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« Und dennoch gibt es ein solches Thier würklich » : Le discours réflexif sur la microscopie des « petits animaux aquatiques » dans l’œuvre de Johann Conrad Eichhorn

L’œuvre du prêtre et microscopiste amateur Johann Conrad Eichhorn (1718-1790) se situe à la marge du discours scientifique de la fin du XVIIIe siècle. Résolument ancrée dans une pratique d’observation individuelle – qui se traduit également par le choix de donner des noms vernaculaires aux animalcules observés –, elle n’est appréciée des contemporains et des historiens de la science que pour la qualité de ses dessins. Cet article propose d’étudier cette œuvre non pas sous l’angle d’une histoire des découvertes ou du progrès scientifique, mais en mettant en avant les traits caractéristiques de son ‘discours réflexif’ (Jutta Schickore) sur la microscopie. Cette attention portée aux choix du langage et aux dispositifs visuels des deux livres publiés par Eichhorn permet de montrer que la particularité de son œuvre ne se situe pas seulement au niveau de son amateurisme un peu anachronique, mais surtout dans une volonté d’inscrire sa recherche dans une vision physico-théologique du monde. Cette vision lui permet, en outre, d’aborder la microscopie des ‘petits animaux aquatiques’ à la fois comme un problème cognitif et un défi de communication (Marc Ratcliff).

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Sur la spectacularité de l’hypnotisme clinique : catharsis empêchée, dépense d’acteur et connivence scénique

Le présent article approfondit un rapprochement amorcé par les études de psychologie d’une part, et d’esthétique d’autre part : celui qui tresse le paradigme hypnotique – tel qu’il s’est constitué dans les années 1870 sous le patronage expérimental de Jean-Martin Charcot – et le dispositif théâtral. Cet article propose un angle d’approche spécifiquement théâtral sur la question ; appréhendant les notions de catharsis et de rejeu à l’aune de l’hypnose ; formulant l’hypothèse d’un parallèle entre l’acteur de théâtre et le sujet hypnotique ; abordant enfin la question de la complicité scénique établie entre les partenaires d’une expérience publique – qu’elle soit clinique ou scénique.

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Un microscope de plus : interprétation et relecture de l’image scientifique dans l’épistémologie de Diderot

La méthode diderotienne consistant à baser son interprétation de la nature sur les recherches expérimentales d’autrui dote le philosophe d’une grande indépendance lors de l’évaluation des résultats. Le Rêve de d’Alembert en fait la preuve, et non des moindres, en présentant un protagoniste fictionnel qui répète en le mimant le regard microscopique de John Turberville Needham. Ce dernier, bien qu’ayant révoqué et corrigé à plus d’un titre les principes métaphysiques de sa biologie moléculaire au cours des années 1760, est souvent envisagé de manière très caricaturale, en raison notamment de la polémique que Voltaire lança à l’encontre de ses théories. Se refusant à une telle critique, Diderot lui-même donne une explication de son image déiste de la goutte d’eau sous le microscope à la lumière du transformisme et du matérialisme.

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« C’est la faute à Roucher… » Gloire et déclin de la poésie scientifique dans Les Mois

Le frontispice du premier des deux volumes in quarto de l’édition originale des Mois de Jean-Antoine Roucher, parue en 1779 avec une liste de souscripteurs impressionnante, affiche une ambition que d’aucuns pourraient juger démesurée et qui ne va pas sans rappeler les prétentions de M. de l’Empyrée, le poète ridicule de La Métromanie de Piron. En effet, la légende qui accompagne la belle gravure d’après Moreau le jeune affirme : « Mes chants reproduiront tout l’ouvrage des Dieux ». Même avec plusieurs milliers de vers, l’on est fondé à supposer que la place accordée à la science ne sera pas considérable pour un poème qui se fixe un tel but. Avant d’aller plus loin, il convient sans doute de se demander si l’on ne pourrait pas attendre une division nette entre l’ouvrage des Dieux et celui des hommes, même si dans la grande tradition des Saint-Lambert et des Delille, les sciences servent souvent à mettre en évidence le génie de la nature. Je voudrais montrer que Roucher s’inscrit dans une généalogie ou une tradition de poètes scientifiques, ayant Lucrèce, entre autres, pour modèle.

