Lorsqu’en 1886, Villiers de l’Isle-Adam propose une Andréide aux Français, la création « magique »[1] (p. 118) du « grand Inventeur » (p. 122), Thomas Alva Edison, anticipe de quelques années la Fée Electricité, mascotte de l’Exposition Universelle de 1889. Hadaly, cet idéal féminin incarné, en quelque sorte, Belle au Bois Dormant (p. 156) que le scientifique parvient à réveiller et animer grâce à l’électricité, appartient au « royaume de la féérie », un « pays des éclairs » (p. 162) dans lesquels les rêves deviennent réalité, ou plutôt, où l’illusion remplace la réalité sous la baguette magique d’Edison. L’Eve future, roman d’anticipation scientifique, joue sur l’image de la science comme producteur de « merveille[s] » (p. 212), proposant un univers où les dernières prouesses technologiques, tel le phonographe, sont comparées à des « jouet[s] d’enfant » (p. 45), tandis que le microphone met à la portée de tous les pouvoirs du géant « Fine-Oreille de vos contes de fées » (p. 110)[2]. Villiers multiplie les allusions au monde merveilleux du conte de fées, comparant sa créature à un « elfe » (p. 55) ou à une « nymphe » (p. 163), une merveille fictive née de la science moderne. Car il s’agit bien de mettre en lumière cette « prétention de la science à égaler la nature »[3], et la critique de la science moderne qui apparaît tout au long du roman propose un discours à la fois sur la science et le progrès et sur la femme, être construit de toute part, fait d’artifice et d’accessoires coûteux, « de cette poudre, de ce fard, de telle ou de telle fausse dent, de telle ou de telle teinture, de telle ou de telle fausse natte, rousse, blonde ou brune, – et de ce faux sourire, et de ce faux regard… » (p. 196). Les femmes ont, en effet, des « doigts de fées » (p. 202) pour coudre sur mesure une image parfaite qui ne correspond plus à la réalité mais à l’idéal en vogue. La Nature a disparu avec l’être – il ne reste plus que le paraître.
En séparant science et nature, Villiers met à mal la science positive et la « croyance aveugle de l’homme dans le Progrès indéfini »[4]. Son « Eve scientifique » (p. 267), « sinistre automate » (p. 319) ou « poupée insensible » (p. 306) qui semble « plus naturelle que la vraie » (p. 308) est une machine qui surpasse le vivant et que l’amoureux transi se trouve préférer à la véritable jeune femme. Si L’Eve future fut publié en 1886, le roman fut néanmoins commencé dès 1877, développé et approfondi entre 1878 et 1880[5]. La période correspond au moment où Edison, le « magicien de Menlo Park » (« The Wizard of Menlo Park »), travaillait dans son laboratoire, entre les années 1876 et 1887, réalisant des illuminations grâce à la lampe électrique à incandescence. Le roman de Villiers témoigne donc de l’impact des développements technologiques et scientifiques sur la littérature du temps, comme l’apparition du phonographe, breveté par Edison en 1877, qui viendra animer les poumons d’Hadaly. La science, oscillant entre merveilleux et étrange, supplante un Dieu qui, comme le dit Lord Ewald, n’a pourtant pas permis « aux machines de prendre la parole » (p. 319). Et cependant, nombre d’automates se mettent à parler depuis le début du siècle, attirant les foules dans les foires et les expositions. Lancée par Jacques Vaucanson en 1738, proposant un « Flûteur » ou un marchand assis derrière son comptoir qui ferme et ouvre son échoppe pour donner aux spectateurs thé, café ou sucre, la vogue des automates prend l’Europe d’assaut au moment même où les études en physiologie se développent, de nouveaux automates servant alors à montrer à tout un chacun les mécanismes de la digestion et de l’excrétion, à l’instar du « Canard » de Vaucanson[6]. La popularité des automates est non seulement liée à une volonté de vulgariser la science, mais également de la mettre en spectacle pour le plaisir de tous. À Londres, dans les premières décennies du dix-neuvième siècle, l’on expose nombre d’automates, comme au Mechanical Museum de l’inventeur et horloger belge John-Joseph (ou Jean-Joseph) Merlin (1735–1803) sur Prince’s Street ou encore celui de Thomas Weeks, près de Haymarket. Dès 1763, une « Belle au Bois Dormant » de cire est allongée sur sa couche chez Madame Tussaud, le buste mécanique laissant voir la respiration de la jeune femme, comme chez la « Musicienne » de l’horloger suisse Pierre Jaquet-Droz (aidé de son fils Henri-Louis et de Jean-Frédéric Leschot) fabriquée entre 1767 et 1774, qui, les yeux mobiles et grand ouverts, semble animée par un souffle discret. L’automate fascine et amuse, souvent posé aux côtés d’autres merveilles technologiques, troublant les frontières entre science et divertissement. Or, l’automate, s’il est prouesse technologique, paraît également proposer un monde parallèle, un univers où la machine viendrait remplacer le vivant, ou tout au moins nous ferait croire qu’elle peut le faire.
