15Epistémocritique, Volume 15. Savoirs et littérature dans l’espace germanophone.
On assiste aujourd’hui à une véritable explosion des recherches sur les savoirs et la littérature en Europe. Il devenait urgent de rendre compte de la vitalité de ces recherches en faisant un tour d’horizon des travaux qui essaiment aujourd’hui à travers toute l’Europe. Cette quinzième livraison d’Epistemocritique initie ce tour d’horizon par un état des lieux de la recherche dans les pays de langue allemande (Allemagne, Autriche, Suisse), où une variété d’approches et de positions différentes se sont développées, donnant lieu à des controverses parfois très vives. Réalisé par Hildegard Haberl, ce numéro d’Epistemocritique propose un éventail de quelques-unes de ces approches et orientations ainsi que des tensions et débats qu’elles ont suscités, témoignant de la vitalité d’un champ aujourd’hui en plein essor dans le monde germanophone.

14Epistémocritique, Volume 14. GREFFES.
Greffes, hybridations, percolations… les métaphores ne manquent pas pour décrire la circulation des modèles, des idées et des représentations entre sciences et littérature. Parmi ces métaphores, celle de la greffe jouit d’une mémoire culturelle et d’une épaisseur historique toutes particulières : aux XVIIIe et XIXe siècles, elle a été mobilisée de façon massive par les scientifiques et les écrivains pour figurer différentes modalités du dialogue entre discours littéraires et savants. Les études réunies dans ce volume illustrent quelques-unes de ces modalités, interrogeant à partir d’exemples précis les rapports réciproques de la science et de la littérature, leur concurrence possible dans le champ du savoir, mais aussi la manière dont se constituent l’une par rapport à l’autre la « connaissance de l’écrivain » et la « connaissance du savant.

13Epistémocritique, Volume 13. Littérature et savoirs du vivant.
Depuis le 19ème siècle, moment où naissent les sciences du vivant, la circulation des modèles et des théories liés à ce domaine crée un espace de production épistémique qui permet aux représentations culturelles du vivant de se diffuser et de percoler dans la pensée historique, politique et sociale grâce à une série d’analogies, de déplacements métaphoriques, de généralisations et d’extrapolations. Les études réunies dans ce numéro visent à cerner la diversité de ces appropriations et des usages qui ont été faits des sciences du vivant dans le champ plus vaste des savoirs sur l’homme, mais aussi dans la production littéraire et, plus généralement, dans l’imaginaire, afin de mettre en évidences leurs enjeux idéologiques ainsi que les effets de culture qu’elles ont produit.

12Epistémocritique, Volume 12. Littérature et économie.
Le monde économique et le monde de la littérature et des arts ont souvent, depuis le Romantisme, été considérés comme antithétiques. Cependant les relations économiques sont présentes dans de nombreux textes et dessinent même une tradition littéraire. Après un bref parcours historique, du marchand dans la littérature du XVIIe siècle au Robinson de Defoe, des tribulations des personnages de Balzac dans le contexte du libéralisme naissant aux textes de Masséra, la littérature mettant en scène l’économie, surtout en période de crise, ne se contente pas de la représenter mais elle interroge les principes et l’éthique qui la fondent et entretient avec elle un dialogue constant .

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Regain de Jean Giono : survivances d’un savoir panique du vivant

Le savoir scientifique concernant le vivant est somme toute un savoir récent. D’autres ont précédé, dont les mythes : celui de Pan a longtemps permis de donner forme et sens à la sauvagerie du monde. Et des écrivains semblent en avoir entendu les profonds échos au début du vingtième siècle. L’œuvre de Jean Giono, par exemple, vibre d’une conscience exacerbée de la vie – puissante, violente, presque incontrôlable – que « La trilogie de Pan » manifeste explicitement. La nature y est au premier plan : dans un environnement farouche, des forces élémentaires réveillent la part animale des personnages, leur part à la fois sombre et lumineuse, la plus vive. C’est au dernier opus de la trilogie, Regain, que nous nous intéressons en détail parce qu’il atteint un certain équilibre entre la terreur infligée par le dieu incarnant une monstrueuse nature et la lente compréhension du grand « mélange » brassant toutes les créatures vivantes en un immense corps cosmique. Examiner les manifestations de Pan dans ce roman conduit à se demander quel savoir du vivant – irréductible et pourtant progressivement domestiqué – il produit. Mais si Regain est un roman panique c’est aussi en ce que – par sa langue poïétique – il participe de l’énergie créatrice du vivant tout en se reconnaissant d’une autre nature.

