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Les influences de la science sur la poésie lettriste de Isidore Isou Vers une nouvelle rationalisation de la poésie.

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L’objectif de cet article est d’expliciter l’épistémologie développé par Isidore Isou en 1947 dans son livre intitulé Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique. Pour ce faire, je mobiliserai un référent théorique bien connu des philosophes des sciences, celui développé par Imre Lakatos qui propose une théorie continue et rationnelle de l’évolution de la connaissance au sein des disciplines scientifiques. Après avoir rappelé, dans la première section, les principales caractéristiques du lettrisme, je présenterai plus en détail l’épistémologie lakatosienne dans la seconde partie de cet article. La troisième section analysera le type de rationalisation de la poésie proposée par Isidore Isou. Deux arguments seront alors développés : d’une part, le fait que le lettrisme peut se décrire comme une « évolution continue et rationnelle » de la poésie et d’autre part, le fait que le lettrisme s’articule logiquement autour d’une structure faisant penser au « programme de recherche » lakatosien.
 
I. Introduction : le lettrisme
Créé à Paris par Jean Isidore Isou Goldstein en 1945, le lettrisme est un mouvement artistique aux influences multiples sur de nombreux domaines artistiques allant de la peinture à la littérature en passant par le cinéma ou la musique[1]. Le lettrisme est, de manière générale, peu connu. Dans un ouvrage consacré aux avant-gardes littéraires du XXème siècle, Weisgerber explique qu’« il n’existe pas encore, à notre connaissance, d’étude théorique sérieuse sur ce mouvement » (1984, 889). La situation n’a pas changé aujourd’hui[2]. Certes le lettrisme est connu comme un courant littéraire qui renonce à l’usage des mots et s’attache à la poétique des sons, des onomatopées et à la musique des lettres. Les spécialistes des avant-gardes retiennent surtout les grandes idées d’Isidore Isou et parlent souvent du lettrisme comme d’un « art qui accepte la matière des lettres réduites et devenues simplement elles-mêmes (s’ajoutant ou remplaçant totalement les éléments poétiques et musicaux) et qui les dépasse pour mouler dans leur bloc des œuvres cohérentes » (Isou, Bilan lettriste, 1947).
 
Mais le lettrisme ne peut se résumer à « l’importance décisive donnée à la lettre et au signe » (Giroud, 1992, 267) car ce mouvement véhicule également une approche particulière de la culture directement inspirée de l’oeuvre majeure d’Isou, La Créatique et la Novatique3. D’une manière générale, les lettristes prétendaient succéder à Dada (Weisgerber, 1984, 889) qui leur apparaissait comme une « révolution blanche, un assassinat sans mort » (Isou, 1947, 37). Ce dépassement renvoie à une épistémologie bien précise, reposant sur l’idée d’une possible déconstruction des « structures de la société » pour créer une « structure plus constructive » (Isou, 1988, 45). Si les dadaïstes ne croyaient plus dans l’art, les lettristes pensent que la création est possible mais que celle-ci passe nécessairement par une phase de « destruction » des acquis. Dans le cadre de cet article, je limiterai mon analyse au champ de la poésie lettriste que je présenterai plus en détail dans la troisième section.
 
II. L’épistémologie lakatosienne ou l’évolution rationnelle des sciences
Imre Lakatos, mathématicien et épistémologue hongrois, a développé en 1974 (Lakatos, 1974b, 91-196) une approche originale des sciences qui avait pour objectif d’expliquer l’évolution « rationnelle » et « continue » des disciplines scientifiques. Il considère les théories comme constitutives d’une structure qu’il appelle « programme de recherche ». Un programme lakatosien est une sorte de construction scientifique qui guide la recherche future de façon positive et négative. Le concept de programme de recherche est un concept abstrait et historique : « Il s’agit de la façon dont les théories peuvent se succéder et se développer sur des périodes couvrant parfois plusieurs siècles, pour ensuite sombrer dans l’oubli pendant quatre-vingts ans et être finalement réanimées par un apport de faits et d’idées totalement nouveau » (Hacking, 1989, 289). Le concept de programme de recherche scientifique constitue l’unité minimale descriptive de l’histoire des sciences, c’est donc à partir de leur étude que peut se faire une reconstruction rationnelle de l’histoire.
 