En fait, l’automate au dix-neuvième siècle retrace l’histoire de l’essor d’une science matérialiste qui vole à l’homme son âme. Avec le progrès des sciences et des techniques, l’automatisme, sous l’impulsion des perfectionnements de l’horlogerie, connaît un franc succès au dix-huitième siècle. En outre, lorsque Julian Offray de la Mettrie (1709–1751) applique à l’homme la théorie des animaux-machine de René Descartes dans L’Homme-machine (1747), transformant l’homme en horloge géante, son « anthropologie matérialiste »[7] qui défend le mécanisme comme modèle scientifique, semble directement inspirée de la mode des automates. Pourtant, il semblerait bien, comme le suggère Simon Schaffer, que l’arrivée de certains automates ait été destinée à contrer certains développements de la construction physiologique de l’homme. Pour Schaffer, en effet, la coïncidence entre l’arrivée du joueur d’échec Turc mécanique inventé en 1769 par le baron Johann Wolfgang von Kempelen (1734–1804) et amené en Europe de l’Ouest et celle du Viennois Franz-Anton Mesmer (1734–1815) serait bien loin d’être fortuite : l’intelligence humaine illustrée par le joueur d’échec pourrait bien au contraire tenter de contrer les expériences du mesmériste qui, tel un prestidigitateur, réduit l’homme à un automate obéissant à l’œil et au doigt de l’hypnotiseur[8].
Néanmoins, comme le remarque Amartin-Serin, l’automate devra attendre les premières décennies du dix-neuvième siècle pour faire son apparition dans la littérature. Apparaissant en même temps que la littérature fantastique des années 1820–50, l’automate sert alors à exprimer les angoisses du temps, dénonçant une philosophie par trop matérialiste et mécanique et « cristallis[ant] les interrogations sur l’intelligence artificielle »[9] près d’un siècle après les inventions de Vaucanson ou Jaquet-Droz. On le trouve dans « L’Automate » (1814) de E.T.A. Hoffmann, inspiré du Turc de Kempelen, comme chez Poe, dans son article sur « Le joueur d’échec de Maelzel » (1836)[10]. Mais il n’apparaît pas simplement dans une littérature fantastique. Pour Amartin-Serin, le motif de la statue animée émaille souvent la littérature courtoise, « imprégnée de merveilleux féerique »[11] et au dix-neuvième siècle l’automate, réinscrit dans le conte de fées, permet de proposer une vision de la société moderne, comme vue de l’autre côté du miroir. En révélant les rouages d’un monde dominé par la science, le merveilleux se met alors à grincer.
À la frontière de l’ingénierie et de l’imaginaire : la réinvention de la nature[12]
Mary de Morgan (1850–1907) était la fille d’Augustus de Morgan (1806–1871), professeur de mathématiques à University College London. Sa mère, Sophia-Elizabeth (née Frend) (1809–1892), devenue célèbre pour son engagement féministe, notamment concernant l’éducation des femmes, lutta par exemple pour l’ouverture de Bedford College pour femmes en 1849, et pour le droit de vote. Elle signa également un livre touchant de près aux mécanismes psychiques, From Matter to Spirit (1863), témoignant de son intérêt pour les pseudo-sciences, de la phrénologie au spiritisme[13]. Si les parents de de Morgan s’intéressaient aux mécanismes mystérieux de la pensée, l’amitié entre Augustus de Morgan et le célèbre ingénieur et mathématicien Charles Babbage (1791–1871) explique aussi que Mary de Morgan ait été confrontée très jeune, non seulement aux calculs mathématiques, mais également aux machines à calculer, des machines développant une technique de calcul automatique capable de remplacer l’humain. Car si le conte de de Morgan qui nous intéresse ici, « A Toy Princess » (1877)[14], met en scène un automate pour dénoncer sa société, Babbage, père de l’informatique, fut également fasciné très tôt par les automates alors exposés à Londres. En effet, c’est vers 1800 qu’il visita le Mechanical Museum de Merlin, et découvrit l’arrière boutique du fabricant d’horloges, de clavecins et même d’instruments mathématiques, dont la célébrité rivalisait de loin avec celle de Vaucanson. Dans son musée se trouvaient pêle-mêle horloges à mouvement perpétuel, cages à oiseaux roulantes, et même un Turc mâchant des pierres artificielles et jouant avec des machines à sous[15]. C’est dans le grenier que Merlin fit découvrir à Babbage ses deux automates nues en argent, dont une danseuse, qui attira tout particulièrement l’attention du futur ingénieur. Un oiseau posé sur l’index de la main droite et remuant la queue, frappant des ailes ou ouvrant le bec, l’automate fut acheté en 1834 à la vente aux enchères du Musée de Thomas Weeks, ce dernier ayant racheté le stock de Merlin à sa mort en 1803. Babbage restaura alors l’automate pour l’exposer sur un piédestal de verre dans son salon de Marylebone aux côtés de sa machine (Difference Engine 1 – La machine à différences, utilisant une méthode de calcul différentielle) en pleine élaboration. Il fabriqua une tenue à la jeune femme d’argent, et l’automate devint un objet de curiosité pour ses visiteurs, parmi lesquels Sophia-Elizabeth Frend, future épouse d’Augustus de Morgan, qui déclara d’ailleurs que la merveille forçait l’admiration, donnant aux regards des observateurs « l’expression, et même peut-être le genre de sentiment, que certains sauvages ont, dit-on, lorsqu’ils voient un miroir ou entendent une arme à feu pour la première fois »[16]. En effet, si, comme le suggère ici Sophia-Elizabeth Frend, ces machines capables de motion ou de calcul sont les reflets du développement de la civilisation, elles sont, en fait, liées de près aux théories de l’évolution : les séries infinies de calculs proposées par la machine à calculer de Babbage à ses invités, parmi lesquels Ada Lovelace, inspirèrent un autre invité, Charles Darwin, qui vit dans les discontinuités entre séries de chiffres un parallèle avec les lois de la nature.