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La « crise » : circulation et fiction

Résumé : Le mot « crise » circule entre les discours et les paradigmes, économiques et littéraires, mais aussi linguistiques. Cette circulation est rendue possible par l’évolution sémantique du mot, orientée vers la globalisation/abstraction et l'idée de continuité, deux traits qui en font un mot flou, un mot-masque. Le mot apparaît ainsi comme une fiction, une mythologie contemporaine véhiculée par un ordre idéologique réactionnaire ou régressif, dont on étudiera les manifestations dans la langue et la critique littéraire, tout en envisageant la façon dont certaines « fictions critiques » contemporaines l’exemplifient.

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Neurologie et littérature, à l’époque de la neuroculture

Abstract : Il existe une relation forte dans la culture française entre neurologie et littérature. Deux traditions héritées du siècle passé perdurent sous les nouveaux habits de la neuroculture, celle de la narration empathique du cas et celle du diagnostic spéculatif. La neurolittérature a pris les différents syndromes de la neurologie pour en faire des thèmes de fiction mêlés le plus souvent à des trames traditionnelles. La nouveauté serait plutôt dans le récit autobiographique du créateur qui vivait une condition jusqu’auparavant gardée secrète dont la description et narration étaient déléguées au médecin spécialiste. La vision de l’intérieur, from inside, constitue l’un des aspects les plus marquants du nouvel imaginaire contemporain marqué par les neurosciences et la neuroculture. Abstract: There is a strong relation between neurology and literature.in French culture. Two traditions inherited from the past century persist in the new clothes of neuroculture, that of the empathic narrative of the case and that of the speculative diagnosis. The neuroliterature took different syndromes in neurology to make of them fiction, most often mixed with traditional frames. The novelty is rather in the autobiographical story of the creator who lived a kept secret condition before now, whose description and narration were delegated to a specialist. "The view from inside” is one of the most striking aspects of the new contemporary imagination influenced by neurosciences and neuroculture.

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8 – Hors dossier. Forme et savoirs du vivant dans La vie et les opinions de Tristram Shandy

Le roman de Sterne La vie et les opinions de Tristram Shandy raconte la conception, la naissance et les divers accidents de la vie du narrateur. Ce faisant, le roman interroge la formation même de l’identité d’un être, en faisant de très nombreuses références aux savoirs philosophiques et médicaux du vivant. D’un côté, le père de Tristram, grand faiseur de systèmes, identifie des étapes cruciales du développement, qui décident de la forme de l’être humain ; de l’autre, le narrateur s’ingénie, par la forme romanesque, à déconstruire la tentation théoricienne de son père et s’appuie sur d’autres modèles scientifiques et artistiques pour construire une éthique et une esthétique de la liberté. Mots-clés Sterne, épigenèse, préformation, esthétique, vie

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Annonces

* Septembre 2007-mars 2008 Université de Bordeaux III _Journées d'étude: «Lire, choisir, écrire : la vulgarisation des savoirs du Moyen Age…

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Signes fossiles dans la poésie scientifique du XIXe siècle

Relevant à la fois du genre didactique et épidictique, la poésie scientifique s’est donné pour objet principal au XIXe siècle la célébration du progrès, en ses grandes découvertes comme en ses grands hommes, héros positifs d’un merveilleux renouvelé. De la découverte du microbe aux techniques de l’accouchement, tout savoir scientifique et technique du siècle a été mis en vers et, le plus souvent, passé à la toise de l’alexandrin.