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Des esprits animaux aux esprits élémentaires : physiologie et poétique chez Tiphaigne de La Roche.

Résumé : Tiphaigne de La Roche est un médecin et auteur du XVIIIe siècle, savant et habile compilateur ; son œuvre est placée sous le signe de la diversité générique : outre ses travaux proprement scientifiques, ses fictions ressortissent à plusieurs genres tels que le songe satirique, la fiction à vocation scientifique, le conte philosophique... la polyphonie observée dans ses ouvrages entre en résonance avec la diversité générique et la multiplication des thématiques abordées. Mais une constante demeure : la présence d’esprits au rôle des plus étonnants chez cet adversaire du systématisme philosophique et du matérialisme. Tantôt, il fonde telle théorie physiologique sur les esprits animaux (la théorie des sympathies ou la génération, par exemple), tantôt il joue sur une personnification de ces « êtres » devenant quasi-merveilleux. Et l’on dérive alors des esprits animaux vers les esprits élémentaires : cette filiation est celle qui autorise le glissement du discours scientifique ou philosophique vers l’invention et la fantaisie littéraires. S’agit-il d’une simple métaphore ou de l’expression d’une continuité ? Quand le médecin se fait fabuliste, les esprits sont le lien à la fois poétique et scientifique entre les domaines de l’imaginaire et de la connaissance, un lien peut-être plus épistémologique qu’on ne pourrait le croire : il s’agira ici de montrer comment ces éléments essentiels de l’œuvre de Tiphaigne de La Roche animent sa pensée et son écriture. Mots clés : Tiphaigne de La Roche, Siècle des Lumières, Sciences, poétique, esprits animaux, esprits élémentaires, fantaisie.

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BORGES ET L’IDÉE DU MULTIVERS

L’œuvre de Borges est remplie d’exercices de transgression interdisciplinaire. Sa tendance à explorer les possibilités littéraires des idées philosophiques et scientifiques lui a souvent permis de devancer les investigations les plus conventionnelles dans le domaine de la pensée. Dans cette étude on aborde les résonances de ses spéculations concernant la configuration spatio- temporelle de la réalité, des spéculations qui sont proches de l’idée du multivers qui concentre actuellement un grande partie des discussions dans le domaine de la cosmologie scientifique. Mots-clés : Borges, multivers, pensée scientifique

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Nosographies fictives. Le récit de cas est-il un genre littéraire ?

L’enjeu de cet article est double : cerner l’influence du récit de cas sur la littérature du XIXe siècle afin de voir si l’on peut lui attribuer les caractéristiques d’un « genre » ; se demander, en retour, si les « observations » médicales, en particulier dans le cas de la psychiatrie, ne témoignent pas elles-mêmes d’une forme de pratique littéraire, qui serait le pendant de la pratique de la littérature par des médecins souvent lettrés, se plaisant à trouver dans des œuvres de fiction des modèles d’observation perspicace, ou dans la personnalité de leurs auteurs des cas cliniquement éloquents. Envisagé sous l’angle, formel, du récit de cas, ce croisement entre littérature et science devrait permettre d’interroger la porosité d’un « genre » compris comme une forme de discours à la fois spécifique et mixte : spécifique puisqu’elle relèverait d’une « convention pragmatique » (selon Antoine Compagnon1) et d’un acte rhétorique bien identifiables ; mixte, dans la mesure où les domaines l’actualisant sont a priori régis par des codes (voire des « cultures ») très dissemblables. Téléchargez cet article au format PDF: pdf/Marquer.pdf

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Le Tableau de l’opération de la taille de Marin Marais

Dans son dernier livre pour viole de gambe et basse continue, le livre V de ses compositions, Marin Marais compose une curieuse pièce au titre évocateur : Le Tableau de l’Operation de la Taille. Ce titre renvoie à une opération chirurgicale redoutée pendant la période baroque : la lithotomie, ou l’extraction de la pierre. Au dessous des notes, le compositeur fait ajouter, lors d’un second tirage de la même gravure, des courtes indications descriptives de l’opération. Œuvre particulière du corpus maraisien, l’opération de la taille associe jeu violistique virtuose et texte cru, trivial. Geste musical ? geste théâtral ? Le Tableau de l’Operation de la Taille pose le problème de la dramaturgie musicale et du lien entre le texte et la musique.

