15Epistémocritique, Volume 15. Savoirs et littérature dans l’espace germanophone.
On assiste aujourd’hui à une véritable explosion des recherches sur les savoirs et la littérature en Europe. Il devenait urgent de rendre compte de la vitalité de ces recherches en faisant un tour d’horizon des travaux qui essaiment aujourd’hui à travers toute l’Europe. Cette quinzième livraison d’Epistemocritique initie ce tour d’horizon par un état des lieux de la recherche dans les pays de langue allemande (Allemagne, Autriche, Suisse), où une variété d’approches et de positions différentes se sont développées, donnant lieu à des controverses parfois très vives. Réalisé par Hildegard Haberl, ce numéro d’Epistemocritique propose un éventail de quelques-unes de ces approches et orientations ainsi que des tensions et débats qu’elles ont suscités, témoignant de la vitalité d’un champ aujourd’hui en plein essor dans le monde germanophone.

14Epistémocritique, Volume 14. GREFFES.
Greffes, hybridations, percolations… les métaphores ne manquent pas pour décrire la circulation des modèles, des idées et des représentations entre sciences et littérature. Parmi ces métaphores, celle de la greffe jouit d’une mémoire culturelle et d’une épaisseur historique toutes particulières : aux XVIIIe et XIXe siècles, elle a été mobilisée de façon massive par les scientifiques et les écrivains pour figurer différentes modalités du dialogue entre discours littéraires et savants. Les études réunies dans ce volume illustrent quelques-unes de ces modalités, interrogeant à partir d’exemples précis les rapports réciproques de la science et de la littérature, leur concurrence possible dans le champ du savoir, mais aussi la manière dont se constituent l’une par rapport à l’autre la « connaissance de l’écrivain » et la « connaissance du savant.

13Epistémocritique, Volume 13. Littérature et savoirs du vivant.
Depuis le 19ème siècle, moment où naissent les sciences du vivant, la circulation des modèles et des théories liés à ce domaine crée un espace de production épistémique qui permet aux représentations culturelles du vivant de se diffuser et de percoler dans la pensée historique, politique et sociale grâce à une série d’analogies, de déplacements métaphoriques, de généralisations et d’extrapolations. Les études réunies dans ce numéro visent à cerner la diversité de ces appropriations et des usages qui ont été faits des sciences du vivant dans le champ plus vaste des savoirs sur l’homme, mais aussi dans la production littéraire et, plus généralement, dans l’imaginaire, afin de mettre en évidences leurs enjeux idéologiques ainsi que les effets de culture qu’elles ont produit.

12Epistémocritique, Volume 12. Littérature et économie.
Le monde économique et le monde de la littérature et des arts ont souvent, depuis le Romantisme, été considérés comme antithétiques. Cependant les relations économiques sont présentes dans de nombreux textes et dessinent même une tradition littéraire. Après un bref parcours historique, du marchand dans la littérature du XVIIe siècle au Robinson de Defoe, des tribulations des personnages de Balzac dans le contexte du libéralisme naissant aux textes de Masséra, la littérature mettant en scène l’économie, surtout en période de crise, ne se contente pas de la représenter mais elle interroge les principes et l’éthique qui la fondent et entretient avec elle un dialogue constant .

L’anthropomorphisme dans la poésie scientifique

Les différentes figures ou familles de figures que sont la personnification, l’apostrophe (ou allocution), la prosopopée et encore une certaine sorte d’allégorie ont en commun de mettre en œuvre une forme de pensée, ou topos, que l’on peut dire anthropomorphique. C’est attribuer à une entité inanimée des traits humains, et particulièrement le don de parole ou de pensée. On reconnaît là un point de jonction entre la pensée religieuse, tout spécialement polythéiste ou animiste, et l’expression poétique. C’est en effet dans le cadre du discours religieux que se sont élaborées la plupart des grandes personnifications fondatrices des mythologies. Le XIXe siècle n’ignorait d’ailleurs pas que l’origine des mythes est indissociable de l’origine des langues en ce que l’action de nommer avait d’abord été un geste d’explication du monde par un recours à des analogies, naturelles et surnaturelles. Ce moment historique de fondation mythopoïétique des religions allait d’ailleurs être au centre de la réflexion théorique de Mallarmé . Il est également le moment fondateur de la pensée anthropomorphique.