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Bouvard et Pécuchet : le monde comme représentation ?

Cet article étudie une manière de philosopher propre à l’écrivain. La littérature est une expérience de pensée et la poétique du roman une philosophie en acte. S’éloignant radicalement du modèle balzacien, Flaubert invente un roman des représentations, une archéologie des savoirs en farce. Il n’y a que des manières de voir, dit-il. La vérité est impossible et le monde semble perdu derrière l’écran des représentations. Attiré par le bouddhisme, lecteur tardif de Schopenhauer, Flaubert perd-il le sens du réel ? La poétique critique de Bouvard et Pécuchet donne vie à une interrogation philosophique.

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Der Wille zum Nichtwissen. Skizze einer Poetik

Depuis Nietzsche, la philosophie de la modernité a critiqué la notion de 'vérité’ en réclamant un concept de 'non-savoir’ qui serait capable de déstabiliser la métaphysique. Cette volonté de non-savoir prend ses racines dans la tragédie grecque, par exemple chez Eschyle qui, dans son Prométhée, a démontré que l’homme ne peut survivre qu’en se trompant sur la fin de ses jours. Dans le siècle des Lumières, Locke et Kant ont contribué à élaborer une notion de non-savoir, dont le contraire serait, chez Kant, l’esprit et la faculté de jugement. Même la tragédie allemande la plus célèbre, le Faust de Goethe, démontre dès ses premiers mots le pouvoir du non-savoir sur l’homme. En se référant à l’opposition entre la bêtise et l’esprit, une poétique du non-savoir examine des phénomènes comme l’espoir, la curiosité et l’amour en tant que témoins philosophiques et littéraires des limites du savoir humain.

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J. G. Ballard: littérature et déviance de la science médicale

La figure littéraire du médecin jouit depuis des siècles d’une carrière florissante. Qu’il soit malhonnête comme le Purgon de Molière, bienfaisant comme le Pascal de Zola ou insane comme le faux Lerne de Renard, le docteur alimente un imaginaire complexe et bigarré. Il n’empêche, il est tout à fait concevable qu’existe un « degré zéro » du médecin, un type à partir duquel s’élaborent les déviances les plus diverses. De nombreux auteurs, par un travail spécifique d’écriture, jouent avec cette figure, en ironisent les caractéristiques, en déplacent les frontières. De cette mise à distance naissent maints personnages de savants qui participent à la constitution d’un état de la science médicale à un moment donné dans une société donnée.

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Les relations entre la physique moderne et le roman contemporain

Dans un discours prononcé en 1821 lors de la très solennelle et médiatisée « séance publique annuelle de l’Institut », l’érudit Charles Athanase Walckenaer exhume un projet académique vieux de plus d’un siècle et qui ne vit jamais le jour. Devant l’ensemble de ses confrères académiciens, il rappelle l’idée louis-quatorzienne de « ce corps [qui] devait être nommé l’Académie universelle, ou la grande Académie »1 et dans lequel auraient harmonieusement cohabité les compétences les plus variées. Selon Fontenelle, que cite Walckenaer, cette Académie rêvée devait compter « tout ce qu’il y aurait de gens les plus habiles en toutes sortes de littérature : les savants en histoire, les grammairiens, les mathématiciens, les philosophes, les poètes, les orateurs devaient être également de ce grand corps, où se réunissaient et se conciliaient tous les talents les plus opposés »2.

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Médecine et pauvreté

Louis-Ferdinand Céline est demeuré médecin et écrivain jusqu'à la fin de sa vie. La médecine et l'écriture étaient-elles pour lui des pratiques continues ou discontinues? Le savoir médical compte-t-il pour quelque chose dans cette écriture, ou est-ce seulement la posture du médecin qui est significative? Quel est le sens de cette attirance qui a toujours porté Céline vers la pauvreté, et qui s'est manifestée tant dans sa pratique médicale que dans son activité d'écrivain?

