessus.
La géographie psychanalytique pourrait ainsi mettre en évidence les patterns psychologiques de ce qu’on peut appeler un « blueprint », à savoir un modèle subliminal de l’imagination géographique. Il est possible de prouver que l’évolution de la cartographie a été gouvernée par des mécanismes psychologiques profonds, comme par exemple les stades évolutifs de la libido, tels qu’ils ont été définis par Freud. La démonstration faite par le fondateur de la psychanalyse est bien connue : au cours de son évolution, l’enfant passe progressivement d’un stade oral à un stade anal et ensuite au stade génital[12]. Je tenterai dans ce qui suit de présenter quelques exemples de fantaisies géographiques qui matérialisent ce schéma psychanalytique.
Figure 1: Isidore of Seville, Etymologies, sixième siècle.
Jusqu’aux découvertes de la Renaissance, un immense ensemble de cartes antiques et médiévales, appelées cartes T-O (Terrarum Orbis), avaient une forme circulaire (Planche 1). Ces mappemondes représentent le monde connu, l’oïkoumènê (Europe, Asie et Afrique), comme un disque circonscrit par le fleuve Océan. Elles sont orientées, c’est-à-dire qu’elles placent en haut de la carte non pas le Nord (comme nous y sommes habitués par un autre type de cartes, dites macrobiennes ou zonales), mais l’Est. Le centre de la carte est occupé par Jérusalem. Les trois continents connus sont séparés respectivement par la Méditerranée, le Tanaïs (le Don) et le Nil, qui forment le pied et les bras d’un T inscrit dans le O de l’Océan. Le pattern en a été donné par le grand encyclopédiste chrétien Isidore de Séville.
Figure 2: La mappemonde d’Ebstorf, 1240.
Certaines de ces cartes, comme la fameuse mappemonde d’Ebstorf (1240) (Planche 2), avaient un aspect anthropomorphe et présentaient le monde en tant que corps du Christ. Vu la disposition de ces cartes par rapport aux points cardinaux (l’Orient en haut de la carte, l’Occident à la base, le Nord et le Sud respectivement à droite et à gauche du disque terrestre), le corps saint du Fils a la tête orientée vers l’Est, les pieds à l’Ouest et les bras, tendus dans la position de la crucifixion, au Nord et au Sud. C’est à partir de postures similaires que Léonard de Vinci travaillera pour essayer de trianguler le corps humain.
Les cartes anthropomorphes mettent en évidence le parallélisme allégorique entre le corps de Dieu et le corps du monde. Cette métaphore chrétienne (que l’on retrouve aussi dans l’image de l’Église en tant que corps du Christ) était inspirée par les concepts stoïques et néoplatoniciens sur un organisme cosmique et avait nourri à son tour, pendant la Renaissance, l’idée de la correspondance entre le micro- et le macro-univers. La métaphore souligne de manière graphique le dogme selon lequel Dieu embrasse le monde : il est le commencement et la fin de tout ce qui existe tandis que Jésus est Logos et Soter, celui par lequel le monde a été créé et sauvé.
Le symbolisme métaphysique du couple Créateur/créature est inextricablement lié au symbolisme psychanalytique de l’image du corps. Ce qui implique que tout voyage sur la mappemonde est une sorte d’exploration corporelle. Or, de la même manière que le fœtus humain reçoit la vie par le cordon ombilical qui l’unit à sa mère pendant qu’il se trouve dans l’utérus, le centre ou le nombril du monde (le Golgotha de la Crucifixion) est le lieu par lequel l’humanité reçoit une nouvelle vie de la part de son Créateur. Si l’
œcoumène est le corps du Christ, son centre, Jérusalem, correspond logiquement au nombril de Dieu. La tradition rabbinique affirme que « le Tout-Puissant a créé le monde comme un embryon. Tout comme l’embryon commence à grandir à partir du nombril, Dieu a commencé la création du monde à partir du nombril de celui-ci en l’amplifiant dans toutes les directions »
[13]. En analysant les images symboliques du centre, Mircea Eliade a rassemblé tout un dossier contenant « les fantaisies embryologiques » des anciennes cosmographies mythiques et chrétiennes
[14].
