8 – Claude Favre et la catastrophe migratoire : bifurcations et débordements de la poésie factuelle

Résumé

Dans le recueil Crever les toits, etc. — Déplacements, l’écriture de Claude Favre se fonde sur une intertextualité foisonnante qui rassemble des extraits d’entretiens ou de discours politiques, philosophiques et journalistiques. Le rapprochement de ces voix aux thématiques communes engendre un questionnement sur les catastrophes migratoires. Ce collage textuel, associé à un paratexte rattaché aux actualités du moment de l’écriture, signale une collecte et rappelle que la question du document est présente dans le recueil. Mais les événements de l’actualité sont (re)décrits grâce aux procédés du flux continu et de la litanie. Bifurquant pour ne pas céder à la redondance, le je poétique se déborde en chansons, en citations et en statistiques, façonnant un grand corps dépareillé. Il s’agit, d’après l’auteure, d’attaquer la poésie et la doxa, et d’incarner une grande conversation à l’échelle planétaire, qui est aussi une expérience vécue de l’altérité. La catastrophe advient donc dans l’écriture a-hiérarchique, mais structurée, de Claude Favre. Son écriture négocie la distance, les relations et les tensions entre des espaces discursifs très divers qui créent un effet d’immédiateté. Soulignant l’existence de problèmes publics par l’évocation de faits‑divers ou de situations particulières, elle s’inscrit dans l’ensemble des nouvelles formes poétiques de l’infra-ordinaire qui interrogent en même temps l’histoire immédiate et la société actuelle. Face à la médiatisation des catastrophes, l’écrivaine propose une autre saisie du monde, qui peut sembler inadéquate pour en décrire les phénomènes, mais qui, pourtant, apporte un supplément de connaissance dans le retraitement de l’information et des savoirs qu’elle effectue.

Abstract

In Crever les toits, etc. – Déplacements, Claude Favre’s writing relies on an abundant intertextuality, bringing together excerpts from political, philosophical and journalistic interviews and speeches which deal with similar themes. In doing so, the collection raises questions about migratory catastrophes. The textual collage, combined with a paratext linked to current events at the time of writing, points to the compiling of documents and reminds readers that the question of their nature is central in the collection. Current events are (re)described through the processes of continuous flow and litany. Bifurcating to avoid redundancy, the poetic « I » spills over into songs, quotations and statistics, shaping a large, mismatched body. Favre sees this as a way of attacking poetry and doxa, and of embodying a conversation on a planetary scale, which is also a lived experience of otherness. Catastrophe thus occurs in her a-hierarchical yet structured writing. It negotiates distance, relationships and tensions between highly diverse discursive spaces, creating an effect of immediacy. Emphasizing the existence of public problems through the evocation of various events or particular situations, Favre is part of the new poetic forms of the infra-ordinary which question both immediate history and current society. Faced with the mediatization of disasters, the poet proposes a different way of grasping the world, one that may seem inadequate to describe the phenomena, but which nonetheless provides additional knowledge through the ways in which the poetic text reprocesses information and knowledge.


Claude Favre publie en 2018 le double recueil Crever les toits, etc. suivi de Déplacements. Les textes sont datés des mois de septembre et de novembre 2016 et coïncident donc avec le centenaire des accords Sykes‑Picot qui s’inscrit dans la lignée des commémorations de la Première Guerre mondiale. Ces accords de la Société des Nations ont donné lieu au partage du Moyen‑Orient entre la France et le Royaume-Uni : subissant plusieurs revirements entre 1916 et 1922, ils ont abouti à la création d’états‑tampons et à la mise sous tutelle d’états préexistants (Liban, Syrie, Irak, Palestine, Transjordanie) devant progressivement acquérir leur indépendance. Parallèlement à ces commémorations, à partir de l’année 2015, l’Europe connaît une forte augmentation des phénomènes migratoires, liée majoritairement à l’intensification des guerres civiles en Syrie, en Irak et en Afghanistan. Ce contexte de publication associé à deux épigraphes inscrit l’ouvrage de Claude Favre dans une forme d’expression politique. En effet, la première épigraphe, écrit Claude Favre, est issue de « tracts largués ces dernières semaines par des avions syriens et russes dans Alep » ; on lit ensuite le tract : « Vous savez que tout le monde vous a abandonnés. / Ils vous ont laissés seuls face à votre destin / et personne ne vous aidera. » (7) Cette citation documentaire a été diffusée par plusieurs médias à large spectre comme la radio RTL et le journal Libération (Buisson ; Mathieu). Mais la deuxième épigraphe oriente davantage le recueil vers l’expression poétique. Claude Favre cite en effet un poème sans titre d’Henri Michaux, tiré du recueil posthume À Distance : « Viens dans ma maison comme tu viendrais dans un vaste domaine et prends, et mange abondamment. » (Michaux, 293) Dans ce texte, Michaux souligne la richesse du cœur des indigents et joue sur les différents niveaux d’énonciation : le discours direct et le discours indirect libre rapportant les propos des personnages évoqués participent à une théâtralisation du texte poétique.

