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La vérité sur la fiction : Réalité biologique et vies imaginaires

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Prefatory Comment: The Link between Evolutionary Psychology, Neurobiology, and Literature
 

The human brain is part of the human body. The brain is the central location for the mind. There are no mental events that occur outside the brain. Every thought, feeling, memory, and conscious sensation correlates with a neurological event, arises from that event, and indeed is itself essentially identical with that event. Lop off a person’s head, and all mental events cease for that person. That person ceases to exist as a person and is thereafter merely a piece of insentient matter, a rapidly decaying lump of dead flesh. Books, stories, movies, theories, paintings, songs, jokes, critical essays—every form of imaginative cultural production—are mental events, hence neurological events. There is no separate universe for the mind, apart from the embodied brain. Cognition and culture do not create their own autonomous processes of activity, independently of the brain. Collective cultural events are merely the interactions of multiple individual brains and are thus reducible to chemical processes that occur inside bone-encased brains.

 
Should literary scholars then all study neurobiology? Should all research in the human sciences and the humanities be re-configured as neurobiological research? Literary theory should be consistent with findings in neurobiology. Cognitive and affective neuroscience can actively inform and constrain concepts directly relevant to literary study: concepts, for instance, about motives, temperament, emotional processes, social psychology, perspectival interplay, cognitive bias, and aesthetic response. Nonetheless, every discipline must identify the level of resolution appropriate to its subject matter.
 
Chemistry and physics intermingle; all chemical research is informed and constrained by principles of physics. But chemists typically work with specifically chemical levels of analysis, with compounds rather than with sub-atomic particles, gravity, and the speed of light. Biology and chemistry intermingle, but biologists, while using chemical concepts such as those in the Krebs cycle, also use concepts such as organs, organisms, reproductive processes, ecosystems, and adaptation through natural and sexual selection. Psychology and chemistry intermingle. Psychologists increasingly speak of psychological processes in terms of physiological processes such as the adrenal-hypothalamic-pituitary-axis, in terms of hormones such as oxytocin, adrenaline, vasopressin, estrogen, and testosterone, and in terms of neurotransmitters such as serotonin, glutamate, and dopamine. But psychologists also deal with human behavior at the level of social interactions and behavioral sequences that require discursive terms such as mother-infant bonding, sibling rivalry, mate selection, and dominance and submission.
 
Virtually all literary scholarship other than bibliographic research has reference to psychology. That is because the stuff of literary meaning necessarily concerns motives, thoughts, and feelings, which are the subject matter of psychology. Traditional humanist scholars depended on folk psychology supplemented with concepts from speculative psychologists such as Freud or Jung. Poststructuralist literary scholars updated Freud with linguistic and deconstructive ideas like those of Lacan but remained dependent on speculative psychology. Most current literary scholarship is thus already severely out of date, depending on obsolete and often erroneous ideas.
 
Evolutionary literary scholars or “literary Darwinists” commit themselves to deploying psychological concepts that are informed by evolutionary and neurobiological research. Because the brain is an evolved organ that displays complex functional structure, all neurobiological research is at least implicitly evolutionary. Most research into the human brain is explicitly evolutionary. To understand form and function in the human brain, neurobiologists necessarily inquire into evolved and adapted anatomical and neurochemical structures. Much neurobiological research into the human brain uses comparative animal studies. To make good use of comparisons with the brains of other animals, researchers must take account of similarities and differences in evolutionary trajectories among different species.
 
The central principles governing evolutionary literary study are (1) that literary meaning is lodged in individual human brains interacting with other individual human brains; (2) that the human brain is an evolved organ that displays complex functional structure; and (3) that motives, feelings, sensations, and thoughts are constrained and directed by adaptive dispositions deriving from the reproductive logic of the human species. Literary Darwinists aim at integrating current knowledge about the evolved characteristics of human behavior with knowledge about literature, its production, reception, and internal characteristics. They aim at creating a continuous explanatory sequence linking adaptive evolutionary processes with complex cultural phenomena and with the phenomenal properties of literary works. They locate their research at the intersection of psychology and historical cultural scholarship. Accordingly, they frequently characterize their work as “biocultural critique.”
 
La vérité sur la fiction : Réalité biologique et vies imaginaires
1. Trois scénarios
Depuis environ deux décennies, quelques spécialistes de la littérature travaillent pour intégrer les études littéraires à une compréhension évolutionniste de l’esprit humain. Les idées promues par ces chercheurs vont encore à l’encontre des idées qui prévalent dans l’institution littéraire académique, mais les Darwinistes ont régulièrement gagné en nombre, en visibilité et en influence (Kean). Je peux imaginer trois scénarios pour le développement futur des études littéraires : l’une dans laquelle le darwinisme littéraire reste en dehors du courant dominant des études littéraires ; un autre dans lequel le darwinisme littéraire est incorporé comme une des nombreuses approches différentes de la littérature ; et un troisième dans lequel les sciences humaines évolutionnistes transforment fondamentalement et subsument toutes les études littéraires (Carroll, Reading Human Nature 71-87). Si l’on devait fonder des prédictions sur l’état actuel de l’étude de l’évolution dans les sciences humaines, le premier ou le deuxième scénario pourrait sembler le plus plausible. Si l’on fonde des prédictions sur l’attrait inhérent du développement des connaissances, le troisième semble le plus plausible. Aucune autre théorie actuellement existante ne se retrouve dans une vision biologique de l’esprit humain. Aucune autre théorie ne permet ainsi d’intégrer les études littéraires au corpus de connaissance en rapide développement de la psychologie évolutionniste, la paléoanthropologie, la primatologie, l’écologie comportementale, l’éthologie comparative, les neurosciences cognitives et affectives, la génétique comportementale et la psychologie de la personnalité. Si la cohérence avec des formes de connaissance établies empiriquement est le critère par lequel nous évaluons la validité des théories littéraires, les alternatives actuellement existantes au darwinisme littéraire sont hors-jeu depuis le début. Elles se disqualifient d’elles-mêmes. Seule la compréhension darwinienne de la littérature offre la perspective d’un développement cumulatif de recherche littéraire compatible avec un large éventail de connaissances scientifiques[1].



Dans le troisième scénario – celui dans lequel les sciences humaines évolutionnistes transforment et subsument toutes les études littéraires-, le darwinisme littéraire absorbera la plupart des idées dans les sciences humaines évolutionnistes et les intégrera aux idées spécifiques des études littéraires. Cette intégration devra fonctionner des deux côtés. Les sciences humaines évolutionnistes sont encore dans la phase de formation d’un paradigme. Leur modèle de la nature humaine n’est pas cependant complète parce qu’il n’a pas été encore pris en compte de manière adéquate l’expérience qui forme le sujet des humanités. Cet essai est conçu pour aider à corriger ce manque.
Dans la première partie de cet essai, j’explique comment des spécialistes dans les humanités peuvent aider à construire le modèle de la nature humaine encore en développement. Dans la seconde partie, je soutiens que l’objet propre du commentaire littéraire est le «sens » (meaning) et que ce sens peut être localisé dans l’interaction des points de vue entre auteurs, lecteurs et personnages. Dans la troisième partie, je soutiens que les principales catégories de l’histoire de la vie humaine sont aussi les principaux thèmes de fiction. Dans la section finale, je présente des suggestions pour les directions de futures recherches.
2. Un modèle de développement de la nature humaine
Au cours des quarante dernières années, des changements majeurs ont eu lieu dans les théories évolutionnistes sur la nature humaine, chaque changement nous rapprochant d’une compréhension globale adéquate. La sociobiologie, le premier mouvement important en science sociale moderne évolutionniste émergea dans les années 1970. Les sociobiologistes se jetèrent sur une seule explication passe-partout du comportement humain. Ils suggérèrent que « la maximisation de la valeur sélective (« fitness maximization») – ayant le plus grand nombre possible de progéniture – est un moteur immédiat de la vie humaine (Betzig ; Chagnon). Cette suggestion supprima trop de détails dans le comportement humain. La psychologie évolutionniste (EP), émergeant à la fin des années 1980, corrigea cette erreur, en insistant sur une étape causale intermédiaire. Les psychologues évolutionnistes étaient d’accord sur le fait que la maximisation de la valeur sélective est une explication causale « ultime », mais des mobiles humains actuels sont « proches », non pas « ultimes ». Les gens ne veulent pas d’enfants, disent-ils ; ils veulent seulement du sexe. Le désir est un mobile proche ; les enfants, avant la pilule et le préservatif, étaient juste la conséquence « ultime » (Pinker, How the Mind Works ; and Symons). Que cette formulation corrigée ne soit pas encore complétement exacte, c’est ce que montrerait une observation des plus communes. Un grand nombre de gens, sans doute la majorité, veulent le sexe et les enfants, quoique bien entendu certains ne veulent ni l’un ni l’autre et que certains veulent soit le sexe ou les enfants mais pas les deux.