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La palabra ignífuga: economía monetaria y antinomias del realismo en Plata quemada, de Ricardo Piglia //La parole ignifugée : économie monétaire et antinomies du réalisme dans Argent brûlé, de Ricardo Piglia

La reciente publicación de los diarios de Ricardo Piglia, cuyos dos primeros volúmenes abarcan la etapa de formación y los primeros pasos del autor en el campo literario argentino, constituye una ocasión inmejorable de revisitar Plata quemada a la luz de las anotaciones que desde 1965 reflejan sus titubeantes inicios como proyecto de escritura. Proyecto que será abandonado poco después y que Piglia no retomará hasta la década de los noventa para publicarlo finalmente en 1997, en vísperas de la crisis económica de 2001. Basada en los sucesos acontecidos en el Río de la Plata, la novela recurre a la escritura de no ficción y a las técnicas de investigación antropológica para postularse como crónica alternativa al relato mediático y poner en entredicho la construcción consensual de la verdad. Por su vocación crítica y su planteamiento estético, Plata quemada pone sobre la mesa una serie de paradojas políticas y literarias vinculadas a los fundamentos ficcionales de toda relación contractual y a la propia lógica del intercambio simbólico. Nuestro estudio se centra por tanto en las particularidades del saber económico subyacente en un texto que pone al desnudo la violencia estructural del sistema capitalista y que, al hacerlo, cuestiona sus propias limitaciones como sistema de signos en circulación. A partir de la distinción conceptual entre dinero y moneda, así como del análisis de los mecanismos de textualización del valor y de la lógica del equivalente general, trataremos de cercar los desafíos que derivan de la imbricación de los discursos literario y económico con el fin de subrayar el carácter excesivo de una escritura que exhibe su propia imposibilidad. Palabras clave: Ricardo Piglia, economía, moneda, dinero, realismo, ficción. La parution du journal de Ricardo Piglia, dont le premier des trois volumes comprend la période de formation et l’entrée en écriture de l’auteur argentin, nous donne l’occasion de jeter un nouveau regard sur Argent brûlé, roman entamé en 1965, abandonné peu après à l’état de projet inachevé et repris trente ans plus tard avant sa publication en 1997, à la veille de la crise économique de 2001. Inspiré d’un fait divers survenu au Río de la Plata, le roman a recours aux techniques de la non-fiction et de la recherche anthropologique pour se dresser en contre-chronique du récit médiatique et remettre en cause la construction consensuelle de la vérité. De par sa visée critique et son parti-pris esthétique, Argent brûlé soulève un certain nombre de paradoxes tant politiques que littéraires, liés aux fondements fictionnels de tout rapport contractuel et aux impératifs de l’échange. Notre analyse interrogera les particularités du savoir économique véhiculé par un roman qui met à nu la violence structurale du système capitaliste et qui, ce faisant, se met lui-même à l’épreuve en tant que système de signes voué à la circulation. À partir de la distinction conceptuelle entre argent et monnaie, ainsi que de l’observation de la mise en texte de la valeur et de la logique de l’équivalent général, nous nous attacherons à dégager les enjeux majeurs de l’imbrication des discours littéraire et économique afin de souligner le caractère excessif d’une écriture affichant sa propre impossibilité. Mots clés : Ricardo Piglia, économie, monnaie, argent, réalisme, fiction.

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What the neurocognitive study of inner language reveals about our inner space

Abstract : Our inner space is furnished, and sometimes even stuffed, with verbal material. The nature of inner language has long been under the careful scrutiny of scholars, philosophers and writers, through the practice of introspection. The use of recent experimental methods in the field of cognitive neuroscience provides a new window of insight into the format, properties, qualities and mechanisms of inner language. Gathering findings from introspection and empirical works, this article first assesses the proportion of language in our inner space. Several variants of inner language are then described, including wilful vs spontaneous instances, condensed vs expanded forms, silent vocalisation during reading or writing, contained vs ruminative occurrences, and self-controlled vs hallucinatory cases. The nature of these variants and their embodied multisensory qualities are examined. Finally, a neurocognitive model of the production of inner language is drawn, in the framework of predictive control, speculating on the neural mechanisms that underlie one of the most significant components of our inner space. Keywords : Inner language, Verbal mind wandering, Rumination, Hallucination, Sensorimotor representation, Embodiment, Predictive Control