Dans le recueil de Claude Favre, cette citation épigraphique, au sens profondément opposé à la première, souligne d’abord le fait que le territoire poétique est une terre d’accueil. Sa présence indique aussi que cet espace peut devenir une scène où proférer (c’est‑à‑dire étymologiquement « porter en avant, produire, citer[1] »), ce qui se vérifie en même temps dans la pratique orale de la performeuse. De la citation du tract de guerre à celle du texte poétique, la succession des deux épigraphes signale d’emblée la bifurcation proposée par Claude Favre. Celle‑ci est créée par la poésie à partir du document et offre une réponse poétique aux événements de l’actualité : évoquant les procédés dialogiques du poème de Michaux mais aussi l’écriture satirique du poète, le recueil de Claude Favre se fonde en effet sur une mise en scène déroutante de discours rapportés issus de documents hétérogènes. Son écriture trouve des qualités communes avec ce que Franck Leibovici nomme le document poétique qui offre « l’expérience d’une réappréciation des données de l’actualité » (8). Elle peut être qualifiée de factuelle[2] si l’on considère qu’elle se fonde en grande partie sur ces faits d’actualité et en reproduit telles quelles les descriptions médiatiques. On remarque ainsi une intertextualité foisonnante qui rassemble certes de nombreux fragments journalistiques, mais aussi des extraits d’entretiens ou de discours politiques et philosophiques. Le rapprochement de ces voix plurilingues, très diverses, voire divergentes, engendre un questionnement sur les catastrophes migratoires liées aux guerres du Moyen-Orient. L’accumulation factuelle laisse place en effet à des débordements signifiants (au sens de surabondance, de flux, de franchissement des frontières) dont on peut se demander dans quelle mesure ils conservent encore des points communs avec les objectifs des discours politiques ou journalistiques, ou avec ceux du militantisme.

1. Le grand corps dépareillé de la poésie

La première moitié du recueil (Crever les toits, etc.) se clôt par une note de fin en police réduite qui est dédiée à Bana, 7 ans, et à sa mère Fatemah. Cette famille syrienne d’Alep a créé un compte Twitter pour raconter son quotidien sous les bombes. Leurs publications, rédigées en anglais, ont eu un grand retentissement dans la sphère médiatique. Certains remettent en question l’existence même de cette famille[3] ; d’autres, après avoir mené une enquête, en concluent que la famille Alabed est bien réelle même si les conditions dans lesquelles elle écrit soulèvent des interrogations[4]. Quoi qu’il en soit, alors qu’Alep est écrasée par d’intenses bombardements, le compte Twitter est momentanément désactivé en novembre 2016, poussant Claude Favre à rendre hommage à cette famille et à souligner la responsabilité des grandes puissances internationales. Elle clôt ainsi sa note de bas de page : « (…) au revoir à Bana qui je l’espère aura longtemps cette conscience de la vie, qui aura la vie que nous lui devons. » (28) Si les épigraphes du recueil orientent explicitement sa lecture, cette note de fin, par sa place même dans l’ouvrage, propose une relecture a posteriori de la première partie. Certes, elle individualise l’engagement poétique en s’adressant à la fillette, mais elle inclut aussi le lecteur (« nous ») pour l’amener à s’interroger sur ses devoirs et ses pouvoirs, créant simultanément un lien entre trois entités (elle, je et nous). Ces marques de clôture et d’ouverture du recueil enserrent donc l’espace poétique dans un étau référentiel qui pourrait néanmoins presque passer inaperçu.

À côté de ce paratexte qui est un indice de lecture politique, le texte poétique de Crever les toits, etc. se présente comme un grand collage de faits d’actualité. Les citations sont tronquées en des endroits qui peuvent paraître incongrus, sans qu’elles soient explicitement désignées par des guillemets ou détachées du reste du texte. Tout d’abord, Claude Favre transfère ou déplace (comme l’indique le titre de la deuxième partie du recueil) des informations journalistiques internationales. On trouve notamment des faits‑divers comme celui du « marchand de poisson broyé par une benne à ordures au Maroc » (10) qui donna lieu à des révoltes et fut rapporté par plusieurs journaux et magazines (VOA Afrique, Le Monde, Marianne, Le Figaro, Ouest‑France, Le Point…). En outre, apparaissent régulièrement des noms de lieux et de pays qui sont généralement liés dans l’actualité à certains phénomènes migratoires et aux guerres qui les déclenchent, comme Calais, le Yémen, Mossoul, Alep, la Libye, l’île de Chios et de Samos, la Turquie, l’Érythrée, le Soudan, la Somalie, l’Afghanistan, la Birmanie ou le Rwanda (Favre, 10‑28). Claude Favre rassemble des endroits très divers du globe terrestre et emploie d’autres langues que le français (comme l’arabe ou le grec). Mais sa sélection de noms propres évoquant une situation géographique rattache majoritairement le texte au Moyen‑Orient et à l’Europe, notamment si l’on prend en compte leur récurrence. Ces réseaux nominaux constituent un territoire poétique qui est fortement lié à une mémoire[5] des faits d’actualité de l’année 2016.