L’exploration des routes du monde ou des trajets sur la carte constitue une recherche imaginaire des origines anatomiques de l’être humain. Tous les grands pélerinages chrétiens des deux derniers millénaires, individuels ou collectifs, ont eu Jérusalem pour destination finale. On pourrait dire que la théologie chrétienne de la Ville Sainte a été alimentée par des fantaisies de retour au sein maternel. Dans un livre pénétrant sur ce qu’il appelle la « relation d’inconnu », Guy Rosolato soutient que les individus organisent leur relation avec le monde, avec l’inconnu, en se servant du nombril comme point de repère sécurisant
[15]. Dans la conception de Rosolato, le nombril est un lieu « corporel », où la relation avec l’inconnu est investie d’une nature physique. C’est un lieu qui permet aux individus de s’identifier eux-mêmes par l’intermédiaire d’images de dépendance et de perte, de séparation d’avec la mère et de sortie du paradis utérin,
trauma indispensable pour la constitution du sens de l’espace et du temps. Positionnant la Jérusalem dans
l’omphalos du corps cosmique, la civilisation chrétienne a organisé sa connaissance compulsive du monde à partir d’un schéma circulaire et radial dont le centre était attesté et consacré par l’histoire sacrée du Nouveau Testament.
J’ai déjà montré que, pour Tom Conley, les fantaisies géographiques concernant le retour aux origines expriment un désir de construction et de totalisation de soi, soutenu par l’image maternelle et/ou paternelle qui vient se superposer aux cartes
[16]. Il faut souligner que, si les mythologies antiques valorisaient la terre en tant que corps d’une Grande Déesse, la vision chrétienne du monde est essentiellement masculine. On sait que l’organisation patriarcale israélite a exclu du mythe et du rituel toutes les divinités féminines et leurs prêtresses
[17]. En tant qu’héritier de cette disposition imaginaire des genres et des sexes, le christianisme a développé une théologie basée sur des rêveries subconscientes de parthénogenèse. Être né par et dans la foi de Jésus est une naissance essentiellement masculine, dans laquelle la féminité ne joue aucun rôle. Conformément au mythe de la descente de Jésus aux enfers après la crucifixion, par le nombril du corps cosmique du Christ, imaginé comme une brèche souterraine en dessous du Golgotha, l’humanité a été délivrée de l’Enfer souterrain de la damnation et conduite dans le Royaume céleste de Dieu.
Même si les images mythologiques de la féminité ont été exclues de l’imaginaire judéo-chrétien, elles ont été récupérées par des systèmes religieux alternatifs, hérétiques, qui ont utilisé d’une manière délibérée le matériau religieux de l’ancien Proche-Orient. C’est le cas de nombreuses sectes gnostiques de l’Antiquité tardive, qui ont pratiqué une lecture polémique et une exégèse inverse de l’Ancien Testament. Par ce renversement, elles ont redécouvert l’ancien culte de la Grande Déesse, supprimé par les prêtres de Yahvé
[18]. Simon le Mage, un personnage contemporain des apôtres, considéré comme le premier gnostique, paraît avoir imaginé la création biblique de l’homme dans les termes d’une gestation féminine.
Comme ses enseignements et écrits originaux sont de nos jours
perdus, nous ne possédons que la présentation hostile qu’en donne
saint Hippolyte dans son traité
Philosophoumena ou Réfutation de toutes les hérésies. Selon le père chrétien, Simon aurait conçu le Jardin d’Éden comme un utérus et, inversement, le ventre maternel comme un Éden : « Moïse, dit Simon, a donné allégoriquement le nom de Paradis au ventre maternel, si on peut se fier à ses paroles. Si Dieu a créé l’homme dans le ventre de sa mère – donc au Paradis – comme j’ai déjà dit, alors il faut accepter que l’utérus soit le Paradis et que le lieu d’après la naissance soit l’Éden. La rivière qui sort de l’Éden, pour irriguer le Paradis, c’est le nombril. Celui-ci, dit Simon, se divise en quatre bras ; de chaque côté du nombril il y a deux artères, qui jouent le rôle de tuyaux de respiration, et deux veines, qui sont des canaux pour le sang »[19]. Il est facile de reconnaître dans cette allégorie anatomique de Genèse 2 l’image de Mater Gaïa, la Déesse Mère des mythologies antiques orientales et méditerranéennes.