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Espaces et parole intérieure en prison

Résumé : La question de la représentation d’espaces en parole intérieure n’a guère été posée en tant que telle. L’espace est plutôt considéré comme l’une des catégories structurant notre rapport au monde et à nous-mêmes. Dans le cadre du programme Monologuer, des enquêtes sur les représentations et restitutions de parole intérieure réelle ont été menées, dont une en milieu carcéral, sur une durée de quatre mois. Ces enquêtes nous permettent de disposer d’échantillons précis à travers lesquels étudier les représentations spatiales. La parole intérieure est traversée par des lieux construits ou reconstruits, à partir de la perception, de la mémoire et de l’imagination. En prison, le monde extérieur, présent ou passé, réel ou imaginaire, ne résonne plus que dans la parole intérieure du sujet. Les représentations d’espaces concrets, d’espaces symboliques et d’espaces mythologiques participent ainsi pleinement de l’élaboration de patrons de constructions identitaires, variables d’un sujet à l’autre. Abstract: The issue of space representations in inner speech has rarely been raised for itsef. Space is rather considered as a category, among others, that structures our relationship to the world and to ourselves. In the research programme Monologuer, investigations on the representations and the reproductions of actual inner speech were conducted. One of them was carried out in prison settings over a four-month period. These investigations allow us to have accurate samples through which we can study spatial representations. Inner speech is affected by constructed or re-constructed places emerging from perception, memory and imagination. In prison, the outside world, present or past, actual or imagined, resonates only in the individual’s inner speech. Representations of concrete, symbolic and mythological spaces fully contribute to the building of identity patterns, varying from one individual to another. Mots-clés : parole intérieure, vie intérieure, endophasie, rumination, mémoire, intime, espace carcéral, prison, seuil, espaces symboliques, espaces réels, enquête, questionnaire, entretien. Key Words : inner speech, inner life, endophasia, rumination, memory, intimacy, jail, spaces, liminal /symbolic / real spaces, investigation, questionnaire, interview. 

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Le corps dégradé et le corps monstrueux

Oh! My friend, if you had known me as I once was you would not recognise me in this state of degradation . MARY SHELLEY [[Mary Shelley, Frankenstein or The Modern Prometheus, coll. « Wordsworth Classics », Ware, Angleterre: Wordsworth Editions, 1999 [1831], 175 p. Les citations sont toutes tirées de cette édition.]] Le corps est omniprésent dans le roman Frankenstein; il traverse le texte tant sur les plans narratif, thématique, symbolique, qu’idéologique. Par ses multiples occurrences, il se retrouve au carrefour de différents savoirs qui y sont à l’œuvre, scientifiques bien sûr (le roman est considéré par certains comme le premier roman de science-fiction, notamment par Brian Aldiss ), mais aussi politiques.

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Le paradigme de la combinatoire chez Valéry, Hilbert et Turing

Ce que Daniel Oster, dans un ouvrage lumineux [[Daniel Oster, Monsieur Valéry, Seuil, 1981. Quand le lieu d’édition n’est pas précisé, il s’agit de Paris.]], appelle le « premier formalisme » de Valéry nourrit un rêve de totalisation qui s’adosse au sentiment du fini, sentiment de clôture au sein duquel pourrait opérer la machine autopoïétique [[Nous tenons à remercier Pierre Cassou-Noguès, sur les travaux duquel cette contribution s’appuie largement, d’avoir bien voulu relire une première version de cet article et d’avoir suggéré des modifications.]]. Nicole Celeyrette-Pietri précise que cette machine est « semblable à celle de Lulle et à celles « qui permettent d’intégrer à grande vitesse » [[Paul Valéry, Œuvres, I, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, p. 801. Cité par Nicole Celeyrette-Pietri, Valéry et le moi, Klincsieck, 1979, p. 93.]].

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De Tardieu à Lordat : palimpsestes de la paraphasie

«Un mot pour un autre» est certainement l’un des textes les plus connus de Tardieu. On oublie le plus souvent qu’il s’inscrit dans un ensemble plus large, les Carnets du professeur Froeppel, dans lesquels cette pièce qui joue avec le langage devient le symptôme d’une déviance pathologique. Ne faut-il voir qu’une coïncidence dans le fait qu’un trouble du langage, nommé paraphasie par les spécialistes, corresponde exactement à la maladie décrite dans la pièce de Tardieu ? Il semblerait, au contraire, que cette dernière mobilise silencieusement toute une culture médicale, tissant des liens avec certains textes oubliés de la psychiatrie du XIXe siècle. [Une version imprimable de cet article est disponible en pied de page.]