L’écriture de Claude Favre répète donc et reprend des faits et des noms de l’actualité liée aux migrations. Mais elle s’en sert exclusivement comme d’une matière grâce à laquelle elle fait émerger des rapports. En effet, selon Gilles Deleuze (Proust, 59), « l’art est au‑delà de la mémoire », semblable au travail du sommeil et du rêve. Chez Claude Favre, associer la datation des textes, les épigraphes, les notes de bas de page, les réseaux de noms propres et les citations d’articles journalistiques permet de constituer dans le recueil un système de signes (Deleuze, 11) qui renvoient à un point de vue exprimé sur le monde (54). Le recueil confronte celui-ci à d’autres points de vue qui renvoient non plus aux individus qui les expriment, mais plutôt à un cercle d’idées, c’est‑à‑dire à un ensemble plus large. De fait, on trouve dans l’ouvrage des extraits de discours politiques tronqués mais souvent reconnaissables et assimilables à ceux de Donald Trump ou à ceux de l’extrême droite (Favre, 16). On reconnaît aussi des extraits d’interviews comme celui du journaliste syrien Aiham Bazari (82), de discours philosophiques comme ceux de Jacques Derrida (82) ou encore de discours de géographes (88). Cette juxtaposition de citations met d’abord en évidence la confusion, le désordre et l’accumulation des informations que l’on reçoit et du traitement qui en est fait. Elle signale en même temps la confrontation des points de vue qui produisent les catastrophes, de ceux qui s’ancrent dans la catastrophe et de ceux qui l’analysent. Elle crée de la sorte une triangulation incessante entre le passé, le présent et le futur qui rend impossible toute identification définitive de l’origine d’un événement, de sa réalisation même et du traitement de ses conséquences. Plus profondément, par ces confrontations, le recueil de Claude Favre souligne le fait que « la différence, comme qualité d’un monde, ne s’affirme qu’à travers une sorte d’auto-répétition qui parcourt des milieux variés, et réunit des objets divers » (Deleuze, 63). L’écriture de Claude Favre est donc à la fois fondée sur la répétition et sur la différence. Elle ne parcourt d’ailleurs pas uniquement des domaines qui sont extérieurs à celui de la littérature : elle les confronte aux arts. Elle propose notamment un espace pour une littérature dans la littérature, qui est lui aussi composé d’extraits. Cette intertextualité assumée et globale reprend des vers ou des mots aussi divers que ceux d’Arthur Rimbaud, d’Asli Erdogan, de Georges Bataille, de Roberto Juarroz ou de T.S. Eliot. La présence de citations littéraires indique que la collecte documentaire a une véritable légitimité aux côtés de textes considérés comme des chefs‑d’œuvre.

Ces derniers deviennent alors des « opérateurs de réflexivité susceptibles d’éclairer les observations in situ[6]» (Viart, 7), observations que constituent, dans le recueil, l’ensemble des sources collectées et liées aux catastrophes migratoires : malgré toutes les références géographiques, le lieu (en tant que « portion de l’espace[7] ») et le territoire (en tant qu’étendue qui « présente une unité » et « où s’établit une collectivité humaine », TLF) restent le texte et le discours. Ces collages textuels ou verbaux présentent côte à côte des pratiques (artistique, politique, philosophique, géographique, journalistique…), des niveaux de lecture et des points de vue différents qui bifurquent, s’entrecroisent, se rejoignent, voire se repoussent. Cette collecte en amont et ce collage en aval soulignent certes l’importance du document chez Claude Favre mais surtout celle de la fonction combinatoire de son travail et la modification profonde qui est ainsi imprimée au document. Les éléments rassemblés deviennent des documents poétiques parce qu’ils sont extraits des contingences du temps médiatique et des circonstances particulières par leur propre confrontation au sein d’un territoire qui leur est souvent étranger : l’espace poétique devient le réceptacle d’une accumulation indistincte et d’une surcharge. Les voix-samples combinées produisent ainsi des effets stroboscopiques qui floutent les transitions et font que les unes s’enveloppent infiniment dans les autres, tout en indiquant la trajectoire générale d’un flux qui submerge. Du point de vue de la réception, il faut alors tenter de comprendre ces enveloppements et ces développements incessants, autrement dit, de relier les fragments pour produire du continu à partir du discontinu. La forme même de la première partie du recueil indique la quête d’une continuité par-delà les divergences. En effet, ces collages bout à bout, qui pourraient paraître mal raccordés, créent un flux continu qui prend l’aspect suivant dans la page liminaire du recueil :

n’imagine_de loin plus loin qu’on ne sait qu’on ne voit qu’on ne croit perdu tranché c’est au plus près du cœur du froid de la nuit l’aube drue il a 16 ans saisi sous le ciel de Calais aujourd’hui il a 16 ans des espoirs déguerpis et pas seul et plus jeunes parfois dispersés sans rien des promesses des adultes d’où il vient le monde à quoi_moi, tu dis, j’aime marcher sur les routes_j’aurais tant aimé aimé danser danser jusqu’à la fin de mes jours_ils n’ont pas de sourire les enfants happés armes au poing au Yémen et à la frontière gréco‑macédonienne ils sont jeunes Iraniens à plusieurs à nos yeux de leurs bouches il y a des frontières des fugues dont comment les espoirs ou ce n’est pas le mot il y faut fils aiguilles leurs bouches cousues que sont‑ils la mort en corps tout doucement tout violemment devenus_exister c’est être hors de soi tu dis, soi outre passer, pousser les murs, crever les toits, tu insistes, il y a des attentats dans ma bouche, ma bouche est la tienne, n’imagine, n’imagine (9)