La Grande Mère est une image mythique sur laquelle se sont penchés à la fois des psychologues comme C. G. Jung[20] et E. Neumann[21] et des mythanalystes comme Carl Kerényi[22] et Mircea Eliade[23]. Le concept psychologique central de toutes ces approches est le « regressus ad uterum ». Jung, à l’encontre de et en opposition avec Freud, a conçu la régression psychique sous la forme d’un processus régénérateur et créateur qui permet aux individus de se reconnecter aux sources de la vie inconsciente primitive, à la libido, au soi originaire de l’embryon. Jung analyse les voyages aventureux du héros prototypique comme des voyages initiatiques vers la Grande Déesse, la mère de tous les vivants, afin de vivre une nouvelle période de gestation et une seconde naissance, de passer de la condition mortelle à une condition immortelle[24]. C’est ainsi que le mythe chrétien de la création masculine trouve son pendant féminin dans la tradition gnostique, continuée par Jung et ses disciples. L’image d’un paradis utérin a eu toute une suite d’avatars dans la littérature européenne : pour n’en rappeler qu’une, évoquons l’image de l’incubation dans le cône d’un volcan imaginée par Michel Tournier dans Vendredi ou les limbes du Pacifique.
Il est intéressant d’observer que la chrétienté médiévale, réagissant probablement de manière inconsciente à l’identification hérétique du paradis à l’utérus féminin, a déplacé l’Éden d’une position centrale vers les confins de la mappemonde. Les informations géographiques offertes par le deuxième chapitre de la Genèse sur la position du Paradis terrestre étaient très limitées : tout ce qu’il y est dit sur l’Éden est qu’il est situé
mikedem, « à l’est ». Les pères de l’Église ont interprété librement
mikedem : soit comme
apo archés, ek protes, a principio, « au début » (d’où la déduction que, d’après le texte biblique, Dieu aurait créé le Paradis avant le reste du monde), soit comme contra orientem, ad orientem, « à l’Est » (le lever du soleil représentant le commencement du temps ainsi que de l’espace de l’œcoumène)[25]. La deuxième interprétation a fini par s’imposer, la plupart des pères adhérant à l’idée que l’Éden doit être situé à l’extrémité orientale de la mappemonde, là où se lève le soleil et où a commencé la création du monde. Ce concept est formulé ouvertement par Petrus Comestor : le Paradis terrestre a été créé « a principio, id est a prima orbis parte. […] Sed a principio, idem est quod ad orientem »[26].
À partir des Etymologies d’Isidore de Séville, qui a introduit le modèle T-O dans la cartographie médiévale, l’Éden a été situé sur le périmètre supérieur du disque terrestre, vers le point cardinal oriental. Cela implique que le Paradis terrestre, lorsque l’œcoumène est interprété allégoriquement comme le corps du Christ, correspond à la tête divine. Sur la carte d’Ebstorf, à côté de la tête du Fils, le cartographe a dessiné dans une cartouche le jardin de Dieu, d’Adam et Ève sous l’arbre de la connaissance, en train de manger le fruit interdit. Dans une lecture psychanalytique ou psychogéographique, cette scène suggère une dislocation de l’Éden de la position utérine à la position orale. C’est comme si les géographes chrétiens s’étaient proposés inconsciemment de détruire l’association du jardin divin et de l’image païenne de la Grande Déesse, pour mettre ce dernier en relation avec une position neutre du point de vue sexuel, à savoir celle qui, selon Freud, représente la première fixation de la libido dans le schéma progrédient de l’évolution. Le péché originel est ainsi associé de manière graphique à la position orale. Il est présenté comme une interdiction concernant la bouche et l’ingestion, comme une prohibition totémique végétale : manger la pomme déclenche l’apparition de l’appétit sexuel.
Les deux points sacrés des cartes chrétiennes, Jérusalem et le Paradis terrestre, étaient situés sur le rayon symbolique du disque terrestre qui allait du centre à l’extrémité orientale du monde, du nombril à la tête du corps cosmique. En effet, dans tous les récits médiévaux de pérégrinations ou de voyages entrepris par des moines et des missionnaires, des chevaliers et des diplomates, des commerçants et des aventuriers, fussent-ils réels ou fictifs, les deux points sont liés d’une manière inextricable. Ceux qui désirent revenir au jardin d’Éden, clos par Dieu à la suite de la désobéissance d’Adam, doivent passer en premier lieu par Jérusalem, où Jésus a racheté le péché adamique. Dans une interprétation psychogéographique, le rayon qui unit Jérusalem et l’Éden, le nombril et la tête du Christ cosmique marque la progression, dans le schéma freudien, du stade fœtal de l’existence et de l’alimentation utérines (par le cordon ombilical) à l’alimentation orale de l’enfant nouveau-né (par la bouche).
