La question de l’homme chez Rousseau l’amène à celle de l’origine humaine. Loin cependant de se perdre dans une rêverie confuse, ses spéculations se règlent sur une stricte exigence méthodologique combinant rigoureusement réflexion, observation, imagination et raisonnement. Cette démarche rencontre, parfois de façon frappante, la paléoanthropologie contemporaine sur de nombreux aspects, ce qui, d’un côté, ne doit pas pousser à voir imprudemment en Rousseau un précurseur et à négliger les points de divergence par ailleurs, mais, d’un autre côté, ne permet pas de justifier de renvoyer ces convergences à des naïvetés anachroniques et des coïncidences sans fondement. Bien plutôt, on s’attache à comprendre comment, sans base objective autre qu’anthropologique et comparative (avec entre autres l’animal), cette démarche théorique peut produire de tels effets de proximité avec une science paléoanthropologique appuyée sur des données factuelles nombreuses et des collaborations avec d’autres sciences. Au-delà en effet des convergences dont on s’applique à recenser autant que possible les points principaux, il s’agit de comprendre les fondements théoriques de la démarche et de répondre aux réserves que peuvent susciter certains de ses postulats, en particulier celui de la non-sociabilité possible de nos ancêtres. Ainsi, si la reconstitution des origines permet à Rousseau de construire son anthropologie en dégageant le noyau de nature qui en sera le point théorique de départ, et de penser ainsi l’historicité humaine, cette anthropologie lui rend possible réciproquement, de bien des manières, d’envisager, sur un mode explicitement conditionnel et conjectural, ce qui deviendra, plus d’un siècle après, la préhistoire humaine.