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2 – Raconter le virus : Dialogue interdisciplinaire sur la transposition narrative du discours biologique

Face à la présence encore discrète des virus dans la littérature contemporaine, cet article examine quelques défis narratifs posés par la mise en récit des découvertes récentes de la virologie. Quels procédés littéraires peuvent transposer ces relations complexes, impliquant différentes échelles et différentes temporalités du vivant ? La modélisation en science a-t-elle des cousins en littérature, des procédés de formalisation qui pourraient communiquer les mêmes idées ? Cette réflexion est le fruit d’un dialogue entre un biologiste écrivain, qui s’interroge sur les moyens de transposer les connaissances et l’esprit des découvertes de microbiologie dans des récits, et une spécialiste de littérature anglophone, s’intéressant à l’imaginaire biologique du roman contemporain. Leur visée est aussi bien analytique que prospective : les trois premières sections s’appuient sur un panorama de la fiction narrative existante inspirée par les virus, de la science-fiction des années 1980 au roman contemporain (francophone et anglophone) ; les deux suivantes imaginent des pistes pour une littérature du virus encore à venir. Cinq pistes narratologiques sont ainsi explorées : i) les jeux de focalisation et d’échelle permettant de tenir compte de l’extrême hétérogénéité de la taille des populations interactives des virus et de leurs hôtes, et de la multiplicité des échelles temporelles et physiques exploitables ; ii) le potentiel déstabilisateur des virus dans les schémas actantiels classiques, en raison de la dynamique complexe de leurs relations avec leurs hôtes ; iii) la métaphorisation par la littérature d’un discours scientifique non exempt de ses propres métaphores, cette métaphorisation littéraire reposant sur une diversité d’imaginaires mobilisés ; iv) la transformation des relations virales en schèmes poétiques, et la transposabilité rhéthorique des images structurantes du discours scientifique ; v) l’intégration de nouveaux personnages qui correspondraient aux superorganismes associant les virus et leurs hôtes. Mots-clés Virus, récit, biologie, littérature, échelle, évolution, réseau, holobionte, focalisation, actant, métaphore, schème, organisme.

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3 – The “Right” Amount of Agency: 3 – Microscopic Beings vs Other Nonhuman Creatures in Contemporary Poetic Representations

This study examines contemporary poetic and literary attempts at bestowing agency and authorial power to microscopic beings and perceptible nonhuman beings. It finds that the agency of microscopic beings is starkly contrasted while that of perceptible nonhumans is bestowed in more careful terms. It first compares poems by Les Murray and Pattiann Rogers, both on perceptible nonhuman creatures and on microscopic beings, showing that poems about perceptible nonhuman creatures portray their objects’ agencies as nuanced, while poems about microscopic beings fully attribute and simultaneously fully deny agency to their objects. As for authorial power, poems about animals and trees strive to construe their objects as co-writers to a much greater extent than poems about microscopic beings. The study then examines more explicit attempts at granting authorial agency to animals and to a bacterium, by comparing Aaron Moe’s Zoopoetics and the rhetorics around Christian Bök’s Xenotext experiment which consists in inserting a sentence into the genome of a bacterium that will then issue a protein that encodes its answer to the sentence. While Moe struggles to establish the possibility of an animal poiesis, Bök holds together two opposed positions, the bacterium as mere support for a hubristic human power, and the bacterium as counter power and even writer of the poem. Moreover, it appears that the agency of microscopic beings (viral/parasitic) is drawn upon in attempts to establish the agency of other nonhuman beings. Finally, for the critic or poet setting out to describe attempts to transfer authorial power to nonhuman beings, viral/parasitic agency appears as an especially fruitful metaphor. The dichotomy at work in the literary attempts examined here may derive from the fact that the agency of microscopic beings such as viruses and parasites is often acknowledged, and largely feared by humans, while the agency of perceptible nonhuman beings (such as trees, plants, or animals) is often seen as hampered by human power and a society which has long been negating their ability to act. Key words Agency, Poetry (contemporary), Virus, Parasites, Bacteria in literature, Literature and the Environment, Animals in Literature. Mots-clés Agentivité, poésie (contemporaine), virus, parasites, bactéries dans la littérature, littérature et environnement, animaux dans la littérature.

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4 – Viralité et humanité : la figure du non-corpum chez David Mitchell

David Mitchell, auteur britannique contemporain, a introduit au sein de son univers fictionnel des personnages de non-corpum, des entités dotées de conscience mais dépourvues de corps qui parasitent les humains. Deux romans en particulier les mettent en scène : Ghostwritten (1999) et The Bone Clocks (2014). Il s’agira ici d’étudier en premier lieu comment la viralité est mise en scène, puis d’examiner la valeur sémiotique du non-corpum laquelle s’articule à la pratique du diagnostic. À la fois signes et symptômes, ces figures virales offrent à nos sociétés contemporaines un miroir où viennent se refléter l’angoisse de la contamination et de l’impuissance ainsi que la crainte de voir le sujet dépossédé de soi. Mitchell utilise les non-corpum pour opérer un travail de couture entre plusieurs romans, mais aussi plus largement entre plusieurs traditions de pensée et plusieurs époques. Ce faisant il vient perturber les hypothèses de lecture occidentales les plus courantes, notamment via la référence à la métempsychose et la mise en œuvre de stratégies de réplication. Mots-clés David Mitchell, Ghostwritten, The Bone Clocks, métempsychose, viralité, diagnostic, peurs contemporaines, non-humain.

