SOMMAIRE. Fictions du savoir, savoirs de la fiction.
Epistémocritique Études et recherches sur les relations entre la littérature et les savoirs. Vol. 10 – Printemps 2012 Fictions du savoir.…
Epistémocritique Études et recherches sur les relations entre la littérature et les savoirs. Vol. 10 – Printemps 2012 Fictions du savoir.…
La vérité de la fiction Cette dixième livraison de la revue Epistémocritique est consacrée à la question d’agrégation de littérature comparée…
Résumé : La récurrence des descriptions romanesques de collections ou de cabinets de curiosités dans des romans contemporains des musées ne traduit pas seulement la nostalgie de Goethe, de Melville ou de Flaubert pour une episteme moderne. Elle est l’occasion de réfléchir aux limites des modes d’exposition du savoir contemporain et de désigner les risques de la spécialisation des savoirs en cours. Mais l’insertion dans le roman de ces cabinets est aussi une gageure : le roman y éprouve ses capacités à décrire et à exposer ainsi qu’à faire signe vers une réalité extérieure, pétrifiée dans chacun des objets décrits. Dans les cabinets de curiosités qui envahissent les musées romanesques des Wahlverwandtschaften, de Mardi et de Bouvard et Pécuchet, se jouent la mise en abyme de l’appréhension savante du monde ainsi que la possibilité, pour le genre romanesque, d’échapper à l’impératif mimétique aristotélicien sans renoncer toutefois à l’exigence de référentialité. Entre l’exhaustivité réaliste (même illusoire) et l’exemplarité allégorique, les trois romans étudiés élaborent plusieurs articulations possibles du texte de fiction au monde.
Résumé : Cet article réfléchit sur le rapport problématique entre fiction et savoir, en s'appuyant sur la théorie des systèmes luhmannienne. Selon cette analyse, lorsqu’un texte de fiction contient des éléments épistémiques, ceux-ci sont soumis à un « double codage », épistémique et esthétique, ce qui leur donne une fonction potentiellement auto-réflexive. Cette thèse est illustrée par une analyse d’À la recherche du temps perdu, qui montre l'hésitation du narrateur entre une position mettant sur le même plan l’écrivain et le scientifique et une position affirmant la différence entre les deux.
Résumé: La recherche d’une belle étrangère, disparue, à travers l’archipel de Mardi se double de la quête d’une vérité qui ne cesse de se dérober. Le narrateur qui se fait passer pour un demi-dieu incarne la tentation du savoir absolu. En contrepoint, les commentaires ironiques de ses compagnons de voyage mettent en lumière les limites prosaïques de la connaissance humaine. Il ne subsiste du rêve encyclopédique que des bribes burlesques. En définitive, la connaissance repose sur une forme de croyance et la foi en la science confine à la folie.
Abstract: Entre le tournant copernicien négocié par Kepler et Galilée, et la rupture opérée par Newton, l’astronomie reste une science conjecturelle. Le débat cosmologique fait rage et s’appuie bien souvent sur des outils que nous ne considérons plus comme scientifiques : des récits, des images, des fictions. Dans les textes astronomiques du XVIIe siècle, à la fois sérieux et ludiques, scientifiques et imaginaires, se joue moins une « révolution astronomique » qu’une lente acceptation de l’idée d’une Terre excentrée dans un cosmos infini. La bataille doit d’abord être gagnée sur le front des images. Au cosmos ancien il faut substituer un cosmos élargi, transformé, un ordre des planètes bouleversé. Dans ce contexte, la fiction et le récit jouent un rôle central, car ils permettent de substituer une nouvelle image mentale du cosmos à l’ancienne. Seule la fiction peut permettre de dépasser les limitations du réel observable pour trouver un point de vue nouveau d’où décrire le monde.
This article highlights the link between the mid-nineteenth-century context of cultural and political nationalism in the United States and the theme of the quest for truth in Herman Melville’s third book, Mardi: and A Voyage Thither, published in 1849. From this perspective, it examines Melville’s use of the romance genre, the imperialistic nature of the narrative voice and a tendency towards fragmentation in both the work’s structure and themes. All of these elements, it is suggested, serve to make Mardi not only Melville’s dramatic, if flawed, debut in the world of literary creation, but also a work which acts out a very American quest for truth.
Cet article étudie une manière de philosopher propre à l’écrivain. La littérature est une expérience de pensée et la poétique du roman une philosophie en acte. S’éloignant radicalement du modèle balzacien, Flaubert invente un roman des représentations, une archéologie des savoirs en farce. Il n’y a que des manières de voir, dit-il. La vérité est impossible et le monde semble perdu derrière l’écran des représentations. Attiré par le bouddhisme, lecteur tardif de Schopenhauer, Flaubert perd-il le sens du réel ? La poétique critique de Bouvard et Pécuchet donne vie à une interrogation philosophique.
Avec les Affinités électives, Goethe écrit une nouvelle fois l’histoire d’une passion tragique. Au centre de la trame romanesque en effet…
Résumé : Dans Bouvard et Pécuchet, Flaubert fait l’éloge du savoir médical mais ironise sur les compétences des thérapeutes, dont il montre souvent les échecs. Mais il dénonce surtout l’émergence d’un biopouvoir qui donne aux médecins le contrôle sur le corps social. Cette attitude, qui peut s’expliquer par le milieu dans lequel a vécu l’écrivain, traduit une philosophie libertaire et antipositiviste : Flaubert choisit l’Art contre la science.
Cet article retrace le portrait des savoirs et de leur diffusion que Flaubert présente dans Bouvard et Pécuchet à partir du « cadavre postiche » que les deux bonshommes manipulent au début du roman. En analysant comment les savoirs s’agencent tout au long du roman dès l’initiation des deux compères à l’anatomie, nous montrerons comment Flaubert se sert de la science médicale et de sa construction du corps humain pour démonter les mécanismes de l’ensemble des savoirs, d’une part, et comment ce discours permet à l’auteur, d’autre part, de mettre à nu un discours littéraire fondé sur des stéréotypes, notamment physiologiques, et qui participent, à l’image du mannequin, de la constitution d’un réel artificiel. Par conséquent, à partir de l’exemple d’un modèle anatomique humain, nous soulignerons comment Flaubert soulève la question d’une représentation réaliste dans un monde où l’artifice et le faux viennent rythmer des mises en scène spectaculaires.
Résumé : Chez Malcolm Lowry, la fiction ne se laisse pas réduire à une modalité particulière de la narration ; elle réside dans l’affirmation qu’il a pour origine l’individu présenté comme son « auteur ». En d’autres termes, elle est une modalité du rapport au langage écrit, et la question qu’elle pose est celle de la lettre et de son usage. Par là, elle interroge sans distinction tous les savoirs, dont la pérennité dépend, dans notre culture, de leur transmission écrite ; bien plus, elle en propose une réinterprétation à la lumière de l'expérience corporelle, seule à même, chez Lowry, de rendre pleinement compte de la relation à l’écriture. Cette problématique est abordée à la lumière de « The Plagiarist », court poème rédigé pendant les années 1940 et donc contemporain de Under the Volcano où l’on voit réapparaître, formulées de manière plus développée, quelques-unes des questions qu’il pose.