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« C’est le cas qui donne le plus de liberté pour imaginer » : vertige de l’invisible, euphorie du possible et tentation de l’ordre dans la recherche microscopique selon Jean Senebier

L’observation au microscope, de par la nature inattendue des objets et phénomènes qu’elle révèle, se profile, dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, comme un vecteur de crises pour la philosophie expérimentale. Les animalcules qui apparaissent dans les infusions végétales font éclater des certitudes qu’on croyait établies à propos de la vie, de la mort et de la génération animale, et instaurent la perspective vertigineuse d’une réalité soumise à des lois nouvelles qui, en retour, pourrait être inaccessible même aux meilleurs instruments. Cet article montre comment ce particularisme épistémologique permet, sous la plume de Jean Senebier (1748- 1809) de réhabiliter l’imagination – seul outil d’investigation disponible aux limites de l’observable –, dans un contexte expérimental qui lui est pourtant hostile. Située entre la tentation euphorisante d’explorer la diversité des possibles et celle de les réduire à l’unité de quelques principes universels, l’imagination chez Senebier doit avant tout être soumise à un contrôle dont les modalités se déploient grâce aux dispositifs textuels employés par le savant.

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Des esprits animaux atomiques ? Une interprétation pour l’origine de l’âme matérielle du XVIIIe siècle. De Telesio à Sade

Résumé : De Démocrite à Sade, on observe le développement d'une longue tradition philosophique et littéraire qui a supposé l'âme comme étant matérielle, capable de se dissoudre au moment de la mort, puis de s'intégrer à la nature. La substance de l'âme était tantôt corpusculaire, comme le soutenaient les Atomistes, tantôt continue, ainsi que le défendaient les Stoïciens. Mais il semble qu'à partir du XVIème siècle, il y ait eu une confusion entre les deux approches, de sorte que la substance de l'âme matérielle devient au fur et à mesure un fluide paradoxalement corpusculaire. Chez Sade par exemple, les esprits animaux sont assimilés à un fluide nerveux électrique qui se compose d'atomes. Et pourtant, un siècle plus tôt, un esprit animal atomique se trouvait déjà chez Gassendi, Willis et Newton. Il apparaît que c'est Telesio qui a initié ce mouvement – en mélangeant la notion d'âme telle que défendue par les Stoïciens avec celle de Lucrèce –, dont le modèle a été ensuite emprunté par son disciple, Campanella. Dans cet article, nous proposons d'examiner la tradition de l'âme matérielle envisagée comme un fluide subtil constitué de particules, voire d'esprits animaux atomiques. Nous essayerons de montrer que l'hypothèse est moins paradoxale qu'il n'y paraît au premier abord. Mots-clés : esprits animaux atomiques, âme matérielle, atomes, pneuma, physique stoïcienne, physique atomiste, XVIème-XVIIIème siècles.

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Astronomie et poésie didactique en France. Enquête sur la disparition du genre

Au tournant du XIXe siècle, la France accuse encore un certain retard en matière d’astronomie . Conscients de la lenteur avec laquelle les nouvelles théories de l’univers sont diffusées parmi leurs contemporains, les savants demandent aux poètes des vers aptes à les populariser. Les poètes répondent à l’appel et plusieurs astronomies en vers sont publiées dès les premières décennies du XIXe siècle : Dominique Ricard, La Sphère, poème en huit chants (1796) ; Gudin de la Brenellerie, L’Astronomie, poème en trois chants (1800) ; Népomucène-Louis Lemercier, L’Atlantiade ou la théogonie newtonienne, poème en six chants (1812) ; Pierre Daru, L’Astronomie, poème en six chants (1830).