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Hors dossier
« Aussi j’ai peur qu’on me prenne pour un détraqué » Entre l’archive médicale et texte littéraire, les textes de Lionel et L’enfant Bleu d’Henry Bauchau

Les écrits de fous éclairent de manière exemplaire le fonctionnement de ce qu’on peut appeler les institutions culturelles. Dans la mesure…

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« Aussi j’ai peur qu’on me prenne pour un détraqué » Entre l’archive médicale et texte littéraire, les textes de Lionel et L’enfant Bleu d’Henry Bauchau

Les influences de la science sur la poésie lettriste de Isidore Isou Vers une nouvelle rationalisation de la poésie.

Cet article revient sur l'hyper-rationalisation de la poésie proposée par Isidore Isou. Cette étude montre comment Isou présente le lettrisme comme une évolution "continue" et "rationnelle" de la poésie. Ce faisant, l'auteur justifie l'émergence du lettrisme en faisant implicitement référence à un argument épistémologique "internaliste" et considère que l’évolution de la poésie peut s’apparenter à l’évolution des disciplines scientifiques.

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« Arrêt de développement » et poétique de l’histoire

La conscience de la mutabilité, qui envahit tous les domaines de la pensée au XIXe siècle, la substitution de la catégorie du devenir à celle de l’essence s’accompagnent d’un effort proportionnel de ressaisie. L’histoire, science des transformations du monde humain, conscience de tout ce que le temps fait naître mais aussi emporte, affiche alors une ambition de totalité : « résurrection de la vie intégrale », récapitulation du passé tout entier dans de « grands récits » supposant aussi une fin de l’histoire.

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Les émotions sont-elles sensibles au contraste entre le réel et l’imaginaire ?

Abstract : Depuis plus de quarante ans, les philosophes tentent de comprendre la nature des émotions pour des personnages et événements reconnus comme fictifs. Quelle est la nature de la tristesse ou de la joie que l’on peut ressentir pour des personnages de fiction, une tristesse ou une joie qui n’est pas liée à une perte réelle ou à une vraie satisfaction”¯? Des preuves empiriques suggèrent que l’engagement cognitif et/ou perceptuel dans la fiction est associé à un désengagement ou une inhibition du système épisodique (souvenirs d’événements personnels ou auto-projections dans l’avenir) impliquant des structures limbiques comme l’hippocampe, au profit d’autres aires cérébrales impliquées dans des processus sémantiques. Sur cette base, l’hypothèse qui est ici proposée est que les réponses émotionnelles à l’égard des scènes fictionnelles identifiées comme telles sont des «”¯émotions sémantiques”¯», une espèce d’émotions différente des émotions du réel. Les « émotions sémantiques » seraient des expériences émotionnelles qui désengagent le système épisodique et sont principalement modulées par des circuits sémantiques (d’où le choix terminologique). For over forty years, philosophers have struggled with is the issue of how we can get emotionally involved with fictional characters and events. What is the nature of sadness or joy which is not tied to a real personal loss or satisfaction? Empirical evidence suggest that cognitive and/or perceptual involvement with fiction as such is associated with a disengagement or inhibition of the episodic system (either memory of personal events or self-projections into the future) involving limbic structures such as the hippocampus to the benefit of other cerebral areas implicated in semantic processes such as fronto-temporal cortices. Moreover, the episodic system is arguably an essential component of the emotional responses towards real people and events. On that basis, the hypothesis to be assessed at both conceptual and empirical level is that emotional responses towards fictional scenes identified as such are "semantic emotions”, a species of emotions to be distinguished from real-life emotions. "Semantic emotions” are emotional experiences that disengage the episodic system, and are mainly modulated by semantic circuits (whence the terminological choice).