Les premiers psychologues évolutionnistes envisagèrent « la nature humaine » comme un ensemble de mobiles câblés et de traits mentaux adaptés à l’écologie des chasseurs cueilleurs du pléistocène, une période géologique remontant à environ 1, 6 millions d’années. La métaphore privilégiée pour cette conception de « the adapted mind» était le couteau de l’armée suisse. Pensez au cerveau comme une boîte à outils compacte avec un tire-bouchon, disons, pour l’accouplement, une petite paire de ciseaux pour la chasse, des pincettes pour la collette, un fichier pour favoriser la parenté, un poinçon pour gagner la dominance, etc. Beaucoup de petits outils dédiés à des tâches spécifiques mais aucune flexibilité dans un même et seul outil. Au mieux, on pourrait utiliser on peut utiliser la lame au bout arrondi pour soulever un tubercule ou scier un peu de cartilage. Par ailleurs, des mécanismes banals ont été écartés tout comme les ordinateurs à usage général envisagées par la Science Sociale Standard (Standard Social Science) (Tooby et Cosmides, «Fondements psychologiques »).
Les psychologues évolutionnistes ont établi un contraste frappant entre les conditions de l’âge de pierre pour lesquels notre boîte à outils neurologique avait été soi-disant adaptée et les conditions radicalement différentes qui prévalent dans les sociétés post-agricoles. Soustrayez les différences entre la caverne et la ferme, et vous obtenez une « inadaptation» (« mismatch») – un mot qui recouvre la plupart de ce que la première Psychologie Evolutionniste avait à dire sur les réalisations humaines durant les 50000 dernières années. Sir John Seeley remarqua une fois que les Britanniques ont acquis un empire dans un accès de distraction. Dans la vision de l’histoire de la Psychologie Evolutionniste, la race humaine fit mieux que les Britanniques; durant son accès de distraction, la race humaine a acquis la totalité de la civilisation – logements permanents, des plantes et des animaux domestiqués, des spécialisations professionnelles, des villes, des bâtiments publics, des technologies complexes, des routes, des véhicules, des armées, des castes dirigeantes, des traditions artistiques, des philosophies, des sciences, et tout le reste.
Les traits qui caractérisent maintenant l’espèce humaine ne commencent pas au pléistocène. Les humains ont des mobiles et des émotions qui ont été conservés depuis leur dernier ancêtre commun qu’ils eurent avec les chimpanzés. (A. Buss ; Foley ; Irons ; et Potts). Mais bien sûr les caractéristiques conservées remontent beaucoup plus loin que cela – elles remontent aux adaptations des mammifères pour la liaison mère-enfant, aux réactions de lutte ou de fuite partagées avec les reptiles et les poissons, aux systèmes nerveux organisés autour d’une colonne vertébrale, aux processus physiologiques partagés avec tous les organismes multicellulaires, et aux procédés chimiques identiques dans toutes les cellules nucléées, y compris ceux des organismes unicellulaires (Lane; Panksepp et Shubin). Les adaptations qui caractérisent la nature humaine ne commencent pas au Pléistocène et elles ne s’y arrêtent pas, non plus. Commençant quelque part entre il y a 100 000 et 40 000 ans, le rythme des changements dans le comportement humain commença à reprendre radicalement, si radicalement que de nombreux scientifiques se réfèrent à cette période comme « la révolution humaine ». C’est durant cette période que les humains ont d’abord produit des outils complexes et créé des sculptures, des peintures et des instruments de musique. Le débat fait toujours rage pour savoir si ce changement révolutionnaire a été précipité par quelque re-câblage neurologique décisif ou s’il était seulement le résultat de l’acquisition cumulative «culturelle» atteignant un point de basculement dans une accélération auto-entretenue (Mellars ; Mellars and Stringer ; and Wade). Jusqu’ici, les meilleurs candidats pour l’hypothèse du recablage se concentrent sur le gène FOXP2, qui influence les compétences linguistiques complexes (Enard et al.) Mais quelle que soit la cause, quelque chose s’est passé. Les gens sont devenus plus intelligents ou au moins ont agi de manière plus intelligente. Ils développèrent des talents beaucoup plus complexes et inventèrent des manières plus effectives d’obtenir de la nourriture et d’acquérir des abris. Ils ont aussi commencé à laisser des évidences archéologiques de leur fascination pour les dessins abstraits et la représentation par images.
Pour la première psychologie évolutionniste, l’évolution, à toutes fins pratiques, s’est arrêtée à un moment indéterminé dans le Pléistocène, bien avant la Révolution Humaine. La plupart des éléments que nous pensons comme des caractéristiques de la civilisation, les arts, la religion, la science, la philosophie furent relégués dans un bac à rebut labellisé «produits dérivés» (by-products). Au cours des dix dernières années, les psychologues évolutionnistes aux vues plus amples ont radicalement modifié ce modèle inadéquat de la nature humaine. Ils ont gardé ce que la psychologie évolutionniste a identifié comme les dispositions fondamentales d’adaptation, mais ont ajouté un élément majeur: la flexibilité de l’intelligence générale (Geary; MacDonald and Hershberger; Mithen; and Sterelny).
L’ajout de l’intelligence générale donne un compte-rendu plus satisfaisant de la science et des autres caractéristiques rationnelles et techniques de la civilisation, mais le modèle ne donne pas encore de bonne explication concernant l’art et les autres produits de l’imagination. L’explication de la première psychologie évolutive de l’art comme un produit dérivé reste active dans le modèle plus récent, plus large qui inclut l’intelligence générale. Contrairement aux deux écoles, l’école de psychologie évolutionniste narrow-schoolEP et celle broad-schoolEP plusieurs évolutionnistes dans les humanités ont soutenu que l’imagination est fonctionnellement intégrée à la façon spécifiquement humaine de faire face au monde. Les humains vivent dans l’imagination ; ils créent des mondes virtuels imaginaires qui contiennent le passé et le futur et qui contiennent aussi leur sens des relations avec les gens et les forces en dehors de leur immédiat champ visuel. Les humains sont la seule espèce qui peut mourir pour une idée. C’est pourquoi ils sont la seule espèce qui peut vivre d’idées, ou plus précisément, de constructions imaginaires émotionnellement chargées comme les religions et les idéologies[2].
Comme il est utilisé par les évolutionnistes dans les humanités, le mot « imagination » ne signifie pas quelque faculté numineuse et indéfinissable plus ou moins équivalente à « esprit » (spirit). Il signifie un ensemble interactif d’opérations mentales qui incluent la raison discursive, la représentation, l’imagerie symbolique, les formes esthétiques, et les réactions émotionnelles. Fonctionnant ensemble, ces opérations produisent des images mentales émotionnellement chargées qui influencent de manière significative le comportement humain. Toutes les tribus et les nations ont des mythes d’origine. Chaque groupe ethnique et secte religieuse a ses symboles distinctifs, ses façons de s’habiller, ses styles de décoration, et ses récits historiques (Brown ; and Hill, Barton, and Hurtado). Nous prenons part à l’imaginaire collectif de nos groupes sociaux, et à l’intérieur de ces groupes, nous tissons constamment l’histoire de nos propres vies individuelles, rassemblant les moments de notre passé pour créer un sens de l’identité personnelle et projetant cette identité dans le futur. Les gens s’imaginent eux-mêmes comme docteurs, juristes, professeurs, athlètes champions ou hommes d’affaire, et ils se sont mis ensuite à devenir ces choses. Certaines personnes s’imaginent prêtres ou nonnes et ils sont d’accord pour supprimer la plupart des besoins humains de base – sexe, procréation et famille. D’autres s’imaginent comme des martyrs religieux et volontairement se transforment en bombes humaines. Et d’autres encore s’imaginent guerriers et héros, traduisant la laideur de l’activité meurtrière en un service honorable. Les gens s’imaginent comme des pêcheurs transformés par la grâce de Dieu, des saints prédestinés au salut, des rebelles romantiques défiant les conventions, comme de bons citoyens qui remplissent leurs devoirs civiques ou comme des prédateurs rusés prenant comme proie les faibles et les stupides. A moins de tenir la liste des manières essentielles par lesquelles l’imagination caractérise les formes spécifiquement humaines d’expérience, l’on ne peut affirmer de manière convaincante avoir compris la nature humaine.
