Taches d’encre

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Combien peu de ce qui s’est passé a été mis par écrit, combien peu de ce qui a été écrit a été sauvé ! C’est d’origine que la littérature est fragmentaire, elle ne conserve les monuments de l’esprit humain que pour autant qu’ils aient été couchés par écrit et aient survécu au temps. (Goethe, Maximes et réflexions, N° 267)

Et pourtant, malgré le caractère fragmentaire de l’entreprise littéraire, nous y trouvons des répétitions sans fin. Ce qui montre combien l’esprit et la destinée de l’homme sont limités. (Goethe, Maximes et réflexions, N° 268) [1]

ECRIT, BIEN ECRIT Mot de portier, pour désigner les roman-feuilletons qui les amusent.

ECRITURE Une belle écriture mène à tout. Indéchiffrable : signe de science, exemple : les ordonnances de médecin. (Flaubert, Le Dictionnaire des idées reçues) [2]

Mémoire et écriture, archive et copie – voici les jalons d’une réflexion qui voudrait penser ensemble deux entreprises littéraires particulièrement importantes pour l’histoire du roman encyclopédique au XIXe siècle en raison de leur statut expérimental et de la place qu’ils donnent à la Bildung et au savoir, mais aussi en même temps au dilettantisme et à la bêtise : Les Affinités électives (1809) [3] de Goethe et Bouvard et Pécuchet (1880, posthume) de Flaubert. Ce que ces deux romanciers ont en commun, c’est une sensibilité pour l’historicité du savoir et pour l’écriture comme moyen de transmission de la mémoire culturelle. L’importance donnée par l’un et par l’autre à la mise en scène romanesque de la lecture et de l’écriture en est la preuve. Si, comme le dit Jean-François Hamel, l’instauration du régime moderne d’historicité dans les décennies qui suivent la Révolution transforme aussi l’ordre des savoirs, j’aimerais repérer ces transformations à travers la figure du copiste et de l’archive (précaire) chez Goethe et Flaubert [4].

Gabriele Brandstetter distingue quatre domaines de lecture et d’écriture dans le roman de Goethe : le monde comme archive, comme carte géographique, comme histoire de l’art et comme texte littéraire [5]. On retrouve ces domaines en partie mais différemment chez Flaubert, qui a voulu écrire avec son dernier roman « l’histoire de ces deux bonshommes qui copient une espèce d’encyclopédie critique en farce » [6], avec au centre deux personnages qui sont à l’origine copistes et qui le redeviennent à la fin. Je me propose d’analyser les éléments de la mise en scène de l’archive et du copiste dans ces deux romans. Par là, je voudrais montrer comment Goethe et Flaubert développent à la fois une réflexion critique sur le savoir et son archivage – voire sur l’histoire des techniques de l’écriture – et une re-valorisation de l’imaginaire, laquelle repose entre autres sur l’image de l’écriture. Pour le dire avec Roland Barthes : « L’origine de l’œuvre est dans la main qui trace. » [7] La figure du copiste se prête ainsi à une réflexion sur les relations complexes entre originalité et imitation, entre mimésis et poïesis dans le processus de l’écriture [8].

Encyclopédie et archive

Dans la tradition de Raymond Lulle, inventeur de l’arbor scientia au XIIIe siècle, de Bacon [9] et de Chambers [10], les encyclopédistes français représentent les divisions de la connaissance comme des branches naissant des trois principales facultés de l’esprit : la mémoire, source de la connaissance historique ; l’imagination, source de la poésie ; et la raison, source de la philosophie. Je voudrais établir un lien entre ces réflexions sur l’encyclopédie et la notion d’archive, ce qui m’amènera à la figure du copiste et de la copie dans les deux romans. Si, selon Roland Barthes, l’encyclopédie remplit avant tout quatre fonctions, soit à côté de l’information, la connexion, l’évaluation et la remémoration, elle rejoint l’archive dans sa fonction de mémorisation et de trésor textuel [11]. La différence réside dans le fait que la première est systématiquement rapportée à un livre alors que l’autre, selon Dominique Maingueneau, l’est « à une enceinte, un pouvoir qui est pouvoir de dire, à l’affirmation de la légitimité d’un corps d’énonciateurs consacrés » [12]. Ainsi l’archive est-elle dès le début liée à l’écriture, à la bureaucratie, aux dossiers, à l’administration et à la parole qui fait autorité. Aleida Assmann note que la condition nécessaire pour créer une archive en tant que dispositif de conservation du savoir collectif est l’existence de supports matériels pouvant servir d’aide-mémoires : c’est tout d’abord l’écriture qui remplit cette fonction [13]. Comme le rappellent Dominique Maingueneau et Jacques Derrida, l’origine du concept d’archive est l’arkheîon grec :

[…] le sens de « archive », son seul sens, lui vient d’ l’arkheîon grec : d’abord une maison, un domicile, une adresse, la demeure des magistrats supérieurs, les archontes, ceux qui commandaient. Aux citoyens qui détenaient et signifiaient ainsi le pouvoir politique, on reconnaissait le droit de faire ou de représenter la loi. Compte tenu de leur autorité ainsi publiquement reconnue, c’est chez eux, dans ce lieu qu’est leur maison (maison privée, maison de famille ou maison de fonction), que l’on dépose alors les documents officiels. Les archontes en sont d’abord les gardiens. Ils n’assurent pas seulement la sécurité physique du dépôt et du support. On leur accorde aussi le droit et la compétence herméneutique. Ils ont le droit et le pouvoir d’interpréter les archives. Confiés en dépôt à de tels archontes, ces documents disent en effet la loi : ils rappellent la loi et rappellent à la loi. [14]