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El discreto encanto de lo continuo: el tiempo y el relato // Le charme discret du continuum : le temps et le récit

Este artículo pretende explorar las relaciones entre la narrativa y el tiempo. Precisamente la narrativa sería el síntoma a través del cual el lenguaje da cuenta de la imposible asimilación de (según Todorov) historia y discurso. La radical diferencia de ambos provendría de la inconmensurabilidad de lo continuo (la realidad) y lo discreto (el lenguaje). Lo que llamamos acontecimiento no sería sino el espejo donde ambos mundos (el de lo discreto y el de lo continuo) se encuentran. Se postula aquí el acontecimiento como un pliegue semántico. A su través (del acontecimiento) la narración se hurta a la linealidad del «tiempo real» para revestirse de sentido. Pareciera que el lenguaje buscase por medio de la narrativa la saturación de lo posible, el agotamiento de sus infinitas combinaciones con la intención de crear un –imposible– doble de la continuidad de lo real. Palabras clave: Acontecimiento, infra-leve, infraordinario, continuo, tropismos, infinitesimal, discreto, afrología, hipótesis del continuo. Cet article se propose d’explorer les relations entre la littérature narrative et le temps. Précisément, la littérature narrative serait le symptôme à travers lequel le langage rend compte de l’impossible assimilation (selon Todorov) entre histoire et discours. Ce qui les distingue radicalement proviendrait de l’incommensurabilité du continuum (la réalité) et du discret (le langage). Ce que nous appelons événement ne serait que le miroir où les deux mondes (discret et continuum) se rencontrent. L’événement est ici postulé comme un pli sémantique. À travers lui (l’événement), le récit se dérobe à la linéarité du « temps réel » pour s’armer de sens. On dirait qu’au moyen de la littérature narrative le langage aspire à la saturation du possible, à l’épuisement de ses infinies combinaisons dans l’intention de créer un –impossible- double de la continuité du réel. Mots-clés : Événement, infra-mince, infra-ordinaire, continuum, tropismes, infinitésimal, discret, aphrologie, hypothèse du continuum.

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La fictionnalisation de l’argent au XIXe siècle ou l’invention d’un sous-genre romanesque

Résumé: Au rebours des analyses référentielles qui font de l’argent un simple motif romanesque et réduisent la littérature à un témoignage, cet article pose l’hypothèse sous-genre « fiction économique » qui s’épanouirait, en même temps que les doctrines libérales, au cours du premier dix-neuvième siècle. L’analyse de La Comédie humaine et de quelques récits populaires permet en effet de dégager un certain nombre de structures narratives idéal-typiques qui témoignent d’une intériorisation profonde – c’est-à-dire au niveau des structures narratologiques et énonciatives – des principes économiques. La mise au jour de cette poétique de l’argent, loin d’enfermer la littérature dans une fonction ancillaire, permet d’en reconsidérer la puissance critique et herméneutique. Le récit réaliste ne se contente plus de dénoncer puisque, par la mise en texte des principes même de l’économie libérale, il en révèle les contradictions et la force d’assujettissement de l’individu livré à l’argent et au crédit.

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Le modèle scientifique dans le théâtre de Tom Stoppard

Dans le théâtre britannique contemporain, les références aux sciences dures sont de plus en plus fréquentes. Le dramaturge Tom Stoppard a été un précurseur de cette fascination du théâtre pour les sciences: dans une écriture qui combine le désir de logique à l'incertitude de la connaissance, les théories mathématiques et physiques lui ont servi aussi bien de modèles que de métaphores structurantes permettant de renouveler la fable dramatique.

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4 – Viralité et humanité : la figure du non-corpum chez David Mitchell

David Mitchell, auteur britannique contemporain, a introduit au sein de son univers fictionnel des personnages de non-corpum, des entités dotées de conscience mais dépourvues de corps qui parasitent les humains. Deux romans en particulier les mettent en scène : Ghostwritten (1999) et The Bone Clocks (2014). Il s’agira ici d’étudier en premier lieu comment la viralité est mise en scène, puis d’examiner la valeur sémiotique du non-corpum laquelle s’articule à la pratique du diagnostic. À la fois signes et symptômes, ces figures virales offrent à nos sociétés contemporaines un miroir où viennent se refléter l’angoisse de la contamination et de l’impuissance ainsi que la crainte de voir le sujet dépossédé de soi. Mitchell utilise les non-corpum pour opérer un travail de couture entre plusieurs romans, mais aussi plus largement entre plusieurs traditions de pensée et plusieurs époques. Ce faisant il vient perturber les hypothèses de lecture occidentales les plus courantes, notamment via la référence à la métempsychose et la mise en œuvre de stratégies de réplication. Mots-clés David Mitchell, Ghostwritten, The Bone Clocks, métempsychose, viralité, diagnostic, peurs contemporaines, non-humain.