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LES COMPTES DE CHARLES PERRAULT OU PARALLÈLE DES FABLES ANCIENNES ET DES MATHÉMATIQUES MODERNES

L’inscription d’idées et de structures mathématiques dans les œuvres littéraires est une réalité qui parcourt l’histoire de la littérature comme un courant souterrain qui émerge parfois avec force. Le conte est un genre qui – comme l’indique nettement l’étymologie que ce mot partage avec « compte » – manifeste même dans les récits les plus élémentaires un rapport étroit entre la narration et le calcul arithmétique. De même qu’au XIXe siècle Edgar Allan Poe révolutionna le genre en créant le « conte algébrique », un siècle et demi auparavant Charles Perrault avait inventé le « conte arithmétique ». Dans plusieurs de ses Contes du temps passé, cet écrivain avait semé ses narrations de nombres qui composent un système de reprises parfaitement calculé. Plus particulièrement, Le Petit Poucet se révèle au lecteur attentif comme une figuration du calcul, de telle sorte que le héros semble suivre du début à la fin un itinéraire qui reproduit l’histoire des mathématiques, en allant du calcul le plus élémentaire (en comptant sur les dix doigts, en employant des cailloux) pour finir par réaliser des opérations bien plus complexes. En partant d’un incipit où le narrateur met à l’épreuve le savoir mathématique de ses lecteurs et en aboutissant à un excipit qui offre de façon singulière deux possibles dénouements auxquels le lecteur est confronté comme à un problème, Perrault compose un « conte de comptes », un véritable récit allégorique où il intègre le savoir mathématique de son temps (nombres logarithmiques, Grand chiffre, abaque rhabdologique, machine arithmétique de Pascal) dont à la même époque il avait mis en évidence dans ses autres écrits, du Parallèle des Anciens et des Modernes aux Hommes illustres, le rôle essentiel que cette science jouait au siècle de Louis le Grand. Mots-clés : Charles Perrault, conte arithmétique, connaissance mathématique

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Évolutionnisme et modèles d’interdisciplinarité : Haeckel, Quinet, Symonds et Spencer

Au cours du XIXe siècle, en France, mais aussi dans les autres pays occidentaux, le partage des disciplines se transforme. Non seulement la nomenclature des sciences change ainsi que le paysage des institutions qui ont en charge de les développer et les diffuser, mais la conception de la culture elle-même est modifiée. Si l’on entend par culture l’ensemble des savoirs et des pratiques qui se transmettent par tradition et s’enrichissent par les créations d’œuvres de l’esprit, cette culture est traditionnellement découpée en domaines dont chacun est régi par des règles, repose sur des valeurs et suppose des usages particuliers. Les domaines de la culture se superposent plus ou moins aux disciplines de l’esprit et en tous cas, les changements dans l’une supposent à plus ou moins long terme des réformes dans les autres, et vice-versa. On peut faire l’hypothèse qu’une invention culturelle telle que l’évolutionnisme, développée tout particulièrement dans la seconde moitié du XIXe siècle, n’a pas eu pour seul effet de modifier la structure interne du domaine des sciences de la nature mais a suscité une reconfiguration des relations entre différents domaines et notamment de nouveaux modèles d’interdisciplinarité entre sciences et lettres. Téléchargez cet article au format PDF: pdf/Walin.pdf

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Être actrice et mourir phtisique. Une malédiction de l’époque romantique

À l’époque romantique, les acteurs et plus encore les actrices sont supposés ressentir les émois de leur personnage. Au moment où le vitalisme ne fait plus autorité dans le monde médical, l’idée que la vie d’un sujet est d’autant plus brève que les passions qu’il a vécues ont été plus ardentes continue de hanter les imaginaires. La question se pose : intérioriser les tourments des personnages met-il en danger la santé des actrices ? Julie de Faramond tente d’y répondre en se penchant sur le cas de la phtisie, un mal qui, suivant la conception de l’époque, consumait les fonctions vitales de l’intérieur.

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L’encyclopédisme des Questions sur l’Encyclopédie de Voltaire ?

Œuvre de vieillesse, située dans le sillage de l’Encyclopédie, les Questions sur l’Encyclopédie de Voltaire, cette « petite encyclopédie » de 440 articles se présente comme l’ouvrage d’ « amateurs », qui se déclarent « douteurs et non docteurs ». Voltaire cultive la fiction d’une œuvre collective, mais une dizaine d’articles tout au plus bénéficie de l’apport de collaborateurs. Fort d’une culture nourrie des recherches qui ont alimenté son abondante polygraphie, possesseur une grande bibliothèque, Voltaire se livre à un encyclopédisme militant, au service des Lumières. Même pour des orientations intellectuelles semblables dans le traitement des sujets, le lecteur d’articles de l’Encyclopédie et des Questions sur l’Encyclopédie se trouve confronté d’une part à l’esprit de sérieux, au souci d’informer, d’autre part à un parti-pris d’agrément, à des essais percutants. Même liberté de Voltaire dans le choix des entrées, dans sa relation tantôt affichée, tantôt réelle, mais dissimulée, tantôt absente avec l’Encyclopédie. Les questions posées à l’Encyclopédie s’effacent au profit d’une encyclopédie de sa pensée. Mots-clefs : Encyclopédie ; bibliothèque ; encyclopédisme militant ; œuvre pseudo-collective ; encyclopédisme en liberté.