Partant de ces définitions, je voudrais suggérer que la mise en scène par Goethe et Flaubert des pratiques d’emmagasinement et d’écriture dans la copie et l’archive reflètent non seulement le rôle de la littérature (en tant que mémoire) mais aussi celui de l’auteur en tant qu’archôn, c’est à dire en tant qu’interprète et critique des archives. Je voudrais insister ici sur le fait que la figure (épistémique) du copiste est porteuse d’une forme de réflexivité qui concerne plus particulièrement l’écriture et la mémoire. Le copiste peut être en effet considéré comme « une personnification de la mémoire culturelle » [15] et la copie comme une parole conservée par et dans l’écrit. En tant que tels, ils sont inséparables de l’inscription et de l’écriture, donc de la figure de l’écrivain et des gestes d’inscription (traces de l’écriture) qui parsèment les deux romans. A cet égard, Roland Barthes, évoquant la « Mort de l’auteur », faisait déjà référence aux deux copistes que sont Bouvard et Pécuchet :

[…] le texte est un tissu de citations, issues des mille foyers de la culture. Pareil à Bouvard et Pécuchet, ces éternels copistes, à la fois sublimes et comiques, et dont le profond ridicule désigne précisément la vérité de l’écriture, l’écrivain ne peut qu’imiter un geste toujours antérieur, jamais originel. [16]

Evoquant la relation particulière de Roland Barthes à ce roman et plus particulièrement aux copistes, Anne Herschberg-Pierrot souligne que pour Barthes, « la copie de Bouvard et Pécuchet est à la fois le modèle du plaisir de la scription, le modèle du texte comme imitation et travail de langages, et la mise en scène d’une problématique de l’écriture de la doxa » [17].

Les et le copiste(s)

« […] Vous avez raison – nos outils d’écriture participent à former nos pensées. » (Friedrich Nietzsche) [18]

Je commencerai avec l’image finale de Bouvard et Pécuchet : la construction d’un double pupitre sur lequel s’installent les deux personnages pour copier tout ce qui leur tombe sous les yeux. Rappelons que le roman ou plutôt le manuscrit de Bouvard et Pécuchet s’arrête au chapitre X, celui de l’éducation, dans lequel Bouvard et Pécuchet s’apprêtent à donner un cours pour adultes dans leur village de Chavignolles après l’échec de leur tentative d’éduquer deux enfants. Un plan trouvé dans les papiers de Flaubert indique la conclusion de l’ouvrage. La conférence se termine en tumulte. Le lendemain, des gendarmes arrivent chez Bouvard et Pécuchet. On les accuse « d’avoir attenté à la Religion, à l’ordre, excité à la Révolte, etc. » (BP, p. 413) [19] Ils perdent la garde de leurs enfants et ont dressé tout le village contre eux. Je cite les dernières indications :

Ainsi tout leur a craqué dans les mains. Ils n’ont plus aucun intérêt dans la vie. Bonne idée nourrie en secret par chacun d’eux. Ils se la dissimulent – De temps à autre, ils sourient, quand elle leur vient ; – puis se la communiquent simultanément : copier. Confection du bureau à double pupitre. – (s’adressent pour cela à un menuisier. Gorgu qui a entendu parler de leur invention leur propose de le faire. Rappeler le bahut). Achat de registres – et d’ustensiles, sandaraques, grattoirs, etc. Ils s’y mettent. (BP, p. 414)

Les deux héros se seraient ainsi attelés à un gigantesque travail de copie – retrouvant à la fin de leur existence ce qui avait été jadis leur métier. Avant de pouvoir se retirer à la campagne grâce à un héritage et de pouvoir enfin se vouer entièrement à la science, Bouvard et Pécuchet étaient en effet tous deux copistes : « Bouvard dans une maison de commerce, Pécuchet au ministère de la marine » (BP, p. 55). Ils étaient employés d’une bureaucratie qui s’est mise en place dans le courant du XIXe siècle [20]. La citation suivante montre combien les deux personnages sont construits dans le registre du comique :

Bouvard, qui écrivait étalé sur son pupitre et les coudes en dehors pour mieux arrondir sa bâtarde, poussait son espèce de sifflement tout en clignant d’un air malin ses lourdes paupières. Pécuchet huché sur un grand tabouret de paille soignait toujours les jambages de sa longue écriture – mais en gonflant les narines pinçait les lèvres, comme s’il avait peur de lâcher son secret. (BP, p. 67)