L’espèce humaine s’est spécialisée dans la flexibilité cognitive et comportementale. Le comportement humain n’est pas régulé principalement par les «instincts», c’est-à-dire, des aptitudes étroitement canalisées activées automatiquement par des stimuli environnementaux ou des déclencheurs internes. Le comportement humain est largement régulé par des normes culturelles. Ces normes sont articulées sous une forme imaginaire à travers des mythes, des légendes, des rituels, des images, des chants et des histoires. Les constructionnistes culturels l’avaient bien compris. Là où ils avaient tort, c’était de séparer les normes culturelles de la « nature humaine » : les dispositions transmises génétiquement qui caractérisent les humains comme espèce. Les normes culturelles ne surgissent pas de nulle part. Elles viennent des éléments de la nature humaine, diversement combinés, dans des circonstances environnementales différentes, se développant au fil du temps
Sur l’ensemble du spectre de la pensée évolutionniste actuelle sur la nature humaine, il y a donc maintenant trois modèles principaux : la psychologie évolutionniste narrow-school et celle broad-school et celle que nous pouvons nommer la psychologie évolutionniste humaniste[3]. La psychologie évolutionniste broad-school contient tout ce que la psychologie évolutionniste narrow-school contient mais ajoute l’intelligence générale. La psychologie évolutionniste humaniste contient tout ce qui est dans la psychologie évolutionniste broad-school mais ajoute l’imagination.
Figure 1 : Les trois versions de la psychologie évolutionniste
Les partisans de la conception humaniste de la psychologie évolutionniste reconnaissent que la pornographie et les drogues de loisirs sont en grande partie des manières non adaptatives d’utiliser des processus cérébraux qui ont évolué pour des fins adaptatives. Les gens sont en même temps assez intelligents et assez fous pour manipuler les centres de plaisir dans leurs propres cerveaux en absorbant des produits chimiques qui leur donnent un afflux de dopamines imméritées ou calment des signaux de douleur. La religion et l’art peuvent servir à un dessein similaire, offrant un afflux de sensation de bien-être qui déconnecte le système de récompense du cerveau des actuelles circonstances. De la perspective de la psychologie humaniste évolutionniste, la religion et l’art peuvent aussi servir de fonctions adaptatives. Parmi d’autres choses, la religion peut créer un récit collectif cohérent qui unit les individus en une communauté (D.S. Wilson). La religion et l’art peuvent aider les gens à réguler leur comportement selon une vision totale du monde et de leur place dans le monde[4].
Prenons l’Eglise Catholique par exemple. Pendant des siècles, l’Eglise a procuré une structure imaginaire complète pour presque l’ensemble de la population européenne. Dans cette structure imaginaire, les individus comprenaient le cosmos comme une sphère limitée dans le temps et l’espace et investies des propriétés inhérentes du bien et du mal. Les vies humaines individuelles étaient clairement délimitées en deux parties distinctes : la chair mortelle et l’âme éternelle. Le défi central de la vie était de se comporter et de croire de manière qui corresponde au code universel identifié par l’Eglise, et ainsi de gagner le bonheur éternel et éviter la souffrance éternelle. Ce code universel stipulait les formes de comportement sexuel et les types de relations familiales qui étaient permises et exclues. Le code aussi stipulait un ethos social et incluait automatiquement tous ses membres dans une communauté de valeurs et de croyances partagées. A l’intérieur de cette communauté, les arts aidaient à produire des formes partagées d’expérience de l’imaginaire. Les gens ne croyaient pas seulement aux idées chrétiennes d’une manière abstraite. Leurs vies étaient organisées autour des églises dans lesquelles ils étaient christianisés, mariés et préparés à mourir. Dans ces églises, les gens étaient entourés par des images visuelles, de la musique, des histoires, et des rituels esthétiquement denses qui donnaient une forme imaginatire aux motivations principales et aux passions pendant leurs vies. La plupart des membres de l’intelligentsia ne partage plus la conception chrétienne du monde même en Europe, mais les gens partout encore ont besoin d’images du monde et de leur place dans le monde esthétiquement et émotionnellement riches. Ils ont besoin encore d’imagination pour les aider à évaluer la forme de leurs vies et ainsi régler leur comportement.
Les trois tables dans la figure 1 ne sont pas comme les étages d’une fusée, utilisées et ensuite jetées. Elles sont plus comme des poupées russes, les matriochka, avec des poupées plus petites à l’intérieur de plus larges.
Figure 2 : Une poupée « Matriochka » des disciplines
Une analogie encore plus proche est celle du « cerveau triunique ». Le neurologue Paul MacLean créa ce terme pour marquer l’existence de trois composantes essentielles dans le cerveau humain : le cerveau reptilien qui organise des réactions réflexes de combat ou de fuite et de simples comportements de recherche de nourriture et de sexe ; le cerveau mammalien qui contient des mécanismes hormonaux pour le lien affectif entre une mère et son enfant ; et le cerveau spécifiquement humain qui contient un néocortex étendu capable de pensée abstraite, de planification, et d’inhiber des pulsions (MacLean). Le néocortex humain étendu n’a pas supprimé le mammalien et le reptilien cachés en lui. Toutes les structures principales dans le cerveau sont connectées et interactives. Ainsi est-ce avec les modèles de la nature humaine dans la version humaniste étendue de la psychologie évolutionniste.
L’imagination peut modifier radicalement, voire étouffer l’expression des pulsions humaines les plus fondamentales. En fonctionnant à travers les normes culturelles l’imagination peut affecter l’éducation des enfants, l’accouplement, les interactions sociales au sein ou entre les groupes, et même l’instinct de survie. Il peut conduire certaines personnes au célibat et d’autres au suicide; à contraindre certaines populations d’avoir des enfants sans restriction et à strictement limiter, voire interdire la procréation parmi d’autres; à idéaliser l’amour fraternel ou glorifier la cruauté et de la brutalité ; et il peut faire de l’amour romantique le motif central de l’existence ou le stigmatiser comme une auto-indulgence ridicule qui viole le caractère sacré de la famille. La nature humaine n’est pas indéfiniment flexible. Toute forme de comportement humain est incitée par une impulsion fondée biologiquement. Néanmoins, ces impulsions se combinent de manière à produire des variations de comportement plus vastes que ceux de toute autre espèce – plus vaste de plusieurs ordres de grandeur.
A l’intérieur de chaque esprit humain individuel, tous les mobiles (motives) sont enfermés dans un système global. Changez une partie du système – supprimez le sexe, par exemple, ou glorifiez la guerre, et vous modifiez l’output comportemental et la tonalité émotionnelle de l’ensemble. Les œuvres d’imagination, – mythes, chansons, histoires, peintures-, rendent ce système global de motivation subjectivement intelligible, illuminant les structures sous-jacentes par lesquelles nous pouvons sentir et ressentir.Nous vivons ou mourons pour des idées non pas parce qu’elles nous semblent de bonne logique, mais parce que nous pouvons sentir leur force émotionnelle. Les œuvres d’imagination nous aident à le faire.
L’imagination apporte de nouvelles choses dans le monde, mais ces choses ne sont pas faites à partir de rien. Elles sont faites à partir de la nature humaine, qui comprend l’imagination. La forme la plus accomplie de la critique d’interprétation devra donc nécessairement tenir compte de la nature humaine. Et il y a un revers à la médaille: la forme la plus achevée de la psychologie évolutionniste devra nécessairement tenir compte de l’imagination.
Nous sommes à un moment historique décisif dans les sciences de l’évolution de l’homme. Pour la première fois, nous avons les matières théoriques nécessaires pour développer une compréhension évolutionniste globale de l’expérience humaine. En intégrant les idées de trois domaines théoriques qui se recoupent- théorie de l’histoire de la vie humaine, psychologie de la personnalité, et la coévolution gène-culture (gene-culture co-evolution), nous pouvons identifier les grands modèles du comportement humain, localiser des individus uniques au sein de ces modèles, ainsi qu’expliquer comment les dispositions génétiquement transmissibles et les conditions culturelles interagissent de façon réciproque.