Dans cet extrait qui débute in medias res, le lecteur est frappé par l’absence de points et de majuscules, hormis aux noms propres qui s’en trouvent graphiquement soulignés. La longue phrase continue est rythmée néanmoins par des virgules, par l’espacement entre les mots, par des tirets bas et parfois par l’emploi de l’italique. Simultanément, ces éléments ponctuationnels rattachent, séparent et suspendent les fragments de discours. L’italique met aussi en évidence une migration générique avec des extraits issus de la chanson de variété, du jazz et du rock[8]. Par les relations qu’elles établissent avec une altérité (qui est aussi générique), ces appropriations discursives et leur montage indiquent qu’un sujet se façonne et que des rapports apparaissent dans la trame du texte. Dans l’extrait, l’emploi des pronoms personnels marque ainsi des circulations entre la deuxième et la première personne du singulier, mais aussi entre les troisièmes personnes du singulier et du pluriel qui peuvent avoir un référent ou bien être issues de tournures impersonnelles (« il y faut », « il y a »). Cela donne lieu à des intrications interpersonnelles comme « moi, tu dis, j’aime marcher sur les routes_j’aurais tant aimé aimé danser danser jusqu’à la fin de mes jours_ils n’ont pas de sourire ». Dans le déroulement de la grande phrase poétique ininterrompue qu’est la première partie du recueil, ces enchevêtrements rendent le lecteur peu certain de l’attribution des actions et des discours, et font écho au doute contemporain qui pèse dans une certaine mesure sur les médias et sur les tractations politiques. Mais étant intrinsèquement liés dans le texte, les pronoms je, tu, ils mettent aussi en évidence une interconnexion profondément humaine.

Ces procédés poétiques matérialisent en même temps le phénomène migratoire lui‑même par le flux continu qu’est ce grand débordement verbal, par l’absence des pauses habituelles de la phrase, par la grande chaîne humaine qu’elle constitue, par les phrases tronquées comme les corps et les cœurs, par les blessures infligées au texte avec les tirets bas qui sont autant de biffures, par ces territoires majuscules très visibles mais qui sont engloutis dans l’écoulement du texte. Ainsi, cette dégradation du texte dans sa forme canonique ne signifie pas pour autant que l’on a affaire à une cacographie : le texte poétique travaille la citation au corps, c’est‑à-dire dans sa matérialité même. Une citation du poète Antonio Machado, issue du poème « Le Voyageur » du recueil Solitudes et insérée aux deux tiers de la première partie du recueil, apparaît comme centrale, voire symbolique à ce sujet : « partout j’ai vu des caravanes de tristesse » (Favre, 22). Le texte de Claude Favre prend en effet l’aspect d’un grand corps dépareillé qui passe devant les yeux du lecteur comme une caravane, prise au sens de « groupe de personnes rassemblées d’urgence pour se déplacer rapidement sur la route en vue de pallier une situation dramatique » (TLF). Souvent considéré comme une « relation interdiscursive primitive » (Compagnon, 54), l’emploi du matériau citationnel est donc paradoxalement ce qui crée une dynamique poétique : par l’accumulation, la poésie de Claude Favre se libère des sens préconçus et des énonciations antérieures, et propose une autre façon d’envisager les actualités et les discours. Antoine Compagnon, dans La Seconde Main, évoque cette puissance de la citation par le biais de l’étymologie : « Citare, en latin, c’est mettre en mouvement, faire passer du repos à l’action. Les sens du verbe s’ordonnent ainsi : d’abord faire venir à soi, appeler (d’où l’acception juridique d’une sommation à comparaître), puis exciter, provoquer, enfin, dans le vocabulaire militaire, délivrer une mention. » (44) L’existence même de cette caravane textuelle et de son grand corps dépareillé doit donc aussi avoir pour effet de mobiliser le lecteur, autrement dit, de le mettre en mouvement au sens propre comme au sens figuré. Le déplacement n’est plus alors destiné à décrire seulement le mouvement des migrants, mais à le récrire : véritable mise en abyme, le flux poétique est déplacement du déplacement. Les bouleversements qui mènent aux catastrophes migratoires trouvent ainsi une expression symbolique en poésie au travers du flux. Ils laissent aussi place à un contrepoint critique lorsque l’écrivaine contrecarre le dé-nouement étymologique de la catastrophe (du grec ancien καταστροφἡ, « bouleversement » et « fin, dénouement », TLF) par l’espoir, par la vie et par la création. Ces derniers sont soulignés grâce à l’intertextualité musicale et littéraire, elle-même rebrassée par une fertilité incessante de la pensée combinatoire. De la sorte, la poésie se présente comme ce qui contrarie le dé-nouement attendu par le re-nouement poétique des êtres et des discours malgré les chocs et les bifurcations soudaines générés par leur présence côte à côte.