Le stade suivant dans le schéma de Freud est le stade anal. Pour en trouver un corrélatif géographique sur les cartes T-O, il faut descendre vers l’hémisphère occidental, en-dessous de Jérusalem, en Europe. D’un point de vue théologique, ce parcours descendant retrace le chemin qu’Adam, Ève et leurs enfants ont pris quand ils sont sortis du jardin divin et ont commencé à peupler l’œcoumène. Une interprétation physiologique symbolique permet de le voir aussi comme la voie digestive par laquelle la pomme mangée par les proto-parents a été transformée, par une évolution interne complexe, en un résidu décrépit après avoir été un fruit comestible et tentant. Ce trajet anatomique digestif correspond au voyage théologique de l’homme de la pureté vers la corruption, de l’immortalité vers la damnation, de l’état adamique vers la condition post-lapsaire, du Paradis vers les Enfers.
Un équivalent géographique de la position anale peut être trouvé dans les écrits d’Antoine de La Sale, un écrivain du XVe siècle qui a composé plusieurs livres éducatifs et comiques pour ses employeurs italiens et français. Dans Le Paradis de la reine Sibylle, Antoine de La Sale a compilé plusieurs sources écrites et orales sur la soi-disant caverne de la Sibylle, une grotte mythique au Sud de l’Italie. La Sale, se proposant à l’instar des encyclopédistes de son temps, de passer en revue toute la science traditionnelle, commence son livre avec une vue panoramique du monde. Similaire à la carte d’Ebstorf, la vision de La Sale est anthropomorphique, le disque terrestre étant conçu comme un corps cosmique (Planche 3). Dans cette conception cosmographique, la caverne de la reine Sibylle représente l’opposé ou la contrepartie du Paradis terrestre.
Figure 3.Antoine de la Sale, Le Paradis de la reine
Sibylle, Preface de Daniel Poiron, Traduction et postface de Francine Mora-Lebrun, Paris, Stock, 1983
La grotte magique est un thème païen, qui combine la tradition greco-latine des cavernes d’incubation et d’initiation (comme celle du héros archaïque Trophonios) aux mythologies celtiques et germaniques concernant les royaumes féeriques souterrains (le monde des Tuatha de Danann), où il est possible de pénétrer par des failles et des fontaines magiques. Le christianisme a diabolisé le thème, identifiant le monde souterrain aux enfers et ses habitants aux démons et aux damnés. Cela revient à dire que la Reine Sibylle et sa suite sont un peuple de féerie païen qui, par une « interpretatio christiana », est devenu démoniaque, en proie à une malédiction.
De l’Italie à l’Irlande (la cave de saint Patrick), l’Europe était pleine de tels vestiges des religions païennes. Dans la métaphore anatomique du monde, si le paradis terrestre oriental correspond à la tête et à la bouche du corps cosmique, les cavernes magiques européennes représentent les intestins et l’anus. L’enfer, affirme Antoine de La Sale, est situé au bout du corps formé par la terre ; il est l’endroit où toute la saleté, tous les déchets et les relents des quatre éléments se rassemblent ; c’est l’endroit où habitent les ennemis de Dieu, condamnés à vivre au fond de l’enfer à cause de leur fierté[27]. Plus précisément, en Europe il y a deux entrées vers les intestins infernaux. L’une est le Purgatoire de Saint Patrick en Irlande, l’autre est représentée par les îles volcaniques Stromboli et Vulcano qui se trouvent entre l’Italie et la Sicile. Ces portes des enfers correspondent d’une manière symbolique à l’anus du corps cosmique. Autant dire que La Sale associe les Enfers au Cloaque.
Enfin, après les positions orale et anale, le troisième stade du schéma freudien, le stade génital, est aussi présent sur les cartes fantastiques de la première modernité. Je vais exemplifier ce type de projections sexuelles à l’aide d’un voyage extraordinaire (extraordinary voyage) du XVIIIe siècle que l’on doit à Thomas Stretzer, A New Description of Merryland[28]. L’histoire, qui combine l’ironie et le jeu d’esprit avec la pornographie, respecte tous les protocoles discursifs des journaux de voyage et des utopies de son temps. L’auteur prétend être un explorateur et un visiteur assidu du joyeux pays nommé Merryland, dont il se demande pourquoi il n’apparaît pas sur les cartes des géographes modernes, bien qu’il soit « assez connu aux académiciens, péripatéticiens et stoïques anciens ». Merryland est décrit selon le modèle de l’île utopique, difficilement ou même impossible à localiser sur les mappemondes. La description de Stretzer imite et parodie de près L’Utopie de Thomas More ainsi que ses successeurs.