Les deux copistes ont en commun une belle écriture, à laquelle ils doivent d’ailleurs d’avoir été recrutés. Ainsi, si Pécuchet devient copiste, c’est qu’un « chef de division séduit par son écriture, l’avait engagé comme expéditionnaire ; » (BP, p. 59). Quant à Bouvard, « il eut l’inspiration d’utiliser sa belle main ; et depuis douze ans, il se tenait dans la même place, MM. Descambos frères, tissus, rue Hautefeuille 92 » (BP, p. 59). L’idée de copie aurait dû influencer la forme même du roman, car les notes, plans et scénarios de Flaubert montrent qu’il avait l’intention d’ajouter à son récit une partie d’« archives », autrement dit son Sottisier, Copie ou Second volume, constitué de plusieurs parties : I. Notes des auteurs précédemment lus, II. Vieux papiers acheté au poids, III. Spécimens de tous les styles, IV. Beautés, V. Dictionnaire des idées reçues, VI. Catalogue des idées chic [21] . A la différence de Goethe, Flaubert rapproche consciemment son roman du type d’écriture propre à l’encyclopédie, où la copie permet d’archiver la bêtise humaine. Ainsi, tout en tournant l’encyclopédie en dérision, il la rend productive. Ce n’est pas un hasard à cet égard si le premier des très nombreux ouvrages qu’il cite dans le roman est une encyclopédie : l’Encyclopédie Roret [22]. Flaubert, qui se décrivait lui-même dans une lettre à Louise Colet comme un « homme-plume » [23], n’a donc pas seulement écrit un roman-archive ou un roman-encyclopédie, il a aussi donné au personnage du copiste le rôle principal. Au milieu du XIXe siècle, le copiste ou, plus généralement, l’employé de bureau devient du reste un personnage important de la vie sociale et du même coup de la littérature moderne. Avec Sylvie Thorel-Cailleteau, on peut relever sa présence chez E.T.A. Hoffmann (Le Vase d’or, 1819), Nicolaï Gogol (Le Manteau, 1842), Franz Grillparzer (Pauvre Musicien, 1848), Herman Melville (Bartleby, 1853) et Joris-Karl Huysmans (A vau-l’eau, 1882) [24]. Flaubert s’est par ailleurs aussi inspiré d’une nouvelle de Barthélemy Maurice intitulée Les Deux Greffiers, parue pour la première fois le 14 avril 1841 dans La Gazette des tribunaux [25]. La copiste femme (employée de bureau) n’apparaît en revanche qu’à la fin du siècle parallèlement à l’apparition de la machine à écrire et des fonctions de secrétaire et de sténographe [26]. La structure circulaire du roman fait donc que Bouvard et Pécuchet reviennent à leur métier à la fin. Si au début ce travail répétitif et sans créativité les ennuie, à l’issue de leur parcours encyclopédique et en raison des déceptions que celui-ci leur apporte, ils trouvent de nouveau une satisfaction et du plaisir dans la copie du savoir et des bêtises humaines. Car, comme l’écrit Foucault : « Quand Bouvard et Pécuchet renoncent, ce n’est pas à savoir ni à croire au savoir, mais à faire ce qu’ils savent. […] [I]ls renoncent (on les contraint de renoncer) à faire ce qu’ils avaient appris pour devenir ce qu’ils étaient. ». Pour Foucault Bouvard et Pécuchet deviennent eux-mêmes « le mouvement continu du Livre » [27]. Avant de redevenir copistes, Bouvard et Pécuchet s’étaient aussi essayés au métier d’écrivain, mais sans succès. A la fin du chapitre cinq et face aux notables de Chavignolles, ils dressent un bilan de la vision bourgeoise de la littérature où se fait jour leur déception : « Ils résumèrent ce qu’ils venaient d’entendre. La moralité de l’Art se renferme pour chacun dans le côté qui flatte ses intérêts. On n’aime pas la Littérature. » (BP, p. 225). En retournant à la copie, ils deviennent écrivains autrement. Il y a ainsi dans Bouvard et Pécuchet une transformation du copiste en écrivain moderne. Sylvie Thorel-Cailleteau constate d’ailleurs à cet égard que les « copistes » littéraires sont des sortes d’autoportraits grimaçants de leurs auteurs :

Le copiste, voué aux plumes, au papier, condamné au mépris social et aux chagrins d’une existence solitaire, est une figure sinistre et bouffonne de l’écrivain lui-même qui ne se reconnaît plus d’autre place que celle-là dans le monde moderne, où l’on grelotte de froid sur des trottoirs mouillés parce que le soleil d’une transcendance s’est visiblement replié plus loin. [28]

La copie contient-elle une part d’originalité ? Celle-ci pourrait résider dans la sensibilité à une certaine réalité de la langue (et de la société) qui inclut bêtises, idées reçues et stéréotypes et que l’on retrouve à l’époque de Flaubert dans un nombre croissant d’écrits et de publications. Dans sa récente biographie de Flaubert, Pierre-Marc de Biasi souligne l’importance de cette mutation historique « qui redéfinit entièrement les relations à la chose écrite : la fin de la malédiction du papier rare (entre 1800 et 1900, la production de papier est multipliée par 2800), l’industrialisation du livre, la technique d’impression rapide et le développement exponentiel de la presse. » [29] L’art de Flaubert (et de ses copistes) réside dans la mise en relief du rapport problématique entre l’originalité du dire et l’imitation (l’opinion, le stéréotype), provoqué par la modernisation des pratiques d’écriture et la naissance d’une culture de masse. Cette originalité peut aussi être située dans la volonté de collectionner, fixer et constituer « une encyclopédie de langages » [30] car, comme le souligne Roland Barthes dans la citation évoquée plus haut, « l’écrivain ne peut qu’imiter un geste toujours antérieur, jamais originel » [31]. La crise de la vérité s’exprime ainsi à travers une critique du langage. Avec Flaubert, « une suspicion est jetée sur le langage et, plus précisément, sur la capacité de la parole à exprimer le sujet qui la profère » [32]. Pour Roland Barthes, « c’est la crise de la modernité qui s’ouvre », car :