2. Poésie litanique et altérité

C’est ainsi presque logiquement que le lecteur passe à la deuxième partie du recueil, intitulée Déplacements. Si l’on retrouve certains des procédés employés dans la première partie, l’emploi des formes de la litanie est l’un des procédés majeurs du texte Déplacements. Par certains aspects, ce poème peut trouver des points de convergence avec la forme poétique du recueil Le Cours du Danube en 2888 kilomètres/vers… l’infini de Michèle Métail[9] qui numérote chacun de ses vers par un kilomètre du Danube. L’écoulement des vers de Claude Favre tend lui aussi symboliquement vers l’infini car si le poème s’arrête au vers 1672, les nombres se poursuivent seuls ensuite à la fin de l’ouvrage, montrant que la clôture du vers n’a qu’un statut transitionnel. Mais la comparaison s’arrête là car le texte de Déplacements est un collage et un détournement, et non une pratique à contrainte oulipienne comme chez Michèle Métail.

c’est un si long voyage 1
nous demandons de compter les voix 2
à l’aide, nous appelons la communauté internationale 3
que mes enfants puissent aller à l’école 4
le choix des médecins, à Alep, qui mourra ou vivra 5
enfants fantômes, enfants soldats, plus de 250 000 dans le monde 6
c’est où Alep 7
étouffer dans un conteneur 8
plus un endroit sur terre vierge de plastiques 9
Shakespeare interdit par Recep Tayyip Erdogan en Turquie 10
emprisonnés dans les glaces, l’ambre, des histoires 11
même scénario, des mouches entières 12
il a fallu alertes et conséquences, et sous nos yeux 13
naufrages, disparitions, zones d’ombres, etc., etc. 14
de ça que j’ai peur, de la foule, je préfère la prison 15
fermer les yeux 16
les jours les pires sont à venir 17
sentinelles, la rentrée, embouteillages, miradors, etc. 18
Turquie, corps refusés 19
transportés sans produits de conservation ni corbillard ni pelles 20
que s’il devait être enterré ce serait dans le cimetière des traîtres 21
si on ne respecte pas leurs différences 22
et donc on estime ça ne sert à rien d’ouvrir le procès Galilée 23
mains accrochées aux fils barbelés des camps de réfugiés 24
ça ne sert à rien, on ne sait pas tout 25
mains tendues vers un morceau de pain 26
(Favre, 31)


À première vue, cette succession de vers s’apparente à la litanie, prise au sens d’« énumération longue » et de « suite monotone et répétitive de paroles » (TLF). Le déroulement poétique s’effectue en effet par un dénombrement croissant et régulier des vers. La lecture des chiffres interrompt celle des mots et produit simultanément un rythme lancinant. Mais cet effet kyrielle, au sens de « suite interminable de paroles ou de mots », peut aussi avoir la caractéristique d’être le produit de la répétition « d’invectives, de reproches, d’injures », de « noms inconnus et barbares » ou de « choses fâcheuses et ennuyeuses[10] ». Le poème de Claude Favre prend l’aspect d’une liste d’éléments qui peuvent être ironiquement considérés comme « fâcheux ». Il dé-place et fait quitter un territoire pour un autre. Les chiffres placés à la marge, au bord de la ligne et à la frontière des vers et du vide, soulignent aussi cet aspect-là. La numérotation des vers insiste certes sur les effets du chiffrage incessant et sur la reprise sans fin des mots, des discours et des situations, qui se nourrissent eux-mêmes, mais elle réitère aussi de manière caustique le sens profond que Claude Favre donne à l’emploi de la locution « etc. » (et caetera signifiant « et les autres choses »), notamment dans le titre Crever les toits, etc. La performeuse le fait aussi sur scène par une litanie géographique qui parcourt le monde (Favre, Pifarély, 2’36‑3’40) et par la récurrence de la locution « etc., etc., etc., etc. » (3’30‑4’30) alors qu’elle laisse tomber les feuilles de son texte sur le sol, comme autant de corps tombés et oubliés : les territoires, les chiffres, les corps, les morts, etc., etc., etc. D’ailleurs, Claude Favre met en évidence dans son texte Déplacements le morcellement et le quasi-refus des corps, ce que l’on pourrait nommer un théâtre anatomique, pour reprendre l’une de ses expressions poétiques (Favre, Pifarély, 2’24). Dans l’extrait cité, on lit ainsi des mots comme « voix » (v. 2), « yeux » (v. 16), « corps refusés » (v. 19) et « mains accrochées » (v. 24). La disparition du corps intégral, qui n’existe parfois qu’au travers de la « voix », est aussi soulignée par la présence d’autres formes qui se substituent aux êtres humains, tels les « fantômes » (v. 6), les « mouches » (v. 12) et les « ombres » (v. 14), et qui évoquent simultanément le charnier (v. 20‑21) et le camp de concentration (v. 18 « miradors », v. 24 « mains accrochées aux fils barbelés ») malgré l’emploi de l’expression « camps de réfugiés » (v. 24). Ces procédés signalent une déshumanisation des marcheurs que les catastrophes migratoires ont brisés et font de la migration une marche de la mort plutôt qu’un « voyage » comme annoncé dans le vers liminaire. Ainsi, l’écriture découpe les corps et les discours pour recréer une corporéité poétique pleine mais composite, à partir de la représentation d’un flux verbal qui fait en même temps du recueil une machine littéraire.