L’allégorie anatomique devient bientôt évidente, surtout quand le lecteur fait l’effort de remettre les voyelles manquantes dans les divers « toponymes » anglais : « Merryland est situé dans la partie inférieure du continent, limité dans la partie supérieure ou au Nord par la petite montagne nommée MNSVNRS, à l’Est et à l’Ouest par Coxasin et Coxadext ; au Sud, ou dans la partie inférieure, il ouvre vers la Terra Firma ». Plus au Nord, il y a « deux autres petites montagnes agréables, nommées BBY […]; au sommet de chacune il y a une belle source, qui produit une boisson nourrissante très appréciée, surtout par les jeunes gens». « Merryland est bien irrigué par une rivière qui a son point de départ dans un grand réservoir ou un lac à proximité, appelé VSCA, et se jette impétueusement par une cascade vers la Terra Firma près de l’entrée du grand Golfe ».
L’exploration psychogéographique continue avec la description d’un « CANAL ample » qui coule au milieu du pays, puis des deux forts qui protègent ce canal, appelés LBA, de la métropole CLTRS, de la forteresse NMPH, de la grande Trésorerie ou Dépôt UTRS, et de la région HMN ; ce HMN étant d’ailleurs le « sujet de nombreuses controverses et disputes parmi les érudits, certains contestant son existence même ». Finalement, il n’est pas inutile de préciser que le nom de ce brave explorateur du royaume Merryland est Roger Phfuquewell. Nous avons évidemment affaire à une variation libertine autour du thème du Pays de Cocagne, présenté non comme un paradis alimentaire (une fantaisie orale), mais comme un « Paradis des plaisirs, un Jardin des délices » (une fantaisie sexuelle).
L’allégorie sexuelle de Thomas Strezter n’est pas singulière à l’époque. Depuis l’invention des « cartes du tendre » par Madeleine de Scudéry
, beaucoup d’auteurs ont imaginé des mappemondes « morales », où les continents et leurs habitants incarnent des vertus ou des péchés. Franz Reitinger a pu réunir, dans un chapitre de son Kleiner Atlas amerikanischer Überempfindlichkeiten, tout un corpus de cartes allégoriques dédiées au matrimoine, à l’érotisme et à la sexualité, de la Map of Matrimony (1827) à Coitus Topographicus (1980)[29]. Les nouveaux Colomb sont des explorateurs du corps humain, féminin et masculin, mais aussi de l’âme des amants et des relations maritales (Planches 4 et 5).
Figure 4. Franz Reitinger, Kleiner Atlas amerikanischer berempfindlichkeiten, Graz & Vienne, Ritter Verlag, 2008
Il semble ainsi qu’on peut retrouver sur les cartes prémodernes des projections fantasmatiques correspondant aux positions topiques définies par Freud et ses successeurs, à savoir la position ombilicale ou utérine, puis les positions orale, anale et génitale. Les voyages sur les mappemondes « ensorcelées » du Moyen Âge et de la Renaissance sont, à un niveau subliminaire, des explorations de l’imaginaire du corps humain. Chacune de ces topiques psychogéographiques freudiennes a inspiré, à des périodes successives de l’histoire, des corpus de textes qui décrivent des aventures initiatiques et des voyages extraordinaires.
Figure 5. Franz Reitinger, Kleiner Atlas amerikanischer berempfindlichkeiten, Graz & Vienne, Ritter Verlag, 2008
Ainsi, la quête d’un Paradis terrestre situé en Extrême Orient a commencé dans la littérature des anachorètes du désert égyptien, comme saint Macaire et ses disciples, vers la fin du IVe siècle. Au VIIIe siècle, le thème a été imposé dans la littérature médiévale par un développement du Roman d’Alexandre, intitulé Iter ad Paradisum (Le voyage au Paradis), dans lequel l’expédition d’Alexandre le Grand en Asie est présentée comme s’arrêtant devant la porte du jardin de Dieu. Aux XIIIe-XVe siècles, il a été adopté par des voyageurs réels ou fictifs au Moyen Orient pendant la pax mongolica, d’Odoric de Pordenone et Marco Polo jusqu’à Jean Witte de Hesse et Jean Mandeville[30].