[…] la copie chez Flaubert est un acte vide, purement réflexif. Quand Bouvard et Pécuchet, à la fin du livre, se remettent à copier, il ne reste plus que la pratique gestuelle. Copier n’importe quoi, pourvu qu’on conserve le geste de la main. C’est un moment historique de la crise de la vérité, qui se manifeste également, par exemple chez Nietzsche, bien qu’il n’y ait aucun rapport entre Nietzsche et Flaubert. C’est le moment où on s’aperçoit que le langage ne présente aucune garantie. Il n’y a aucune instance, aucun garant du langage. [33]

Une figure plus radicale encore que celles de Bouvard et Pécuchet attelés à leur double-pupitre est la figure du copiste Bartleby chez Herman Melville. Ayant cessé même d’écrire, il ne peut plus que répéter la formule devenue célèbre : « I would prefer not to ». Giorgio Agamben le décrit comme une « figure extrême du rien dont procède toute création et, en même temps, la plus implacable revendication de ce rien comme pure et absolue puissance » [34]. La création littéraire (romanesque) devient ainsi réaction à une expérience du néant ultime de l’existence [35].

Le copiste goethéen

Chez Goethe, le copiste n’est pas encore employé de bureau, mais il représente une première étape dans l’histoire de cette figure. Il est l’employé d’un aristocrate. Il faut noter que, à la différence de Flaubert [36], Goethe a lui-même employé des copistes/secrétaires qui devaient s’occuper de ses écrits privés, poétiques et bureaucratiques [37] . Le narrateur des Affinités électives ne laisse pas beaucoup de place au copiste dans le récit. Contrairement aux quatre personnages principaux qui ont des prénoms (Charlotte, Edouard, Odile et le Capitaine qui s’appelle Otto), nous ne le connaissons que par sa fonction. Cependant il n’est pas le seul personnage qui s’occupe de copier et archiver. Edouard et Charlotte deviennent – eux aussi – copistes et archivistes comme le montrent les citations suivantes. Ils se sont retirés à la campagne pour vivre une vie paisible à deux qui devait consister entre autres à mettre de l’ordre dans leur « archive ». Je cite Charlotte s’adressant à Edouard au moment où celui-ci propose d’inviter le Capitaine :

Tout ce que nous projetions, ne l’oublie pas, même pour occuper nos loisirs, comportait en quelque sorte notre solitude à deux. Tu voulais d’abord me communiquer, dans l’ordre chronologique, le journal de ton voyage, à cette occasion classer maints papiers qui s’y rapportent, et avec ma participation, avec mon aide, extraire de ces cahiers et de ces feuillets inestimables mais confus un tout qui nous enchanterait, nous et d’autres. Je te promis de t’aider dans ton travail de copiste, et il nous semblait si commode, si agréable, si confortable, si intime, de parcourir par souvenir le monde qu’il ne nous avait pas été donné de voir ensemble. (AE, p. 44)

Edouard ne réalisera pas ce tout ordonné avec l’aide de sa femme, mais avec le Capitaine, qu’il invite contre le gré de celle-ci :

Dans l’aile qu’habitait le Capitaine, ils dressèrent un rayonnage pour les affaires courantes et constituèrent des archives pour les questions réglées ; ils tirèrent de diverses réserves, pièces, armoires et caisses tous les documents, papiers et notes qui s’y trouvaient entreposés, et avec une très grande rapidité ce fatras fut mis en ordre d’une manière réjouissante, fut réparti sous diverses rubriques dans des casiers déterminés. Ce qu’on cherchait, on le trouvait plus complet qu’on l’avait espéré. Pour cette organisation, un auxiliaire rendit de grands services, un vieux secrétaire, qui ne quittait pas son pupitre pendant le jour et même y passait une partie de la nuit, alors que jusqu’ici Edouard avait toujours été mécontent de lui. « Je ne le reconnais plus, » dit Edouard à son ami : « comme cet homme peut être actif et utile ! » – « Cela s’explique, » répondit le Capitaine, « par le fait que nous ne lui imposons aucun travail nouveau, avant qu’il ait achevé l’ancien à son aise, et son rendement, tu le vois, est excellent ; dès qu’on le dérange, il n’est plus bon à rien. » (AE, p. 68)

Ce passage est très intéressant car il montre qu’il ne faut pas déranger le copiste mais le laisser tranquille, pour qu’il puisse faire son travail à son rythme. Avec son habitus d’aristocrate (et de dilettante), Edouard ne savait peut-être pas l’« employer ». Le Capitaine, représentant de la nouvelle bourgeoisie organisatrice et administrative, sait mieux « déléguer ». Si le copiste personnifie la mémoire culturelle, nous voyons dans ce passage que l’archivage de la mémoire change et gagne en dynamisme. C’est ce que note le germaniste Gerhard Neumann : « il ne s’agit plus de chercher la totalité ou la complétude d’une archive constituée au temps des Lumières, mais plutôt une ouverture et une dynamisation » [38]. Il y a donc opposition entre conservation et fixation du savoir d’une part et dynamique de la modernisation d’autre part – thème très important pour Goethe qui, dans ce roman, décrit une période de changements encore fortement marquée par la Révolution et ses conséquences, mais qui insiste en même temps sur l’éternel retour, à travers par exemple la référence aux saisons [39]. Cela s’exprime très clairement dans cette réplique d’Edouard à propos des transformations en cours dans le monde scientifique :