Le flux poétique continu de cette machine littéraire, que Claude Favre développe également dans sa pratique performative, tout comme les procédés litaniques, tentent de (re)décrire l’actualité en donnant une épaisseur au flux migratoire présenté par les médias et les statistiques, et en l’incarnant différemment. Bien que se présentant de prime abord comme factuelle car fondée sur des faits d’actualité, la poésie de Claude Favre diminue la distance qui existe entre le spectateur (« sous nos yeux », v. 13) et les êtres humains qui vivent ces événements, et entraîne la perte de l’objectivité attendue d’une simple description ou d’un enregistrement de l’actualité. Cette perte et cette diminution deviennent alors un accroissement qui correspond à un gain d’humanité. Les procédés que Claude Favre emploie semblent pourtant en reprendre d’autres, propres à la spectacularisation des faits d’actualité (musique associée à la présentation des événements, scénarisation du désespoir…). Elle détourne cependant ces codes médiatiques et les déconstruit en les présentant pleinement comme le matériau d’une écriture fondée sur le collage et le bricolage. Elle confronte donc l’écriture poétique aux discours des autres, notamment dans un monde globalisé, mais elle l’ancre aussi dans la société médiatique qui cherche à convaincre et à persuader.

Cela crée ainsi un terrain favorable à l’émergence d’une rhétorique contemporaine. Dans le recueil étudié, la rhétorique n’est pas à comprendre au sens platonicien d’une manipulation des esprits, ni même au sens aristotélicien de l’expression juste d’un bon orateur ou au sens quintilien de l’art de bien parler. Claude Favre joue toutefois sur les rapports entre orateurs (un ethos), discours (un logos) et auditoires (un pathos). À l’opposé de la rhétorique classique, elle mime tout d’abord le discours mathématique qui va du simple au complexe : dans la deuxième partie du recueil, on part de 1 pour tendre au-delà de 1672 ; puis, elle crée du désordre par rapport aux normes du discours raisonnable. Mais face aux discours sur les migrations et sur les guerres, les procédés d’écriture employés par Claude Favre diminuent la distance entre les lecteurs et l’objet de ces discours (les êtres humains, les migrants). De la sorte, elle accroît simultanément la distance entre ceux qui proposent ces discours et ceux qui les reçoivent. Ces phénomènes littéraires élastiques correspondent à une autre définition de la rhétorique proposée par Michel Meyer. Dans sa conférence « La rhétorique dans l’histoire, d’Aristote à Perelman. Le renouveau contemporain de la rhétorique » donnée au Collège de France, Michel Meyer considère la rhétorique comme la négociation de la distance entre l’ethos et le pathos, au sein même du logos (47’-53’). Cette négociation se noue toujours, d’après lui, autour d’un questionnement. Ce dernier est traité soit par une confrontation argumentée, soit par une latence. Chez Claude Favre, le questionnement est latent dans tout le recueil et donne lieu à une négociation des distances, ce que l’on peut considérer alors comme une rhétorique du document poétique.

Celle-ci se fonde sur une déconstruction/reconstruction des discours par la poésie qui s’inscrit en réaction aux « formatages de la pensée et du savoir » pour faire une place « aux mondes qu’ils abandonnent dans leurs marges » (1), comme l’écrit Dominique Viart à propos des littératures de terrain. En entretien, Claude Favre dit elle-même qu’elle se sent le devoir de « mettre au jour les paroles, les faits inouïs, inaudibles, enfouis » (6’15). Paradoxalement, elle précise qu’elle a le désir de « bifurquer » et de « ne pas céder à la redondance » (28’02). Si l’emploi de procédés litaniques et la reprise d’un matériau citationnel semble contredire ce propos, étymologiquement, le terme « redondance » signifie en latin un excès et un trop-plein (redundantia). Il s’agirait donc davantage de ne pas céder au trop-plein d’informations ni aux excès du chiffrage des migrants. Pour l’écrivaine, cela signifie rendre ces images et ces discours à leur réalité humaine. Ne pas céder au flux qui emporte tout et qui donne l’impression d’un raz-de-marée envahissant, c’est le rendre à son sens profondément vital pour les individus qui parcourent le chemin. Claude Favre dit ainsi : « le je poétique est un je qui me déborde. » (18’34) Se déborder à la première personne correspond à un autre type de flux : il s’agit alors d’une extraction hors de soi, hors du même, pour aller tout simplement vers l’altérité. Cela montre simultanément dans quelle mesure re-dire/re-décrire n’est pas simplement répéter ni reproduire.

