9 – Répliques : les images latentes de la catastrophe
Sont mis en perspective trois ensembles d’œuvres graphiques contemporaines pour lesquels les artistes ont procédé selon diverses modalités, à des reprises dessinées de documents photographiques témoignant de catastrophes humaines et écologiques. Pour l’ensemble Mélanophila II, 2003-2008, Dove Allouche a consacré cinq années à retranscrire à la mine graphite avec un maximum de densité, cent quarante photographies qu’il avait prises de toute urgence sur le site dévasté d’un spectaculaire incendie de forêt d’eucalyptus au Portugal. Son programme graphique articule destruction-création-reconstitution. Léa Belooussovitch use de documents photographiques relayés par les médias pour témoigner de catastrophes humaines contemporaines. À l’insoutenable de ces représentations, elle réplique par des « remises au point réparatrices », au crayon de couleur sur de vastes supports en feutre. Les images-sources dans leurs reprises feutrées apparaissent « floutées » mais se donnent à lire au travers de titres qui font retentir les évènements. L’ensemble de dessins photogéniques Dix mille degrés sur la place de la paix, 2018-2020, réalisé au graphite sur papier par Éric Manigaud, à partir des photographies témoigne directement de la destruction d’Hiroshima. Alors que la catastrophe elle-même a été photographique, les répliques de ces images survivantes, transférées par les moyens du dessin, sont matériellement pulvérisées. À l’ombre de leurs modèles photographiques, ces trois ensembles dessinés, selon des processus de distanciation et de reconstitution singuliers, mettent en crise la représentation évidente, instantanée, et médiatique de l’évènement destructeur. L’expérience perceptuelle engage également le regardeur dans des (re)prises en charge, tout à la fois visuelles, imaginaires et politiques.