Comme nous allons le voir, les contes de Mary de Morgan, publiés dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, reflètent à l’envi les préoccupations du temps et les nouvelles conceptions de la nature, découlant de l’avènement des théories darwiniennes. Chez de Morgan, des liens se tissent sans cesse entre le monde naturel et la nature humaine, et son regard critique sur la mécanisation du monde civilisé fait d’elle un écrivain engagé et presque parfois satirique qui, d’un coup de plume, dénonce le système socio-politique britannique, ne craignant guère de tourner les instances au pouvoir en ridicule. De Morgan publia trois recueils de contes de fées : On a Pincushion (1877), The Necklace of Princess Fiorimonde (1880) et The Windfairies (1900). Ses contes, difficilement classables, oscillent entre des récits inspirés des techniques et motifs des contes de Hans Christian Andersen et de ceux de E.T.A. Hoffmann, revus néanmoins pour un lectorat plus jeune. Dans « The Story of Vain Lamorna », le reflet volé de Lamorna rappelle étrangement « Les Aventures de la nuit de la Saint Sylvestre » de Hoffmann, tout comme les yeux dérobés par la chouette dans « Siegfried and Handa »[17] ne sont pas sans rappeler les enfants de l’homme au sable dans « L’Homme au sable » (1817). Dans le conte qui nous intéresse ici, « A Toy Princess », la princesse-jouet est un automate – un double de l’Olympia de Hoffmann dans « L’Homme au sable » qui n’a à son vocabulaire que « Ach ! ach ! ach ! ».
« A Toy Princess » conte l’histoire d’un royaume où, telles des machines, les hommes obéissent aux règles de bienséance à la lettre, ne prononcent jamais plus de mots que nécessaire, et jamais n’expriment non plus ni idées, ni pensées, ni même sentiments. Ce sont, en quelque sorte, des citoyens vidés d’humanité que de Morgan présente, dans un conte publié en plein essor industriel, où dans nombre d’usines les hommes semblent avoir été changés en machines. Lorsque le roi épouse sa nouvelle reine, venue d’un autre pays, celle-ci meurt bientôt. Devenue phtisique, elle donne naissance à une petite fille et s’éteint. La princesse encourt alors le même sort : enfermée dans sa chambre, sans jouets ni jeux, elle regarde le monde extérieur à travers sa fenêtre, cadre formatant sa vision du monde et de la nature. Cependant, elle est sauvée par une marraine-fée, qui la remplace par un automate tandis que la véritable princesse part grandir au bord de la mer dans un village de pêcheurs. Le vocabulaire de l’automate, limité à ‘If you please’, ‘No, thank you’, ‘Certainly’, et ‘Just so’, suffit à l’ériger en idéal féminin, et ce même lorsque sa tête tombe et que la cour place corps et tête séparés dans un placard, en attendant de la réparer.
Le conte de de Morgan dénonce bien sûr la condition de la femme, réduite à un être miniature qui n’a pas voix au chapitre. Mais de Morgan fait aussi le procès de la mécanisation de l’humain, accusant le développement scientifique et technologique d’éloigner l’homme du monde naturel comme de sa propre nature. Les contes de de Morgan qui critiquent l’idéal féminin sont nombreux. Ses princesses pèchent souvent par vanité, comme dans « Vain Kesta » ou « The Story of Vain Lamorna » ; et dans « The Ploughman and the Gnome », l’héroïne se retrouve même défigurée en guise de punition. La reine de « The Hair Tree » devient, quant à elle, complètement chauve, et cherche désespérément des remèdes miracles pour se refaire pousser les cheveux sur le haut du crâne. En outre, les contes de de Morgan montrent également un penchant pour la vulgarisation scientifique, reprenant les motifs et mises en récit typique d’une littérature pour enfants, comme dans On a Pincushion, dont le titre fait écho à l’un des premiers livres éducatifs pour enfants, mêlant instruction et amusement, The Adventures of the Pincushion designed chiefly for the use of young ladies (London: Thomas Hughes, […] 1824), où trois objets se content des histoires, insérant des clins d’œil scientifiques, comme une explication physique du phénomène du reflet, dans « The Story of Vain Lamorna »[18], une description des rayons solaires et lunaires dans « The Story of the Opal »[19], du feu dans « Through the Fire »[20], ou encore des personnages qui ressemblent à s’y méprendre à des naturalistes amateurs, comme dans l’histoire de Trevina, une jeune femme qui apparaît dans l’un des récit enchâssés de « The Hair Tree »[21]. Cependant, d’autres contes ont des touches bien plus sombres, suggérant le regard ambivalent de de Morgan sur la connaissance: « The Wise Princess », par exemple, propose une satire acerbe de la connaissance qui n’ouvre les portes que de la mort[22].