D’une manière générale, un programme de recherche s’articule autour de plusieurs éléments. L’heuristique positive représente les lignes de conduite du programme qui indiquent aux théoriciens ce qu’ils devraient faire pour son développement. Il s’agit de propositions et d’indications sur la manière d’élargir et d’enrichir le programme. L’heuristique négative, quant à elle, représente l’exigence pour les scientifiques opérant dans un programme de recherche particulier de maintenir inchangées les hypothèses de base du courant, ce que Lakatos appelle le noyau dur du programme. Le noyau dur est formé de quelques hypothèses théoriques très générales qui constituent une base à partir de laquelle le programme doit se développer. En d’autres termes, il s’agit des hypothèses que les chercheurs ne remettront pas en cause dans leurs recherches ultérieures. Ce noyau dur est protégé par une ceinture protectrice composée de conjectures auxiliaires complétant le noyau dur mais aussi d’hypothèses sous-jacentes à la description des conditions initiales. Ces conjectures seront d’ailleurs retravaillées, élargies et complétées par les théoriciens dans leurs études au sein du programme de recherche. Cette ceinture protectrice que Lakatos appelle aussi «glacis protecteur » protège littéralement le noyau dur d’éventuelles réfutations.
 
Les scientifiques opérant dans un programme de recherche sont invités à développer de toutes les façons possibles la ceinture protectrice, à condition que leurs changements ouvrent la voie vers des tests inédits et permettent de nouvelles découvertes. Les modifications ad hoc et celles qui violent le noyau dur seront éliminées du programme de recherche. L’ordre et la structure d’un tel programme sont maintenus par l’inviolabilité du noyau dur et par l’heuristique positive qui l’accompagne.
 
Selon Lakatos, un programme de recherche est soit progressif, soit dégénératif. Il est théoriquement progressif si les analyses théoriques du programme sont soutenues par les résultats scientifiques. Dans ce cas de figure, les scientifiques ont toutes les raisons de perpétuer et de développer un programme de recherche progressif dans ce que Lakatos appelle une phase rationnelle de la science qu’il distingue de la phase émotionnelle. Cette phase caractérise surtout le fait que certains scientifiques continuent malgré tout à travailler au développement (ou plutôt à la non disparition) d’un programme de recherche dégénératif (contredits par les résultats scientifiques). Lakatos reconnait que la recherche est avant tout une pratique humaine et qu’il n’est pas simple, pour une personne, de changer de programme de recherche lorsqu’elle lui a consacré une grande partie de sa carrière de chercheur. Au cours de cette « phase émotionnelle », les chercheurs développent souvent des stratégies ad hoc afin de justifier leur vaine démarche.
 
Avec sa méthodologie, Lakatos explique que les grandes réussites scientifiques sont des programmes de recherche qui peuvent être évalués en termes de changements de problème progressifs ou dégénératifs ; quant aux révolutions scientifiques, « elles consistent en ce qu’un programme de recherche en supplante un autre (parce qu’il l’emporte en progrès) » (Lakatos, 1994, 198). L’épistémologie lakatosienne tente d’offrir une manière de comprendre rationnellement l’histoire des sciences a posteriori. L’originalité de cette démarche est que la logique proposée par l’auteur s’applique également aux différentes méthodologies des sciences, elle incarne à ce titre une véritable méta-méthodologie. Bien qu’il considère sa logique comme un simple programme de recherche en rivalité avec d’autres programmes de recherche (falsificationnisme, conventionnalisme…), Lakatos tente, dans les quarante dernières pages de son livre, de démontrer que sa méthodologie est plus rationnelle que les autres.
 