« Il est assez pénible, » s’écria Edouard, « de ne pouvoir plus rien apprendre pour sa vie entière. Nos ancêtres s’en tenaient à l’enseignement qu’ils avaient reçu dans leur jeunesse ; mais nous, il nous en faut changer tous les cinq ans, si nous ne voulons pas être tout à fait hors du courant. » (AE, p. 72)

Les deux romans posent aussi la question du désir d’ordre en regard du hasard et des passions qui surgissent dans la vie humaine. Or la copie et l’écriture jouent aussi un rôle très importants dans la relation entre Edouard et Odile, la nièce de sa femme. Preuve que la copie n’est pas vide de passion et que l’écriture peut exprimer une transformation psychologique, autrement dit une éducation sentimentale.

Ecriture et imaginaire – original et copie

Dans une lettre à Charlotte, l’enseignant d’Odile écrit au début du roman qu’elle faisait de très jolies lettres, mais qu’elle n’était pas libre dans son écriture. C’est l’amour qui va la métamorphoser. Par affection pour Edouard, elle entreprend de recopier le projet de vente d’une métairie, c’est-à-dire un texte administratif. A travers cette copie de contrat, Edouard découvre qu’elle l’aime, car la copie va jusqu’à imiter son écriture. Je cite la réaction d’Edouard lorsqu’Odile lui apporte le document copié :

Elle déposa l’original et la copie sur la table devant Edouard. « Est-ce que nous collationnons ? » demanda-t-elle avec un sourire. Edouard ne savait que répondre. Il la regarda, il regarda la copie. Les premiers feuillets étaient écrits avec le plus grand soin d’une délicate écriture de femme ; puis les traits semblaient se transformer, devenir plus légers et plus libres. Mais quel fut son étonnement, lorsqu’il parcourut de regard les dernières pages : « Ciel ! » s’écria-t-il, « qu’est cela ? C’est mon écriture ! » Il regarda Odile puis, de nouveau, les feuilles ; la fin surtout semblait tout à fait écrite de sa propre main. (AE, p. 136-137)

Ainsi Odile va-t-elle au-delà de la simple copie, faisant du geste de transcrire le moyen de produire un écrit singulier. Au troisième chapitre du roman, ses enseignants se plaignaient de son écriture, aux cinquième et sixième chapitres de son manque de liberté dans le trait. Dans la citation ci-dessus, son écriture est devenue celle d’Edouard, au point que dans les chapitres treize et dix-huit, toutes deux se confondent [40]. Il ne faut pas oublier que pour Goethe, la copie a aussi et surtout une fonction d’apprentissage. Dans un petit texte publié sous le titre « Simple imitation de la nature, manière et style » (« Einfache Nachahmung der Natur, Manier, Stil », 1789) [41] et rédigé après son séjour en Italie, il décrit l’imitation comme une phase préliminaire à la représentation artistique véritable, qui consiste à trouver son style.

Revenons à Edouard. Séparé d’Odile, il rencontre Mittler, un personnage qui, comme son nom l’indique, a une fonction (problématique) de médiateur, auquel il raconte ses fantasmes qui curieusement tournent aussi autour de l’écriture :

Tout se qui m’arrive avec elle se mêle et s’entasse. Parfois nous signons un contrat ; là se trouvent son écriture et la mienne, son nom et le mien ; ils s’effacent l’un l’autre et tous deux s’entrelacent. Ces voluptueuses fantasmagories de l’imagination ne vont pas non plus sans douleur. (AE, p. 173)

Seuls le rêve et l’imaginaire permettent à Edouard de réaliser son union avec Odile. Seuls les noms et les lettres s’effacent et s’entrelacent. La vie réelle ne lui accorde pas cette chance. L’écriture symbolise les rêves d’Edouard. Ce pouvoir de l’écriture est du reste annoncé au début du roman, au moment où Edouard et Charlotte réfléchissent à la possibilité de faire venir le Capitaine. D’abord très hésitante, Charlotte finit par céder et ajoute un petit mot à la lettre de son mari :

En post-scriptum, Charlotte dut ajouter de sa main son approbation et joindre ses prières amicales à celles de son mari. Elle écrivit d’une plume alerte, empressée et obligeante, mais avec une espèce de hâte qui ne lui était pas habituelle ; et, ce qui lui arrivait rarement, elle finit en abîmant le papier par une tache d’encre, qui la contraria, et qui ne fit que s’agrandir quand elle voulut l’effacer. (AE, p. 55)

La tache que Charlotte voulait effacer s’agrandit encore. Ce passage est souvent cité comme exemple de la théorie du symbole (par opposition à l’allégorie) chez Goethe, notion qui prend un sens nouveau à partir de 1790 [42]. Seule une tache d’encre est représentée et c’est son interprétation symbolique qui lui donne une valeur nouvelle. La tache renvoie indirectement à la fin tragique du roman, provoquée par la présence du « démoniaque » (l’incontrôlable, le hasard, l’inconscient, une force intérieure) dans le monde des humains [43].