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Comment ‘envisionner’ un phénomène ? L’exemple de Horace-Bénédict de Saussure (1765)

Pour comprendre la construction du fait scientifique, il est nécessaire de tenir compte d’une dimension négligée par les historiens des sciences : les transformations du savant. À travers l’exemple de la découverte de la division des infusoires par Horace-Bénédict de Saussure en 1765, cet article étudie la nature de ces transformations et la manière dont elles s’opèrent. Leur reconstruction s’effectue ici par une analyse des cahiers de laboratoire du savant, qui font dans un premier temps ressortir les techniques de visualisation des êtres microscopiques. Peu à peu, Saussure se trouve pris dans des processus plus puissants, notamment l’envisionnement, qui consiste à parvenir à voir des choses que l’on n’a pas appris à connaître. L’élaboration de ce processus se laisse appréhender dans les cahiers à travers la construction des envisionneurs, c’est-à-dire des déterminations catégorielles-perceptives spécifiques qui permettent au savant de voir tels aspects du phénomène jusque-là inconnus, et par conséquent de le déterminer. Artisan de ses expérimentations aussi bien qu’ouvrier interne, le savant construit de nouveaux outils concrets mais aussi mentaux, ainsi qu’un contexte de réalité, le tout lui permettant de voir ce à quoi d’autres ne peuvent accéder faute d’avoir élaboré les mêmes outils. C’est pourquoi, face au fait scientifique, les envisionneurs constituent une forme d’évidenciation dont le rôle va bien au-delà de la seule conviction rhétorique.

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Sade et les esprits animaux : Du matérialisme électrique au stoïcisme passionné

Mots-clés : Sade, esprits animaux, Descartes, nerfs, électricité, stoïcisme, passions, apathie Résumé : La doctrine des esprits animaux joue un rôle important dans la philosophie de Sade, en particulier dans sa théorie des passions. Sade modifie consciemment la notion d’« esprits animaux » par rapport à la tradition de la première modernité, en la déplaçant au sein d’un « matérialisme électrique ». L’idée d’énergie appliquée aux esprits animaux annule le dualisme cartésien, permettant un nouveau lien entre vie psychique et mécanismes physiologiques. Cette conception électrique des esprits animaux permet de mieux comprendre le rapport entre le physique et le moral dans le nouveau modèle anthropologique défendu par Sade : le libertin. Au refus cartésien des passions, le ‘divin Marquis’ oppose une forme originelle de « stoïcisme passionné ». Le contrôle des passions, généralement considéré comme but ultime d’un parcours de sagesse spirituelle qui conduit l’individu à se soumettre à un ordre supérieur, devient le moyen d’accéder à la pleine expression, égotique et totalement terrestre, de la dimension passionnelle.

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Littérature et science sociale au XIXe siècle (note sur un parcours de recherche)

Permettez-moi d’évoquer ici plusieurs des apories auxquelles j’ai dû faire face au cours des quinze dernières années, lorsqu’il s’est agi pour moi d’échafauder une histoire comparée de la littérature et des sciences sociales, et donc de réfléchir aux manières de décrire les rapports entre les sciences et la littérature. Mon cas n’a aucun intérêt en soi, bien évidemment, mais il pourrait exemplifier des traits propres à une certaine communauté de chercheurs que fédèrent des préoccupations similaires et des difficultés analogues. Les quelques éléments de réflexion que j’aimerais vous soumettre aujourd’hui s’inscrivent dans le prolongement de mon travail de thèse sur la notion de « type » au XIXe siècle. Je m’y étais interrogé sur les raisons pour lesquelles on en est venu dès les années 1820, aussi bien dans la littérature que dans les enquêtes sociales, à décrire la société à partir des « types » qui la composent soudain dans l’expérience ordinaire (le type du petit-bourgeois, du rentier, de la femme comme il faut, de l’ouvrier imprévoyant, etc.). Je me suis demandé comment la notion de « type » s’était imposée durant la première moitié du XIXe siècle comme une catégorie de description de la réalité concurrente à celles de « classes sociales » ou de « professions » — comment elle s’était imposée non pas seulement en histoire naturelle ou dans les sciences médicales, où son sens était d’ailleurs un peu différent, mais dans le roman, « la science sociale » (comme on l’appelait à l’époque), l’histoire post-romantique ou l’anthropologie naissante. Téléchargez cet article au format PDF: pdf/David.pdf