III. Quelle rationalisation lettriste ?
Avant de souligner les parallélismes qui existent entre l’épistémologie lakatosienne et l’approche lettriste, il convient d’énoncer ce que Isou appelle la loi de l’amplique et du ciselant (Isou, 1947) selon laquelle toute expression artistique s’articule en deux phases qui se succèdent irréversiblement au cours de l’histoire. La phase amplique (aussi appelée hypostase amplique) d’un art caractérise la période pendant laquelle cet art se développe, s’extériorise, s’enrichit au nom de buts extérieurs à lui même. Ces buts renvoient essentiellement à une représentation du monde, à une expression des émotions ou simplement à la « mise en art » d’une anecdote. L’autre phase dite ciselante (ou hypostaste ciselante) d’un art décrit le renoncement progressif de cet art à l’anecdote. Cette période caractérise l’exaltation de la matière esthétique pour elle même puisque l’art en question ne se présente plus comme un mode d’expression des émotions ou un moyen de représentation du monde. L’art tend à « s’auto-suffire » en se concentrant davantage sur ses structures et sa technique.
 
Pour Isou, cette loi de l’amplique et du ciselant caractérise l’évolution de toutes les formes d’expression artistique (roman, peinture, musique, poésie etc). Dans le cadre de cet article, la rationalisation lettriste ne sera explicitée que pour le champ restreint de la poésie[3]. Concernant l’évolution de la poésie, Isou distingue deux périodes particulières faisant chacune écho à une hypostase bien précise. La phase amplique débute avec la poésie d’Homère et se termine avec celle de Victor Hugo. Selon Isou, cette vaste période se caractérise essentiellement par une amplification, une construction et un perfectionnement des procédés de versification et des thèmes du lyrisme poétique, pensé comme un mode d’expression d’éléments extrinsèques (émotions, représentations, anecdotes sur le monde). Il s’agit essentiellement d’une « poésie référentielle » c’est-à-dire une poésie qui porte sur un objet extérieur à elle-même. À partir de Charles Baudelaire, explique Isou, la poésie s’engage dans une mutation profonde durant laquelle elle se réduit progressivement pour davantage se concentrer sur elle-même. Isou présente cette phase ciselante comme une période de purification de la poésie car celle-ci se voit libérée de toute référence à des éléments extrinsèques. L’idée est que la poésie tend progressivement à s’autonomiser et à s’auto-suffire.
 
1. La rationalisation de la poésie selon Isou
Pour Isou, la poésie a progressivement évolué vers ses racines premières : la lettre pour elle-même. Isou rejette la poésie proposée par ce qu’il appelle les instinctivistes qui fonderaient leur poésie sur un « greffage extérieur au langage » comme le ressenti, les émotions ou la représentation. Les instinctivistes considèrent que le langage est un moyen de communication du non-verbal (émotions, instincts, etc.) alors que dans une perspective lettriste, le langage est premier et auto-suffisant : « Le lettrisme luttera contre le charme et la magie en poésie … la poésie doit maintenant commencer un chemin du durcissement. Une réglementation est nécessaire pour corriger ce qui formera l’essence éruptive de la poésie lettrique qui est la raison » (1947, 123).
 
Isou présente le lettrisme comme une évolution « naturelle » et « logique » de la poésie (Isou, 1947, 61) qui recherche les formes universelles du vers. Celles-ci seraient soutenues par ce qu’il appelle « l’axiome de la poésie», selon lequel la lettre est la racine de la poésie Isou (2003, 18). Dans cette perspective, le lettrisme est présenté comme une évolution de la poésie dans sa phase amplique, qui vient après la phase ciselante comportant des mots, qu’Isou résume par les schémas suivant :

Fig.1. Schématisation de la phase ciselante de la poésie par Isou (1947, 19)
 
Cette phase ciselante de la poésie peut également prendre la forme d’un « schéma de rétrécissement »,

Fig.2. Schématisation de la phase ciselante de la poésie par Isou (1947, 19)
 