Dans les deux textes, les personnages cherchent donc à vivre une idylle, au cœur de laquelle se trouvent le savoir, son organisation et son stockage. Mais cette attente est déçue dans les deux textes. Le récit se fait démonstration de l’échec d’un ordre initial ou d’un ordre recherché. Quel en est le résultat ? Au niveau de l’histoire, Les Affinités électives se closent sur l’image finale de la mort. Dans Bouvard et Pécuchet, le retour au pupitre et à la copie sont le point de départ de la rédaction du Sottisier. Au niveau de la forme, les choses sont plus complexes. Les Affinités électives se terminent en effet sur un ton bien étrange, peut-être ironique, qui donne la parole à la légende, en une sorte de contrepoids aux inquiétudes suscitées par la modernité :

Ainsi les deux amants reposent côte à côte. La paix plane au-dessus de leur asile ; de la voûte, les images sereines de leurs frères, les anges, abaissent leurs regards sur eux et qu’il sera doux l’instant où, un jour, ensemble ils se réveilleront ! (AE 336)

La forme de Bouvard et Pécuchet est encore plus intrigante si l’on pense au projet romanesque dans son ensemble, qui inclut le Sottisier. La forme romanesque est ainsi poussée à ses limites. Avec Thomas Klinkert on pourrait dire qu’ici « la confrontation à l’épistémologique menace l’identité du texte littéraire qui y réagit en subvertissant l’épistémologique » [44].

Si l’encyclopédie du XIXe siècle a changé de structure en faisant une plus grande place au savoir positif, les romans demandent pour leur part – même si c’est avec beaucoup d’ironie – qu’une place soit faite à l’imaginaire et au rêve, à côté de la mémoire et de la raison. Les romanciers restent obsédés par les signes (« Grübler über Zeichen » [45]) et noyés dans l’encre, comme l’écrit Flaubert à Louise Colet :

Loin de ma table, je suis stupide. L’encre est mon élément naturel. Beau liquide, du reste, que ce liquide sombre ! et dangereux ! Comme on s’y noie ! comme il attire ! [46].

L’encre est ce qui rend possible le « faire » littéraire (le travail du style et la forme) et la création de mondes fictifs, ce qui n’exclut en aucun cas le savoir. Par son travail sur le style et sa réhabilitation de l’imaginaire – à côté de la mémoire et de la raison – dans le partage du savoir, Flaubert se révèle être très proche de Goethe [47], au point d’apparaître pour Barthes comme « le dernier écrivain classique ». En même temps, il représente la modernité en ceci que son travail d’écrivain « est démesuré, vertigineux, névrotique, il gêne les esprits classiques, de Faguet à Sartre. C’est par là qu’il devient le premier écrivain de la modernité : parce qu’il accède à une folie. Une folie qui n’est pas de la représentation, de l’imitation, du réalisme, mais une folie de l’écriture, une folie du langage ». [48]

ps:

Hildegard Haberl – Université Paris X – Nanterre

ISSN 1913-536X ÉPISTÉMOCRITIQUE (VOLUME V – Automne 2009)

notes:

[1] Goethe, « Maximes et réflexions », in : Johann Wolfgang Goethe, Ecrits sur l’art, Introduction de Tzvetan Todorov, Traduction et notes de Jean-Marie Schaeffer. Paris, Flammarion, 1996, p. 309 (Johann Wolfgang Goethe, Sämtliche Werke nach Epochen seines Schaffens. München : Hanser, 1991, p. 764 (Maximes n° 267, 268)).

[2] Gustave Flaubert, Le Dictionnaire des idées reçues et Le Catalogue des idées chic. Texte établi, présenté et annoté par Anne Herschberg-Pierrot. Paris : Librairie Générale Française, 1997, p. 74.

[3] Pour résumer très brièvement, ce roman raconte l’histoire de quatre personnages : les époux Charlotte et Edouard se sont retirés de la cour à la campagne où ils font venir un ami commun, le Capitaine ainsi que la nièce de Charlotte, Odile. Les « affinités électives » qui s’établissent entre Edouard et cette dernière, Charlotte et le Capitaine vont profondément perturber la vie de ces personnages.

[4] Cf. Jean-François Hamel, Revenances de l’histoire. Répétition, Narrativité, Modernité, Paris, Minuit, 2006, p. 32. A propos de Flaubert et de l’historicisme, Gérard Raulet constate qu’il « est l’un des grands metteurs en scène de l’historicisme ; il est aussi, plus ou moins consciemment, l’un des grands destructeurs de l’archive historiste, comme en témoigne son testament littéraire, la satire de Bouvard et Pécuchet, qui lui impose là encore d’écrasantes recherches érudites mais qu’il ne terminera cette fois pas ». Cf Gérard Raulet, « L’archive exotique du « siècle des nationalités » », Revue de Littérature comparée n° 1 (2000), p. 19-42, ici p. 38.

[5] Cf. Gabriele Brandstetter, « Gesten des Verfehlens. Epistolographische Aporien in Goethes Wahlverwandtschaften », in Erzählen und Wissen. Paradigmen und Aporien ihrer Inszenierung in Goethes « Wahlverwandtschaften », Gabriele Brandstetter (dir.), Freiburg im Breisgrau, Rombach, 2003, p. 41-63, ici p. 45.