Ce débordement est une ligne de fuite quasi deleuzienne, qui n’est pas une couardise mais la plus grande liberté et qui fait de la littérature « une expérimentation vivante » (Deleuze, Parnet, 60). Gilles Deleuze explique ainsi que « la grande erreur, la seule erreur, serait de croire qu’une ligne de fuite consiste à fuir la vie ; la fuite dans l’imaginaire, ou dans l’art. Mais fuir au contraire, c’est produire du réel, créer de la vie, trouver une arme » (60). C’est par cette ligne de fuite que Claude Favre cherche à « attaquer la poésie », à « attaquer la doxa » (Favre, Moreira, 12’40) et à incarner « une grande conversation à l’échelle planétaire » (9’05). Cette conversation, qui peut parfois s’apparenter à une confrontation, trouve des points de convergence avec ce que Gilles Deleuze nomme l’agencement car, d’après le philosophe, « l’énoncé est le produit d’un agencement, toujours collectif, qui met en jeu, en nous et hors de nous, des populations, des multiplicités, des territoires, des devenirs, des affects, des événements » (Dialogues, 65). En ce sens, les dispositifs de l’écriture de Claude Favre l’apparentent à une expérience vécue de l’altérité qui se joue des formes poétiques et qui s’ancre par un agencement particulier dans la chair du texte. Son écriture trouve par certains aspects des points de comparaison avec la poésie de Claudia Rankine évoquée ainsi par William Dow : « she creates a fieldwork literature that does not simply confront alterity but rather becomes it: instead of merely recording stories, she rather channels and embodies them[11]. » (132)

Ainsi, Claude Favre expérimente un décentrement de la subjectivité poétique et souligne notamment les échecs de l’humanité face aux grandes catastrophes. Elle interroge tout d’abord la capacité des médias à véhiculer la part humaine des migrations actuelles et soulève implicitement la question du voyeurisme. Elle montre qu’un dérèglement existe dans la hiérarchisation des informations et en reprend les procédés dans une perspective critique. C’est pourquoi, dans ses poèmes, la succession des discours connectés d’une manière peu conventionnelle crée paradoxalement une succession d’images et de visions reliées graphiquement par les chiffres, par la mathématique du décompte et par la biffure du tiret bas. Elle signale ainsi des manques et des trous à combler comme l’indique l’espace vide autour des vers qui ondulent dans la page comme une caravane et palpitent comme la vie : vers court, vers long. L’écriture de Claude Favre matérialise donc une certaine impuissance, mais elle dit en même temps la volonté d’incarner dans le corps de la poésie, dans le corps du lecteur et dans son propre corps de performeuse cette altérité qui perd alors son caractère anonyme, à la troisième personne : « Je me déborde », dit-elle, afin de devenir caisse de résonance, pourrait-on ajouter.

Le verbe « advenir » en moyen français comporte une grande richesse sémantique que l’on ne retrouve pas toujours dans sa définition en français moderne : il signifie à la fois « accéder à un lieu », « s’approcher », « se réaliser », « se développer » comme une plante, produire quelque chose « à venir » et faire « événement[12] ». Ces sens anciens peuvent néanmoins permettre de mieux saisir la diversité des fonctions du texte poétique chez Claude Favre. L’étude du recueil montre en effet que la catastrophe migratoire advient dans l’écriture a-hiérarchique et pourtant structurée et texturée de Claude Favre : elle se fait événement, mais aussi agencement, et en incorpore les conséquences (décompte, fragmentation, dispersion, répétition, déplacements, prélèvements). Le développement du grand corps migrant apparaît dans le glissement du texte par lequel l’écrivaine agence des énonciations et crée ainsi des tensions et des élasticités entre proximité et distance, discontinuité et continuité. La poésie a donc la capacité d’incarner l’événement (comme fait raconté, ayant une importance dans la communauté humaine et s’inscrivant dans la durée) et la catastrophe dans un autre lieu, un territoire poétique paradoxalement sans frontières qui quitte d’ailleurs aussi l’espace du livre pour la scène. Un bouleversement se produit dans l’usage qui est fait des discours sur les phénomènes migratoires et sur les actualités, faisant de l’esthétique documentaire de Claude Favre une catastrophe, prise au sens de « coup de théâtre » (TLF). De fait, elle négocie la distance en s’appuyant sur une rhétorique du document. Elle joue sur les relations et les tensions entre des espaces discursifs très divers qui créent un effet d’immédiateté, ce que l’on retrouve aussi dans l’idée de catastrophe. Soulignant des problèmes publics (Leibovici, 26) dont elle prend la forme, elle s’inscrit dans le nouvel ensemble des poétiques de l’infra-ordinaire (Viart, 5) qui interrogent simultanément le quotidien médiatique, l’histoire immédiate et les sociétés actuelles. Face à la médiatisation à outrance des catastrophes de la guerre et des migrations forcées, l’écrivaine s’ancre dans une communauté à laquelle elle apporte une autre visibilité et une autre consistance. Enfin, elle propose une saisie du monde qui peut sembler inadéquate pour en décrire les phénomènes mais qui, pourtant, apporte un supplément de connaissance, une connaissance tout humaine, dans la redescription et le retraitement (Leibovici, 43‑44) de l’information et des savoirs qu’elle effectue.


