Peu de végétaux fascinèrent autant les botanistes que la vallisnère ou vallisneria spiralis, en raison d’une particularité décrite au XVIIIe siècle par l’Italien Pier Antonio Micheli, puis par Linné, qui y vit un admirable exemple de la providence naturelle1. Cette plante subaquatique, qui pousse dans le lit de fleuves comme le Rhône, mais utilise le vent pour sa reproduction, met en contact de façon différenciée ses fleurs mâles et femelles, portées par des individus distincts. Pour gagner l’air libre, les premières se détachent entièrement du pied, tandis que les fleurs femelles restent arrimées à une longue spire, qui ramène l’organe sous la surface des eaux après fécondation. La vallisnère offre ainsi un cas de mobilité végétale qui frappa ses premiers descripteurs autant pour sa complexité que parce que, comme celui de la sensitive, ce « mouvement propre réel2 » semblait rapprocher la vallisnère du règne animal, pour en faire un « intermédiaire entre la plante et l’insecte », voire prouver chez les végétaux l’existence d’une « intelligence liée à la vie3 » ou d’un « instinct amoureux4 ». Aussi les savants des Lumières n’abordent-ils guère la vallisnère sans faire part de leur surprise, ni chercher à communiquer cette stupeur à leurs lecteurs. Picot-Lapeyrouse, par exemple, explique en 1799 qu’un « mécanisme aussi singulier » constitue un vrai « miracle de la nature », une « extraordinaire », « prodigieuse » et « merveilleuse » cause d’« étonnement5 ».
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