[6] Gustave Flaubert, Correspondance (janvier 1869 – décembre 1875), Paris, Gallimard, 1998, p. 558-559

[7] Roland Barthes, « La partition comme théâtre », in Oeuvres complètes III, 1974-1980, Paris, Seuil, 1995, p. 387-88, ici p. 388. Barthes revient sur l’image de la main dans son travail sur les planches de l’Encyclopédie in : Roland Barthes, « Les planches de l’ »Encyclopédie » », In Le degré zéro de l’écriture. Paris, Seuil, 1972, p. 89-105, ici p. 94 ; àsur l’importance de la main voir aussi Le Roi-Gourhan et Le geste et la parole de Le Roi-Gourhan, cité dans Gerhard Neumann, « Wahrnehmungs-Theater. Semiose zwischen Bild und Schrift », in Inszenierungen in Bild und Schrift, Gerhard Neumann et Claudia Öhlschläger (dirs), Bielfeld, Aisthesis, 2004, p. 81-108.

[8] Cf. Jörg Löffler, Der Kopist als literarische Figur. Schreibszenen in der europäischen Literatur des 19. und 20. Jahrhunderts, Oldenburg : Bibliotheks- und Informationssytem der Universität, Oldenburg, 2005, p. 6.

[9] Francis Bacon, Novum organum scientiarum, 1620 et De la dignité et de l’accroissement des sciences, [De dignitate et augmentis scientiarum], 1623 (paru d’abord en anglais en 1605 sous le titre : The advancement of learning).

[10] Ephraim Chambers, Cyclopaedia ; or, An universal dictionary of arts and sciences, London, 1728.

[11] Cf. Roland Barthes, Oeuvres complètes, III, 1968-1971. Paris, Seuil, 2002, p. 631 (Préface à l’Encyclopédie Bordas, tome VIII : L’Aventure littéraire de l’humanité, I, Bordas, 1970).

[12] Cf. Dominique Maingueneau, L’Analyse du Discours. Introduction aux lectures de l’archive, Paris, Hachette, 1991, p. 22.

[13] Cf. Aleida Assmann, Erinnerungsräume : Formen und Wandlungen des kulturellen Gedächtnisses, München, Beck, 1999, p. 21. « Voraussetzung für das Archiv als einen kollektiven Wissensspeicher sind materiale Datenträger, die als Gedächtnisstützen eingesetzt werden, allen voran die Schrift. Archive sind also von technischen Medien abhängig. »

[14] Jacques Derrida, Mal d’archive, une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995, p. 12-13.

[15] Nils Reschke, « Zeit der Umwendung ». Lektüren der Revolution in Goethes Roman Die Wahlverwandtschaften, Freiburg i. Br./Berlin, Rombach Verlag, 2006, p. 137.

[16] Roland Barthes, « La mort de l’auteur », in Oeuvres complètes, II, 1966-1973, Paris, Seuil, 1995, p. 491-95, ici p. 494.

[17] Anne Herschberg-Pierrot, « Présence de Bouvard et Pécuchet chez Roland Barthes », Œuvres et critiques, XXXIV, n° 1 (2009), p. 33-42, ici p. 36.

[18] « Sie haben Recht – unser Schreibzeug arbeitet mit an unseren Gedanken ». Lettre à Heinrich Köselitz, fin février 1882, in Friedrich Nietzsche, Briefwechsel : Kritische Gesamtausgabe, Berlin, New York, De Gruyter, 1981, p. 172 (ma traduction). Cité par Friedrich Kittler, qui rappelle que Nietzsche s’achète en 1881 une machine à écrire, modèle Malling Hansen, pour des raisons pratiques (il se déplace souvent) et pour des raisons de santé (il est presque aveugle). D’ailleurs, la machine à écrire est à l’origine une invention pour personnes aveugles.

[19] J’utilise les sigles BP pour Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, édition présentée et établie par Claudine Gothot-Mersch, Paris, Gallimard, 1979 et AE pour Goethe, Les affinités électives, traduit par J.-F. Angelloz, Paris, Flammarion, 1992.

[20] Cf. Guy Thuillier, La bureaucratie en France aux XIXe et XXe siècles, Paris, Economica, 1987.

[21] Pour des exemples, voir l’édition préparée par Stéphanie Dord-Crouslé de Bouvard et Pécuchet, Paris, Flammarion, 1999, p. 398 sq. ; pour l’ « intégralité » du Sottisier voir Alberto Cento et Lea Caminiti (dirs.), Le Second volume de « Bouvard et Pécuchet », le projet du « Sottisier », reconstitution conjecturale de la « copie », Naples, Liguori, 1981.

[22] Cf. Stéphanie Dord-Crouslé, « Flaubert et les « Manuels Roret » ou le paradoxe de la vulgarisation. L’art des jardins dans Bouvard et Pécuchet », in Le partage des savoirs XVIIIe – XIXe siècles, Lise Andries (dir.), Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2003, p. 93-118.

[23] « Je suis un homme-plume. Je sens par elle, à cause d’elle, par rapport à elle et beaucoup plus avec elle. » (à Louise Colet le 31 janvier 1852), in Gustave Flaubert, Correspondance (juillet 1851 – décembre 1858), Paris, Gallimard, 1980, p. 42.

[24] Sylvie Thorel-Cailleteau, « La figure de l’employé de bureau », Travailler n° 7, 2002, p. 77-88.