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5 – Le parasite, de l’être mimétique à l’inquiétante familiarité

L'existence du parasite est conditionnée par l’autre, il vit aux dépens d'un autre organisme, d'une autre structure. Dans cet article, nous nous intéressons aux parasites surgissant dans la littérature mais aussi dans les sciences et tout particulièrement en biologie. Nous allons axer notre réflexion sur une stratégie parasitaire, le mimétisme. Comme l’œuf du coucou (oiseau parasite) ressemblant à l’œuf de son hôte, le parasite, à travers le mimétisme, a deux objectifs : se faire accepter par l'hôte et le remplacer progressivement. Tartuffe, par exemple, le plus célèbre des parasites de Molière, singe la dévotion et devient le directeur de conscience d’Orgon. Il se fait ainsi accepter dans la famille et va prendre doucement la place du maître de la maison. Cependant, malgré le mimétisme du parasite, il reste dans son comportement, son physique, ses attitudes, des anomalies engendrant une inquiétante étrangeté. Ainsi, dans la nouvelle de Le Fanu, Carmilla, le vampire ressemble étrangement à Laura et, de plus, réactive des souvenirs chez cette dernière. L'hôte ressent cette inquiétante familiarité en compagnie du parasite. Nous allons dans cet article répondre à plusieurs questions : quelles sont les principales stratégies parasitaires ? Comment cette inquiétante familiarité perturbe-t-elle l'identité de l'hôte ? Notre hypothèse est que même si la relation parasitaire est coûteuse pour l'hôte, elle est aussi source de bénéfices. Mots-clés parasitisme, inquiétante familiarité, mimétisme

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Savoir de la science et savoir de la littérature. À propos du Docteur Pascal de Zola et de Giacinta de Capuana

Le point de départ de cet article* est l’identification du roman et du discours scientifique telle qu’on peut la trouver dans les écrits théoriques de Zola. L’analyse du Docteur Pascal montre cependant que dans la pratique esthétique de Zola le rapport entre la science et la littérature est plus complexe que dans ses écrits théoriques. D’une part la science apparaît moins triomphante, dans la mesure où elle doit se contenter d’avancer en tâtonnant et par hypothèses. D’autre part, la science, surtout lorsqu’elle est naissante, doit coopérer avec l’imagination poétique. Le roman Giacinta de Capuana a le même point de départ que les romans de Zola. Il s’agit de donner une réponse à un problème que l’on peut considérer comme un problème scientifique, à savoir la réaction d’un organisme à une lésion, causée par la découverte prématurée de la sexualité. Cette question est traitée de deux points de vue : d’un point de vue socio-psychologique et d’un point de vue scientifique. Il est remarquable que le rôle de l’observateur scientifique soit comparé à celui du chœur dans la tragédie grecque, ce qui renvoie à l’importance accordée à la littérature, malgré le statut de domination qui est officiellement attribué à la science. On voit donc bien que les deux auteurs dans leur pratique esthétique dépassent les principes de leur théorie, peignant l’image d’une relation extrêmement complexe entre la science et la littérature.

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« He Sees at Every Pore”

If, as Henri Bergson holds, a philosopher’s work is pervaded by the unfolding of a single thought, for Emerson it is the thought of "unfolding” itself. The driving force of Emerson’s thought is that form – whether natural form, object-form, political or moral form, forms of the self or of the mind – to remain vital can only be understood in terms of metamorphosis.

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La naturalisation de l’économie dans le roman du XIXe siècle

Résumé : Si l’histoire de la pensée économique et l’épistémologie de l’économie ont réfléchi, avec un intérêt renouvelé ces cinq dernières années, à la notion de loi naturelle de l’économie, c’est-à-dire à la prégnance de l’idée de nature et du modèle des sciences physiques sur la science économique à partir des physiocrates, il resterait à savoir en quoi les romanciers du XIXe siècle ont été exposés à ce naturalisme économique. Celui-ci paraît en effet en prise avec le roman réaliste du siècle : il fonde une anthropologie et formule des lois qui peuvent contribuer à configurer la fiction. Tentant de dépasser la simple étude des sources ou l’inventaire des lectures économiques des romanciers, le présent article se propose d’analyser un roman d’Yves Guyot, proche de Zola, économiste acquis aux formulations de Jean-Baptiste Say sur l’ordre naturel de l’économie, pour voir en quoi ce roman d’amateur pourrait participer d’une poétique libérale marquée par le naturalisme économique. C’est peine perdue, et on mesure ici la distance entre théorie économique et écriture de roman, mais ce mauvais exemple permet d’introduire à ce que serait l’expression romanesque des lois naturelles de l’économie.