Dans « A Toy Princess », la figure de l’automate peut alors se lire comme une référence aux découvertes du temps et à leur vulgarisation pour le grand public. Mais si l’automate, réinscrit dans un conte de fées, semble rappeler sans cesse que la science flirte avec le merveilleux, l’univers de de Morgan semble, quant à lui, désenchanté. Les marraines-fées ne font plus apparaître les objets magiques d’un coup de baguette. C’est dans un magasin que l’automate se commande, de même que les sorts et les charmes en tout genre (« every sort of spell or charm » [p. 166]). D’ailleurs, la marraine-fée, vêtue d’un manteau rouge et au nez crochu, aurait plutôt des allures de sorcière, comme pour signaler d’autant plus fortement la perte de pouvoir du personnage. Le magasin, fenêtre sur la société capitaliste, ne vend, en fait, que des illusions, la princesse-jouet incarnant à merveille les leurres de la société de consommation. Cette dernière est produite en série, et Taboret, la marraine-fée, de choisir sa taille parmi celles en stock (p. 167) et de marchander son prix[23]. La marraine-fée craint même que l’automate puisse avoir un défaut de fabrication, inspectant alors l’objet sous toutes ses coutures et laissant deviner le monde industriel à peine caché sous la surface du conte de fées[24]. Tissant des liens entre l’automate et la production de masse, de Morgan transforme ainsi peu à peu la merveille technologique qui sert de pivot à l’intrigue, sapant rapidement le potentiel magique de l’accessoire, à la fois motif-clé du conte de fées et symbole des progrès scientifiques et techniques.
Bien entendu, l’automate s’adapte à merveille dans une société où l’homme n’est plus que machine insensible. La princesse, quant à elle, qui rêve de partir habiter sur la lune, est envoyée dans un village de pêcheurs au bord de la mer. Entourée d’images liées aux cycles de la nature et qui signent le féminin et la vie, qu’il s’agisse de l’astre lunaire ou de la mer, la jeune fille, qui suce encore son pouce, va pouvoir évoluer et grandir dans un milieu naturel. Si l’on croit que là, comme dans nombre de contes de fées classiques, la jeune princesse est envoyée loin de son royaume le temps d’acquérir une éducation et de perdre ses mauvaises manières, il n’en est en fait rien. Le voyage de la jeune femme est un voyage sans retour. Pour de Morgan seul le royaume doit changer. L’automate, quant à lui, devient un exemple d’éducation à la cour, exhibant ses bonnes manières et grandissant au rythme de l’être humain. Mais tandis qu’Ursula pousse tel un aulne, aussi gaie qu’un pinson (« tall and straight as an alder, and merry and light-hearted as a bird », p. 170) au bord de la mer, le visage de l’automate pâlit. Ainsi, si la jeune princesse de chair et de sang évolue dans un monde naturel, son double est cristallisé et emprisonné dans la répétition, ne mimant plus qu’un idéal féminin morbide. En faisant se contraster création et production de masse, la princesse et son double mécanique mettent à l’envi en lumière les liens entre les développements de l’automatisme et ceux de la physiologie : l’écart entre l’organique et le mécanique se creuse, et alors que l’idéal automatisé gomme toute trace organique de la surface, ne laissant qu’une légère auréole rosée lui colorer la surface des joues, Ursula, que les pêcheurs qui l’accueillent pensent un instant « folle » (« mad », p. 169) lorsqu’elle prétend être de sang royal, laisse s’exprimer ses émotions. Icône ironique de l’homme – ou plutôt de la femme – civilisé(e), l’automate permet alors à de Morgan de faire un pied de nez au développement des sciences et techniques, proposant une mise en scène de la régression d’une société déshumanisée par la machine. Car si les automates sont de merveilleuses prouesses technologiques, ils font également rimer technologie avec artificialité.
Femmes-poupées et supercheries : de l’automate à l’illusion
Comme le remarque ici David Brewster (1781–1868), l’automate est un miroir du monde civilisé. S’il est lié au monde de la magie et des prestidigitateurs, s’il appartient à un univers ludique, il est aussi avant tout au dix-neuvième siècle un reflet des progrès scientifiques et techniques du temps :
Those mechanical wonders which one century enriched only the conjuror who used them, contributed in another to augment the wealth of the nation. Those automatic toys which one amused the vulgar, are now employed in extending the power and promoting the civilization of our species.[25]
Mettant souvent en scène les bonnes manières de rigueur, à l’instar d’une des femmes d’argent de Merlin, capable de tirer sa révérence, les automates reflètent la civilisation jusque dans (et peut-être surtout par) les codes de bonnes manières qu’ils mettent en scène dans leurs mouvements. Ainsi, tout se passe comme si révérences et politesses n’étaient que le reflet des rouages cachés de la machine, des automatismes induits par la civilisation comme ils sont fabriqués par la science. En quelque sorte, si les automates témoignent des progrès de la civilisation, ceux-ci se lisent à même l’automate, dans les yeux qui s’abaissent ou le dos qui se courbe, la jeune femme passive ou le travailleur obéissant. D’une façon ironique, Brewster fut en fait celui qui comprit le premier que le joueur d’échec de Kempelen n’était pas un automate mais un nain dissimulé dans une machine[26]. Associé au truquage, mais aussi à l’illusion, l’automate va alors nouer avec la femme des liens bien particuliers. À l’instar du roman de Villiers, au cœur du débat sur la machine et le vivant se glissent d’autres préoccupations sur le féminin et la femme idéale, une femme de plus en plus artificielle. En effet, comme le note Schaffer, le thème de la séduction est, d’une façon significative, souvent liée au commerce des automates. Dans les musées, comme dans les salles de spectacles, l’automate met en scène « la mécanisation des passions, surtout féminines », mêlant dans un même lieu un monde de passion et d’exotisme à un univers régulé par l’automatisme et l’argent[27].