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Telling the Story of Life Twice: Henry Knipe and the Versification of Natural History

The History of Life, sometimes called the Evolutionary Epic , is a genre straddling science and literature that came into being in the middle of the nineteenth century as a way of presenting a synthesizing overview of the findings of the new discipline of palæontology. Although the palæontologists themselves usually concentrated in their writings on the meticulous description of a specific kind of fossil remains or a particular find, there was clearly space for more general accounts that would attempt to encapsulate 'the story as a whole’, summarising the entire 'History of Life’ from its first foundations to the present day. It would be an extraordinary but purely factual history, a veritable Bildundsroman with Life itself as the hero.

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L’ŒIL DE L’ETHNOGRAPHE

Le texte propose une réflexion sur le voyage ethnographique et sur la formation de l’ethnologue qui y est associée. Cette réflexion se fait par une voie oblique : l’examen d’un texte de l’écrivain et anthropologue Michel Leiris (1901-1990), publié dans Documents et écrit peu avant son premier voyage de terrain en Afrique, alors qu’il intègre la Mission Ethnographique et Linguistique Dakar-Djibouti (1931-1933). Il s’agit d’examiner les références intellectuelles de Michel Leiris en phase de formation comme ethnologue et les rapports entre littérature et ethnographie dans son œuvre. Mots-clés : Michel Leiris, « L’œil de l’ethnographe », voyage et ethnographie, Raymond Roussel, Georges Bataille

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Corps extrêmes : chirurgie et performance dans l’art contemporain

Longtemps érigées en spectacles, puis interdites aux regards profanes au début du XXe siècle, les opérations chirurgicales ont retrouvé une forme de théâtralité dans les années 1990, avec le développement de performances artistiques mobilisant le concours de chirurgiens et les moyens de la médecine lourde, en particulier chez ORLAN, Kac et Stelarc. Comment les actions inédites déplacent-elles les relations entre corps, médecine et esthétique ?

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Les esprits animaux et la châtaigne de Phutatorius : kinésie et agentivité dans Tristram Shandy de Laurence Sterne

Né en Irlande en 1713 et mort en 1768 d’une tuberculose, Laurence Sterne était un pasteur anglais qui officiait dans le Yorkshire. Il voyagea en Italie et en France, cherchant un climat susceptible d’apaiser sa tuberculose, pour finalement mourir à Londres. Il a peu écrit, mais son chef d’œuvre, Vie et opinions de Tristram Shandy, gentilhomme, roman publié en plusieurs volumes entre 1759-1767, eut une influence sur l’histoire de la littérature aussi grande que les œuvres de Cervantès et de Rabelais, dont Sterne se réclamait. Tristram Shandy fut par exemple à l’origine de Jacques le Fataliste de Diderot.

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« Il y a de la grandeur dans cette conception de la vie » : Théories de l’évolution et fiction britannique contemporaine (Byatt, Mc Ewan) 

La présence des théories de l’évolution et, en particulier, des références darwiniennes dans la fiction britannique contemporaine est notable et a fait l’objet de plusieurs études récentes1. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer et, parmi eux, le développement d’un courant qualifié de néo-victorien, qui réunit des œuvres dont l’intrigue se situe en totalité ou pour partie au XIXe siècle. Sally Shuttleworth a pu mettre en relation la floraison de ces romans dans les années 1990 avec la politique menée par le gouvernement de Margaret Thatcher. Selon Shuttleworth, ce choix narratif permettait une double critique, par une discussion des structures de la famille victorienne exaltées par M. Thatcher comme un modèle d’ordre et de stabilité et par la mise en perspective du XIXe siècle anglais à un moment où le gouvernement s’en servait pour justifier une forme de darwinisme social2. L’œuvre d’Antonia S. Byatt s’inscrit pour une large part dans ce champ, en accordant une place importante à l'époque victorienne, que tout le récit y prenne place3 ou qu'il se construise dans l'alternance des deux plans temporels4. Téléchargez cet article au format PDF: pdf/Hermetet.pdf