Cette phase ciselante débute avec Baudelaire qui fut le premier à mener la poésie dans sa « phase de rétrécissement » (1947, 23). Jusqu’à Baudelaire, il n’y avait que la « poésie de largeur », « obscure » et « pittoresque » (194, 24). Selon Isou, la poésie de Baudelaire serait la première à détruire l’anecdote pour se consacrer à la forme du poème. Le schéma reprend ensuite Verlaine qui, selon Isou, recentre la poésie sur le vers, ensuite vient Rimbaud qui continuerait cette réduction de la poésie en la fondant davantage sur le mot. Mallarmé serait, lui aussi, un poète important de cette période amplique puisqu’il fut le premier à « comprendre la géométrie des mots » (Isou, 1947, 121) et surtout à oser l’intégrer en poésie. Enfin, Tzara et Breton viendraient compléter cette phase ciselante pré-lettriste puisqu’il serait le premier poète, selon Isou, à détruire la signification du mot et à placer le « rien », le non-sens au coeur de la poésie. Isou se présente lui-même comme nouvelle amplique puisqu’il se propose « d’arranger le rien » (Isou, 1947, 19) en ramenant la poésie à sa racine première, la lettre.
 
Il est important de noter qu’Isou ne présente pas le lettrisme comme la fin ultime de la poésie mais plutôt comme une nouvelle manière de faire de la poésie. D’ailleurs, on retrouve sur les schémas d’Isou des éléments de perpétuation de la poésie. La dernière étape de la figure1 propose un « arrangement du rien » par la lettre, pour poser les bases d’une nouvelle poésie ouvrant la voie à une nouvelle phase amplique où l’anecdote pourrait réapparaitre. Il en va de même dans le schéma de la figure 2 où le « chemin de rétrécissement » proposé par Isou se ré-ouvre après le lettrisme. Si le lettrisme se présente comme la dernière étape[4] de la phase ciselante de la poésie, en aucun cas, ce mouvement ne prétend être la fin de la poésie. Pour Isou, le lettrisme doit surtout se penser comme le début d’une nouvelle ère de la poésie.
 
Cette rationalisation de la poésie incarne, selon moi, une démarche que l’on pourrait qualifier de lakatosienne dans le sens où elle tente d’expliquer l’évolution continue et rationnelle de la poésie. En effet, dans un perspective lakatosienne, la phase amplique de la poésie s’apparente à ce que Lakatos appelle l’étape émotionnelle de développement des sciences (directement associée à la phase dégénérative d’un programme de recherche) alors que la phase ciselante de la poésie renvoie plutôt à l’étape rationnelle du développement des sciences (que Lakatos qualifie de progressive). De plus, Isou souligne le caractère continu et rationaliste de sa démarche lettriste car selon lui, « le rationalisme extrême est le parti poétique qui a toujours cherché avec patience à créer des oeuvres ». Dès lors, en accord avec l’épistémologie lakatosienne, Isou prône une vision internaliste de poésie, une poésie qui ne fait pas appel à des justifications ou à des règles extérieures au langage. Cette vision lui permet de développer une théorie rationnelle et logique de la poésie.
 
2. Le lettrisme comme programme de recherche
Une deuxième similitude avec l’épistémologie lakatosienne renvoie à l’existence implicite d’un programme de recherche lettriste. En effet, dans son Introduction à une nouvelle poétique et une nouvelle musique, Isou décrit le lettrisme en recourant à une structure qui fait penser à la notion de programme de recherche scientifique. Dans une relecture lakatosienne du livre d’Isou, le noyau dur du lettrisme sera constitué par les lettres qui incarnent les « axiomes » de la poésie (Isou, 2003, 13) et incontestablement les fondements de la pensée d’Isou. Ces éléments du noyau dur incarnent ce qu’il convient d’accepter pour oeuvrer au développement de la pensée lettriste et toute remise en cause de ces éléments par un auteur le place automatiquement à l’extérieur de cette pensée. L’idée de ceinture protectrice est également implicitement présente dans l’oeuvre d’Isou puisque les lettres et leur association sont régies par 9 lois bien précises (Isou, 1947, 295-313) qui sont : la loi de répétition de la lettre, la loi des consonnes et des voyelles, la loi de succession des lettres, la loi de la fixation significative, la loi des groupes lettriques, la loi des mots caractéristiques, la loi des rimes intérieures, la loi de la force du silence et la loi des nouvelles lettres. Ces lois ont été proposées par Isou pour « encadrer » et « organiser » les éléments du noyau dur lettriste et l’auteur invite d’ailleurs ses lecteurs à les remanier ou à les modifier dans un objectif de développement de la pensée lettriste. Par ailleurs, s’il invite ses partisans à faire preuve d’initiative concernant l’usage des lois qu’il propose, Isou préconise une certaine manière de faire de la poésie. Dans un sens, il propose une véritable heuristique positive, c’est-à-dire une ligne de conduite visant à développer la « rigueur de l’équation lettriste » (Isou, 2003, 20). S’il autorise un remaniement des lois lettristes qu’il propose, c’est précisément pour accentuer « une attitude intentionnellement rationaliste » (Isou, 1947, 118) et perpétuer la « nouvelle raison poétique » (Isou,1947, 118). Dans le même sens, Isou préconise d’éviter un retour à ce qu’il appelle l’illusion poétique. L’heuristique négative des lettristes est explicitement formulée par Isou : il s’agit de « fermer la bouche à tous les clameurs du spasme et du délire, à tout ce qui permettrait l’entrée des illogiciens et des lunatiques. C’est une nouvelle conquête du concret, une autre priorité au terrestre contre les illusionnistes et les mysticologues » (Isou, 1947, 165).
 