La théorie de l’histoire de la vie humaine est un sous-ensemble de la théorie de l’histoire de la vie qui englobe toute la biologie.L’histoire de la vie de tous les organismes peut être analysée comme une répartition de l’effort vers des fonctions somatiques et reproductives – c’est-à-dire dire vers la construction et le maintien de l’organisme et vers la transmission des gènes. La théorie de l’histoire de la vie humaine offre un cadre systémique pour toutes les phases et les rôles sociaux de la vie humaine. Dans ce cadre, nous pouvons connecter des principes biologiques élémentaires à des universaux humains et à des identités individuelles.
Les principes somatiques et reproductifs sont en corrélation avec la répartition commune des objectifs de vie vers la survie et la reproduction, et ces termes en corrélation sont avec les deux motifs principaux abordés dans la théorie de la personnalité: le pouvoir et l’amour, ou l’organisme et la communion. La coévolution gène-culture converge avec la théorie de la vie l’histoire humaine, ce qui explique la façon dont le cerveau humain élargi a compliqué le plan de base des primates. Les psychologues de la durée de vie caractérisent des « phases de vie » différentes qui peuvent être étroitement intégrées avec les principales phases de la théorie de la vie l’histoire humaine.
Les psychologues du récit se concentrent sur le «récit de vie» autobiographique que tous les humains construisent. Cette histoire de vie procure un sentiment de «sens» dans une vie, un sentiment d’unité et de fin. L’idée que chaque individu crée une histoire de vie va de pair avec les implications de la coévolution gène-culture et avec un argument principal concernant la fonction adaptative des arts:l’idée que les gens créent des constructions imaginaires grâce auxquelles lesquels ils peuvent envisager leur vie en tant qu’ensemble, situer leur vie en fonction de leurs groupes sociaux et au monde en général, et donc orienter leur comportement de manière réfléchie.En intégrant la théorie de l’histoire de la vie humaine, la théorie de la personnalité, et la coévolution gène-culture, nous pouvons maintenant créer une séquence continue explicative qui mène des principes élémentaires de causalité en biologie à travers les universaux humains individuels à la vie humaine individuelle et aux œuvres d’imagination5.
3. Le sens en littérature
1. Les sujets des histoires
Les êtres humains créent des mondes virtuels imaginés qui semblent d’une variété infinie en surface mais sous la surface les thèmes centraux en littérature sont relativement simples et peu nombreux. Les thèmes centraux reflètent des passions humaines profondes qui sont enracinées dans des préoccupations humaines élémentaires. D’où la similarité et la mutuelle intelligibilité des contes populaires autour du monde. D’où aussi la fréquence avec laquelle les grandes œuvres de la littérature sont traduites en d’autres langages et transposées en d’autres media comme le film ou l’opéra. Les pièces de Shakespeare en offrent un exemple frappant. Les pièces ont quatre cent ans et sont écrites dans un langage qui est maintenant archaïque ; Shakespeare utilise une imagerie de coutumes et de pratiques depuis longtemps obsolètes ; mais les pièces cependant continuent à être traduites dans des dizaines de langues et sont constamment adaptées en films, opéras, romans graphiques, dessins animés, nouvelles et romans. Le talent de Shakespeare fut sa vision profonde de la nature humaine et l’utilisation d’un langage adéquate.
Le cycle de la vie de toute espèce est nécessairement un cycle reproductif. La logique de ce cycle régule tout l’éventail des possibilités d’évolution dans les espèces. La reproduction ne signifie pas seulement la sexualité. Les espèces parentales créent des attachements avec leurs petits et inversement ; les espèces à double rôle parental créent des liens de couple entre les parents. Tout organisme réussi du point de vue de l’évolution doit survivre suffisamment longtemps pour se reproduire. Les espèces sociales négocient des hiérarchies, parfois forment des alliances et parfois se différentient dans des rôles sociaux spécialisés comme guerriers ou ouvriers. Les organismes individuels se disputent des ressources et repoussent les prédateurs ou cherchent des proies. Les êtres humains, tout comme les chimpanzés, ont une organisation sociale entrant en compétition avec d’autres groupes sociaux. Toutes ces aptitudes, bien qu’elles soient partagées avec d’autres espèces font partie du cycle spécifique de la vie humaine. En plus de ces aptitudes animales fondamentales, les humains ressentent aussi un besoin de satisfaire leur esprit- de former des images et des récits de leurs propres vies et du monde qu’ils habitent.
2. L’interaction des points de vue
Les aptitudes générées par l’histoire de la vie humaine se manifestent au niveau proximal comme des mobiles entraînés par des émotions comme le désir, l’amour, la gratitude, la jalousie, la culpabilité, la honte, la frustration, le ressentiment, la rage, et la haine. Les récits et la fiction dramatique dépeignent de telles émotions, les évoquent et les rendent disponibles aux lecteurs qui les expérimente indirectement. Un auteur et un lecteur habitent un monde imaginé créé par l’auteur qui choisit un sujet, adopte une position envers ce sujet, organise la présentation du sujet et module le style et le ton pour influer les réponses du lecteur. Les lecteurs enregistrent les images et les sensations alors évoquées et les situent aussi dans leur propre système d’analyse et d’évaluation[5].
Le sens en littérature ne dérive pas seulement des événements décrits mais aussi et de manière plus importante, à partir de l’interprétation des événements décrits – à partir de la position de l’auteur ; à partir de la réponse du lecteur à la fois aux événements décrits et à la position de l’auteur ; à partir de l’anticipation de l’auteur aux réponses du lecteur. Le sens en littérature ne peut être réduit à l’intrigue. Le sens consiste en une expérience imaginaire au moins partiellement partagée entre un auteur et un lecteur. C’est la forme d’un échange social. Dans la littérature de représentation (representational littérature) (histoires, pièces de théâtre, romans, ce qui s’oppose à la poésie lyrique), un troisième point de vue entre en scène : celle des personnages. Dans cette situation le sens vient d’une interaction des points de vue entre les personnages, les auteurs et les lecteurs. Les personnages ont des impressions sur chacun d’entre eux ; l’auteur a une attitude envers les personnages et anticipe les réponses des potentiels lecteurs ; et des lecteurs réels ont des impressions sut toutes ces relations, incluant ce que l’auteur anticipe de ce que les lecteurs penseront et éprouveront. Toute ce jeu de point de vue est le lieu de la signification littéraire ; c’est là où le sens a lieu : dans l’interaction entre les esprits humains. Cette interaction des points de vue (perspectival interplay) est ainsi un point focal pour la critique interprétative.
Considérons un exemple relativement simple, l’histoire d’Edgar Poe « The Tell-Tale Heart ». L’histoire est très courte. Le narrateur à la première personne est aussi le protagoniste. Il dit avoir assassiné un vieil homme avec lequel il vit. Il a découpé le corps du vieil homme et l’a enterré sous le plancher. L’histoire culmine avec une confession.
La police est venue l’interroger au sujet d’un cri entendu dans la nuit. Tandis qu’il parle avec eux, il entend toujours plus fort les battements du cœur du vieil homme sous le plancher. Il imagine que la police également l’entend et joue avec lui. Enfin, il ne peut le supporter plus longtemps.
« ’Villains !’ » I shrieked, « ’dissemble no more ! I admit the deed !—tear up the planks !—here, here !—it is the beating of his hideous heart !’ » (559).
Ce cas est relativement simple parce que c’est un exemple sans équivoque d’un narrateur non fiable. Le narrateur à plusieurs reprises nous assure qu’il est parfaitement sensé. Poe, l’auteur, s’attend clairement que nous reconnaissions que le narrateur est en fait dérangé. Nous nous distinguons du narrateur, partageant la position critique de Poe vers lui. Dans un premier temps, sans doute, de nombreux lecteurs sont amusés de l’absurdité évidente des affirmations du narrateur suivant lesquelles il est sain d’esprit. Mais si l’histoire nous affecte de la manière dont Poe veut qu’elle le fasse, nous partageons aussi les propres sensations du protagoniste. Nous faisons l’expérience de l’intensité excessive de sa propre terreur. Tout au long de l’histoire, le narrateur se vante de sa lucidité et de son self-control. Pour soutenir cette affirmation, il raconte dans les moindres détails son plan pour tuer le vieil homme. Il reconnaît qu’il n’a aucun motif rationnel pour tuer le vieil homme, ni même de l’hostilité envers lui. Il dit seulement qu’il a développé une fixation sur les yeux du vieil homme. Comme nous avançons progressivement dans l’état d’esprit du narrateur, nous comprenons intuitivement que l’assassinat soigneusement planifié est en réalité un effort hystérique et futile pour reprendre le contrôle face à une terreur irrationnelle et irrépressible. Telle est la nature de la folie du narrateur. Il souffre d’une attaque de panique continue: une terreur qui provient de lui-même, spontanément, sans cause extérieure (Manuel diagnostique et statistique). Son éclat final à la police est simplement l’effondrement ultime de tout effort pour contrôler sa propre terreur.