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La vérité sur la fiction : Réalité biologique et vies imaginaires

Abstract: The evolutionary human sciences are still in the process of forming a paradigm. Their model of human nature is not yet complete because it has not yet taken adequate account of the experience that forms the subject matter of the humanities. This essay is designed to help correct that deficiency. In the first part of the essay, I explain how scholars in the humanities can help construct the still developing model of human nature. In the second part, I argue that the proper subject of literary commentary is "meaning” and that meaning can be localized in the interaction of perspectives in authors, readers, and characters. In the third part, I argue that the main categories of human life history are also the main themes of fiction. In the final section, I offer suggestions about directions for future research.

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Avatares literarios del último teorema de Fermat // Avatars littéraires du dernier théorème de Fermat

El último teorema de Fermat es un resultado matemático cuya historia ha conseguido fascinar a personas de dentro y fuera de las matemáticas, principalmente tras la demostración de la conjetura en 1995, tres siglos y medio después de su formulación. El arte, y en particular, la literatura, se han interesado por el mismo y lo han incorporado a sus obras. En este artículo se realiza un recorrido por el resultado, su historia y la reflexión que ha motivado en la cultura y la sociedad, a través de más de 40 relatos y novelas que lo han incorporado a sus páginas, ya sea a través de sencillas referencias o como una parte fundamental de su argumento. Palabras clave: conjetura, teorema, demostración, matemáticas, Fermat, Wiles, narrativa, relato, novela. Le dernier théorème de Fermat est un résultat mathématique dont l’histoire a fasciné bien des gens, au sein et hors du domaine des mathématiques, principalement après la démonstration de la conjecture en 1995, trois siècles après sa formulation. L’art, et en particulier la littérature, s’y sont intéressés et l’ont pris pour objet de leurs œuvres. Cet article entreprend d’en parcourir le résultat, l’histoire et la réflexion qu’il a suscités dans la culture et la société, au travers d’une quarantaine de nouvelles et de romans qui en font état, soit par de simples références, soit comme une partie fondamentale de leur argument. Mots-clés : conjecture, théorème, démonstration, mathématiques, Fermat, Wiles, littérature narrative, nouvelle, roman.

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Lecture incarnée et endophasie : avec quel corps (genré) habite-t-on The Sun Also Rises de Hemingway et The Aspern Papers de Henry James ?

Résumé : Lorsque nous lisons, notre voix intérieure épouse les formes rythmiques et prosodiques du texte. Ces formes sont porteuses d'états sensori-moteurs, et modulent notre expérience immersive des espaces que le texte évoque, proposant des manières de les habiter marquées par les normes de genre. À partir des propos de Hemingway concernant Henry James, qui mettent en scène une performance camp de la masculinité, et d'extraits de The Sun Also Rises (1926) et de The Aspern Papers (1888), nous explorerons les liens entre parole intérieure, immersion spatiale et corps genré. Abstract : While reading a text, our inner voice espouses its rhythms and prosody. These stylistic features carry with them sensorimotor states that modulate our immersive experience of the spaces described by the text, suggesting ways on inhabiting them that are colored by gender norms. Starting from Hemingway’s comments concerning Henry James, with their camp performance of masculinity, and from excerpts from The Sun Also Rises (1926) and The Aspern Papers (1888), we will explore the relationships between inner speech, spatial immersion, and the gendered body. Mots-clés : Voix intérieure (endophasie), immersion, masculinité, Henry James, Hemingway, critique cognitive Keywords : Inner speech (endophasia), immersion, masculinity, Henry James, Hemingway, cognitive criticism

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Sciences, évolution et eugénisme dans Le Cimetière de Prague : construction du monstre juif et naissance de l’antisémitisme