C’est pourquoi la vision de de Morgan de deux personnages en pleine évolution physique est significative. Nombre d’automates exposés au cours du dix-neuvième siècle proposent aux spectateurs un voyage didactique au cœur des mécanismes physiologiques. Remontant au travail de La Mettrie sur les fonctions corporelles, les liens entre automates et physiologie humaine doivent être mis en parallèle avec les développements technologiques. L’impact des développements technologiques liés à la révolution industrielle sur la conception du corps explique la naissance de la science fiction à un moment où la technologie pousse chaque jour un peu plus à repenser et redéfinir le corps humain. Si dans les usines les ouvriers semblent autant de machines, les médecins et physiologistes réduisent de plus en plus l’homme à une machine organique, un être fait de leviers et de boutons que peut-être la science parviendra un jour à contrôler et manipuler. L’automate est donc un reflet de cette vision du corps de l’époque : il se retrouve positionné au centre de préoccupations sur l’humain et la nature humaine, à mi chemin entre la machine et l’organique.
D’une façon significative, dans les écrits médicaux du temps, ce sont principalement les femmes qui se voient reléguées au rang d’automates, esclaves de leur corps, d’une biologie qui les prive de volonté. La vision mécaniste de la physiologie féminine hante les textes médicaux de l’époque où les médecins n’ont de cesse de prévenir les femmes contre un corps qui menace à chaque instant de leur jouer des tours[28]. Le corps est un livre et, telle une machine automatique, dévoile les mécanismes secrets dissimulés sous la peau à qui sait les lire. D’où, peut-être, l’omniprésence d’automates féminins, modèles de la femme parfaitement régulée par la science, comme Anne Doane le suggère. Pour elle, en effet, la représentation des rapports entre corps et technologie dévoile souvent la question de la différence sexuelle[29]. On se souvient ici de la dissection d’Hadaly par Edison dans L’Eve future, la pulsion scopique du scientifique qui, tel un scalpel, perd l’œil de l’homme de science dans les profondeurs de sa créature artificielle. De même, dans le conte de de Morgan, l’automate ne vient pas simplement mimer l’emprise de la technologie sur la nature. En mettant en regard l’idéal féminin et l’impact de la civilisation sur le corps féminin, alors transformé comme d’un coup de baguette magique, le conte présente une vision de l’automate victorien comme modèle féminin réduit qui n’est pas sans rappeler certains automates de l’époque, autres poupées à l’allure juvénile (« miniature women of doll-loving juvenility »)[30]. D’ailleurs, dans un article publié en 1853 dans Household Words, l’on fait l’éloge de ces poupées à l’anatomie réaliste, donnant l’exemple des poupées de cire de Madame Motanari exposées à l’Exposition Universelle de Londres en 1851 et révélant les différentes étapes de l’évolution biologique de la femme :
Many of these are extraordinary productions, developing the minuteness of anatomical detail with wonderful correctness. Dr. Auzoux, of
La précision anatomique se décline sur le mode du merveilleux et marche de pair avec la précision technologique des automates, et notamment celles capables de prononcer les mots « papa » et « mamma »[32]. Dès 1824, un modèle de poupée parlante breveté par l’ingénieur et inventeur allemand Johann Nepomuk Maelzel (1772–1838) fait d’ailleurs son apparition[33]. Dans un autre article, « The Euphonia, or Speaking Automaton », l’automate du Professeur Faber tout juste arrivé en Angleterre, capable de produire des sons, de parler plusieurs langues, de chuchoter, rire ou chanter, donne à l’auteur l’occasion de décrire les organes de la machine, brisant les frontières entre l’artificiel et l’humain : « the chief organs of articulation are formed of caoutchouc, and a pair of bellows is substituted for the lungs »[34]. La respiration semble même sortir de la bouche, et l’accent nasal résulte de la compression des narines (« The breath is felt coming from the lips; and, by compressing the nostrils, it speaks with a nasal accent immediately »).
Si ces merveilles technologiques font foisonner les termes et les motifs liés au conte de fées dans les articles ou publicités, elles font également surgir des fées. La « fille invisible », décrite dans un article de All the Year Round de 1870 passant en revue plusieurs automates, met en lumière comment l’automate est souvent lié à l’illusion visuelle : dans le cas de la « fille invisible », les spectateurs étaient confrontés à l’image d’une jeune fille invisible suspendue dans les airs, une fée : « a very young and diminutive being indeed – a fairy, an invisible girl »[35].