Un lecteur qui suit cette histoire comme le veut Poe devient impliqué dans un chevauchement d’états mentaux contradictoires. Il ressent la montée de la panique du narrateur, mais se distingue du narrateur, partageant le point de vue critique et détaché de Poe sur lui. Aucun point de vue n’annule l’autre. Ils se superposent. Il s’agit d’une situation déjà complexe pour les points de vue. Pour la plupart des lecteurs, il y a une troisième complication dans cette structure. Nous ressentons les sensations que Poe s’attend à ce que nous ressentions, et nous admirons aussi son talent dans la production de cette simulation d’interaction sociale. Nous sommes conscients qu’il a réussi à manipuler notre état d’esprit, et nous ne le regrettons pas. Bien au contraire. Nous nous réjouissons de la puissance de son imagination, de son acuité psychologique, et de sa maîtrise de ”‹”‹la langue. Nous l’admirons, et sommes mêmes reconnaissants envers lui. Il a augmenté notre capacité de reconnaître des états psychologiques extrêmes et aberrants, et, par conséquent, il a également enrichi notre appréciation du génie littéraire. Il a lui-même devenu un élément majeur de notre paysage mental. Il fait maintenant partie de notre propre point de vue, comme nous avons déjà fait partie du sien.
3. Les universaux humains et l’identité individuelle
La théorie de l’histoire de la vie humaine nous donne une base pour un ensemble fondé scientifiquement de catégories d’analyses sur les thèmes centraux en littérature. La psychologie de la personnalité qui répartit la personnalité en facteurs et composants principaux nous donne un point d’entrée fondé empiriquement pour l’identité individuelle. La distribution des individus sur les facteurs de la personnalité est en forme de cloche, avec des introvertis extrêmes et des extrêmes extravertis, par exemple, aux deux bouts, et la majeure partie des gens qui se trouvent plus vers le milieu de l’échelle. Les divergences dans les facteurs et les composants individuels se combinent pour produire de subtiles différences de tempérament. Ces différences influencent les attitudes et les jugements. Ils ont donc une influence sur la position des auteurs envers leurs sujets.
La psychologie de la personnalité est souvent caractérisée comme l’étude des «différences individuelles», mais il existe un niveau plus profond, où les facteurs de la personnalité sont des universaux humains. Les gens varient sur ”‹”‹des échelles dérivées des dimensions de la personnalité, mais ils partagent les dimensions (DeYoung, DeYoung et al; Kosslyn et al; McAdams et Pals et MacDonald, «Personality»).
Considérons par exemple le modèle à cinq facteurs dérivé de l’anglais et de quelques autres langues. Sauf dans des cas d’extrême pathologie, pratiquement tous les êtres humains ont une certaine capacité de chercher une sensation agréable (extraversion) et de réagir à la douleur (névrosisme « Neuroticism» ), de ressentir un certain élan vers l’interaction affiliative avec d’autres personnes (amabilité), sont capables d’organiser et de diriger leur propre comportement dans une certaine mesure (Conscience, « Conscientiousness»), et de répondre dans une certaine mesure à l’attrait des histoires, des blagues, de la musique, de l’art et des idées (ouverture à l’expérience).
Les traits de personnalité ont tendance à demeurer relativement stables au cours d’une vie. Ce sont des éléments fondamentaux de l’identité individuelle, mais pas de toute l’histoire. Ils sont essentiellement synchroniques. Ils ne sont que des aptitudes: des tendances à se comporter d’une façon plutôt que d’une autre (Fleeson; McAdams, The Person et McAdams et Pals). L’identité individuelle a aussi une dimension diachronique cruciale. L’identité se développe au fil du temps. Les différentes phases et conditions de vie évoquent des mobiles différents. L’identité individuelle est profondément marquée par les circonstances qui varient d’une vie à une autre: les conditions matérielles, les expériences familiales, les relations sociales et les traditions politiques ou religieuses plus larges dans lesquelles les gens sont élevés. La maladie, le malheur, le succès ou l’échec amoureux ou professionnel – tous les incidents de ce genre façonnent les récits autobiographiques que les gens perpétuellement construisent.
Romans, nouvelles et pièces de théâtre sont à propos de gens imaginés. Les mobiles universels, les émotions et les dimensions de la personnalité fournissent une base commune d’expériences à travers laquelle les lecteurs peuvent participer à la vie imaginaire de personnages (McEwan). Les différences dans l’identité personnelle stimulent la curiosité humaine ordinaire sur les autres personnes. Les auteurs de contes et théâtre sont généralement des gens de forte imagination. Ils imaginent la vie des autres plus pleinement que le reste d’entre nous, avec une pénétration et une sensibilité plus grandes. C’est une des raisons principales pour lesquelles nous lisons leurs œuvres. Les auteurs façonnent également leurs mondes imaginés de manière à révéler indirectement leurs propres vies intérieures, les qualités de leur esprit et de leur tempérament. C’est une raison pour laquelle nous lisons leurs ouvrages. Nous voyons dans la vie des personnages, et nous nous acclimatons aux mondes imaginés que les auteurs créent. Comme lecteurs, nous répondons non seulement aux personnages, mais aux auteurs. Nous aimons ou n’aimons pas les auteurs par les impulsions d’affinité et de jugement qui nous guident aussi dans nos réponses aux gens que nous connaissons en personne.
Toutes ces caractéristiques d’expérience qualitative subjective, – mobiles, émotions, personnalité-, sont des sujets de recherche psychologique empirique. Ils sont dans la gamme de sujets sur lesquels nous pouvons dire des choses qui sont vraies ou fausses, triviales ou importantes. Ils peuvent tous être intégrés au réseau des principes explicatifs à partir d’une perspective évolutionniste de la vie humaine.
4. Les thèmes centraux de la fiction
Les grands œuvres littéraires sont bien sûr complexes et typiquement impliquent des thèmes multiples. Cependant, l’on peut raisonnablement isoler des thèmes spécifiques qui prédominent dans certaines parties d’œuvres particulières. Dans cette partie, j’identifie les thèmes majeurs enracinés dans l’histoire de la vie humaine et commente brièvement quelques possibles positions d’auteurs envers eux. Les thèmes incluent la survie, l’enfance, l’amour et le sexe, la vie familiale, la vie dans un groupe social, les relations entre les groupes sociaux, et la vie de l’esprit.
1. La survie
La vie est précieuse, toujours en danger, et toujours en fin de compte transitoire. La conscience de la mort. La prise de conscience de la mort plane sur nos vies et se tisse à travers les œuvres littéraires imaginées.
L’activité des prédicateurs est d’utiliser la mort comme une menace pour nous faire croire ou agir, ou pour nous consoler avec des extensions illusoires de vie. L’activité des auteurs littéraires, en revanche, est de donner au néant impalpable une résidence locale et un nom, pour fixer notre vague horreur et notre émerveillement dans des images expressives. Les écrivains d’horreur comme Poe et HP Lovecraft puisent dans les sources antiques de la peur et satisfont notre besoin de focaliser notre dégoût de la mort (Clasen, « The Horror ! » and « Primal Fear »)
Les histoires de survie nous font frissonner avec des sensations primitives de triomphe. En conduisant des conflits à leur point extrême, les auteurs tragiques éclairent les forces fondamentales qui façonnent nos vies. Notre sens ambigu d’une séparation mystérieuse de l’esprit et du corps a été peuplé par des images surnaturelles de l’au-delà, d’Homère, Virgile et Dante, par les nouvelles de Maupassant, Henry James et Edith Wharton, jusqu’aux praticiens actuels des histoires de fantômes comme Stephen King et, si nombreux, d’histoire de vampires. L’ancien précepte selon lequel le but de la vie est d’apprendre à mourir surestime la réalité. Mais ce n’est pas une exagération de dire que toutes nos images de vie sont entourées par des images de mort. Pour savoir quoi faire de nos vies, nous devons aller vers les poètes et les romanciers pour nous nourrir d’images de la mort.