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5 – Le parasite, de l’être mimétique à l’inquiétante familiarité

L'existence du parasite est conditionnée par l’autre, il vit aux dépens d'un autre organisme, d'une autre structure. Dans cet article, nous nous intéressons aux parasites surgissant dans la littérature mais aussi dans les sciences et tout particulièrement en biologie. Nous allons axer notre réflexion sur une stratégie parasitaire, le mimétisme. Comme l’œuf du coucou (oiseau parasite) ressemblant à l’œuf de son hôte, le parasite, à travers le mimétisme, a deux objectifs : se faire accepter par l'hôte et le remplacer progressivement. Tartuffe, par exemple, le plus célèbre des parasites de Molière, singe la dévotion et devient le directeur de conscience d’Orgon. Il se fait ainsi accepter dans la famille et va prendre doucement la place du maître de la maison. Cependant, malgré le mimétisme du parasite, il reste dans son comportement, son physique, ses attitudes, des anomalies engendrant une inquiétante étrangeté. Ainsi, dans la nouvelle de Le Fanu, Carmilla, le vampire ressemble étrangement à Laura et, de plus, réactive des souvenirs chez cette dernière. L'hôte ressent cette inquiétante familiarité en compagnie du parasite. Nous allons dans cet article répondre à plusieurs questions : quelles sont les principales stratégies parasitaires ? Comment cette inquiétante familiarité perturbe-t-elle l'identité de l'hôte ? Notre hypothèse est que même si la relation parasitaire est coûteuse pour l'hôte, elle est aussi source de bénéfices. Mots-clés parasitisme, inquiétante familiarité, mimétisme

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6 – « The drive of unliving things » : Parasitisme et addiction dans A Scanner Darkly de Philip K. Dick

Dans A Scanner Darkly de Philip K. Dick (1977), l’une des métaphores maîtresses de l’addiction est celle du parasite. Dick y imagine la Substance Mort, drogue issue d’une fleur qu’il nomme Mors ontologica. L’addiction s’écrit sur le mode parasitaire : le corps est d’autant plus affamé qu’il ingère de grandes quantités de drogue, et s’émacie à mesure que l’addiction grandit. Le parasite devient à la fois moteur et métaphore de l’écriture, et tisse une relation complexe au discours scientifique à travers une réflexion sur l’imagerie médicale comme symptôme d’un désir frustré de transparence à soi. À travers la métaphore parasitaire, ce texte explore une expérience sensorielle qui n’est plus celle d’un sujet au sens traditionnel du terme. Il tente de figurer, expérience impossible, ce que pourrait voir un œil sans vie. Mots-clés Roman, médecine, neurologie, physiologie, addiction, science-fiction, Philip K. Dick, drogue, parasite.

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7 – Dans le ventre de la baleine : voyages intérieurs et métaphore parasitaire dans la culture populaire

Cet article montre combien le motif d’un personnage avalé par un monstre marin, qu’il soit une baleine ou un gros poisson, a laissé une trace tenace dans la culture populaire. On a distingué quatre moments principaux dans la formation de ce motif littéraire. Pinocchio (1881) ou le prophète Jonas expérimentent tous deux un rite de passage après avoir été dévorés, mais pas digérés, par le monstre ; d’autres personnages ne sont plus prisonniers de la baleine mais la traversent comme une simple péripétie comique, à la manière du Baron de Münchhausen (1785) ; d’autres, encore, exploitent la carcasse de l’animal pour y récupérer viande et huile ou y construire une étonnante salle de théâtre au XIXème siècle. Aux XXème et XXIème siècles, la science-fiction va plus loin encore en imaginant que les baleines sont vivantes au moment où elles sont réduites en esclavage. Entre commensalisme et symbiose, l’homme qui l’habite devient un parasite. C’est tout particulièrement sur ce renouvellement du mythe que l’article insiste. Mots-clés Sky whale, science-fiction, baleine, parasite

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8 – Hors dossier. Forme et savoirs du vivant dans La vie et les opinions de Tristram Shandy

Le roman de Sterne La vie et les opinions de Tristram Shandy raconte la conception, la naissance et les divers accidents de la vie du narrateur. Ce faisant, le roman interroge la formation même de l’identité d’un être, en faisant de très nombreuses références aux savoirs philosophiques et médicaux du vivant. D’un côté, le père de Tristram, grand faiseur de systèmes, identifie des étapes cruciales du développement, qui décident de la forme de l’être humain ; de l’autre, le narrateur s’ingénie, par la forme romanesque, à déconstruire la tentation théoricienne de son père et s’appuie sur d’autres modèles scientifiques et artistiques pour construire une éthique et une esthétique de la liberté. Mots-clés Sterne, épigenèse, préformation, esthétique, vie

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