Projections: Des organes hors du Corps
Les Actes du Colloque international Projections: Des Organes hors du corps sont en ligne ci-dessous au format PDF. Lien par articles.
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Depuis un certain nombre d’année je puise dans le corpus de poésie québécoise des fragments de discours, des citations scientifiques qui ont donné lieu à un long inventaire, qui pourrait constituer mis bout à bout un seul texte qui remonte aux années 1900 et qui se poursuit encore de nos jours, tout en restant difficilement saisissable parce qu’il est le résultat de centaines d’éclats, aussi bien dire des particules (quand j’y jette un regard optimiste) ou des débris (quand je m’interroge sur la pertinence de ma démarche). Ce long texte bigarré, anecdotique, peut-être même très peu digne de l’intérêt que j’oblige mon lecteur à lui porter en ce moment, entre autres parce qu’il ne donne aucune garantie de réussite esthétique des poèmes retenus, me pose tout de même des questions sur les rapports que peuvent entretenir la poésie et la science.
La présente étude se propose d’examiner, dans une approche épistémocritique, les différentes modalités de fonctionnement du savoir médical dans La Vie devant soi. Nous ne ferons qu’en noter la fonction référentielle — l’illusion de la réalité d’un univers marqué par le vieillissement, la maladie et la mort passant obligatoirement par l’introduction d’une composante médicale —, pour nous concentrer sur l’analyse de fonctions plus spécifiques.
Les articles réunis dans cet ensemble sont issus d'un séminaire tenu à l'Université de Montréal en 2008 sous le titre «Le Corps réinventé».
Oh! My friend, if you had known me as I once was you would not recognise me in this state of degradation . MARY SHELLEY [[Mary Shelley, Frankenstein or The Modern Prometheus, coll. « Wordsworth Classics », Ware, Angleterre: Wordsworth Editions, 1999 [1831], 175 p. Les citations sont toutes tirées de cette édition.]] Le corps est omniprésent dans le roman Frankenstein; il traverse le texte tant sur les plans narratif, thématique, symbolique, qu’idéologique. Par ses multiples occurrences, il se retrouve au carrefour de différents savoirs qui y sont à l’œuvre, scientifiques bien sûr (le roman est considéré par certains comme le premier roman de science-fiction, notamment par Brian Aldiss ), mais aussi politiques.
Au XXe siècle, et plus encore depuis les années soixante avec l’avènement de la libération sexuelle et le féminisme, le corps s’est affranchi des anciennes contraintes sociales et morales de la société. Le corps est alors réinventé et devient un instrument de pratiques sociales, un corps organique, un corps subjectif, enfin, un corps matériel, exploité par plusieurs artistes et auteurs qui en font un objet de représentation.
Pierre Guyotat tente d’opposer un monde au monde. Malgré l'illisibilité prétendue de ses textes, ne faut-il pas supposer plutôt une incapacité des lecteurs d’aujourd’hui, aliénés par une société du spectacle et la domination?
Littérature et folie. Création et maladie mentale. Voilà des associations presque naturelles – ne dit-on pas que le génie frise la folie... Malgré le caractère éculé de cette maxime, le lien étroit qui unit création et folie fascine toujours. Il s’agit d’un terrain abondamment sondé (avec les innombrables études de cas comme ceux de Vincent van Gogh, Virginia Woolf, Antonin Artaud, Hubert Aquin, pour n’en nommer que quelques-uns) et pourtant résolument insondable. C’est pourquoi il ne sera pas question ici de trancher chirurgicalement la question, de décider une fois pour toutes si le génie engendre la folie / si une certaine forme de folie est nécessaire à la création / ou si, au contraire, maladie mentale et création demeurent incompatibles. Dans le cadre de ce questionnement sur la place des savoirs dans la littérature, il apparaît plutôt intéressant d’essayer de voir jusqu’à quel point l’esprit considéré comme malade est à même de récupérer le discours de la psychologie et de la psychiatrie modernes afin de produire un objet artistique.
La figure littéraire du médecin jouit depuis des siècles d’une carrière florissante. Qu’il soit malhonnête comme le Purgon de Molière, bienfaisant comme le Pascal de Zola ou insane comme le faux Lerne de Renard, le docteur alimente un imaginaire complexe et bigarré. Il n’empêche, il est tout à fait concevable qu’existe un « degré zéro » du médecin, un type à partir duquel s’élaborent les déviances les plus diverses. De nombreux auteurs, par un travail spécifique d’écriture, jouent avec cette figure, en ironisent les caractéristiques, en déplacent les frontières. De cette mise à distance naissent maints personnages de savants qui participent à la constitution d’un état de la science médicale à un moment donné dans une société donnée.
Louis-Ferdinand Céline est demeuré médecin et écrivain jusqu'à la ï¬n de sa vie. La médecine et l'écriture étaient-elles pour lui des pratiques continues ou discontinues? Le savoir médical compte-t-il pour quelque chose dans cette écriture, ou est-ce seulement la posture du médecin qui est signiï¬cative? Quel est le sens de cette attirance qui a toujours porté Céline vers la pauvreté, et qui s'est manifestée tant dans sa pratique médicale que dans son activité d'écrivain?