2. L’enfance
La première mission dans la vie est de rester vivant. Les êtres humains sont dépendants des soins parentaux de manière plus intensive et sur une plus longue période que n’importe quelle espèce. Pour les enfants dans des environnements du passé et à travers la plus grande partie de l’histoire humaine, rester en vie a demandé la prise en charge des parents. Les belles-mères diaboliques sont comme un thème omniprésent dans le folklore et les contes parce qu’avoir un parent qui préférerait que vous soyez mort a été si souvent une réalité (Daly and Wilson, Homicide and Cinderella). La littérature sérieuse sonde les points douloureux et faibles dans la vie humaine. Il n’est donc pas étonnant qu’il existe en masse dans les descriptions fictives d’enfants, des enfants orphelins, abandonnés, négligés ou abusés. C’est le thème le plus omniprésent chez Charles Dickens- Oliver Twist, David Copperfield, Pip, Esther Summerson, parmi d’autres. Les protagonistes dans les contes classiques de Francis Hodgson Burnett A Little Princess et The Secret Garden sont tous les deux orphelins. Dans le premier paragraphe de James andthe Giant Peach, les parents de James sont mangés par un rhinocéros. Harry Potter, protagoniste de l’une des séries pour enfants les plus célèbres de tous les temps est un orphelin.
Rester en vie vient en premier. Ce qui vient en second est d’atteindre la maturité affective. Pour les êtres humains, cela signifie développer la capacité de liens personnels intimes, s’intégrer à un réseau social, et obtenir une satisfaction en développant des talents nécessaires (Bauer et McAdams ; Goleman ; et Sheldon). Depuis qu’un attachement solide est usuellement nécessaire pour le développement émotionnel réussi, les orphelins doivent avoir des substituts et utiliser le pouvoir de leur propre imagination pour construire des images de leurs parents. Les histoires sérieuses sur les enfants vivant dans des conditions dangereuses ou précaires se concentrent sur leur quête pour atteindre un sens complet et adéquate de l’identité individuelle.
3. Amour et sexe
La fonction ultime de l’évolution du lien de couple sexuel chez les humains comme chez les oiseaux, est la parentalité. Benedick, dans Much Ado about Nothing, justifiait sa soumission aux appels de la romance : « Le monde doit être peuplé ! » L’amour romantique est à l’évidence un universel humain (Gottschall et Nordlund ; et Nordlund) bien qu’il ne soit pas universellement consacré dans des normes culturelles. Dans l’amour courtois, l’amour romantique est fétichisé ; il devient une fin en soi, séparé de la logique plus large de l’histoire de la vie humaine et explicitement mis à part du mariage. La pornographie isole et fétichise non pas l’amour mais le sexe, réduisant les êtres humains à des sensations érotiques qui se donnent libre cours indépendamment des liens sociaux et des fonctions reproductives.
DH Lawrence lie l’érotisme à l’accomplissement d’une relation de couple, mais dans ses romans ultérieurs il fétichise le lien du couple, en l’isolant de la logique des connexions de reproduction, des relations familiales et sociales. A l’opposé de ces formes fragmentaires et exagérées d’éros littéraire, « la comédie romantique » résonne avec les modèles plus amples de l’histoire de la vie.
Les comédies romantiques – que ce soit dans Shakespeare, Jane Austen, ou dans un film contemporain- finissent par un mariage, c’est-à-dire un rituel public et sanctionné socialement pour l’organisation des relations de reproduction centrées sur le lien de couple. Dans les comédies romantiques classiques, la résolution des conflits par le couple heureux affirme tacitement la santé d’un plus large ordre social. Inversement, la tragédie dans la romance – Romeo et Juliette, le Faust de Goethe, Tess of the d’Urbervilles– implique typiquement non les seules fautes personnelles d’un couple individuel mais la faute dans un ordre social plus large – fautes si sévères qu’elles interrompent la relation sociale centrale dans le cycle reproductif.
4. La vie familiale
La famille est le groupe social de base dans le cycle de reproduction humain. La liaison entre mère et enfant est l’instinct social le plus profondément conservé dans la nature humaine – commun à tous les mammifères et vital à un développement émotionnel sain chez les humains (Bowlby; Fraley and Shaver; Mikulincer and Shaver; Posada and Lu; and Shaver and Mikulincer). Parce que les humains mettent tant de temps à arriver à la maturité et sont dépendants si longtemps des soins maternels, tout au long de la plus grande partie de l’histoire de l’évolution humaine, élever des enfants avec succès demande la présence d’un adulte mâle chargé d’approvisionner et de protéger femme et enfants. La logique de la valeur sélective inclusive (inclusive fitness) a façonné les motivations et les passions autour de l’économie reproductive. Dans toutes les cultures, la famille arrive en premier lieu. Les membres de la famille partagent des gènes mais avec l’exception des jumeaux identiques, les intérêts sélectifs des membres de la famille ne sont pas identiques. Les familles sont des systèmes émotionnels intenses déchirés par des forces qui simultanément les attire et les sépare. De tels systèmes sont un environnement naturel pour des œuvres d’imagination.
La première histoire de la bible, après l’expulsion de l’Eden est le meurtre d’un frère par l’autre. Dans Hamlet, Claudius assassine son frère pour lui voler sa couronne, et dans une méditation silencieuse il s’imagine être un acteur dans cette ancienne intrigue biblique. Œdipe tue son père par mégarde et fait l’amour avec sa mère. Dans son angoisse, il se crève les yeux. Agamemnon sacrifie sa fille pour apaiser les dieux. Il est à son tour tué par sa femme Clytemnestre qui est à son tour tuée par son fils Oreste. Comme ces cas classiques le suggèrent, les grandes tragédies recourent souvent à des conflits familiaux. D’autres récits mythiques atteignent une résolution par la restauration de l’harmonie parmi les membres de la famille. Dieu permet à Abraham d’épargner Isaac. Joseph, riche et honoré en Egypte, pardonne à ses frères qui tentèrent de le tuer. Le fils Prodigue retourne chez son père. Des sagas multigénérationnelles, comme Wuthering Heights d’Emily Brontë, les Rougon-Macquart de Zola, les Buddenbrooks de Thomas Mann et Forsythe Saga de Galsworthy envisagent les familles presque comme des individus, des systèmes de maladie ou d’ambition travaillant pour eux-mêmes par-delà les générations. Par ailleurs, de tels groupes familiaux sont eux-mêmes seulement des nœuds locaux à l’intérieur des réseaux de parenté imaginaires constitués par la race, la religion ou la nationalité : les Enfants d’Israël, les frères et les sœurs chez la Mère Russie ou la Patrie. De tels lignages imaginaires sont le vivier de toutes les traditions littéraires nationales. Plus que toute autre caractéristique dans l’histoire de la vie humaine, la famille façonne l’imagination.
5. La vie sociale
En dehors des liens de parenté, la dominance régule l’organisation sociale des chimpanzés. Le mâle le plus grand domine, à moins que deux mâles dorment une coalition pour partager le pouvoir ((Boehm; and de Waal). La dominance signifie un premier accès à la nourriture et au sexe. Aucun principe de « justice » n’entre en scène, juste la pure force brute et l’agression. L’organisation sociale humaine ajoute trois éléments cruciaux au schème fondamental des chimpanzés : l’égalitarisme, les normes éthiques partagées et l’imagination.
Les bandes de chasseurs cueilleurs sont universellement égalitaires (Boehm). Ils utilisent la coercition collective pour supprimer le comportement de dominance chez les individus. Les humains n’ont pas éliminé le comportement de dominance de leur répertoire. Loin de là. Mais ils ont développé des formes collectives d’imagination organisées autour de l’opposition entre dominance et égalitarisme. Nous aimons le pouvoir, mais chez les autres il menace notre propre statut, offense notre sens de l’équité, et viole notre sens du partage des normes sociales (Boehm ; and Hill, Barton, and Hurtado). Le conflit entre dominance et égalité est un thème actif dans la plupart des littératures. Dans beaucoup de grandes œuvres c’est le thème central, par exemple, dans l’Illiade. Les pièces historiques de Shakespeare, la Trilogie Wallenstein de Schiller et l’ensemble des romans canoniques britanniques du dix-neuvième siècle (Carroll et al, Graphing Jane Austen and “Human Nature”; and Johnson, et al, “Hierarchy” and “Portrayal”).