Les descentes imaginaires au cœur de la terre, bien qu’elles constituent déjà un thème récurrent dans les mythes anciens, ont été stimulées, depuis les VIIIe et IXe siècles, par l’avènement des légendes celtiques irlandaises dans la littérature latine médiévale. Le purgatoire de saint Patrick d’Irlande est devenu la destination des voyages de toute une série de chevaliers et aventuriers qui cherchaient la renommée ou la rédemption, venant d’Angleterre et de Hongrie, d’Espagne ou d’Islande[31]. Le Paradis de la reine Sibylle d’Antoine de La Sale témoigne de l’intérêt ressuscité, à la fin du Moyen Âge, pour les cavernes magiques, dont les anciens rituels d’incubation et de divination alimentaient pleinement l’imagination des magiciens de la Renaissance. En sont symptomatiques les caves de Visignano et Norcia en Italie ou celles de Tolède, Séville et Salamanque en Espagne.
Pour finir, les voyages initiatiques allégoriques, à connotation sexuelle, se sont développés dans le cadre des voyages extraordinaires et utopiques des XVIe-XVIIIe siècles. Dans certains de ces textes, l’imagination génitale est encore ambiguë, comme dans le pamphlet de Thomas Artus Isle des Hermaphrodites (1605) ou dans le roman de Gabriel de Foigny Les Aventures de Jacques Sadeur ou La Terre australe connue (1676). Les fantasmes sur la sexualité féminine ont continué à être censurés pour un certain temps, ce qui est visible dans des pièces comme Les femmes militaires de Louis-Rustaing de Saint-Jory (1735) ou bien La nouvelle colonie ou La ligue des femmes de Marivaux (1729). Mais, à mesure que la mentalité libertine gagnait du terrain, les rêveries sexuelles ont commencé à hanter des auteurs comme l’abbé d’Aubignac dans Nouvelle histoire du temps ou Relation véritable du Royaume de Coquetterie(1654),
Tristan l’Hermite dans Le Royaume d’Amour (1658), Paul Tallemant dans Voyage de l’Isle d’Amour (1663), l’abbé Desfontaines dans Le nouveau Gulliver (1731), Marivaux dans La Réunion des Amours (1731) ou Gabriel François Coyer dans sa Découverte de l’Isle Frivole (1751)[32], pour culminer avec la découverte de « l’île de Vénus » à Tahiti par Bougainville.
En guise de conclusion, je voudrais souligner que ces exemples d’œuvres et de corpus de textes présentant des voyages psychogéographiques se sont imposés, au fil des deux millénaires de culture européenne chrétienne, suivant un certain ordre ou progression. Simon le Mage et les rêveries gnostiques sur le Paradis en tant qu’utérus maternel couvrent le début du premier millénaire. Les voyages miraculeux vers le Paradis oriental, associé à la « tête » du Christ cosmique, se sont multipliés vers la seconde moitié du premier millénaire et dans les premiers siècles du second. Les descentes dans des cavernes magiques et purgatoriales ont été le sujet de plusieurs narrations entre le VIIIe siècle et la fin de la Renaissance (moment où elles ont été censurées par la Contre-Réforme). Enfin, les voyages imaginaires vers des utopies sexuelles sont apparus avec la mentalité libertine anticipant les Lumières.
Il serait très tentant de voir dans cette disposition historique des quêtes narratives une sorte de progression freudienne parcourue par la culture européenne, de l’état d’enfance à la maturité libidinale ; les différents corpus de textes marqueraient alors le passage par les stades ombilical ou utérin, oral, anal et génital. Je crains pourtant qu’une telle extension ou généralisation de la psychogénèse, de l’individu à l’évolution des collectivités et civilisations, ne soit hasardeuse et difficile à argumenter même pour les psychanalystes les plus férus.
Abstract : The constructing principles of ancient cartography were for most of the time non-mimetic and non-empirical, so that the maps build on their basis had a most fantastic shape. We could safely call this kind of non-realistic geography symbolic geography. In this paper, I focus on the psychological projections that shaped the form of pre-modern maps. The main epistemological instrument for l such an approach is offered by Freudian psychoanalysis and Jungian analytical psychology. In « psychoanalytical geography », Freudian schemes of interpretation (the oral, anal and genital stages of evolution) are put to work for explaining the complex mechanisms of identification and transference at work in ancient cartography.