Comme le met en exergue l’exemple de la « fille invisible”, l’automate, icône de la vie artificielle, est aussi une image de l’imposture. Pour Katherine Inglis, la définition de l’automate repose d’ailleurs sur une ambiguïté principale : l’automate est un dissimulateur mécanique, donnant l’impression de posséder ce qu’il, par définition, ne peut posséder -l’autonomie[36]. Chez de Morgan, l’automate est un double de la princesse si fidèle qu’il est impossible de les distinguer : « a little girl so like the Princess Ursula that no one could have told them apart » (p. 167). Et pourtant, l’automate n’est qu’un faux, une pâle copie de la vraie princesse. L’emploi du terme « sham » pour la définir rappelle Miss Havisham, personnage central du roman Les Grandes espérances (Great Expectations [1861]) de Dickens, un personnage figé dans le temps, entouré de pendules au mécanisme arrêté le jour de son mariage avorté et comparée aux automates de cire exposés à la foire, mi-fantôme, mi-sorcière qui laisse croire au héros qu’elle est sa marraine-fée. Chez de Morgan, l’automate est une réécriture moderne de l’héroïne du conte de fées classique. De la Belle au Bois Dormant endormie à Blanche-neige enfermée dans son cercueil de verre, en passant par nombre d’autres héroïnes qui n’accèdent au pouvoir que grâce à leur soumission, leur passivité ou leur mutisme (comme dans « Les Douze frères », « Les Sept corbeaux » ou « Les Six cygnes » des frères Grimm), les personnages féminins des contes classiques sont tous des poupées qui correspondent à un idéal féminin bourgeois. Ainsi, en mimant non pas l’illusion de la vie, mais l’illusion d’un féminin exemplaire, la princesse-jouet de de Morgan réécrit l’homme mécanisé qui hante la société victorienne en plein essor industriel pour en faire une image subversive de l’idéal féminin. En passant par la figure de l’automate, de Morgan rapproche alors la femme idéale de l’ouvrier, machine parmi les machines au milieu des usines, dénonçant du même coup la condition féminine.
Une vision révolutionnaire ? L’utopie chez de Morgan
En effet, l’autonomie simulée de l’automate frappe d’autant plus qu’elle n’est que simulacre, illusion d’un pouvoir octroyé à la femme qui, pourtant, n’a pas voix au chapitre. Dans une autre fantasy de la même époque, Mopsa the Fairy (1869), de Jean Ingelow, le héros, autonome et riche, rencontre nombre de personnages féminins emprisonnés ou dépendants. Parmi eux se trouve une communauté de femmes-horloges, le dos percé d’un trou qui sert à remonter leur mécanisme, tandis que leurs battements cardiaques ont été remplacés par le tic-tac de la pendule. Ainsi mécanisées, les femmes-horloges ne peuvent, d’une façon ironique, pas contrôler le temps. Ces images de femmes-machines qui n’ont aucun pouvoir sont autant de critiques de la condition féminine. Le discours socio-politique sur la condition féminine que l’on perçoit tout au long de Mopsa the Fairy derrière la figure de l’automate est loin d’être innocent. Car si l’automate est souvent perçu comme un double de l’ouvrier modèle[37], ce double fut souvent également une image symbolique de l’exploitation ouvrière. C’est pourquoi l’automate comme image de l’ouvrier privé d’autonomie hante de nombreux écrits révolutionnaires[38], des textes qui se rapprochent de plus en plus au fil du dix-neuvième siècle de récits utopiques. En effet, dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, l’idée que les machines puissent supplanter l’homme et renverser le pouvoir se retrouve, par exemple dans « Darwin among the Machines », de Samuel Butler, un article publié dans The Press le 13 juin 1863. Soumises aux lois naturelles de l’évolution, assujettissant l’homme à mesure qu’elles développent des armes pour combattre, les machines de Butler, qu’il réutilisera dans Erewhon: or, Over the Range, publié en 1872, acquièrent une conscience et parviennent à se reproduire. Satire utopique, Erewhon confronte ainsi le vivant à la machine en appliquant Darwin aux produits de la révolution industrielle et technique.