Ouvrages et articles cités

Buisson S., « Syrie : Alep, une ville à l’agonie », émission Le Son de l’image, RTL Info, 2 déc. 2016. En ligne : [https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/syrie-alep-une-ville-a-l-agonie-7786097460] (consulté le 23 juillet 2023)

Compagnon A, La Seconde Main, Paris, Seuil, 1979.

Deleuze G., Proust et les signes, Paris, PUF, 2011.

Deleuze G., Parnet C., Dialogues, Paris, Flammarion, 1996.

Dow W., « Fieldwork literature, created lives: George Packer and Claudia Rankine », Fixxion, (n°18), juin 2019, p.131‑142.

Favre C., Crever les toits, etc. suivi de Déplacements, Dijon, Les Presses du Réel, 2018.

Favre C., Moreira E., entretien « Les Voix de Claude Favre », émission La Vie Manifeste, Marseille, Radio Grenouille, 29 septembre 2017, 6’15. En ligne : [https://soundcloud.com/laviemanifeste/les-voix-de-claude-favre] (consulté le 23 juillet 2023)

Favre C., Pifarély D., lecture‑concert pour la Maison de la Poésie de Nantes, Festival MidiMinuitPoésie, n° 20, Nantes, Le Lieu Unique, samedi 10 octobre 2020. En ligne : [https://vimeo.com/493730415] (consulté le 23 juillet 2023)

Leibovici F., Des Documents poétiques, Dijon, Les Presses du Réel, 2007.

Mathieu L., « Alep‑est à l’agonie », Libération, 30 nov. 2016. En ligne : [https://www.liberation.fr/planete/2016/11/30/alep-est-a-l-agonie_1532116/] (consulté le 23 juillet 2023)

Métail M., Le Cours du Danube, Dijon, Les Presses du Réel, 2018.

Meyer M., « La rhétorique dans l’histoire, d’Aristote à Perelman. Le renouveau contemporain de la rhétorique », cycle de conférences La rhétorique, l’argumentation et les sciences humaines, Paris, Collège de France, 3 mars 2011, 55’13. En ligne : [https://www.college-de-france.fr/site/philippe-descola/guestlecturer-2011-03-03-11h00.htm] (consulté le 23 juillet 2023)

Henri M., « De T. / Indigents à présent… », Textes épars 1960‑1966, in Œuvres Complètes, (vol. III), Paris, Gallimard, 2004.

Noisette T., « La mère de Bana, la fillette d’Alep : “Nous sommes de vraies personnes” », L’Obs/Rue89, 16 décembre 2016. En ligne : [https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-sur-les-reseaux/20161212.RUE5990/la-mere-de-bana-la-fillette-d-alep-nous-sommes-de-vraies-personnes.html] (consulté le 23 juillet 2023)

Viart D., « Les Littératures de terrain », Fixxion, n° 19, décembre 2019, p. 1-13.

Vinogradoff L., « À Alep, la fillette qui raconte la guerre sur Twitter suscite quelques interrogations », Le Monde, 7 décembre 2016. En ligne : [https://www.lemonde.fr/big-browser/article/2016/12/07/a-alep-la-fillette-qui-raconte-la-guerre-sur-twitter-toujours-prise-au-piege-avec-sa-famille_5044954_4832693.html] (consulté le 23 juillet 2023)


[1] Dictionnaire de l’Académie, 9ème édition.

[2] Le mot « factuel » est issu de l’anglais factual dont il reproduit globalement le sens de « relatif aux faits », même si l’insistance sur l’exclusivité de ce rapport semble plus marquée dans la définition en français (d’après l’Oxford Advanced Learner’s Dictionary et le Dictionnaire de l’Académie française, 9ème édition). Il n’est pas anodin que ce terme soit lui‑même apparu en anglais au XIXème siècle, alors que le journalisme prend de l’ampleur.

[3] Le journal L’Obs (Noisette) associé au site Rue89 évoque la remise en question de leur existence par le site pro‑Kremlin Sputnik.

[4] Un billet de blog (Vinogradoff) du journal Le Monde évoque l’enquête menée par Ben Taub du New Yorker Times. Jomana Karadsheh, journaliste à CNN, a interviewé Fatemah Alabed le 11 décembre 2016, selon le journal L’Obs (Noisette).

[5] Dans Proust et les signes, Gilles Deleuze évoque la dynamique des signes qui renvoient infiniment au monde, par un phénomène de mémoire involontaire (chapitre 5).

[6] Cette « imprégnation littéraire » est souvent présente, d’après Dominique Viart, dans les littératures de terrain.

[7] Trésor de la Langue française. Abrégé dorénavant en TLF.

[8] On trouve ainsi des extraits de La Mort me hante et de Chants de Castille de Colette Magny, du Lion est mort ce soir d’Henri Salvador ou encore de Just a Perfect Day de Lou Reed.

[9] Le recueil est d’ailleurs publié chez le même éditeur.

[10] Dictionnaire de l’Académie, 4ème, 8ème, 9ème édition.

[11] « [E]lle crée une littérature de terrain qui, bien plus qu’elle ne se confronte tout simplement à l’altérité, devient cette altérité même : plutôt que d’enregistrer uniquement des histoires, elle les canalise et les incarne. » (ma traduction)

[12] Dictionnaire du Moyen Français.