[1] Dans le cadre du symposium « Europe’s Symbolic Geographies » organisé par Sorin Antohi à Pasts Inc., Institute for Historical Studies, Central European University, Budapest, les 27-29 mai 2004.
[2] Voir Richard Rorty, « John
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Truth and Progress: Philosophical Papers III, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.
[3] Corin Braga, De la arhetip la anarhetip [De l’archétype à l’anarchétype], IaÅŸi, Romania, Polirom, 1996, Chapitre 2 « Geografia simbolică.Principiile non-empirice care stau la baza imaginarului cartografic » [La Géographie symbolique. Principes non empiriques à la base de l’imaginaire cartographique].
[4] Gilbert Durand,
Les structures anthropologiques de l’Imaginaire, Paris, Bordas, 1983 [1969]; Gaston Bachelard,
La poétique de l'espace, Paris, PUF, 1964.
[5] Mircea Eliade,
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Essais sur le symbolisme magico-religieux, Paris, Gallimard, 1952.
[6] André Leroi-Gourhan,
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[7] Abel Rey,
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La jeunesse de la science grecque, Paris, 1933, p. 188-189; Charles Mugler,
Deux thèmes de la cosmologie grecque. Devenir cyclique et pluralité des mondes, Paris, 1953, p. 20.
[8] Voir Guy-Ernest Debord, « Introduction to a Critique of Urban Geography », in Les Lèvres Nues, n° 6, 1955. Les situationnistes ou les psychogéographes essayent de saisir « les lois précises et les effets spécifiques de l’environnement géographique, organisés consciemment ou non, sur les émotions et le comportement des individus ». Pour une introduction au sujet, voir Merlin Coverley, Psychogeography, London, Pocket Essentials, 2006.
[9] Françoise Dolto,
Au jeu du désir. Essais cliniques, Paris, Seuil, 1981 ; du même auteur,
Séminaire de psychanalyse d’enfants, II, Paris, Seuil, 1985 ; voir aussi Maud Mannoni,
L’enfant, sa “maladie” et les autres, Paris, Seuil, 1967.
[10] Tom Conley,
The Self-Made Map. Cartographic Writing in Early Modern France, Minneapolis & London, University of Minnesota Press, 1996, p. 2.
[12] Sigmund Freud,
Opere III. Psihanaliză şi sexualitate, Traducere, eseu introductiv şi note de Leonard Gavriliu, Bucureşti, Editura Ştiinţifică, 1994, p. 116-119
et passim.
[13] Arent Jan Wensinck,
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[14] Mircea Eliade,
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[15] Guy Rosolato,
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[16] Tom Conley,
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[17] Corin Braga,
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[18] Ioan Petru Culianu, Les Gnoses dualistes d'Occident: Histoire et mythes, Paris, Plon, 1990.
[19] Frank E. Manuel & Fritzie P. Manuel,
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[20] C. G. Jung,
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Princeton University Press, Bollingen Series nr. XX, 1969. Trad. « Les archétypes de l’inconscient collectif » in Les racines de la conscience, Paris, Buchet Chastel, 1971.
[21] E. Neumann, The Great Mother: An Analysis of the Archetype, London, Routledge & Kegan Paul, 1955.
[22] C. G. Jung, C. Kerényi,
Introduction à l’essence de la mythologie :
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[23] Mircea Eliade,
Traité d’histoire des religions, Paris, Payot, 1964.
[24] C. G. Jung,
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[25] Venerabilis Beda,
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[26] Petrus Comestor,
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[27] Antoine de la Sale,
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[28] An. [Thomas Stretzer],
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[29] Franz Reitinger,
Kleiner Atlas amerikanischer Überempfindlichkeiten, Graz & Vienne, Ritter Verlag, 2008, p. 203-270.
[30] Corin Braga,
Le Paradis interdit au Moyen Age, op. cit., chaps. II, III, IV.
[31] Voir Michael Haren & Yolande de Pontfarcy,
The Medieval Pilgrimage to St. Patrick’s Purgatory. Lough Derg and the European Tradition, Clogher Historical Society, Enniskillen, 1988.
[32] Voir René de Planhol,
Les utopistes de l’amour, Paris, Librairie Garnier Frères, 1921.