Chez de Morgan, le royaume de la princesse et le monde des pêcheurs, loin des progrès techniques, nous proposent deux visions du futur de l’homme. L’une, dystopique, est celle de la cour, où l’homme mécanisé n’évolue plus, mettant en péril la société tout entière : les habitants, pantins rigides, sont autant d’automates en puissance (« never changed but were always the same just as stiff and quiet » [p. 165]). L’autre, utopique, est celle d’un monde où l’homme a retrouvé le contact avec le monde naturel et sa propre nature. Comme Marilyn Pemberton le suggère, les contes de de Morgan laissent souvent percer l’influence des idées socio-politiques et philosophiques de William Morris (1834–1896). Ainsi, le passage par le mode du conte de fées permet alors à de Morgan de proposer sa vision d’un monde meilleur. Les parallèles entre conte de fées et utopie, que Jack Zipes a fréquemment relevés[39], sont particulièrement frappants dans nombre de contes de fées victoriens, de ceux de Charles Kingsley et George MacDonald à ceux d’Edith Nesbit ou de Laurence Housman à la fin du siècle. Leurs contes grinçants n’ont de cesse de dénoncer les dérives d’une société industrielle capitaliste, où l’argent joue un rôle clé et où les usines et leurs machines dégradent chaque jour un peu plus les conditions de vie de l’homme et son environnement. Or c’est en contrastant l’univers du conte et la cruelle réalité industrielle que ces auteurs engagés présentent leurs idées plus ou moins utopistes, souvent teintées de socialisme, proposant des réécritures qui fréquemment modernisent le conte de fées en le replaçant au cœur du monde contemporain. Comme mentionné en introduction, l’engagement des parents de de Morgan pour des causes sociales (comme celui de sa mère pour le droit à l’éducation des femmes, leur accès au droit de vote, et même son rôle dans la réforme des prisons, contre l’esclavage ou la vivisection) explique en partie que la fiction de Mary de Morgan puisse laisser entendre ses revendications[40]. Pour William Morris, l’essor industriel, l’urbanisation massive et la production de masse éloignent chaque jour un peu plus l’homme de la nature comme de sa propre nature[41], et sa vision utopique, comme ses idées socialistes, mises en lumière dans son roman News From Nowhere (1890), qui propose l’image d’une société démocratique dans laquelle les citoyens contrôlent les moyens de production, sont déjà en germe dans ses discours et articles des années 1870, au moment où de Morgan publie ses contes de fées.
À la fin de « A Toy Princess », lorsque le roi abdique pour laisser la place à sa fille, la marraine-fée dévoile l’échange. L’on pourrait croire que la princesse retrouve alors sa place auprès de ses parents. Or, de Morgan propose un scénario bien différent : la cour, déçue par la véritable princesse, qui exprime ses émotions et saute au cou de son père, vote afin de savoir laquelle des deux princesses pourra gouverner. Le résultat du vote est sans appel : c’est la princesse-jouet qui devient reine et la vision dystopique d’une société gouvernée par l’automate laisse percevoir la fin d’un monde où les progrès scientifiques et technologiques, liés de près à la production de masse, n’augurent rien de très enchanteur. Au bord de la mer, par contre, la princesse peut épouser son pêcheur, vivre heureuse et avoir beaucoup d’enfants…
[1] Villiers de L’Isle-Adam, L’Eve future, éd. Alan Raitt, Paris : Gallimard, 1993. Les références à cette édition sont données dans le corps du texte.
[2] Allusion à une comparaison qui apparaît dans L’Exposition de Paris (1878), d’A. Bitard.
[3] Raitt (éd.), Villiers de L’Isle-Adam, L’Eve future, 7.
[4] Raitt (éd.), Villiers de L’Isle-Adam, L’Eve future, 30.
[5] Raitt (éd.), Villiers de L’Isle-Adam, L’Eve future, 7.
[6] Daniel Raichvarg, Sciences pour tous ?, Paris, Gallimard, 2005, p. 29. Voir également Jacques Vaucanson, Account of the Mechanism of an Automaton, or Image Playing on the German-Flute: As it was presented in a Memoire, to the Gentlemen of the
[7] Annie Amartin-Serin, La Création défiée : L’homme fabriqué dans la littérature, Paris, PUF, 1996, p. 25.
[8] Simon Schaffer, « Babbage’s Dancer and the Impresarios of Mechanism », in Cultural Babbage: Technology, Time and Invention, ed. Francis Spufford, Jenny Uglow,
[9] Amartin-Serin, La Création défiée, ibid., p. 87.
[10] Voir Pierre Cassou-Noguès, « Poe, Descartes et la cybernétique », Epistémocritique, Vo VI, Hiver 2010. URL ; http://rnx9686.webmo.fr/?cat=48
[11] Amartin-Serin, La Création défiée, ibid., p. 17.
[12] Terme emprunté à Donna J. Haraway, Simians, Cyborgs, and Women: The Reinvention of Nature,
[13] Mary de Morgan publia les mémoires de sa mère : Threescore Years and Ten: Reminiscences of the Late Sophia Elizabeth de Morgan, ed. Mary de Morgan,
[14] Mary de Morgan , « A Toy Princess », in Jack Zipes (ed.), Victorian Fairy Tales: The Revolt of the Fairies and Elves (New York and London: Methuen, 1987), p. 165–174.
[15] Simon Schaffer, « Babbage’s Dancer and the Impresarios of Mechanism », in Francis Spufford, Jenny Uglow (eds), Cultural Babbage: Technology, Time and Invention, London, Boston: Faber and Faber, 1996, p. 52–80, p. 54.
[16] « the sort of expression, and I dare say the sort of feeling, that some savages are said to have shown on first seeing a looking-glass or hearing a gun », cité in Schaeffer, « Babbage’s Dancer and the Impresarios of Mechanism », p. 59. C’est moi qui traduit.
[17] Le conte critique d’ailleurs la société de consommation et de la production de masse.
[18] Mary Augusta de Morgan, « The Story of Vain Lamorna », On a Pincushion and Other Fairy Tales,
[19] Mary Augusta de Morgan, « The Story of the Opal », On a Pincushion and Other Fairy Tales, ibid., p. 57–73.