Résumé : Depuis le XIXe siècle, les sciences du vivant font penser la littérature en la conduisant à s’intéresser aux questions héréditaires, eugénistes ou génétiques. Alors que la plupart des romans contemporains explorent les enjeux reliés aux avancées rapides des sciences du vivant et aux questionnements éthiques qui en relèvent, le dernier roman d’Umberto Eco nous plonge dans l’univers du siècle qui a vu naître ces sciences. Sans les aborder de front, Le Cimetière de Prague offre le recul nécessaire pour saisir l’entrelacement des discours sociaux de l’époque sur l'hérédité et la filiation avec le développement historique. Au cœur du roman se trouve la transformation du peuple juif en monstre représentant un danger fatal pour la civilisation occidentale. Pour déconstruire cette fiction, Eco inscrit en sous-texte de son roman le discours scientifique de l’époque, tel reconfiguré par les manipulations idéologiques dont il a fait l’objet. En retraçant, étape par étape, la création des Protocoles des Sages de Sion, le roman opère un dépassement discursif de la fable du complot juif, à laquelle il oppose une autre fabulation littéraire, celle que constitue le roman lui-même.

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Le savoir médical dans Bouvard et Pécuchet

Résumé : Dans Bouvard et Pécuchet, Flaubert fait l’éloge du savoir médical mais ironise sur les compétences des thérapeutes, dont il montre souvent les échecs. Mais il dénonce surtout l’émergence d’un biopouvoir qui donne aux médecins le contrôle sur le corps social. Cette attitude, qui peut s’expliquer par le milieu dans lequel a vécu l’écrivain, traduit une philosophie libertaire et antipositiviste : Flaubert choisit l’Art contre la science.

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Discours de réception d’Édouard Estaunié à l’Académie française : définitions croisées de la persona d’un académicien scientifique

Pour analyser les rapports entre littérature et science, on peut s'interroger sur le sens des mots, des notions, sur les champs lexicaux propres à chacun. On peut se demander si c'est bien la même langue qui est employée pour parler du monde naturel et de celui de l'art, analyser des usages et des modèles littéraires ou scientifiques. On peut observer les interférences, les espaces partagés ou réservés, partir à la recherche des genres hybrides, des concepts migrateurs, des transferts de paradigmes. On peut aussi s'interroger sur les relations symboliques entre les deux champs, ou encore sur la hiérarchie qui les gouverne. De ce point de vue, l'histoire des institutions de savoir apporte des éléments utiles.

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Mourir en tant que vivant : cultures scientifique et humaniste du mourir dans La Possibilité d’une île de Michel Houellebecq

Peu de végétaux fascinèrent autant les botanistes que la vallisnère ou vallisneria spiralis, en raison d’une particularité décrite au XVIIIe siècle par l’Italien Pier Antonio Micheli, puis par Linné, qui y vit un admirable exemple de la providence naturelle1. Cette plante subaquatique, qui pousse dans le lit de fleuves comme le Rhône, mais utilise le vent pour sa reproduction, met en contact de façon différenciée ses fleurs mâles et femelles, portées par des individus distincts. Pour gagner l’air libre, les premières se détachent entièrement du pied, tandis que les fleurs femelles restent arrimées à une longue spire, qui ramène l’organe sous la surface des eaux après fécondation. La vallisnère offre ainsi un cas de mobilité végétale qui frappa ses premiers descripteurs autant pour sa complexité que parce que, comme celui de la sensitive, ce « mouvement propre réel2 » semblait rapprocher la vallisnère du règne animal, pour en faire un « intermédiaire entre la plante et l’insecte », voire prouver chez les végétaux l’existence d’une « intelligence liée à la vie3 » ou d’un « instinct amoureux4 ». Aussi les savants des Lumières n’abordent-ils guère la vallisnère sans faire part de leur surprise, ni chercher à communiquer cette stupeur à leurs lecteurs. Picot-Lapeyrouse, par exemple, explique en 1799 qu’un « mécanisme aussi singulier » constitue un vrai « miracle de la nature », une « extraordinaire », « prodigieuse » et « merveilleuse » cause d’« étonnement5 ».

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