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Photos

La photographie est le double de la littérature. Au moyen de son statut de témoin objectif, de document neutre, elle est science et savoir, mais grâce à l’opérateur, il y a subjectivité.

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Romans de la rupture épistémologique : quelques rémanences philosophiques et poétiques, de Rabelais et Cervantès à Goethe et Flaubert

Michel Foucault, dans Les Mots et les Choses : une archéologie des sciences humaines (1966), montre que la configuration générale du savoir occidental évolue, du XVIe au XXe siècle, au gré de deux changements de paradigme ou « ruptures épistémologiques » qui séparent l’épistémè renaissante de l’Age classique, puis l’Age classique de la Modernité. Le Quichotte de Cervantès (1605-1615) est selon Foucault l’œuvre représentative par excellence de la première rupture épistémologique, car le divorce entre « les mots » et « les choses » s’inscrit au cœur de son dispositif narratif. Mais le trouble épistémologique qu’induit la progressive sécularisation de la pensée occidentale est déjà sensible par exemple dans le Tiers Livre de Rabelais (1546). Chez Rabelais et Cervantès, ce trouble épistémologique s’exprime d’abord par la mise en scène (comique) de la discorde des autorités « savantes » et, plus profondément, de la discordance des discours du « savoir », source d’une suspension sceptique du jugement. Ce travail s’attache à mettre en lumière, dans des fictions narratives qui prennent acte de la seconde rupture épistémologique du tournant des XVIIIe-XIXe siècles, certaines analogies structurelles et stylistiques avec les fictions critiques de la Renaissance finissante : dans Les Affinités électives de Goethe (1809) et Bouvard et Pécuchet de Flaubert (1881), œuvres de la conquête de la modernité, la remise en cause des discours savants hérités de la Raison des Lumières rejoint un esprit de rébellion antidogmatique et humoristique qui caractérisait certains textes troublés de la fin de la Renaissance : contre le mouvement de spécialisation des discours savants qui aboutit, à la fin du XIXe siècle, à l’éviction de la « littérature » hors du champ de la connaissance désormais réservé aux « sciences », Goethe et Flaubert revendiquent pour la fiction littéraire une légitimité inédite, conquise sur les baudruches des faux savoirs. Mots-clés : Cervantès, épistémè, Flaubert, Foucault, Goethe, ménippée, Rabelais, rupture épistémologique, scepticisme, sério-comique

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L’utopie mystifiante du savoir dans Mardi d’Herman Melville

Résumé: La recherche d’une belle étrangère, disparue, à travers l’archipel de Mardi se double de la quête d’une vérité qui ne cesse de se dérober. Le narrateur qui se fait passer pour un demi-dieu incarne la tentation du savoir absolu. En contrepoint, les commentaires ironiques de ses compagnons de voyage mettent en lumière les limites prosaïques de la connaissance humaine. Il ne subsiste du rêve encyclopédique que des bribes burlesques. En définitive, la connaissance repose sur une forme de croyance et la foi en la science confine à la folie.

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Dantec et Narby : Sciences, épistémologie et fiction

