Résumé : Nerval et Flaubert ont vécu eux-mêmes des hallucinations et ils écrivent à une époque où se diffusent des savoirs médicaux sur le rêve et la folie. Le docteur Jacques Moreau de Tours et Alfred Maury ont particulièrement contribué à faire évoluer les représentations du moi et de la conscience, en ébauchant des thèses pré-freudiennes : transformation des idées en sensations physiques, somatisation, rôle de l’inconscient et du refoulement. Les textes nervaliens et flaubertiens sont tributaires de cette évolution médicale. Bien sûr les savoirs positivistes qu’ils utilisent donnent une vraisemblance épistémologique à leurs œuvres. Mais l’essentiel est ailleurs. Ces savoirs contribuent à l’invention de thèmes littéraires et de nouvelles formes textuelles. De surcroît, loin de les utiliser dans une perspective positiviste, Nerval et Flaubert les détournent, l’un au profit d’une connaissance mystique, l’autre au profit d’une resymbolisation artistique. Dans les deux cas, les œuvres trouvent de nouvelles ressources poétiques dans le dialogue avec les savoirs médicaux mais elles se différencient par leur approche du phénomène religieux et par la représentation des corps mystiques : corps sublimes chez l’un, corps malades chez l’autre.