Workshop: « La « guerre des épistèmes » : le rapport entre littérature et science dans la fiction francophone contemporaine », Congress of the Humanities and Social Sciences, London (Ontario)

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Le rapport entre littérature et science est sans doute l’un des plus épineux qui soit, ces deux
modes de connaissance du monde étant généralement perçus comme diamétralement opposés. La
littérature, subjective par essence, appartiendrait ainsi au domaine de l’imaginaire, alors que la
science, réputée objective, relèverait quant à elle de la raison. Et pourtant textes littéraires et savoirs
scientifiques ont bien plus en commun qu’on ne le croit. Nous pensons ici à ce que Mudimbe a
appelé la « bibliothèque coloniale » (181 : 1988), cet ensemble de savoirs anthropologiques,
ethnologiques, linguistiques, historiques, géographiques ou encore théologiques nés de l’entreprise
coloniale et qui ont contribué à la légitimer.
En effet, ces savoirs, qui avaient avant tout pour mission de servir les objectifs de la
colonisation, relevaient davantage de la fiction que de la réalité. En ce sens, ils illustrent ce que
Barthes appelle « l’une de nos servitudes majeures », à savoir « le divorce accablant de la
connaissance et de la mythologie » (63 : 1957). Les savoirs qui peuplent cette bibliothèque et, plus
largement, les disciplines qui les portent sont perçus comme étrangers non seulement parce qu’ils
découlent de la colonisation, mais aussi par leur caractère étrange, fictionnel. Ils constituent ainsi
un terreau fertile pour l’écrivain francophone dit du « Sud » qui partage avec le colonisé son statut
d’être de fiction, de superstition mû par son imagination, alors que l’Occidental serait quant à lui
du côté de la raison.
Cet atelier se propose d’étudier la mise en fiction de ces savoirs dits « scientifiques » dans
les littératures francophones contemporaines qui ont pour particularité de s’être constituées par
rapport à ces derniers. L’objectif est d’interroger la manière dont les écrivains francophones
contemporains cherchent à démythifier, à décoloniser le rapport aux savoirs dits « occidentaux »
pour mieux les rejeter ou, au contraire, se les (ré)approprier par le truchement de la fiction. À l’ère
médiatique de la désinformation et des « fake news », il nous semble particulièrement intéressant
d’étudier la manière dont la fiction francophone participe elle aussi à cette « guerre des épistèmes »
(Maria-Benedita Basto, 72 : 2014).

Nous proposons les axes de recherche suivants :
État des lieux : Analyser la mise en fiction des savoirs qu’ils soient linguistiques, anthropologiques,
ethnologiques, historiques, géographiques, théologiques ou autres. De quelle manière ces derniers
sont-ils traduits, incorporés, récupérés ou encore transmis par la fiction ? Dans quelle mesure,
l’écrivain francophone participe-t-il à leur vulgarisation, leur popularisation, voire leur
pérennisation ? Si la littérature a joué un rôle fondamental dans l’élaboration de l’imaginaire
colonial (Fanoudh-Siefer, 1968), dans quelle mesure les littératures francophones contemporaines
peuvent-elles être lues comme de nouvelles « fabriques à mythes » ?
Déconstruire… : Repérer les processus de déconstruction, de différenciation, mais aussi
d’actualisation et de réappropriation du savoir sous toutes ses formes. Comment l’œuvre de fiction
francophone distingue-t-elle la réalité des faits de leur interprétation ? Comment traite-t-elle la
question de l’institutionnalisation des croyances et des partis pris idéologiques, de leur
internationalisation, mais aussi de la colonisation des savoirs et, partant, des esprits ? Comment
cherche-t-elle à remettre, ou non, en question les frontières disciplinaires dans l’espace de la fiction
et à privilégier la transdisciplinarité ?
… pour mieux (re)bâtir : Étudier la manière dont l’œuvre littéraire francophone tente de réconcilier
des visions du monde présentées comme opposées, telles que fiction et réalité, savoir théorique et
expérience pratique, subjectivité et objectivité, culture et nature, science et imaginaire, raison et
imagination, matérialité et spiritualité ou encore histoire et littérature. Quelles sont les stratégies
mises en place pour dépasser ces systèmes d’opposition en synchronie (passé vs présent), mais
aussi en diachronie (Occident vs le reste du monde) ? De quelle manière les littératures
francophones (re)découvrent-elles et valorisent-elles des savoirs ancestraux ? Ces derniers sontils mis au service de la fiction car ils relèveraient davantage de la superstition, de l’imagination ?
Ou bien la fiction est-elle mise au service d’une forme de légitimation de ces croyances ? Finalité
esthétique ou agenda politique ?
… l’avenir : S’interroger sur les potentialités de l’acte fictionnel et le rôle de l’écrivain francophone
qui se fait tour à tour mythologue, historiographe, épistémologue ou encore exégète. Quelles
conséquences ces postures, qu’elles soient assumées ou non, ont-elles sur la forme du texte
littéraire (langue utilisée, terminologie employée) ? Mais aussi sur les choix thématiques opérés
(dimension méta-réflexive) ? La fiction francophone peut-elle produire de nouveaux savoirs sur le
monde ? Si oui, en quoi lui sont-ils spécifiques et quelle relation entretiennent-ils avec le réel ?
Les écritures francophones contemporaines vont-elles jusqu’à participer à la théorisation de
nouvelles sciences (plus) humaines ? Dans ce cas, quelle est leur contribution au renouvellement
du champ d’étude dans lequel elles s’inscrivent ?

Date limite pour l’envoi des propositions (250-300 mots) : le 15 décembre 2019.

Les personnes ayant soumis une proposition de communication recevront un message des
organisateurs de l’atelier avant le 20 janvier 2020 les informant de leur décision. L’adhésion à
l’APFUCC est requise pour participer au colloque. Il est également d’usage de régler les frais de
participation au Congrès des Sciences humaines ainsi que les frais de conférence de l’APFUCC.
Ils doivent être réglés avant le 31 mars 2020 pour bénéficier des tarifs préférentiels. La date limite
pour régler les frais de conférence et l’adhésion est le 10 avril 2020. Passé cette date, le titre de
votre communication sera retiré du programme de l’APFUCC.
Vous ne pouvez soumettre qu’une seule proposition de communication pour le colloque de
2020. Toutes les communications doivent être présentées en français pour l’APFUCC, en
personne, même dans le cas d’une collaboration.

Responsable de l’atelier :
Julia Galmiche (University of Toronto) – julia.galmiche@mail.utoronto.ca

 

Plus d’informations: http://www.apfucc.net/

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