Sensibilités végétales : par-delà art et nature (Arras)

Le 30 mars 2021
UNiversité d’Artois à Arras

Colloque international

organisé du 13 au 15 octobre  2021 à l’Université d’Artois par

Florence Gaiotti, Sandrine Marchand, Isabelle Roussel-Gillet et Anne-Gaëlle Weber

Le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales définit la « sensibilité » comme « la propriété de la manière vivante de réagir de manière spécifique à l’action de certains agents externes ou internes ». Dans le domaine des sciences de la Nature, le terme est la propriété des êtres vivants « supérieurs » d’éprouver des sensations, d’être informés, par l’intermédiaire d’un système nerveux et de capteurs, des modifications du milieu ou de leur milieu interne et d’y réagir de manière opportune. Le troisième domaine d’application du terme de « sensibilité » est celui des arts où la sensibilité de l’artiste traduit la faculté d’éprouver des sentiments et l’aptitude à les traduire ou à les exprimer dans une création unique.

Le mot de « sensibilité » semble, au moins du point de vue lexical, inviter d’emblée à établir des liens entre la « nature » ou les « êtres sensibles », supérieurs ou non et le régime esthétique.

En 2015, l’écrivain et forestier allemand Peter Wohlleben fut l’auteur de Das geheime Leben der Baüme. Was sie fühlen, wie sie Kommunizieren (traduit en français en 2017 sous le titre La Vie secrète des arbres. Ce qu’ils ressentent, comment ils communiquent) dont le succès international quasi immédiat tenait en partie à la manière dont l’ouvrage faisait, par le biais des sensations, apparaître les arbres comme des êtres sociaux, capables de communiquer au risque sans doute d’un certain anthropocentrisme. Or si le régime esthétique, comme l’écrivait Jacques Rancière en 2000 dans Le Partage du sensible, est l’élaboration d’une forme de vie commune, on peut se demander si l’art n’est pas, plus qu’aucun autre domaine, apte à désigner, illustrer et incarner de nouvelles manières de penser et d’expérimenter les « sensibilités » végétales.

Le colloque « Sensibilités végétales : par-delà art et nature » poursuit et complète les réflexions menées lors du colloque « Mobilités végétales » organisé par l’équipe « Imaginaire botanique » à l’Université du Québec à Montréal du 13 au 15 mai 2021. L’idée de « mouvement des plantes », au sens littéral du terme, a en effet dès le tournant des XVIIIe et XIXe siècles, supposé d’envisager ou non la possibilité de mouvements spontanés et donc d’une « sensibilité », voire d’une mémoire des végétaux, au risque de perturber la tripartition élaborée par Carl von Linné dès 1735 entre minéraux, végétaux et animaux où seuls ces derniers se voyaient accorder la faculté de sentir :  « Mineralia crescunt, vegetalia crescunt et vivunt, Animalia crescunt, vivunt et sentiunt ».

La remise en cause, au nom du partage de la sensibilité, de la division des règnes qui s’incarne notamment dans l’essai de Peter Wohlleben, consonne également avec les travaux de Bruno Latour, Philippe Descola et Raphaël et Catherine Larrère qui invitent à dépasser la division admise entre « culture » et « nature » ou avec ceux d’Emanuele Coccia et Stefano Mancuso qui invitent à redéfinir les notions d’intelligence et de sensibilité à l’aune du monde végétal. Le colloque « Sensibilités végétales : par-delà art et nature » entend interroger les liens entre l’art, supposé relever de la culture, et la « nature » végétale.

Plusieurs pistes de réflexion sont ouvertes, sans restriction géographique ou chronologique :

Il s’agira d’interroger le lien possible entre l’art contemporain et les études consacrées aux « sensibilités végétales » : quelles œuvres, quels auteurs, quels artistes s’inspirent actuellement de la découverte d’une « nouvelle » sensibilité végétale ? Comment l’art peut-il représenter, incarner ou découvrir la « sensibilité » végétale et contribuer à redéfinir cette notion ? Comment la prise en compte du végétal peut-il en retour éclairer le rapport de l’art à la nature, voire redéfinir la « nature », la fonction et la visée de l’œuvre ?

L’exploration des voies artistiques contemporaines pourra également s’accompagner d’une étude de la manière dont de nouveaux outils théoriques, esthétiques et poétiques, ont émergé par le biais de la prise en compte, en art, du « végétal » ou de la volonté de conférer à l’art un rôle environnemental. À la manière dont Emmanuele Coccia interprète Le Semeur au soleil couchant de Vincent Van Gogh, dans Le Semeur- De la nature contemporaine (Fondation Vincent Van Gogh, Arles, 2020) à la lumière des liens tissés entre le semeur et l’artiste et propose de considérer tout écosystème comme une « biennale de la nature contemporaine », les interventions proposées pourront permettre de relire des œuvres non contemporaines à la lumière de la « sensibilité végétale » et proposer de nouveaux outils théorique pour repenser l’histoire des arts.

Une troisième voie de réflexion visera à explorer les pratiques et les théories, artistiques ou non, occidentales ou non, qui visent à abolir la séparation entre art et nature, en situant l’art au sein de la nature. On pourra ici analyser des théories ou des pratiques artistiques inspirées des travaux naturalistes, s’interroger sur la signification de la « nature-artiste » ou de l’art comme nature.

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Les propositions de communication sont à envoyer, avant le 30 mars 2021.

Plus d’informations: cliquez ici.

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