[20] Mary Augusta de Morgan, « Through the Fire », On a Pincushion and Other Fairy Tales, ibid., p. 77–228.
[21] Mary Augusta de Morgan, « The Hair Tree », On a Pincushion and Other Fairy Tales, ibid., p. 100–152
[22] Mary Augusta de Morgan, « The Wise Princess », The Necklace of Princess Fiorimonde and other Stories, London, Macmillan & co., 1880, p. 175–84.
[23] Il est à noter cependant que l’échange commercial se fait sans argent, à partir de sons. L’invisibilité du mode de paiement pourrait bien sûr représenter le système capitaliste, fondé sur la spéculation. Il pourrait aussi rappeler la vision utopique de William Morris et son désir de supprimer tout système monétaire. Nous reviendrons sur l’influence probable de Morris.
[24] Cette idée est similaire dans « Siegried and Handa », les contes de fées de de Morgan laissant filtrer sa critique de la production de masse au détriment d’une production de qualité. Marilyn Pemberton voit là l’influence de William Morris, dénonçant notamment la production de masse et sa dénonciation du capitalisme dans une conférence, « The Lesser Arts », donnée en 1877, année de publication de « Siegried and Handa » et de « The Toy Princess ». William Morris, « The Lesser Arts », in Political Writings of William Morris, ed. A. L. Morton, New York: International Publishers, 1973, p. 42, cité in Marilyn Pemberton, « Mary de Morgan: Out of the Morrisian Shadow », Journal 2, 14 (September 2006), p. 6.
[25] David Brewster, Letters on Natural Magic, cité in Gaby Wood, Living Dolls: A Magical History of the Quest for Mechanical Life, London: Faber and Faber, 2002, p. 104. Edgar Allan Poe fut également inspiré par l’ouvrage de Brewster, comme par les machines à calculer de Babbage qu’il cite dans son article « Le joueur d’échec de Maelzel ».
[26] Amartin-Serin, La Création défiée, ibid., p. 89.
[27] « Such shows often turned to titillating effect modish materialist philosophies which, in the wake of enlightened theories of sensibilities and mesmeric strategies for restoring health, sought to mechanize the passions, especially those of women. … The neat connection between passion, exoticism, mechanism and money permeated the showrooms », Schaffer, « Babbage’s Dancer and the Impresarios of Mechanism », p. 56.
[28] Voir Sally Shuttleworth, « Female Circulation: Medical Discourse and Popular Advertising in the Mid-Victorian Era », in Body Politics: Women and the Discourses of Science, ed. Mary Jacobus, Evelyn Fox Keller, Sally Shuttleworth,
[29] « when technology intersects with the body in the realm of representation, the question of sexual difference is inevitably involved », Mary Ann Doane, « Technophilia: Technology, Representation, and the Feminine », in Body Politics: Women and the Discourses of Science, ibid., p. 163–76, 163.
[30] [George Dodd], « Dolls », Household Words 7/168 (
[31] [Dodd], « Dolls », p. 355.
[32] Ibid.
[33] Maelzel est également celui qui récupéra le joueur d’échec à la mort de Kempelen et continua à faire tourner l’automate en Europe et aux Etats-Unis sans révéler la supercherie. Voir Katherine Inglis, « Becoming Automatous: Automata in The Old Curiosity Shop and Our Mutual Friend », 19: Interdisciplinary Studies in the Long Nineteenth Century 6 (2008): 3. www.19.bbk.ac.uk ; Richard D. Altick, The Shows of London, Cambridge, MA, London: Belknap, 1978, 65 ; Amartin-Serin, La Création défiée, p. 26 ; Wood, Living Dolls, p. 23.
[34] « The Euphonia, or Speaking Automaton », The Illustrated
[35] « Talking Machines », All the Year Round (September 24, 1870): p. 393–396, p. 393.
[36] « mechanical dissembler[s], …appearing to possess that which, by definition, [they] cannot—autonomy », Katherine Inglis, « Becoming Automatous: Automata in The Old Curiosity Shop and Our Mutual Friend », 1.
[37] « worker’s mechanical doppelgänger », Inglis, « Becoming Automatous », p. 5.
[38] Emma Spary, « Political, Natural and Bodily Economies », in Cultures of Natural History, ed. N. Jarndine, J.A. Secord, E. C. Spary, Cambridge: Cambridge University Press, 1996, p. 178–96, p. 192.
[39] Jack Zipes, Breaking the Magic Spell: Radical Theories of Folk and Fairy Tales,
[40] Comme Marylin Pemberton le souligne, Mary de Morgan écrivait également des articles pour des magazines américains : « The New Trades-Unionism and Socialism in England », The Homemaker – A Monthly Magazine (January 1891): p. 336–339 ; « The Jewish Immigrants in East London », Sylvia’s Journal (May 1894): p. 316–319 ; « The Education of Englishmen », The Chautauquan (February 1899): p. 427–436. Pemberton, « Mary de Morgan: Out of the Morrisian Shadow ».
[41] Pemberton, « Mary de Morgan: Out of the Morrisian Shadow », p. 6.