Conclusion
L’idée d’Isou est simple. Il souhaite jeter les bases d’une nouvelle raison poétique : « Avec le lettrisme, la poésie en vainquant complètement les caractéristiques imprécises, sans aucune gradation de valeurs déterminées, il fallait lui confectionner ces fondements logiques. » (1947, 120). Sa volonté de rationalisation de la poésie est explicite puisque le lettrisme permettra une « épuration de la matière lyrique par la ternissure actuelle du vocabulaire vers les lettres, on rejoint la base géométrique d’une somme de consonnes et voyelles dépourvue de sens extrinsèque mais réduite à sa beauté linéaire qui constitue le fondement, les colonnes de toute l’expression versifiée du monde, l’algèbre internationale de la poésie » (Isou, 2003, 17).
 
Cette idée d’algèbre internationale de la poésie est assez significative car elle résume parfaitement bien la volonté d’Isou de construire une poésie qui s’auto-suffit. En effet, nous l’avons vu, la poésie lettriste n’est plus un mode d’expression de l’anecdote ou des émotions ou un mode de représentation du monde, mais bien un art à part entière dépouillé de tout élément extrinsèque. Pour Isou, la poésie ne peut faire référence à autre chose qu’à elle même. C’est la raison pour laquelle il voulait démocratiser la poésie dont il jugeait les phrases et les mots trop compliqués pour les gens défavorisés. Aussi, en ramenant sa poésie lettriste à la lettre, l’expression du poète et la compréhension du lecteur ne sont plus limitées par la langue maternelle : « Le lettrisme, n’ayant aucune nation propre, réussira à créer un nouveau moyen pour la connaissance du monde ou un nouveau moyen d’expression du monde » (1947, 175).
 
En justifiant sa « nouvelle raison poétique » par un schéma épistémologique, Isou considère implicitement son champ comme un champ progressif de connaissance, selon une épistémologie proche de celle développée par Lakatos dans les années 1970. C’est ce que j’ai essayé de montrer ici.
 
ISSN 1913-536X ÉPISTÉMOCRITIQUE (SubStance Inc.) VOL. XIV
 
Bibliographie
 
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[1] Pour une introduction aux influences du lettrisme sur l’art, voir Satié (2003).
[2] Soulignons tout de même l’article de Hussey (2000), celui de Seaman (2005), celui de Schinckus (2010) ou encore le livre de Girard (2010).
[3] Pour une application de cette loi aux autres formes d’arts, voir Isou, 1947.
[4] Plus qu’une dernière étape du ciselant, il s’agit plutôt de récupérer les miettes issues de la mort des mots dans la poésie ciselante, pour proposer un nouvel amplique basé sur l’agencement des lettres et le pouvoir d’évocation et de description des arrangements phonétiques.
 
 

 

Christophe Schinckus
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