Résumé : La syphilis fait des ravages en Europe (en particulier en Angleterre) à partir de la fin du XVe siècle, pour connaître une apogée au milieu du XVIe. Elle est à l’origine d’une « grande peur » qui traumatise les esprits et marque profondément les consciences. L’épidémie est d’une telle ampleur qu’elle fait partie du quotidien des contemporains de Shakespeare et de Jonson. La connaissance de la maladie et son traitement progressent vite, et les traités à son sujet se multiplient. Cependant, de nombreuses zones d’ombre demeurent, essentiellement dues au fait que beaucoup des symptômes de la syphilis sont également caractéristiques d’autres maladies « honteuses » qui font de nombreuses victimes, comme la lèpre. Si la syphilis traumatise autant, c’est non seulement en raison des douleurs physiques qu’elle engendre, mais aussi parce que ceux qui en souffrent apparaissent aux yeux de leurs concitoyens comme des individus au comportement dépravé dont le corps porte les marques visibles de la conduite licencieuse. En effet, si au début, on pense que la maladie se transmet par l’air (comme la peste), le mode sexuel de contamination est rapidement décelé et désigne le patient comme coupable de fornication, vice particulièrement grave et honteux dans une société où la légitimité des héritiers assure la bonne transmission du capital et des titres. Les symptômes dermatologiques notamment trahissent la dépravation de membres prétendument respectables et influents de la société et révèlent la corruption de la société urbaine dans laquelle il n’est désormais plus possible de mentir. Ces préoccupations sont au cœur du quotidien des contemporains de Shakespeare et se retrouvent par conséquent tout naturellement dans la littérature de l’époque, notamment la littérature dramatique. Il s’agit ici de mettre en perspective l’état et l’évolution des connaissances médicales sur la syphilis dans l’Angleterre de la Renaissance et le portrait qui est fait de la maladie dans la littérature de l’époque, essentiellement dans les pièces de théâtre. On remarquera notamment que les descriptions du corps des syphilitiques abondent, et qu’elles participent au comique des pièces, un humour noir, carnavalesque, teinté de morbidité.
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