« Le livre de Jeremy, que j’avais lu en 1996, avait été un tel choc, révélant des données scientifiquement collectées dont j’avais plus ou moins intuitivement deviné l’existence (coexistence métamorphique de l’ADN et du cerveau), que je devais en faire une des pierres angulaires de ce premier « roman d’anthropologie métahumaine » que fut Babylon Babies.» Maurice Dantec, Laboratoire de catastrophe générale, p. 67[[L’on désignera dorénavant par des abréviations les livres les plus cités : BB : Babylon Babies, Paris, Gallimard, folio SF, 1999. ThOp : Le théâtre des opérations, Journal métaphysique et polémique, 1999, Paris, Gallimard [Folio, 2000]. ThOp : Laboratoire de catastrophe générale, Journal métaphysique et polémique 2000-2001, Paris, Gallimard, folio, 2001 : LCG ; American Black Box, Le théâtre des opérations, 2002-2006, LGF, coll. Le Livre de Poche, 2009. VV : Villa Vortex, Paris, Gallimard, La Noire, 2003. PP : Périphérique, Paris, Flammarion, 2003. LSP : Le serpent cosmique. Les intiales M.G.D. désigneront Maurice G. Dantec et J.B., Jeremy Narby. Ouvrages de Narby discutés : Intelligence dans la nature, Buchet-Chastel, Paris, 2005 (trad. Intelligence in the Nature, Tarcher, N.Y. 2005) ; Narby Jeremy et Huxley Francis, Chamanes au fil du temps, Paris, Albin Michel, 2002 ; Narby Jeremy, Dubochet, Jacques, Kiefer Bertrand, L’ADN devant le souverain : Science, démocratie et génie génétique, Genève, Georg éditeurs, 1997 ; Narby Jeremy, Le serpent cosmique : L’ADN et les origines du savoir, Genève, Georg éditeurs, 1995 (trad. The Cosmic Serpent: DNA and the Origins of Knowledge, Tarcher, 1999); Narby Jeremy, Amazonie, l’espoir est indien, Paris, Favre, 1990; Narby Jeremy, Beauclerck John, Townsend, Janet, Indigenous Peoples: A Fieldguide For Development, Oxford, Oxfam, 1988.]].

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Le vivant, l’organisme et la morphologie : repenser la forme au début du XIXe siècle. L’exemple de Goethe

Les nombreux essais qui encadrent La Métamorphose des plantes sont autant de récits qui analysent la formation scientifique de Goethe, son rapport aux savoirs du vivant, et la mise en forme littéraire d'une telle expérience. Ces écrits participent d'une pensée de la forme qui met en relation le sujet et les objets perçus (la nature) : c'est dans la conscience que s'élabore la mise en forme du monde et la mise en forme artistique. La morphologie devient une science de la métamorphose et permet de rendre compte de l'unité de la démarche scientifique et artistique de Goethe.

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Sophie Calle: le corps exposé

Au XXe siècle, et plus encore depuis les années soixante avec l’avènement de la libération sexuelle et le féminisme, le corps s’est affranchi des anciennes contraintes sociales et morales de la société. Le corps est alors réinventé et devient un instrument de pratiques sociales, un corps organique, un corps subjectif, enfin, un corps matériel, exploité par plusieurs artistes et auteurs qui en font un objet de représentation.

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Flaubert et le philosophique : éthique et esthétique

Par le travail de l’intertextualité, perceptible dans les énoncés de sa correspondance, mais aussi par la forme critique – qui est encore une forme de pensée – Flaubert conserve un rapport au philosophique. Il est même au centre de son esthétique et de son éthique parce que la Vérité étant frappée d’immoralité lorsqu’elle a la forme d’un discours, il lui faut régler différemment le rapport de l’œuvre au cognitif. [Une version imprimable de cet article est accessible en pied de page.]

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Declinaciones epistémicas de la metáfora en Sol absolu de Lorand Gaspar // Déclinaisons épistémiques de la métaphore dans Sol absolu de Lorand Gaspar

Este estudio indaga la naturaleza «plástica» del contenido epistémico cuando adquiere actuaciones literarias. Para ello se ofrece un análisis de algunos de los modelos metafóricos de la obra Sol absolu (1972), de Lorand Gaspar. Se glosan distintas estrategias enunciativas que revela la estructura metafórica de la obra en las que la inserción del conocimiento juega un papel crucial. En sus diversas modulaciones, el episteme, raíz o núcleo del pensamiento conceptual, se expresa aquí en el entramado de terminología científica que despliega la obra literaria. Se trata, sin embargo, de un entramado conceptual que adquiere valores poéticos. La cuestión central del estudio consiste en dilucidar cómo opera el conocimiento en la generación de enunciaciones poéticas, principalmente a través de dispositivos metafóricos; esta averiguación conducirá a elaborar una síntesis de los mecanismos que caracterizan la metaforología de la obra. Palabras clave: metáfora, episteme, estésis, Lorand Gaspar, Sol absolu. Cette étude sonde la nature « plastique » du contenu épistémique lorsqu’il s’incarne sous des formes littéraires. Pour cela, elle propose une analyse de quelques-uns des modèles métaphoriques de l’œuvre Sol absolu (1972), de Lorand Gaspar. Y sont commentées plusieurs stratégies énonciatives que révèle la structure métaphorique de l’œuvre, dans lesquelles l’insertion de la connaissance joue un rôle crucial. Dans ses diverses modulations, l’épistémê, racine ou noyau de la pensée conceptuelle, s’exprime ici dans l’entrelacs de terminologie scientifique que déploie l’œuvre littéraire. Il s’agit cependant d’un entrelacs conceptuel qui acquiert des valeurs poétiques. La question centrale de l’étude consiste à élucider comment la connaissance opère pour produire des énonciations poétiques, principalement au travers de dispositifs métaphoriques ; cette investigation amènera à élaborer une synthèse des mécanismes qui caractérisent la métaphorologie de l’œuvre. Mots-clés : métaphore, épistémê, esthésie, Lorand Gaspar, Sol absolu.