L’imagination donne la possibilité aux individus d’envisager leur vie comme un ensemble de normes et d’idéaux. L’internalisation de ces normes signifie que le corps social reçoit une partie du récit autobiographique continuellement construit par chaque individu (Fivush and Haden; McAdams, “Personal Narratives,” Redemptive Self, Stories We Live By; and McAdams, Josselson, and Lieblich). Dans son éloge de l’Angleterre, John of Gaunt, dans le Richard II de Shakespeare, résume l’esprit d’exaltation dans l’identité collective. “This happy breed of men, this little world, / This precious stone set in the silver sea . . . / This blessed plot, this earth, this realm, this England” (2.1.45-46, 50). Le pays est un symbole particulièrement puissant pour l’identité collective, mais les traditions religieuses et politiques peuvent inspirer des sentiments similaires, se réunissant non pas autour d’un lieu géographique, mais autour de symboles comme la croix, le drapeau, l’aigle romain, ou le marteau et la faucille.
Une haute opinion de la vie d’entreprise a son complément dans la satire qui dénigre les grandeurs faciles ou jette le doute sur la légitimité du pouvoir. Peu d’ouvrages célébrant la faucille et le marteau sont entrés dans le canon de la littérature mondiale. 1984 d’Orwell fait déjà partie de notre héritage culturel commun[6].
6. Etrangers et ennemis
Une fois que les humains sont devenus les prédateurs dominants dans leur environnement, la plus grande menace à chacun des groupes a consisté en d’autres groupes humains. Le conflit entre les groupes a té une force sélective principale conduisant à l’évolution de la coopération entre les groupes. (Eibl-Eibesfeldt; Flinn, Geary, et Ward; Potts et Hayden; Puurtinen et Mappes; Thayer, et Turchin). La guerre a été un thème récurrent dans la littérature, d’Homère et de Virgile, à travers les pièces historiques de Shakespeare jusqu’aux romans modernes comme Guerre et Paix, The Red Badge of Courage, et Catch-22. La science-fiction qui projette des scénarios possibles du futur tourne obsessionnellement autour du thème des rencontres hostiles avec des étrangers, comme dans par exemple, la Guerre des mondes de H.G Wells, Starship Troopers de Robert Heinlein et The Forever War de Joe Haldeman.
Parce que la violence de coalition masculine a été une force si puissante et omniprésente une force dans l’évolution humaine, les humains sont prédisposés à faire des distinctions entre endo- et exogroupes, limitant les idées de fair-play à l’endogroupe et déshumanisant les groupes étrangers (Baumeister, Grossman; Kurzban et Neuberg; Pinker, Better Anges et Smith). Ce type de psychologie est à l’œuvre dans la propagande qui représente l’ennemi comme un monstre inhumain. Il est également à l’œuvre dans la littérature fantastique qui structure son action autour d’un affrontement épique entre les forces du bien et du mal, comme, par exemple, Le Seigneur des Anneaux, Le monde de Narnia de CS Lewis, Star Wars, et la série Harry Potter. D’autres images de la guerre adoptent un point de vue plus détaché. Les Grecs et les Troyens dans l’Iliade sont pris également dans la sinistre dynamique d’un ethos guerrier orienté vers les raids contre des peuples étrangers (Gottschall, Rape of Troy) Les armées française et russe dans Guerre et Paix sont comme des vagues ou du vent, des forces naturelles stupides propulsées dans un violent mouvement par des perturbations mystérieuses quelque part dans la nature. Des descriptions naturalistes de la guerre comme les histoires de la Guerre Civile Américaine ou The Naked and the Dead de Norman Mailer dépouillent la guerre de tout sentiment et idéalisme, la réduisant à la macabre réalité physique d’une mutuelle boucherie. Les histoires de guerre psychologiquement complexes tels que A l’Ouest, rien de nouveau, de Remarque représentent le mélange de patriotisme naïf, d’élan héroïque, de camaraderie et l’asservissement des mouvements sociaux de masse qui motivent les soldats. Ils évoquent aussi le mélange intense et ambivalent d’émotions qui entrent dans l’expérience de la guerre par le soldat : l’exaltation et la terreur, l’amour de ses compagnons, le chagrin, la colère, le ressentiment, l’apitoiement sur soi, et même la culpabilité.
7. La vie de l’esprit
Les êtres humains ne peuvent pas envisager leurs propres vies comme des structures imaginaires. Ils ont des images de soi qui les situent dans leur relation avec leurs familles, leurs amis et leurs ennemis et l’ordre social et culturel plus large comme une séquence narrative en développement dans lequel ils sont les principaux agents ou les victimes. Quand ils sont jeunes, ils regardent en avant, adoptant des buts et des images de soi qui correspondent à ces buts. Ils grandissent cultivant leurs professions et leurs relations au fil du temps, en ajustant leur image de soi pour correspondre à l’évolution des circonstances. Comme ils vieillissent, ils regardent progressivement vers l’arrière, envisageant leur vie présente comme une conséquence ou un résultat d’événements précédents. En modelant des images d’eux-mêmes et du monde qu’ils habitent, les individus adoptent des rôles et des structures narratives qui prévalent à l’intérieur de leur culture, mais ces rôles et les intrigues déploient de fortes similitudes interculturelles : mère, père, enfant ; guerrier, ouvrier, prêtre, dirigeant ; élite privilégiée, criminel, voisin, ennemi ; vainqueur héroïque, victime tragique, serviteur loyal. Nous pouvons comprendre les vies intérieures des peuples de toutes les cultures, leur image de soi incluse.
Chacun participe de la vie de l’esprit. Chacun participe à la conscience collective de sa culture, et chacun modèle un certain sens de son identité par rapport à cette culture et au monde naturel. Dans l’usage courant, cependant, l’expression «vie de l’esprit» se réfère à quelque chose de plus précis: aux professions qui impliquent de consommer et de produire des œuvres d’imagination ou de l’esprit. A un certain niveau chacun chante ou dessine, raconte des histoires ou offre des explications. Dans la division du travail qui caractérise des sociétés complexes, seulement quelques personnes se spécialisent dans la production de musique, de peinture ou de sculpture, écrivant des pièces de théâtre ou des romans, se livrant à des expériences scientifiques ou écrivant des œuvres d’érudition et de philosophie
Les passions intellectuelles sont moins communes que les passions érotiques et sociales et moins susceptible d’une description dramatique. Les scientifiques, les artistes et les chercheurs sont plus souvent les sujets de biographie et de critique que de récits fictionnels. Middlemarch de George Eliot dépeint la passion scientifique d’un jeune chercheur médical et l’échec désespérant d’un chercheur âgé. L’Arrowsmith de Sinclair Lewis se concentre sur une passion pour la recherche médicale. Wordsworth, Yeats et Joyce tous se décrivent eux-mêmes comme les héros de leurs propres recherches artistiques. To the Lighthouse de Virginia Woolf atteint l’achèvement dans la réussite d’une peinture. La Montagne magique de Thomas Mann et le Jeu des perles de verre d’Herman Hesse prennent la joie de l’aventure intellectuelle comme leurs principaux thèmes. Le Docteur Faustus de Mann transforme en fiction la vie du compositeur Schoenberg et The Moon and the Sixpence de Maugham met en fiction la vie du peintre Gauguin.
La fiction qui prend comme héros l’artiste, le scientifique ou le philosophe est une catégorie spéciale. Virtuellement toute fiction cependant possède des personnages qui se soucient non seulement d’atteindre leurs buts – amour ou argent, amitié ou survie – mais aussi de créer leurs propres récits autobiographiques, produisant du sens à partir d’événements et affirmant ou imposant leur propre vision du monde. Chaque monde imaginé est l’affirmation d’une identité- regorgeant d’attitudes, de valeurs, de besoins, de compulsions, de tons émotionnels, de thèmes caractéristiques et de préoccupations, de formes imaginatives, et de qualités esthétiques. Si notre objectif en tant que spécialistes de la littérature est de capturer le sens, et non pas de résumer simplement les intrigues, nous devons toujours tenir compte de l’esprit dans une œuvre de fiction, et de l’esprit qui l’a créé.