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Des anthologies invisibles : la poésie en revue dans Nature, Science et La Nature (1880-1900)

Dans une récente et précieuse synthèse, l’historien Robert Fox estime que la désaffection qui frappa la poésie scientifique en France, après la vogue suscitée par les productions de Delille, se produisit au profit de la presse de vulgarisation. Certes, le basculement fut graduel, puisque Pierre Daru composa dans les années 1820, à la demande de Laplace, un poème sur L’Astronomie qui parut de façon posthume en 1830 . Mais le glissement, précise encore Fox, est consommé au milieu du siècle. Début d’un « âge d’or de la vulgarisation, qui dura jusqu’aux premières années du siècle suivant », cette période contraste avec la fin des Lumières et la période postrévolutionnaire, qui avaient encensé Delille

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LITTÉRATURE ET SCIENCE. CONVERGENCE ET DIVERGENCE

Au cours du XVIIe siècle, une fracture de plus en plus grande se creuse, de manière progressive et systématique, entre deux modes de connaissance du monde : la littérature et la science. Les deux raisons à l’origine de cette division font l’objet d’un consensus assez large : il s’agit de l’utilisation des mathématiques comme langage de la science et de l’introduction d’une méthodologie empirique. Il existe cependant une autre cause qui n’a pas été suffisamment traitée dans la littérature. Nous verrons dans cet article que l’introduction, au XVIIe siècle, du télescope et du microscope a permis à la science d’accéder à des domaines de la réalité hors de la portée de l’échelle humaine. Les domaines astronomique et microscopique ont fini par relever exclusivement de la connaissance scientifique et une grande partie de la réalité est ainsi devenue inaccessible pour la littérature et les autres sciences humaines et sociales. La science et la littérature se sont dès lors consacrées à étudier des domaines de la réalité qui s’excluaient mutuellement et elles ont cessé de communiquer. Cette tendance a cependant commencé à s’inverser au cours des dernières décennies. La convergence de la littérature et de la science en tant que formes complémentaires de comprendre le monde passe, principalement, par un traitement à l’échelle humaine des problèmes. Il existe, à l’échelle humaine, de nombreuses questions qui ne peuvent pas être abordées uniquement par la science ou uniquement par la littérature, du fait même de leur complexité ; et c’est dans ce domaine que nous devons rechercher de possibles hybridations, où les sciences exactes et les sciences humaines et sociales pourront dialoguer et interagir, et qui exigeront également de nouvelles stratégies épistémologiques. Mots-clés: Littérature et science, transdisciplinarité, méthode, langage, instruments, épistémologie.

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La prose des savoirs et le poème du monde

Ô Nature, ô assemblage infini et éternel De tes essences et de tes espèces tu remplis l'univers D’une foule de corps et d’astres divers et d’innombrable soleils éclairant l'éternel De planètes, de lunes, et de comètes de météores, d’astéroïdes, les bolides très nets existants avec bornes, formes remplissant l’univers et qui est l’espace, le vide, l’infini, l’immatériel de toutes les essences, remplit le firmament de Dieu éternel, infini et tout-puissant des soleils innombrables éclairant le matériel des comètes et des lunes, peuplant l’univers des systèmes solaires, et planétaires composant des mondes innombrables et des terres espaces, essences-variés à l’infini et finis composant l’ensemble des mondes et des paradis. Le nombre des espèces est fini et incalculable rien de plus charmant ni de plus agréable.

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ORLAN

Orlan est une plasticienne qui use de son corps comme d’un matériau où elle inscrit, par le biais de la chirurgie plastique, une réflexion sur le statut du corps dans notre société et les pressions idéologiques, politiques et religieuses qu’il subit. En filmant ses opérations (parfois en direct, constituant ainsi autant de Happenings), Orlan a fait de son corps le lieu d’un débat public où se posent ces questions cruciales pour notre époque.

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