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Habiter en nomade le « je » (Lecture et écriture du « je » dans Prison, de François Bon)

Résumé : Le récit et la fiction en prose, parce qu’ils utilisent le langage de l’expérience humaine, et par là, les déictiques qui renvoient, par le pronom Je, à la proprioception de soi, ou à la localisation d’un soi, permettent la projection d’une conscience lectoriale qui soit aussi un corps imaginaire, voyageant dans un univers fictif ou réaliste. Dans le texte de François Bon, Prison (1997), récit d’atelier d’écriture en prison, est donnée à lire la construction d’un sujet, à travers la consigne évoquant le mot « foyer », et ce qu’il implique de lien entre le lieu et la vie intime. Écrivant à travers une langue commune à l’auteur et au lecteur, dans un discours intérieur qui se façonne sous nos yeux, le texte propose un lien entre espace et vie interne. A travers le « je » habitable par tous (nouement de la proprioception et du langage, selon les démonstrations de François Récanati), à travers les embrayeurs de lieu qui incitent à promener un corps imaginaire dans un espace (selon Deixis in narrative et les travaux de Käte Hamburger), et l’usage des temps multipolaires (expliquant l’ubiquité du lecteur, selon Marcel Vuillaume, permettant d’être en plusieurs lieux à la fois), les analyses fondées sur la philosophie du langage et la pragmatique tendent à étayer l’hypothèse selon laquelle le lecteur projette un corps imaginaire dans un espace, et non seulement un esprit, lors de l’immersion dans sa lecture, surtout quand lui sont donnés à lire des déictiques de première personne ou des coordonnées spatiotemporelles égo-centrés. On peut donc considérer que la parole intérieure du lecteur, modelée par la voix du texte, génère un corps imaginaire dont les mouvements et déambulations délimitent un « espace intérieur ». Mots clés : Monologue intérieur, déictiques égo-centrés, embrayeurs, projection du lecteur, immersion du lecteur, théorie de la lecture, empathie du lecteur, littérature française contemporaine, François Bon, François Récanati, Vincent Descombes, Christian Metz, Atelier d’écriture, écrire sa vie.

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Ciencia que acontece como literatura // Science qui advient comme littérature

Este artículo intenta reflexionar sobre los modos en que la ciencia y la tecnología ejercen su influencia sobre la literatura contemporánea, y cómo propician nuevas formas y estilos, aportan poderosas metáforas, y determinan y modifican los procesos de creación. La literatura que abordase el presente con pretensión de «realismo científico» se aferraría excesivamente a las nociones reduccionistas proporcionadas por la «ciencia-mito» –la interpretación hipertélica tecno-comercial del conocimiento científico–, quedando despojada de su potencia especulativa y, por lo tanto, reduciendo su intensidad estética. El objetivo de este ensayo es resaltar la obra de algunos autores contemporáneos que van más allá del «realismo eliminativo» inspirado por la ciencia-mito y abren nuevos caminos de especulación en la poesía y la narrativa. Palabras clave: Física, Neurociencia, Ciencia-Mito, Ficción Cuántica, Estética Especulativa. Literatura Mética. Cet article tente de réfléchir aux modes selon lesquels la science et la technologie exercent leur influence sur la littérature contemporaine, et comment elles favorisent l’émergence de nouvelles formes et styles, apportent de puissantes métaphores, déterminent et modifient les processus de création. La littérature qui aborderait le présent avec une ambition de « réalisme scientifique » se cramponnerait à l’excès aux notions réductionnistes fournies par la « science-mythe » –l’interprétation hypertélique techno-commerciale de la connaissance scientifique–, pour finir, dépouillée qu’elle serait de sa puissance spéculative, par perdre une bonne partie de son intensité esthétique. L’objectif du présent essai est de mettre en lumière l’œuvre d’auteurs contemporains qui dépassent le « réalisme suppressif » inspiré par la science-mythe et ouvrent de nouvelles voies de spéculation à la poésie et la littérature narrative. Mots-clés: physique, neuroscience, science-mythe, fiction quantique, esthétique spéculative, littérature métique.