8. Thèmes universels et perspectives individuelles
Il n’y a pas une seule manière universelle d’organiser le cosmos en religion ou philosophie, et il n’y a pas une manière universelle dans la fiction d’envisager la vie et la mort, l’enfance, l’accouplement, la famille, la vie sociale, la guerre ou la vie de l’esprit. Nous partageons des passions élémentaires comme la peur ou la mort et la nécessité de l’amour et de l’amitié, mais les formes de telles passions peuvent être radicalement modifiées par des images culturelles plus larges et par des perspectives individuelles influencées par le tempérament et les circonstances. Les larges thèmes délimités ici sont universels non parce que chacun les expérimente exactement de la même manière, mais parce qu’ils sont des éléments principaux dans la forme typique à l’espèce de la vie humaine. Le cycle de la vie humaine est la source des universaux humains et constitue elle-même un universel mais l’individualité, aussi est universelle. Nous savons tous intimement dans notre propre expérience ce que c’est que de devenir un individu, et nous comprenons que d’autres personnes ont ce même sentiment d’être des personnes individuelles. La fiction aide à nous éduquer à comprendre à la fois notre humanité commune et notre individualité
9. Vers où ensuite ?
Les chercheurs évolutionnistes en littérature ont besoin de travailler à une synthèse complète dans nos modèles d’une nature humaine universelle, d’une identité individuelle, et culture- avec tous les trois modèles fondés sur la biologie évolutionniste. Les universaux humains sont ces caractéristiques de culture si profondément enracinés dans la logique fondamentale de l’histoire de la vie humaine qu’ils apparaissent dans toutes les cultures connues. L’identité individuelle peut être envisagée comme l’arrangement particulier des composantes de la personnalité se développant au cours du temps dans un ensemble spécifique de conditions environnementales, incluant les conditions culturelles. La culture peut être envisagée comme le système dans lequel une population donnée organise les éléments de la nature humaine en un tout social fonctionnel imposant des normes de comportements et procurant des métarécits collectifs à travers les religions, les idéologies, les philosophies, les traditions artistiques et littéraires, et les traditions populaires résumées dans les superstitions, les savoir-faires, les homélies, les blagues, les jeux, les rituels, les cérémonies, les icônes, les symboles et d’autres formes prises par l’imagination dans la vie quotidienne.
Tout en travaillant à cette synthèse complète, les chercheurs en littérature évolutionniste ont besoin aussi de développer des compétences en recherche empirique et de collaborer avec des spécialistes des sciences sociales entraînés aux méthodes empiriques[7]. Les barrières méthodologiques séparant les sciences et les humanités sont des artéfacts résiduels d’une métaphysique dualiste mourante. Le cerveau est l’esprit. Rien n’arrive dans l’esprit qui n’ait de corrélat et d’origine dans une activité neurologique. (Churchland; Damasio; Deacon; Frith; Linden; and Thagard). Les chercheurs en littérature peuvent utiliser l’information venant des sciences biologiques et sociales, mais ils ont besoin aussi de prendre l’initiative en faisant de la recherche empirique sur des problèmes qui sont particulièrement pertinents pour la compréhension littéraire. Depuis que la littérature et les autres arts constituent des parties tellement importantes de la nature humaine, les spécialistes formés dans les sciences humaines peuvent et devraient produire un savoir empirique qui est précieux aussi pour les sciences sociales.
En aidant à produire des modèles utilisables fondés sur la science sociale empirique, les chercheurs en littérature évolutionniste doivent aussi continuer à produire un commentaire interprétatif sur des œuvres littéraires[8]. L’adéquation des modèles pour la signification littéraire sera jugée en bonne part à leur possibilité de fournir un cadre pour le commentaire littéraire que les autres spécialistes littéraires admirent et approuvent. Indépendamment de sa conformité aux écoles théoriques bien établies l’admiration et l’approbation dépendent de la perspicacité et de la sensibilité de la critique interprétative, sur sa capacité à comprendre la critique précédente, assimilant le meilleur d’elle et fournissant des bases rationnelles pour être en mesure de produire de nouvelles connaissances. Durant plusieurs décennies passées, la nouveauté dans la critique interprétative a largement résulté de la réduction à des termes de causalité dans des systèmes théoriques lourdement dépendant de formes obsolètes de la sociologie, de la psychologie et de la linguistique. Nous pouvons faire mieux.
 
ISSN 1913-536X ÉPISTÉMOCRITIQUE (SubStance Inc.) VOL. XI
 
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[1] Pour un exemple sur le travail fait dans ce domaine avant 2009, voire Boyd, Carroll, and Gottschall. Pour une revue des études sur la littérature évolutionniste voir Carroll, Reading Human Nature 9-12, 31-33, and “Three Scenarios.” Pour les critiques sur les efforts à réconcilier la pensée darwinienne avec le poststructuralisme, voir Carroll, Evolution and Literary Theory 68-84, 449-65. Pour les réponses aux commentaires critiques sur le pensée évolutionniste dans les humanités, voir Carroll, “Rejoinder” 308-411.
[2] Pour des arguments sur la fonction adaptative de la littérature et des autres arts, voir Boyd ; Carroll, Reading Human Nature ; Dissanayake, Art and Intimacy ; Tooby and Cosmides, “Does Beauty Build Adapted Minds ?” ; and E.O. Wilson, ch. 10.
[3] Pour des aperçus des écoles et des controverses sur les sciences humaines évolutionnistes voir Bolhuis et al ; Carroll, “Human Life History” ; Gangestad and Simpson ; and Laland and Brown.
[4] Pour une revue de différents livres sur l’évolution et la religion, voire Dissanayake, “In the Beginning.”
[5]Sur la théorie de l’histoire de la vie humaine, voir Flinn, Geary, and Ward ; Hill, Barton, and Hurtado ; Kaplan et al. ; Lummaa ; and Muehlenbein and Flinn. On agency and communion, see Bakan ; Digman ; R. Hogan ; McAdams, Power ; McAdams et al., “Themes of Agency” ; Paulhus and John ; and Wiggins. Sur la coevolution gene-culture, voir Boehm ; A. Buss ; Carroll, “Human Life History” ; Cochran and Harpending ; Laland and Galef ; MacDonald, “Five-Factor Model” ; Schaller et al. ; and Wrangham. Sur la psychologie de la durée de la vie On life-span psychology, see Fingerman et al. ; Lamb and Freund ; and McAdams and Olson. Sur la psychologie du récit et l’histoire de vie, see Fivush and Haden ; McAdams, Power ; McAdams, Stories ;and McAdams, Josselson, and Lieblich.
[6]Sur les motifs entraînés par les émotions, voire Ekman ; Haidt ; Plutchnik ; et Thagard. Sur les lecteurs expérimentant des émotions indirectement, voire Bower et Morrow ; Grabes, P. C. Hogan ; Mar ; Mar et Oatley ; MCEwan ; Oatley, « Emotions » and Such Stuff ;Özyürek et Trabasso ; Storey ; et Tan.
[7]Dans un numéro spécial de Critical Enquiry consacré à « The futrue of Criticism » la dessin de couverture comporte le marteau et la faucille un curieux exemple de disjonction entre les attitudes littéraires universitaires et les attitudes illustrées non seulement dans Orwell mais dans des livres comme Darkness at Noon d’Arthur Koestler, Les récits de la Kolyma de Varlam Chalamov, et Tout passe et Vie et Destin de Vassili Grossman
[8] Pour des exemples d’étude littéraire empirique depuis un cadre évolutionniste, voir Carroll, et al., Graphing Jane Austen and “Human Nature”; Gottschall, New Humanities; Gottschall and Nordlund; Johnson et al., “Hierarchy” and “Portrayal”; and Salmon and Symons.
Pour un exemple représentatif de la critique interprétative évolutionniste avant 2009, voire Boyd, Carroll, and Gottschall. Des travaux interprétatifs plus récents incluent Clasen, “Primal Fear” and “Vampire Apocalypse”; Saunders; Vermeule; and Winkelman. Les deux premiers volumes de Evolutionary Review: Art, Science, Culture, 2010 and 2011 contiennent aussi des essais et des avis sur des sujets littéraires. Mes efforts les plus récents en critique littéraire évolutionniste incluent “Intentional Meaning in Hamlet,” “A Reading of ‘Occurrence at Owl Creek Bridge”et “An Evolutionary Approach to King Lear.”
Joseph Carrol
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