[25] Claudine Gothot-Mersch, qui se base ici sur le travail de René Descharmes et René Dumesnil (Autour de Flaubert II. Etudes historiques et documentaires, Paris, Mercure de France, 1912), précise que cette première publication a été reprise dans le Journal des journaux, numéro de mai 1841, puis dans L’Audience du 7 février 1858 ; cf. l’édition de Cl. Gothot-Mersch, p. 565.

[26] Cf. Friedrich Kittler, Grammophon. Film. Typewriter, Berlin, Brinkmann & Bose, 1986. Voir surtout le chapitre sur la machine à écrire, p. 273 sq. Voir aussi Delphine Gardey, La dactylographe et l’expéditionnaire : histoire des employés de bureau, 1890-1930, Paris, Belin, 2001.

[27] Michel Foucault, « La bibliothèque fantastique », in Travail de Flaubert, Paris, Seuil, 1983, p. 103-122, ici p. 121.

[28] Thorel-Cailleteau, « La figure de l’employé de bureau », art. cit.

[29] Pierre-Marc de Biasi, Gustave Flaubert. Une manière spéciale de vire. Paris, Grasset & Fasquelle, 2009, p. 425 sq.

[30] Roland Barthes, « La crise de la vérité », In Oeuvres complètes III, 1974-1980, Paris, Seuil, 1995, p. 434-37, ici p. 434.

[31] Barthes, « La mort de l’auteur », art. cit., p. 494.

[32] Laurent Adert, Les mots des autres : lieu commun et création romanesque dans les oeuvres de Gustave Flaubert, Nathalie Sarraute et Robert Pinget, Villeneuve d´Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1996, p. 14.

[33] Barthes, « La crise de la vérité », art. cit., p. 435.

[34] Giorgio Agamben, Bartleby ou la création, traduit par Carole Walter, Circé, Paris, 1995, p. 39.

[35] Sur ce thème, voir aussi Jacques Bouveresse, La connaissance de l’écrivain. Sur la littérature, la vérité et la vie, Marseille, Agone, 2008, p. 87 sq.

[36] Flaubert avait des amis-secrétaires, des collaborateurs comme Edmond Laporte ou aussi Guy de Maupassant.

[37] Le Goethe-Handbuch en donne de petites biographies : cf. Christa Rudnik, « Art. Diener/Schreiber », in Goethe-Handbuch, dirigé par Hans-Dietrich Dahnke et Regine Otto. Stuttgart, Weimar, Metzler, 1998, p. 208-212.

[38] Cf. Gerhard Neumann, « Naturwissenschaft und Geschichte als Literatur. Zu Goethes kulturpoetischem Projekt », MLN n° 114/3 (1999), p. 471-502, ici p. 472 ; voir aussi Gerhard Neumann, « Bild und Schrift. Zur Inszenierung von Fiktionalität in Goethes « Wahlverwandtschaften » », Freiburger Universitätsblätter 103 (1989), p. 119-28.

[39] Cf. Thorsten Critzmann, Goethes Wahlverwandtschaften als Jahresmärchen : ein Dialog zwischen Aufklärung und Romantik, Köln, SH-Verlag, 2006.

[40] Cf. J.-F. Angelloz évoque cette évolution dans la note 39 de son édition du roman, p. 345.

[41] Goethe, Ecrits sur l’art, op. cit., p. 95 sq.

[42] Cf. Gerhard Kurz, Metapher, Allegorie, Symbol, Göttingen, Vandenhoeck u. Ruprecht, 1993 ; cf. aussi Tzvetan Todorov, Théories du symbole, Paris, Seuil, 1977 ; sur Goethe en particulier, voir p. 235 sq.

[43] Cf. Norbert Puszkar, « Dämonisches und Dämon : Zur Rolle des Schreibens in Goethes Wahlverwandtschaften », The German Quaterly, 59, n° 3 (1986), p. 414-30.

[44] Thomas Klinkert, « Literatur, Wissenschaft und Wissen – ein Beziehungsdreieck (mit einer Analyse von Jorge Luis Borges’ Tlön, Uqbar, orbis Teritus) », In Literatur, Wissenschaft und Wissen seit der Epochenschwelle um 1800. Theorie – Epistemologie – komparatistische Fallstudien, dirigé par Thomas Klinkert et Monika Neuhofer. Berlin : De Gruyter, 2008, p. 65-86, ici p. 77

[45] . Cf Walter Benjamin, Ursprung des deutschen Trauerspiels, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1996, p. 172. Outre son célèbre essai sur L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, d’autres textes de Benjamin traitent de l’écriture et de l’imitation. Voir en particulier « Über das mimetische Vermögen (1933) », in Medienästhetische Schriften, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 2002, p. 123-26 ; « Der Mensch in der Handschrift (1928) », In Medienästhetische Schriften, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 2002, p. 110-13.

[46] Cf. Lettre de Gustave Flaubert à Louise Colet du 14 août 1853, in Correspondance (juillet 1851 – décembre 1858), op. cit., p. 395

[47] Cf. Norbert Christian Wolf, « Ästhetische Objektivität. Goethes und Flauberts Konzept des Stils », Poetica (Amsterdam), 34, n° 1-2 (2002), p. 125-69.

[48] Barthes, « La crise de la vérité », art. cit., p. 437.

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