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Body, Interiority and Affect in Memoria Histórica Cinema : Can Cinema of Empathy Advance the Cause of the Victims of Fascism?

Abstract : Whether fictional narratives can make us more empathic has been widely discussed and is still a controversial topic. Can fiction help us feel the pain of others? Can it promote pro-social behavior to aid the victims of human rights abuse? The present essay explores these questions in connection to the cinema of memoria histórica [Spanish historical memory], born from the need to revisit the trauma of Spanish fascism, which originated in 1936 during the Spanish Civil War and terrorized Spaniards until the end of Franco’s dictatorship in 1975. The article introduces the notion of cinema of empathy: a type of cinema—often tied to a film genre that features human rights abuse as a central theme, such as the historical memory genre—featuring a high density of scenes of empathy. In these scenes, the human face, the eyes, and the energy created among human bodies are employed as a strategy to both portray and elicit resonance and enactment empathy—among characters and between the characters and the audience—potentially inducing a pro-social behavioral response in the audience, in connection to an ethical-socio-political problem presented in the film. A prototype of cinema of empathy within the memoria histórica genre is the film La voz dormida [The Sleeping Voice] (2011). This film is structured around the affective experience of the characters and features a high density of scenes of empathy centered on the human face and the eyes. However, more importantly, it focuses on the body and the affective energy created and communicated among bodies: bodies abused, bodies assembled in solidarity, bodies that show, hide, and leak their emotional interiority. The essay ends with a discussion of the potential effects of empathic cinematic strategies in the ideological context of contemporary Spain, as well as their potential benefits for the advancement of historical memory activism. Although a correlation between empathic intention, empathic filmic strategies, and empathic audience responses cannot be established and despite the lack of sufficient empirical studies on empathic response to film as well as on the empathy-altruism connection, a cinema of empathy as a distinct type of film currently exists and is practiced in connection to certain genres centered on human rights abuse, such as the memoria histórica genre. Insights from a diversity of disciplines in the humanities and the sciences (narrative and film studies, social neurosciences, sociology, history, etc.), efficiently channeled through the interface known as cognitive approaches, may provide the grounds for future empirical studies to help us corroborate, nuance, and/or reject our initial hypotheses on the power of fiction to elicit empathy and pro-social behavior. Résumé : Qu'un récit puisse nous rendre plus empathique est toujours sujet à débat. Une fiction peut-elle nous faire ressentir la douleur d’autrui ? Peut-elle promouvoir les comportements pro-sociaux venant en aide aux victimes d'abus des droits humains ? Cet article explore ces questions en lien avec le cinéma espagnol faisant un travail de mémoire historique face à la période fasciste qui s'ouvre en 1936, pendant la guerre civile espagnole, et qui terrorise la population jusqu'à la fin de la dictature franquiste en 1975. Nous y introduisons la notion de cinéma de l'empathie : un type de cinéma caractérisé par sa densité en scènes suscitant l'empathie du spectateur. Dans ces scènes, les visages, les yeux et l'énergie circulant entre les corps sont employés pour à la fois représenter et susciter l'empathie – entre les personnages et avec les spectateurs – favorisant potentiellement une réponse pro-sociale en lien avec les problèmes éthiques, sociaux ou politiques présentés dans le film. Le film La voz dormida (2011) constitue un prototype du cinéma de l'empathie, en se concentrant notamment sur les visages, les yeux, et surtout les corps et leur énergie affective : corps violentés, corps solidaires, corps montrant ou dissimulant leurs états émotionnels. L'article discute finalement des effets potentiellement bénéfiques du cinéma de l'empathie dans le contexte espagnol actuel, et de l'activisme mémoriel. Keywords : Cinema of empathy, fascism, Spain, Spanish civil war, historical memory, affect, embodiment, spectatorship, activism, human rights, altruism, pro-social behavior, film studies Mots-clés : Cinéma de l'empathie, fascisme, Espagne, guerre civile espagnole, mémoire historique, affect, incarnation, spectature, activisme, droits humains, altruisme, comportement pro-social, études cinématographiques

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